M. Philippe Dominati. Depuis le début de notre discussion sur les articles 14 et 15, nous voyons, amendement par amendement, s’amonceler les difficultés.

Mme la ministre, qui a évoqué la liberté de l’entrepreneur, a très bien compris que mon amendement vise à laisser cette liberté, à maintenir le système actuel et à conserver le texte initial tel que le Gouvernement l’a soumis à l’Assemblée nationale.

M. le rapporteur général de la commission des finances parle bien d’un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat, c’est-à-dire entre les différents intérêts, mais tout cela reste très confus.

Pour ma part, je propose réellement la liberté et la simplification. Je maintiens donc mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Madame la ministre, je voudrais être certain de bien comprendre ce que vous nous proposez.

Votre amendement reprend, à l’alinéa 22, la disposition que j’avais moi-même proposée à l’alinéa 20 et qui m’entraînait, contrairement à votre amendement, à supprimer les alinéas 21 et 22.

Je voudrais savoir si l’entreprise devra tout de même payer en l’absence de succès. Car il me paraît essentiel qu’une entreprise contractant avec un cabinet de conseil ne rémunère ce dernier qu’en cas d’aboutissement du dossier et après réception des fonds correspondants au remboursement du CIR.

C’est un point extrêmement important pour les PME, afin d’alimenter leur trésorerie et de leur permettre de n’engager la dépense qu’en cas de réussite. On ne peut pas demander aux entreprises de payer en cas d’échec et avant même d’avoir obtenu les crédits !

Madame la ministre, si les seuils que vous proposez – ils sont identiques à ceux qui figurent dans mon amendement – sont accompagnés de la liberté pour les entreprises de payer les intermédiaires exclusivement en cas de succès et seulement à partir du moment où elles disposent de la trésorerie correspondante, je pourrai me rallier à votre amendement.

M. Philippe Dominati. L’amendement du Gouvernement est un amendement de repli !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Adnot, pour répondre à votre interrogation, c’est le principe même de la rémunération proportionnelle qui est exclu dans mon amendement. Il s’agit tout simplement, et je rejoins en cela le souci exprimé tant par M. le rapporteur général que par M. le président de la commission des finances, d’éviter une espèce de parasitisme d’avantages fiscaux.

Autrement dit, nous privilégions le principe d’une rémunération fixe, dont les modalités doivent être déterminées librement entre les parties, parce que nous sommes encore dans un régime de libre entreprise, mais cette rémunération ne peut être ni subordonnée à la réussite de l’opération ni proportionnelle aux gains réalisés par l’entreprise.

Je ne peux pas, me semble-t-il, être plus claire.

M. Philippe Dominati. Dans 70 % des cas, ce sera une charge pour les entreprises !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Déductible de leurs bénéfices !

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Madame la ministre, il ne s’agit pas de demander le beurre et l’argent du beurre. Ce que je propose ne coûte pas un centime d’euro de dépenses supplémentaires pour l’État. En l’occurrence, il s’agit simplement de savoir si l’on va charger un peu plus ou non les entreprises.

Votre amendement est du pain béni pour les sociétés de conseil, puisqu’elles seront payées que l’opération réussisse ou pas.

Je propose, moi, de fixer les mêmes sommes, mais de ne les payer qu’en cas de succès.

Mon amendement est donc à l’avantage des entreprises, tandis que le vôtre favorise l’ensemble des cabinets de conseil, qui seront payés dans tous les cas, et plombe un peu plus la trésorerie des entreprises.

Je ne comprends pas pourquoi vous ne pouvez pas vous rallier à ma proposition. Je suis d’accord avec votre amendement, mais laissez donc la liberté aux entreprises !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À ce stade du débat sur les success fees, permettez-moi d’évoquer une anecdote qui nous a été rapportée en commission des finances par le dirigeant d’une institution importante ; elle permet de mesurer l’effet levier du crédit d’impôt recherche.

Un jour, un cabinet spécialisé dans la préparation des dossiers de crédit d’impôt recherche a démarché un président de banque. Apprenant que ce dernier ne percevait pas le CIR, le responsable du cabinet, arguant du fait que son interlocuteur disposait de salles de marché et d’équipes travaillant quotidiennement sur des algorithmes, donc avait une activité de recherche et de développement, lui a proposé de l’aider à constituer un dossier de demande de CIR, moyennant des honoraires représentant 30 % du montant du CIR versé par l'État ! Je parle sous le contrôle de mes collègues de la commission des finances. C’est cela, les success fees !

On le voit, s’il n’est pas forcément un levier extraordinaire pour déclencher de la recherche, le crédit d’impôt recherche provoque des réflexes et donne naissance à toute une activité d’optimisation.

Voilà ce qui se produit à chaque fois que vous créez des régimes particuliers, des dérogations, des exceptions et que vous densifiez un peu plus le code général des impôts, dont la complexité crée une véritable inégalité devant l’impôt.

Il faut donc prohiber les success fees. Je voterai l’amendement n° I-470 du Gouvernement. Cela étant, je reconnais que ce n’est pas simple et qu’il peut y avoir quelque chose d’arbitraire dans de telles opérations.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Jégou. Je suis très embarrassé.

Dans un premier temps, je comptais me rallier à votre amendement, madame la ministre. Mais il faut reconnaître que notre collègue Philippe Adnot n’a pas tort.

En outre, monsieur le président de la commission des finances, malgré toute l’amitié que je vous porte, je dois vous dire que les success fees ne concernent pas uniquement les cas que vous venez de décrire. L’exemple que nous avons en effet entendu en commission des finances concerne des opérations qui n’ont rien à voir avec les activités des PME.

Je ne veux pas insister lourdement. Certes, j’obtiens en partie satisfaction, mais je crois, madame la ministre, que vous êtes aussi hésitante que moi. J’avoue que je ne sais pas quelle décision prendre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons récemment consacré beaucoup de temps aux réseaux consulaires, qui sont faits pour entourer et aider les entreprises.

Nous le savons, les entreprises adhèrent à différentes unions, qui ont des services communs et qui sont là pour défendre leurs intérêts.

Si tout ce petit monde était bien organisé, ne trouverait-il pas en lui-même la capacité de mutualiser les études, afin de présenter des dossiers qui tiennent debout pour bénéficier, s’il y a lieu, du crédit d’impôt recherche ?

Pour ma part, je suis très sensible aux arguments développés par M. le président de la commission des finances lorsqu’il souligne le fait que tous ces régimes favorisés ou particuliers suscitent la création de professions d’intermédiaires, dont l’objectif est de maximiser la dépense fiscale.

Certes, tout cela est légal : les textes sont d’ordre public et il convient de les appliquer de la manière la plus précise possible.

Pour autant, faut-il encourager – c’était la réaction que je voulais livrer tout à l’heure – le principe du success fee dans de tels cas ? Cela signifie bien que l’on aura une incitation d’autant plus forte que l’on confiera à un tiers le carnet de chèques de l’État !

Le raisonnement du président de la commission des finances vous a conduits tout à l’heure, mes chers collègues, à vous montrer très rigoureux à l’égard des grands groupes. Cela nous a permis de gagner plus de 100 millions d’euros ; après tout, je me résigne à ce vote, compte tenu de son résultat favorable pour l’article d’équilibre.

Je pense sincèrement qu’il faut appliquer la même attitude rigoureuse dans le cas présent. Est-ce une bonne manière de procéder ? Est-ce un bon exemple à donner que d’encourager la rémunération variable, c’est-à-dire le maximum de tirages sur les finances publiques ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-96.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-97.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-98.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Jégou, l’amendement n° I-287 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L’amendement n° I-287 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° I-94.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-37.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-470.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° I-417 rectifié, présenté par MM. About, Détraigne, Maurey et Jarlier, Mme Férat, M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 27

Remplacer les taux :

50 % et 40 %

par les taux :

40 % et 35 %

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Depuis que nous avons entamé l’examen de l’article 15, tous les orateurs ont indiqué que le crédit d’impôt recherche, le CIR, était un excellent instrument de dynamisation de la recherche privée (M. le président de la commission des finances fait un signe de dénégation), à condition qu’il soit parfaitement encadré et qu’il ne soit entaché d’aucun soupçon d’optimisation fiscale ou d’effet d’aubaine.

Dans ce contexte, l’amendement déposé par M. About et les membres du groupe Union centriste vise à répondre à une autre préoccupation : soutenir et encourager les entreprises nouvellement engagées dans la recherche. La loi prévoit actuellement de porter le taux du CIR de 30 % à 50 % pour la première année, puis à 45 % la deuxième année. Nous trouvons cette progression un peu trop forte par rapport au taux initial de 30 %. En outre, elle nous semble dépourvue de l’effet incitatif nécessaire pour que d’autres entreprises s’engagent dans des travaux de recherche et de développement.

Selon nous, une augmentation de 30 % à 45 % la première année et de 30 % à 40 % la deuxième année aurait le même effet et serait largement suffisante.

Nous voulons en effet éviter que certains grands groupes ne soient exposés à la tentation de créer des filiales dans le seul objectif de bénéficier d’un effet d’aubaine.

Madame la ministre, vous affirmiez tout à l’heure que 100 millions d’euros, ce n’est pas énorme. Notre mesure, comme celle qui est proposée par le président de la commission des finances, permet justement de récupérer une telle somme.

Comme le déclarait Raymond Devos : « Rien, ce n’est rien, mais trois fois rien, c’est déjà quelque chose ! » (Sourires.) De même, 100 millions, ce n’est pas rien ; et deux fois cette somme, cela commence à peser sur l’équilibre de nos comptes publics !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à diminuer la majoration pour CIR dont bénéficient pendant deux ans les entreprises ne l’ayant pas perçue depuis au moins cinq ans. Il s’agit d’une proposition intéressante.

Pour des raisons liées aux difficultés auxquelles nos finances publiques sont confrontées, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Badré, je n’ai jamais dit : « 100 millions d’euros, ce n’est rien » !

M. Denis Badré. C’était juste une provocation !

Mme Christine Lagarde, ministre. C’est beaucoup ! Mais, et vous en conviendrez, cela fait tout de même moins que les 3,2 milliards d’euros consacrés au CIR !

Je comprends l’esprit de votre amendement : vous souhaitez exclure les grands groupes du bénéfice du taux préférentiel – je dirais même du taux d’appel – proposé aux entreprises ne bénéficiant pas du CIR parce qu’elles ne se sont pas lancées dans des travaux de recherche et de développement depuis plus de cinq ans.

Or, avec une telle mesure, vous allez sanctionner non pas les grands groupes – la plupart bénéficient déjà du CIR, et de manière récurrente, puisqu’ils ont dorénavant droit à 30 % de crédit d’impôt recherche jusqu’à 100 millions d’euros –, mais les PME.

Le CIR, qui est un produit d’appel, a été conçu pour les PME, c’est-à-dire toutes les entreprises dont parlait Jean-Pierre Fourcade, celles qui ne faisaient jusqu’à présent pas de recherche et de développement, ou seulement de manière réduite, en tout cas sans s’engager dans une démarche de crédit d’impôt recherche.

C’est pour aider ces PME françaises, qui ne consacrent aujourd’hui pas assez d’argent à la recherche et au développement, que nous avons mis en place les taux d’appel de 50 % pour la première année, de 40 % pour la deuxième et, comme il ne faut pas trop s’habituer aux bonnes choses, de 30 % en régime de croisière.

Cet amendement ne permet donc pas d’atteindre l’objectif louable que vous poursuivez. Le Gouvernement n’y est donc pas favorable, d’autant qu’il souhaite fortement encourager les PME implantées sur notre territoire à s’engager dans la voie de la recherche et du développement. Nous voulons des PME solides, qui déposent des brevets, qui investissent et qui créent des emplois dans notre pays.

Par conséquent, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Badré, l’amendement n° I-417 rectifié est-il maintenu ?

M. Denis Badré. Au risque de faire de la peine à Mme le ministre, je maintiens mon amendement.

Je disais en préambule que le CIR était un excellent instrument, mais qu’il devait être parfaitement encadré.

Pour aider les petites entreprises à s’engager dans la recherche, si on a 100 millions d’euros, il faut les leur réserver exclusivement. Or, dans le dispositif actuel, une partie de cette somme disparaît sous forme d’effets d’aubaine. Ce n’est pas bien ! Il faut éviter à tout prix que les grands groupes ne soient tentés de créer des filiales aux seules fins de réduire leurs impôts.

Le taux que nous proposons dans cet amendement est largement suffisant pour inciter les PME à s’engager dans des travaux de recherche.

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.

M. Serge Dassault. Je ne sais pas ce que vous avez contre les grands groupes, mon cher collègue, mais je vous signale qu’ils ont autant besoin d’argent que les petits ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

Le CIR est un outil formidable pour promouvoir l’emploi et la création de nouveaux produits. Vous faites des histoires pour déterminer si telles ou telles entreprises méritent ou non d’être favorisées, s’il faut aider ou non ceux qui les aident… C’est stupide !

L’important, c’est donner aux entreprises les moyens de créer de nouveaux produits. À défaut, elles iront faire de la recherche à l’extérieur, et ce sont des pays autres que le nôtre qui en profiteront.

Toutes les entreprises doivent bénéficier de cette aide, et à égalité, qu’il s’agisse des PME, des entreprises de taille intermédiaire ou des grands groupes.

Vous affirmez que les grands groupes vont créer de nouvelles unités ou des filiales dans le seul objectif de bénéficier du CIR. Il ne faut pas dire n’importe quoi ! C’est faux !

Les grands groupes ont des personnels pour faire de la recherche et du développement. Encore faut-il qu’ils disposent de moyens financiers suffisants, ce qui n’est pas forcément le cas.

Nous avons un outil formidable. Je ne vois pas pourquoi on en limiterait le bénéfice aux seules PME. Pourquoi les entreprises de taille intermédiaire et les grands groupes n’y auraient-ils pas droit ?

Cessez d’imaginer d’éventuels effets d’aubaines ou d’hypothétiques détournements du dispositif par le biais de création de filiales !

Les entreprises ont besoin de travailler et de développer des produits nouveaux. Si on ne les aide pas, tout le monde sera chômage, il ne restera plus rien à prélever et l’État sera en faillite !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. J’invite vraiment le Sénat à rejeter cet amendement. Le dispositif du CIR est véritablement destiné, au travers d’un mécanisme incitatif, à encourager les PME à faire de la recherche.

Je comprends votre préoccupation, monsieur Badré. Vous ne voulez pas que les grands groupes bénéficient de ces taux d’appel de 50 %, 40 %, puis 30 %, car vous craignez qu’ils ne détournent le dispositif en créant des filiales pour profiter d’un effet d’aubaine.

Je vous le rappelle, l’Assemblée nationale a voté un dispositif anti-abus prévoyant le cas que vous évoquez. Cette mesure permet d’exclure du bénéfice du CIR à 40 % et 50 % les sociétés dont l’actionnaire principal aurait déjà profité du crédit d’impôt dans le passé. Votre amendement est donc d’ores et déjà satisfait.

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.

M. Denis Badré. Si mon amendement est satisfait, je le suis aussi… Mais il appartiendra à la commission mixte paritaire de juger lequel des dispositifs anti-abus, celui de l’Assemblée nationale ou le nôtre, est le meilleur.

Au demeurant, si les députés ont voté une telle mesure, c’est bien qu’ils partagent mes craintes. Mon amendement n’est donc pas complètement idiot ! J’en profite pour rassurer mon excellent collègue Serge Dassault. Je n’ai rien contre les grands groupes, et j’essaie de ne pas dire « n’importe quoi » et de ne pas tenir de propos « stupides » ! Mais je n’insisterai pas sur ces effets de séance...

Je rappelle également que la commission des finances a semblé sensible à mon argumentation. Elle n’est pas revenue sur sa position après avoir émis un avis favorable sur mon amendement !

L’adoption de cet amendement nous aidera à élaborer un texte satisfaisant lors de la commission mixte paritaire et permettra à l’État de gagner 100 millions d’euros.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. L’amendement du président Arthuis, qui a finalement été voté par notre assemblée, portait sur le même sujet.

Nous partageons l’objectif de M. Badré. Il faut limiter les effets d’aubaine et l’optimisation fiscale que pratiquent les grands groupes. Mêmes causes, mêmes effets… Je pense que l’amendement n° I-259, déposé par le groupe socialiste, est plus efficace.

Venons-en au bilan. Permettez-moi, madame la ministre, de citer les chiffres figurant dans le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale sur le CIR.

Entre 2007 et 2008, le nombre de holdings ayant bénéficié du CIR a plus que doublé, passant de 971 à 2 436, tandis que la part des PME indépendantes a peu progressé, passant de 6 314 entreprises à 6 759 en 2008. L’effet tant attendu de ce dispositif n’est donc pas encore vraiment au rendez-vous pour ces entreprises.

La pratique consistant à créer des filiales pour bénéficier au maximum de l’effet d’aubaine du CIR dans les premières années existe bien, et profite à de nombreux grands groupes. On pouvait encore hésiter l’année dernière, mais pas cette année ! À moins de considérer que les différentes études menées sur le sujet sont nulles et non avenues ! Nous aurons besoin d’avoir de la clarté sur cette pratique, de même que sur les dépenses de fonctionnement qui sont prises en compte.

Ne dites donc pas que le CIR bénéficie à plein aux PME indépendantes, madame la ministre. Ce n’est pas vrai !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. C’est un sujet qui me tient à cœur, car je le considère déterminant pour l’attractivité de notre territoire et pour nos PME.

Depuis la réforme de 2007, qui a mis en place ces taux d’appel de 50 % et 40 %, deux tiers des nouvelles entrantes dans le dispositif sont des PME. Sur les 3 000 nouvelles entreprises bénéficiaires, 60 % n’avaient jamais fait de travaux de recherche et développement. On retrouve les mêmes chiffres dans le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle, dans le rapport Gaudin et dans celui de l’Inspection générale des finances. (Mme Nicole Bricq le conteste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Je comprends le point de vue de M. Badré, mais son amendement tend à exclure du dispositif les PME qui souhaitent en bénéficier.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il ne les exclut pas ; il leur donne un avantage supplémentaire !

M. Philippe Adnot. Il faudrait trouver une autre solution contre les abus, mon cher collègue.

On pourrait par exemple proposer que le CIR s’applique seulement aux entreprises ayant une certaine durée d’existence, ou à celles qui ne sont pas des filiales d’autres entreprises. Mais il me paraît exagéré de pénaliser les PME au motif d’éviter l’optimisation fiscale recherchée par quelques grands groupes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-417 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean Desessard. Une seconde délibération ?... (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° I-99, présenté par MM. P. Dominati, Cambon, du Luart, A. Dupont, Revet et Milon, Mmes Sittler et Hermange et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Après le mot :

associé

insérer les mots :

, excepté les sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation ou des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 du présent code entre les entreprises et ces dernières sociétés ou ces fonds,

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. L’activité des fonds d’investissement, et notamment des fonds de capital-risque, les amène à investir dans de jeunes entreprises technologiques dont le risque de défaillance est élevé.

À travers ces prises de participation des fonds, les entreprises disposent de moyens financiers pour développer leurs innovations technologiques et financer leur croissance.

En général, le développement de ces innovations demande quelques années, pendant lesquelles les entreprises sont structurellement déficitaires, par manque de chiffre d’affaires.

Ces activités déficitaires conduisent chaque année des entreprises à déposer le bilan puis à être liquidées. Les fonds de capital-risque prennent donc souvent le risque de subir le dépôt de bilan de ces entreprises quelques années après leur prise de participation.

L’article 15, dans sa rédaction actuelle, ne distingue pas les différentes catégories d’associés. Il paraît pourtant indispensable de ne pas défavoriser les entreprises et leurs associés qui accueilleraient dans leur capital des fonds d’investissement qui, par leur activité, auraient eu, au cours des cinq dernières années, une participation supérieure à 25 % dans une entreprise ayant subi une liquidation judiciaire ou amiable et n’ayant plus d’activité effective.

Mes chers collègues, parce que c’est la nature même de ces fonds à risques, il est très probable que certains d’entre eux auront subi, au cours des cinq années précédentes, une telle mésaventure dans le cadre d’un investissement.

Par conséquent, cela pénaliserait d’autres entreprises qui essaieraient de se lancer, puisqu’elles s’interdiraient une participation de 25 % à leur capital.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En votant l’amendement précédent, qui allait dans la direction opposée, nous avons refusé le bénéfice du taux majoré à certaines catégories d’entreprises.

Cet amendement-ci tend à accorder le taux majoré dans certains cas. Par cohérence avec le vote qui vient d’être émis, il serait préférable que cet amendement soit retiré, faute de quoi la commission appellerait à son rejet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Je souhaitais initialement émettre un avis favorable sur cet amendement de M. Dominati, mais je suis un peu perplexe, puisque votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, vient de supprimer le taux majoré de crédit d’impôt recherche.

Je me demande s’il ne vaudrait pas mieux retirer cet amendement, malheureusement.

M. le président. Monsieur Dominati, êtes-vous convaincu de la nécessité de retirer l’amendement n° I-99 ?

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, je suis convaincu que, dans l’état actuel des choses, il vaut mieux que je retire cet amendement et que je me consacre à la défense d’autres propositions portant sur des sujets plus importants !

M. le président. L'amendement n° I-99 est retiré.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° I-100, présenté par MM. P. Dominati, Cambon, du Luart, A. Dupont et Milon, Mmes Sittler et Hermange, M. Chatillon et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Cet amendement a trait au sujet très brillamment évoqué tout à l’heure par notre collègue Jean-Pierre Fourcade.

La baisse de 75 % à 50 % du forfait de frais de fonctionnement applicable aux dépenses de personnel de recherche et développement implique mécaniquement une baisse de 7,5 % à 12,5 % du crédit d’impôt recherche, soit une diminution d’environ 500 millions d’euros, sur le budget global concerné.

Cette baisse n’est pas justifiée, car il n’y a à ce jour aucune évaluation précise ni définition officielle de ces frais de fonctionnement.

Les seuls éléments chiffrés disponibles au niveau national sur les frais de fonctionnement émanent d’une enquête menée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en 2007, qui évalue les frais généraux du personnel de recherche, en moyenne, à 60 %, et non à 50 % ,comme le prévoit l’amendement voté par l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, une étude de la direction du Trésor a évalué, de son côté, le taux de frais de fonctionnement à 73 % des frais de personnel.

En l’absence de définition précise de ces frais de fonctionnement permettant de déterminer un taux forfaitaire moyen équitable, il convient de ne pas modifier la règle actuelle, qui semble convenir à tous les bénéficiaires.

La réduction de taux proposée concernerait pratiquement toutes les PME, et la perte serait d’environ 70 000 euros pour chacune de ces entreprises. Les témoignages qu’un certain nombre d’entre nous ont reçus sont particulièrement édifiants. Ainsi, cette entreprise qui considère que ce seul amendement réduirait de 7 % son budget de fonctionnement pour 2011. Il s’agit non pas d’une grande entreprise, mais d’une entreprise de onze salariés, créée en 2007, et dont la totalité des frais est consacrée au personnel.

C’est donc la raison et l’objet de cet amendement, qui consiste à revenir au texte initial et à supprimer l’alinéa 35 de l’article 15 du projet de loi dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.