compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,

M. Jean Desessard.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à deux commissions mixtes paritaires

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXsiècle.

J’informe le Sénat que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France.

Ces listes ont été affichées et la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires auront lieu conformément à l’article 12 du règlement.

3

Dépôt d'un document

Mme la présidente. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 64 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, le bilan de l’expérimentation de facturation individuelle et directe des consultations et séjours aux caisses d’assurance maladie par des établissements de santé publics et privés d’intérêt collectif.

Acte est donné du dépôt de ce document.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales et est disponible au bureau de la distribution.

4

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, j’interviens sur le fondement des articles 101 à 103 de notre règlement, qui concernent, entre autres, le rôle des questeurs.

Nous avons tous reçu une lettre par laquelle les questeurs nous informaient que, dans un souci d’économie, ils avaient décidé de supprimer les abonnements des sénateurs au Journal officiel, aussi bien l’édition des débats que le fascicule des questions.

Je dois dire que je suis foncièrement étonné de la conception qu’ont les questeurs du travail de sénateur !

Je signale par ailleurs qu’au cours du conseil de questure qui a décidé de l’arrêt des abonnements ont été débloquées des sommes colossales destinées aux orchidées cultivées dans les serres du jardin du Luxembourg. (M. Jean-Claude Lenoir s’exclame.)

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Elles sont magnifiques, ces serres !

M. Jean Louis Masson. Ainsi, on fait des économies de bout de chandelle sur l’outil nécessaire à notre travail que représente l’édition du Journal officiel alors qu’avec les sommes affectées à la serre des orchidées – j’ai fait le calcul – on pourrait financer l’abonnement au Journal officiel de l’ensemble des sénateurs pendant dix ans !

M. Jean-Claude Lenoir. Les orchidées durent moins longtemps !

M. Jean Louis Masson. Le mépris avec lequel les questeurs considèrent notre travail est invraisemblable !

Peut-être estiment-ils que les sénateurs ne font pas leur travail, ne lisent ni le JO des débats, ni le JO des questions. Eh bien, madame la présidente, ils doivent savoir que certains sénateurs s’efforcent de lire et le JO des débats et le JO des questions. Je proteste avec d’autant plus de force que le fascicule des questions n’est même pas en version PDF sur Internet.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est scandaleux !

Mme Nathalie Goulet. Soyons modernes !

M. Jean Louis Masson. On a créé, dans notre assemblée, une commission supplémentaire, avec voiture de fonction, secrétariat, etc. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Louis Masson. On a bricolé les effectifs des groupes parlementaires pour nommer un président de groupe supplémentaire, qui a besoin de locaux, de secrétaires, d’une voiture, etc…

Je n’ai rien dit contre. Si j’interviens aujourd’hui, c’est parce qu’on est venu s’en prendre à un outil essentiel à notre travail. En effet, si l’on estime que le JO des débats et le JO des questions ne sont plus nécessaires aux sénateurs, il n’y a plus qu’à fermer l’hémicycle !

Si l’on veut faire des économies, on peut aussi couper les micros dans l’hémicycle et demander aux sénateurs de venir avec un porte-voix, chacun payant sa pile électrique ! Cela sera autant d’économies d’électricité pour le Sénat ! Je le dis, tout cela est honteux pour l’image du Sénat !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut revoir tout cela !

M. Jean Louis Masson. En tout cas, supprimer ainsi un instrument nécessaire à notre travail, mépriser ainsi le rôle des sénateurs est proprement scandaleux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Monsieur Masson, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je pense que les questeurs seront attentifs à votre doléance.

Ce que je peux dire, c’est qu’une consultation a été lancée à propos de l’abonnement au Journal Officiel et il semble que la majorité des membres de notre assemblée préfèrent la consultation sur Internet. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je n’ai pas été consultée !

M. Jean Louis Masson. Nous sommes ici 10 % des sénateurs présents, alors, il n’y a plus qu’à clore la séance puisque la majorité des sénateurs n’est pas présente…

Mme la présidente. La parole est à M. le questeur Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini, questeur. Je veux bien que, sur les travées de l’UMP, on approuve les propos de notre collègue de Moselle, M. Masson. Il n’en reste pas moins qu’il est temps de rationaliser certaines dépenses dans cette maison !

Si l’arrêt des abonnements au Journal officiel pose des problèmes, on va reconsidérer la question. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Mais on pourrait aussi répertorier tous les avantages que certains se sont votés dans cette maison ! (Protestations sur les mêmes travées.)

Monsieur Masson, il est hors de question de mépriser le travail des sénateurs de base !

Je sors d’une réunion du groupe de travail sur le statut des sénateurs. Nous avons pris des décisions à l’unanimité, tous groupes confondus. Dans cette assemblée, rien ne se fait au canon. Il est clair que nous consultons avant de décider.

Nombreux sont nos collègues qui souhaitent par exemple la mise en place dans leur bureau d’un véritable réseau d’accès WiFi pour pouvoir entrer directement sur Internet, consulter la presse régionale.

Nous sommes très attentifs à tout ce qui remonte des sénateurs « de base ». Je dis bien « de base », car celui qui a une responsabilité dispose d’un peu plus de confort !

En tout cas, il est hors de question, je le répète, de ne pas laisser les sénateurs travailler ! Pour ceux qui ne souhaitent pas passer à certaines méthodes technologiques plus modernes, on maintiendra le fonctionnement traditionnel.

J’ai écouté l’intervention de M. Masson depuis mon bureau, où se tenait le conseil de questure, et je suis immédiatement venu en séance pour réagir. Je lui demande donc de retirer les propos non fondés qu’il a tenus sur les questeurs.

M. Jean Louis Masson. Je veux bien retirer ce que j’ai dit sur les questeurs si eux retirent la suppression des abonnements !

Mme la présidente. Je pense qu’un dialogue est possible, monsieur Masson !

5

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique
Discussion générale (suite)

Agents contractuels dans la fonction publique

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (projet n° 784 [2010-2011], texte de la commission n° 261, rapport n° 260).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui devant votre assemblée est le prolongement d’un accord syndical qui vise à lutter contre la précarité dans la fonction publique.

Cette forme de précarité, souvent méconnue de nos concitoyens, est d’autant plus inacceptable qu’elle prend racine au cœur même de la République, c’est-à-dire dans nos services publics, dans nos administrations, dans nos collectivités et dans nos hôpitaux.

Cette précarité frappe aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers d’agents contractuels de la fonction publique, employés sous contrats à durée déterminée, CDD, qui sont renouvelés depuis des années pour pourvoir à des emplois correspondant pourtant à des besoins permanents du service public. Ces agents ne jouissent le plus souvent d’aucune garantie quant à leur avenir.

Ce projet de loi entend remédier durablement à cette situation, qui n’est pas nouvelle. Depuis 1946, les gouvernements successifs ont ainsi proposé seize plans de titularisations, le dernier remontant à 2001.

Je veux le redire ici clairement : tous les agents contractuels de la fonction publique ne sont pas confrontés à des situations de précarité, et dans la fonction publique d’État comme dans la fonction publique territoriale, nous devrons, demain comme hier, avoir la possibilité de recourir à des agents contractuels pour répondre à des besoins temporaires, des surcharges de travail ponctuelles, des vacances d’emplois, des remplacements d’agents absents ou encore à des besoins spécifiques.

On ne peut, en revanche, accepter une situation qui a conduit des personnes à rester en CDD, parfois pendant plus d’une décennie.

C’est le sens, mesdames, messieurs les sénateurs, des engagements, pris en janvier 2010, par le Président de la République, des engagements qu’il a réaffirmés voilà à peine quelques jours à Lille lors de ses vœux à la fonction publique : l’État ne peut s’exonérer, lorsqu’il est employeur, des règles qu’il veut faire respecter aux autres. L’État se doit d’être exemplaire dans sa gestion et, dans une période de crise telle que celle que nous traversons, il lui appartient de montrer la voie.

Je ne l’ignore pas, nous avons demandé des efforts importants aux fonctionnaires. Parce que la société change, qu’elle évolue, ils ont eu, dans les trois versants de la fonction publique, à faire face à des mutations profondes. Et nous nous devons d’adresser à tous ceux qui travaillent dans la fonction publique un signal fort, de justice et d’équité.

C’est aussi l’occasion de rappeler notre attachement aux principes fondateurs de la fonction publique, qui s’est bâtie sur un principe énoncé, dès 1789, à l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, celui de l’égal accès de tous les citoyens aux différents emplois publics, et ce « sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

Repris à la Libération dans le statut de 1946, ce principe impose ainsi que les emplois permanents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics relevant de la fonction publique hospitalière soient occupés par des fonctionnaires. Il s’agit d’une garantie offerte à tous les citoyens de bénéficier d’un égal accès à la fonction publique et aux emplois publics, mais aussi de la neutralité et de l’impartialité des services de l’État, ainsi que de l’ensemble des collectivités publiques. C’est également, je veux le souligner, une spécificité du modèle français de service public, à laquelle nous sommes tous ici attachés.

Ce principe fondamental n’est pas, pour autant, d’application absolue. Parce qu’il importait aussi d’assurer à la fois la continuité et la mutabilité du service public, le législateur a, dès 1946, ouvert aux employeurs publics la possibilité d’y déroger pour recourir à des agents contractuels n’ayant pas le statut de fonctionnaires, en vue de répondre tant à des besoins temporaires qu’à certains besoins permanents du service public. Les cas permettant de recourir à ces contrats étaient alors limités, car la place de l’emploi non titulaire dans nos services publics devait être résiduelle et faire figure d’exception.

Force est de constater que, au fil des années, la place de l’emploi non titulaire et le nombre des agents contractuels au sein de nos administrations n’ont eu de cesse de s’accroître. En dépit de la mise en place de seize plans de titularisation, ces agents non titulaires sont aujourd’hui près de 900 000 dans les trois fonctions publiques, ce qui représente un peu moins de 17 % de l’ensemble des effectifs de la fonction publique. Sur ces 900 000 agents, 100 000 sont titulaires de contrats à durée déterminée, renouvelés depuis de nombreuses années.

Sur cette question des emplois précaires, le Gouvernement a engagé, dès 2010, des négociations avec les partenaires sociaux, au cours desquelles nous avons recherché une ligne de partage pour faire coïncider le respect du statut de la fonction publique et la lutte contre la précarité.

Ce n’était pas un exercice facile, comme en témoigne votre rapport, madame Tasca, mais le souci du compromis et la volonté d’avancer pour régler la situation de ces personnes titulaires d’un CDD, parfois depuis douze ou quinze ans, et confrontées à de grandes difficultés dans leur vie quotidienne – j’ai entendu à cet égard des témoignages poignants ! –, nous ont permis de conduire une négociation exemplaire, qui s’inscrit pleinement dans le nouveau cadre du dialogue social au sein de la fonction publique instauré par la loi du 5 juillet 2010. Notre volonté commune était en effet d’apporter des réponses concrètes à ces situations, sans conduire à une remise en cause du statut.

Ce cycle de négociations s’est finalement conclu par un protocole d’accord, signé le 31 mars dernier par six organisations syndicales représentatives sur huit, deux syndicats n’ayant pas obtenu le nombre de voix prévu dans leur règlement interne pour engager leur signature. Ce texte adopté à la quasi-unanimité nous a permis d’avancer, et je tiens à saluer une nouvelle fois l’esprit de responsabilité dont ont fait preuve les partenaires sociaux tout au long de ces discussions.

Certes, nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais; lorsqu’un accord propose des avancées satisfaisantes pour chacun, il convient de le reconnaître et d’y apporter son soutien.

Cet accord, je le rappelle, est le quatrième conclu depuis 2007 entre le Gouvernement et les organisations syndicales. Il nous appartient désormais de le traduire dans la loi de la République.

Si ce projet de loi est voté, comme je le souhaite, l’administration sera tenue d’offrir le bénéfice d’un CDI aux agents titulaires d’un CDD dès lors que ceux-ci auront exercé des fonctions auprès d’elle pendant une durée minimale de six ans, sur les huit dernières années, dans des postes d’emploi permanent. Je rappelle que cette obligation existe dans le secteur privé après dix-huit mois en CDD ! Il s’agit là de la transposition d’une directive tendant à mettre fin à une situation qui n’a que trop duré.

Cette mesure pourrait concerner environ 100 000 personnes, ce qui n’est pas rien ! Je le répète, ces agents titulaires d’un CDD renouvelable sont pénalisés dans leur vie quotidienne. Rechercher un logement, solliciter un prêt (Mme le rapporteur opine), acquérir un bien dans ces conditions statutaires est très compliqué. Il fallait donc trouver une solution rapide.

Par ailleurs, nous ouvrirons aux agents contractuels des voies d’accès spécifiques à l’emploi titulaire pendant une durée de quatre ans à compter de la publication de la loi. Sont concernés les agents employés sur la base d’un CDI ou d’un CDD appelé à être requalifié en CDI, ainsi qu’à l’ensemble des agents en CDD occupant un poste répondant à un besoin permanent du service public, dès lors que ceux-ci auront justifié d’une durée de service totale de quatre ans sur une période de six années consécutives. Des personnes employées par une collectivité ou par l’État pourront ainsi bénéficier d’un poste d’emploi titulaire, grâce à la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle.

Ces voies d’accès, qui prendront la forme d’examens et de concours spécifiques, ont pour objectif de valoriser les acquis de l’expérience et d’ouvrir des perspectives professionnelles aux agents directement concernés.

Je tiens également à évoquer la situation de ces agents non titulaires de l’éducation nationale que l’on appelle les « dix sur douze ». Il s’agit notamment des professeurs contractuels recrutés pour dix mois, puis licenciés pendant les deux mois d’été, et réembauchés à la rentrée.

M. François Sauvadet, ministre. Depuis ma prise de fonctions de ministre de la fonction publique, nombre d’entre eux m’ont fait part de leur inquiétude. Je souhaite que l’on mette un terme à ces situations inacceptables et que l’on réponde aux attentes exprimées par ces agents.

Je vous proposerai donc, par voie d’amendement, d’étendre le bénéfice de la titularisation aux agents qui, à l’instar des professeurs contractuels de l’éducation nationale, sont recrutés sur la base de contrats à durée déterminée de dix mois sur douze consécutifs.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Excellente initiative !

M. François Sauvadet, ministre. Je souhaite que cette mesure fasse l’objet d’une convergence, sinon d’un consensus, car elle permettra de régler la situation de personnes qui se trouvent aujourd’hui en situation de précarité. En déposant cet amendement devant le Sénat, le Gouvernement tient à prendre ses responsabilités en la matière.

Ce texte ne concerne pas seulement le « stock » – expression ô combien malheureuse ! – des personnes concernées. Sa grande nouveauté consiste à régler durablement la question des CDD. Dorénavant, quelle que soit la catégorie dont il relève, tout agent en CDD occupant depuis six ans un emploi répondant à un besoin permanent de son service se verra proposer automatiquement un CDI.

Le Gouvernement a également souhaité clarifier les conditions de recours à des agents contractuels. Leurs situations étaient jusqu’à présent très diverses. Désormais, les procédures de recrutement seront mieux formalisées. Quant à la durée maximale des contrats pour besoin temporaire, elle sera harmonisée et assouplie afin de tenir compte des besoins concrets des collectivités territoriales. En tant que président d’un conseil général, celui de la Côte-d’Or, je sais bien qu’il convient de prévoir les situations de remplacement, d’instabilité ou de vacances de poste limitées dans le temps.

Dans le prolongement de ces deux premières séries de mesures, nous améliorerons également, par voie réglementaire, les droits et la situation de l’ensemble des agents contractuels, qui auront désormais accès aux dispositifs de formation professionnelle. Quant à ceux d’entre eux qui sont recrutés sur des emplois permanents, nous souhaitons qu’ils bénéficient d’un entretien professionnel annuel, qui a remplacé l’ancien système de notation de la fonction publique, que nous avons modernisé.

M. Jean-Claude Lenoir. Et c’est heureux !

M. François Sauvadet, ministre. Il s’agit là, je crois, d’une bonne mesure de management de la ressource humaine.

Enfin, conformément à l’esprit de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, les agents contractuels bénéficieront d’une garantie de représentation au sein de nos différentes instances de concertation.

Ce principe a été mis en pratique lors des élections professionnelles du 20 octobre dernier, à l’occasion desquelles la fonction publique d’État et la fonction publique hospitalière ont été appelées à voter ensemble pour désigner leurs représentants : pour la première fois, des agents non titulaires ont pu participer à ce grand rendez-vous de notre démocratie sociale. Les taux de participation ont d’ailleurs fait la preuve de l’implication des agents et de l’utilité des organisations syndicales représentatives pour assurer un dialogue social de qualité dans la fonction publique.

J’ai pris bonne note de l’avancée que constitue l’adoption de la disposition, proposée en commission par MM. Vial et Portelli, tendant à créer des commissions consultatives paritaires destinées à traiter spécifiquement les situations individuelles des contractuels.

Cette volonté est partagée, notamment, par les organisations syndicales, qui ne souhaitent pas que les situations personnelles des agents contractuels soient examinées au sein des commissions consultatives paritaires. Nous pouvons nous retrouver sur cette proposition. Le Gouvernement sera attentif aux propositions du Parlement en la matière, en particulier à celles du Sénat et aux vôtres, madame le rapporteur.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes de cet accord. Conformément aux engagements pris par le Gouvernement auprès des représentants des organisations signataires, je souhaite que nos débats n’en dénaturent pas le contenu. Je sais que c’est également votre position, madame le rapporteur, car nous nous sommes longuement entretenus à ce sujet.

J’en viens à présent à la lutte contre les discriminations.

J’ai la conviction, mesdames, messieurs les sénateurs, que la fonction publique, pour que son action soit comprise et respectée de tous, doive être à l’image de la population qu’elle sert. Elle doit ainsi être exemplaire dans la lutte contre les discriminations.

Cela vaut pour les discriminations liées à l’origine sociale ou géographique. Je me réjouis, à cet égard, du succès des classes préparatoires intégrées, dont j’ai rencontré certains élèves, souvent issus de la diversité ou de milieux modestes ; leur réussite prouve que nous avons eu raison d’encourager ce dispositif.

Cela vaut aussi pour l’insertion des personnes en situation de handicap, domaine dans lequel nous avons progressé. Nous devons continuer à le faire, comme nous y a encouragé récemment le Premier ministre.

Cela vaut, enfin, pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Il y a du travail !

M. François Sauvadet, ministre. Vous avez raison, madame la sénatrice, nous devons encore progresser ; mais j’y reviendrai.

En l’état, le présent projet de loi vient compléter la loi du 13 juillet 1983 en prévoyant la communication au futur conseil commun de la fonction publique, que je mettrai en place dans les prochains jours, d’un rapport faisant état des actions menées en faveur de l’égalité professionnelle et de l’insertion des personnes en situation de handicap.

Ce rapport, qui sera rendu public, permettra de mesurer l’évolution de la situation. La présentation de ce bilan annuel au sein de cette instance constituera, à n’en pas douter, une avancée incontestable.

Une négociation portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est actuellement en cours avec les organisations syndicales, et devrait me conduire à présenter des amendements devant l’Assemblée nationale.

Je prends l’engagement de ne déposer aucun amendement sans vous l’avoir soumis préalablement, madame le rapporteur. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour améliorer, dans la concertation, l’égalité entre les femmes et les hommes, mais toujours dans le respect du Sénat.

Le projet de loi modifie également la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Cette question de la mobilité me tient particulièrement à cœur. À mes yeux, en effet, il est important que nous donnions à chaque agent de la fonction publique la possibilité de construire son parcours professionnel sur le fondement de ses compétences, de ses goûts et de son implication. Il doit pouvoir bénéficier d’une carrière conforme à ses attentes, à son souci d’exercer un métier différent des autres, consistant à être au service du public.

Les dispositions contenues dans ce projet de loi faciliteront les mobilités au sein de chaque fonction publique – des progrès doivent être réalisés sur ce plan –, mais aussi les passerelles entre les différentes fonctions publiques ; je compte beaucoup sur le conseil commun de la fonction publique pour étudier cette dernière question.

Pour que la fonction publique ne soit pas considérée comme un tunnel – la carrière de celui qui y entre dépendant seulement des points acquis avec le temps –, le management de nos fonctions publiques doit être modernisé.

S’agissant des dispositions du chapitre III du titre III du projet de loi, relatives aux membres des juridictions administratives et financières, j’ai constaté, madame le rapporteur, qu’elles avaient connu une inflation législative, le nombre des articles passant de six à quinze. De plus, sur cette partie que vous avez déjà considérablement enrichie, huit amendements ont été déposés.

Très franchement, je ne souhaite pas que l’importance que cette question tend à prendre nous fasse perdre de vue la finalité du projet de loi : lutter contre la précarité.

Bien évidemment, les juridictions dont il est question doivent évoluer et, si la commission a adopté de nouvelles dispositions, c’est assurément qu’elles ont une utilité. Mais ne nous trompons pas d’objectif : faisons aboutir les mesures consensuelles et remettons à plus tard celles qui le sont moins. Tel est l’esprit dans lequel je souhaite que soient examinées les propositions de la commission.

Pour terminer, je veux aborder trois sujets.

Le premier a donné lieu à d’importants débats, auxquels ont pris part le président de la commission des lois, vous-même, madame le rapporteur, ainsi que d’autres sénateurs : il s’agit de la nouvelle procédure d’affectation des élèves de l’École nationale d’administration.

Je souhaite voir cette procédure évoluer. J’ai observé l’existence de positions tranchées : certains sont partisans du classement ; d’autres souhaitent une évolution, afin que ce ne soient pas seulement les élèves qui choisissent leur destin, mais que, en particulier pour les grands corps, il y ait un rapprochement entre les aspirations des employeurs et celles des élèves.

Hier soir, j’ai réuni une commission à laquelle le président Sueur et madame le rapporteur ont participé. Deux autres réunions sont prévues. Je ne désespère pas que nous parvenions, sinon à un consensus, du moins à un rapprochement des points de vue avant le début de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale.

En tout cas, vous l’avez compris, je tiens à voir cette procédure évoluer. Car, s’il y a bien une opinion que nous partageons, c’est qu’elle ne peut pas rester en l’état. Dans ces conditions, il nous appartient de trouver des voies d’amélioration.

Le deuxième sujet que je souhaite aborder est celui des droits et moyens syndicaux. Dès mon entrée en fonctions, j’ai souhaité que des progrès soient réalisés sur cette question, dont vous savez qu’elle a fait l’objet de débats et de commissions d’enquête. Avec les organisations syndicales, j’ai beaucoup travaillé sur la sécurisation des droits et des moyens.

Mais je suis aussi très attaché à la nécessité, dès lors qu’il s’agit de moyens publics, d’assurer une transparence totale sur les conditions de leur utilisation. Sans qu’il s’agisse de se livrer à une inquisition, la transparence est de règle dans le fonctionnement public.

Sur cette question sensible – ne nous cachons pas qu’elle l’est –, un dialogue nourri avec les organisations syndicales nous a permis, le 29 septembre dernier, de parvenir à un relevé de conclusions.

Ce document, madame le rapporteur, fixe un premier principe : à périmètre constant, moyens constants. Évidemment, il faut tenir compte du nombre des instances de concertation. En effet, si l’on souhaite un dialogue social nourri, il faut lui permettre d’avoir lieu dans les différentes instances de concertation, y compris les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui ont été mis en place.

Le second principe fixé par le relevé de conclusions est celui de la transparence dans la mise à disposition et l’utilisation des moyens. Songez que les règles d’attribution de ces moyens n’avaient pas été réformées depuis trente ans…

Pour cette avancée, je tiens à saluer l’esprit de responsabilité des syndicats. D’ailleurs, je dois dire que ceux-ci avaient des positions extrêmement divergentes sur la manière de répartir les moyens mis à leur disposition à l’issue des élections professionnelles. J’ai souhaité, bien entendu, que les principes de cette répartition soient fixés avant les élections.

La réforme des droits et moyens, à laquelle je tenais particulièrement, sera appliquée par la voie réglementaire dans la fonction publique de l’État et la fonction publique hospitalière. Mais, pour ce qui concerne la fonction publique territoriale, elle nécessite une disposition législative qui est aujourd’hui soumise à votre examen.

Un accord étant intervenu après de nombreuses heures de négociation, je souhaite que nous nous accordions pour le respecter.

Cette réforme marque une étape très importante de la rénovation du dialogue social entreprise en application des accords de Bercy du 2 juin 2008 et de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Le troisième sujet que je souhaite aborder est la réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique territoriale. En lien avec mon collègue Philippe Richert, je vous présenterai plusieurs dispositions dont je me suis rendu compte, lors du congrès du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales qui s’est récemment tenu à Brest, qu’elles étaient fortement attendues.

D’ailleurs, il y a deux ans que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale a formulé, dans un rapport publié sous la responsabilité de son nouveau président, Philippe Laurent, et intitulé « Quels cadres dirigeants pour relever les défis de la République décentralisée ? », des propositions pour revaloriser l’encadrement supérieur.

Sur cette question, notre objectif est double : assurer une transposition harmonieuse dans la fonction publique territoriale de la réforme de l’encadrement supérieur mise en œuvre dans la fonction publique de l’État, tout en garantissant la cohérence d’ensemble des carrières et des emplois dans la fonction publique territoriale.

Une modernisation similaire est en cours dans la fonction publique hospitalière ; elle interviendra par la voie réglementaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi répond à un souci de responsabilité et de justice sociale. Il s’agit, pour l’État et l’ensemble des collectivités publiques de France, d’assumer un devoir d’exemplarité qui doit inspirer tous les employeurs publics.

Je remercie la commission des lois pour l’esprit de convergence dans lequel elle a travaillé et je souhaite qu’il préside également au débat en séance publique. Pour ma part, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis prêt, au nom du Gouvernement, à agir dans cet esprit.

En effet, l’adoption du projet de loi est souhaitée par tous ceux qui, fonctionnaires ou non, ont fait le choix de servir nos compatriotes et l’intérêt général au sein du service public. Aujourd’hui, nous avons le devoir de répondre à leurs attentes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)