M. Marcel-Pierre Cléach. Au cours de cette même période, l’armée française déplora 152 tués, 422 blessés et 162 disparus. Ce n’était donc pas la fin de la guerre d’Algérie. Ce n’était pas la paix.

Et que dire de nos compatriotes civils disparus à jamais ? Près de 2 000 !

Et que dire des massacres d’Oran du 5 juillet 1962, évoqués précédemment, avec 456 morts ou disparus ?

Non, le 19 mars n’a pas ramené la paix en Algérie ; le prétendre serait contraire à la vérité historique.

La deuxième raison pour laquelle je m’oppose à ce texte a trait à la tradition : la France ne célèbre que les victoires ou les actes exceptionnels de bravoure. Célébrons-nous le 22 juin 1940, date de la signature par le maréchal Pétain de l’armistice consacrant la défaite de la France ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Allons ! Ce n’est pas sérieux !

M. Marcel-Pierre Cléach. Célébrons-nous le 21 juillet 1954, date à laquelle furent signés les accords de Genève qui mirent fin à la guerre d’Indochine et, par voie de conséquence, à la présence française dans cette partie du monde ? Non !

M. Jean-Jacques Mirassou. Parlez-nous aussi de Waterloo !

M. Marcel-Pierre Cléach. Nous célébrons avec ferveur le 8 mai, date anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie,…

M. Alain Néri, rapporteur. Grâce à François Mitterrand !

M. Marcel-Pierre Cléach. … et le 11 novembre, date anniversaire de la victoire de la Première Guerre mondiale !

La troisième raison pour laquelle je suis hostile à cette proposition de loi a affaire avec la décence.

En effet, nous devons imaginer l’épreuve morale que représente, pour de nombreux anciens d’Algérie, le fait de commémorer le souvenir de leurs morts le jour où l’Algérie indépendante, comme elle en a le droit, célèbre sa victoire – car le 19 mars est devenu en Algérie la fête de la victoire.

M. Marcel-Pierre Cléach. Pour les anciens d’Algérie, les rapatriés et nos anciens compatriotes, il est particulièrement inacceptable, compte tenu du nombre de morts survenues postérieurement au 19 mars 1962, notamment parmi nos amis harkis, que l’on célèbre quoi que ce soit en ce jour anniversaire.

Choisir la date du 19 mars, c’est aussi raviver les pires souvenirs des militaires du contingent, dont je faisais partie, et des militaires professionnels qui, restés en Algérie après cette date, ont assisté, impuissants, à toutes les exactions commises par le FLN et à tous les malheurs qui ont frappé la population européenne comme maghrébine.

Je ne veux pas croire que l’inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour soit destinée à donner des gages à l’État algérien à quelques jours du voyage de M. Hollande à Alger… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. C’est indigne et politicien !

M. Alain Néri, rapporteur. La proposition de loi a été déposée il y a dix ans !

M. Marcel-Pierre Cléach. Vous faites de la politique ; pardonnez-moi d’en faire un petit peu aussi !

M. Alain Néri, rapporteur. Justement, non ! Ce n’est pas un texte politique !

M. Marcel-Pierre Cléach. Je rappelle que M. Hollande a été signataire, en 2002, de la même proposition de loi que M. Néri.

Par ailleurs, cette proposition de loi est contradictoire avec l’existence de la journée commémorative du 5 décembre, instaurée après concertation par un décret en date du 26 septembre 2003.

M. Guy Fischer. Ce qu’il faut entendre !

M. Jean-Marc Todeschini. Quelle concertation ?

M. Marcel-Pierre Cléach. En outre, la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés dispose que « la Nation associe les rapatriés d’Afrique du Nord, les personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres ou d’exactions commis durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Évian […] à l’hommage rendu le 5 décembre aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord ».

M. Jean-Marc Todeschini. Il dépasse son temps de parole !

M. Marcel-Pierre Cléach. Je ne suis pas le seul !

Surtout, mes chers collègues, souvenons-nous que nous avons voté à la quasi-unanimité, le 28 février dernier, la loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France.

M. Alain Néri, rapporteur. Une loi que j’ai fait amender !

M. Marcel-Pierre Cléach. À la suite de l’adoption d’un amendement que vous aviez déposé, monsieur Néri, et que j’ai accepté, cette loi prévoit expressément que l’hommage rendu le 11 novembre à tous les morts pour la France « ne se substitue pas aux autres journées de commémoration nationales ».

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous avez dépassé votre temps de parole de trois minutes !

M. Marcel-Pierre Cléach. Vous le voyez, monsieur le rapporteur, je rends à César ce qui lui appartient : j’ai rappelé que, sur votre demande, cette précision a été introduite dans la loi, avec l’accord du ministre.

M. Jean-Jacques Mirassou. Plus de trois minutes !

M. Marcel-Pierre Cléach. La célébration du 19 mars, défendue par deux associations, est donc protégée, de même que celle du 5 décembre, défendue par les autres associations représentatives du monde combattant. Chacun est donc libre de choisir la date de commémoration qu’il préfère.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. Marcel-Pierre Cléach. Mes chers collègues, votre proposition de loi est superfétatoire et inutile, mais c’est le moindre de ses défauts : le plus grave, à mes yeux, est qu’elle jette de l’huile sur le feu (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…

M. Jean-Jacques Mirassou. Quatre minutes !

M. Jean-Marc Todeschini. Il ne restera plus de temps pour M. Carle !

M. Marcel-Pierre Cléach. … alors que nous allions vers un apaisement des passions illustré par l’approbation quasi unanime de la loi du 28 février 2012 et que les anciens combattants s’habituaient, avec le temps, à des célébrations à des dates différentes de la fin juridique de la guerre d’Algérie. (Concluez ! et protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Et nous, nous ne pourrons pas parler ! Ce n’est pas sérieux !

M. Marcel-Pierre Cléach. Mes chers collègues, j’ai constaté tout à l’heure que l’un de vos orateurs avait dépassé son temps de parole de quatre minutes ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Marcel-Pierre Cléach. Il convenait, à mes yeux, de laisser du temps au temps.

Un sénateur du groupe socialiste. Vous citez le Président Mitterrand, c’est bien !

M. Marcel-Pierre Cléach. Que penseront de nos querelles les arrière-petits-enfants des anciens d’Algérie ?

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Monsieur le président, veuillez demander à l’orateur de conclure.

M. Marcel-Pierre Cléach. Mes chers collègues, je vous demande de m’écouter pendant encore une minute. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mon cher collègue, il vous faut conclure.

M. Marcel-Pierre Cléach. Je conclus, monsieur le président.

Je ne prétends pas que les uns aient raison et les autres tort.

Tous ne donnent pas au 19 mars la même signification : pour les uns, il rappelle le retour en métropole, à la maison ; pour les autres, notamment pour nos compatriotes d’Algérie, pour les familles des harkis massacrés et celles des disparus, il est un jour de deuil, de grande tristesse, que nous devons respecter.

Le respect que nous devons à ceux-là et à ceux qui sont morts en faisant leur devoir devrait nous conduire à rechercher l’apaisement des conflits et des passions.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Monsieur le président, cela n’est plus possible !

M. Jean-Marc Todeschini. M. Carle ne parlera plus : il lui restera deux minutes !

M. René Garrec. Nous vous rendrons vos minutes tout à l’heure !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

M. Marcel-Pierre Cléach. Pour l’ensemble de ces raisons, les sénateurs du groupe UMP ne voteront pas cette proposition de loi.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir adopté une position de rassemblement, comme vos prédécesseurs, en appelant le Sénat à un vote de sagesse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Marc Todeschini. M. Carle ne disposera plus que d’une minute !

M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinquante ans après la signature des accords d’Évian, il est temps pour la France de regarder son histoire en face et de permettre un travail de mémoire rigoureux et serein.

L’instauration d’une journée de souvenir du conflit et de ses victimes répond à ce souci de clarification et d’apaisement. Cette journée nationale permettra aussi de tirer les enseignements du passé.

Cet acte de mémoire, nous le devons surtout aux générations futures. Aujourd’hui, les jeunes générations, en France comme en Algérie, manifestent avec force un besoin de paix, de vérité et de justice, victimes qu’elles sont d’une histoire coloniale occultée ici, d’une guerre d’indépendance mythifiée là-bas.

Une telle reconnaissance devrait aussi mettre un terme aux polémiques mémorielles avec l’Algérie et nous permettre de renforcer notre amitié et notre partenariat avec le Maroc et avec la Tunisie.

Cher collègue Néri, le 22 janvier 2002, lors de la discussion de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, vous aviez déclaré ceci : « cette guerre qui fut trop longtemps une guerre sans nom ne doit pas devenir une guerre sans date pour se recueillir et se souvenir ».

M. Georges Labazée. Quelle date permettrait-elle au monde combattant, aux familles de rapatriés et aux citoyens de toutes générations de communier dans le même souvenir et de préparer l’avenir ?

Le 19 mars, jour de l’application du cessez-le-feu, s’impose à l’évidence comme l’unique date capable de symboliser les conflits d’Afrique du Nord.

Elle s’inscrit par ailleurs dans la tradition républicaine du souvenir, qui fait du jour du cessez-le-feu le jour commémoratif d’un conflit.

Au même titre que les deux conflits mondiaux, la guerre d’Algérie a droit à une journée de mémoire.

La tradition républicaine veut que l’on retienne la date ayant marqué la cessation officielle des combats, à défaut de la fin de la guerre. Le 19 mars n’a certes pas marqué la fin de la guerre, mais il fut le jour du cessez-le-feu : c’est donc cette date qui s’impose.

Le cessez-le-feu faisait suite aux accords d’Évian. Cette décision historique fut approuvée par le référendum du 8 avril 1962, au cours duquel une écrasante majorité se prononça en faveur de la paix et du droit des Algériens à l’autodétermination.

Ainsi, le 19 mars ne signe ni une victoire ni une défaite militaire, mais une démarche politique salutaire et largement approuvée. Voilà pourquoi c’est la date qui a la signification et la légitimité les plus fortes.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Georges Labazée. Le choix du 19 mars est aussi responsable dans la mesure où l’ambition de la présente proposition de loi est de parachever le mouvement de reconnaissance officielle de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

L’objectif est d’encourager la réconciliation nationale et la recherche de la vérité historique dans un but pédagogique, à la lumière des valeurs républicaines et humanistes sur lesquelles repose notre Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, la reprise de nos travaux étant prévue à quinze heures précises cet après-midi, je vais être obligé de suspendre la séance.

La suite de l’examen de cette proposition de loi est renvoyée, conformément aux décisions de la conférence des présidents, au mardi 20 novembre, à quatorze heures trente.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc
Discussion générale (suite)

6

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

7

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

assassinats en corse

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, treize ans après l’assassinat du préfet Érignac, la Corse, sans vivre une situation comparable, traverse une nouvelle crise.

Le Gouvernement, ce lundi, a pris dix décisions pour mettre un terme à une comptabilité mortifère qui s’est poursuivie par un nouveau meurtre hier matin. Pour avoir dit non au statut Joxe, non aux accords de Matignon, non au référendum de Nicolas Sarkozy et pour avoir toujours privilégié le réinvestissement total de l’État dans l’île, je ne peux que les approuver.

Au demeurant, il serait vain d’imputer à l’État seul la responsabilité de la situation actuelle. Certes, celui-ci a connu des défaillances. Quelle meilleure illustration de la mise en sommeil du pôle financier que le classement sans suite, après six ans d’instruction, par le parquet général de Bastia, du dossier d’une banque régionale !

Toutefois, ces défaillances ne sauraient faire oublier celles de la société corse, les connivences, les solidarités qui minent cette dernière et dont les premières victimes sont les Corses eux-mêmes.

Ainsi, l’Assemblée de Corse a refusé d’examiner une motion condamnant un crime maffieux revendiqué par le FLNC, au motif que les élus nationalistes les plus durs s’y opposaient…

Vaclav Havel, devenu Président de la République tchécoslovaque, déclarait à ses concitoyens : « Nous sommes malades moralement parce que nous sommes habitués à dire blanc et à penser noir. » Ce jugement pourrait s’appliquer à bien des comportements locaux.

L’État ne doit, dès lors, compter que sur lui-même. Monsieur le ministre, sans doute conviendrait-il de renforcer les moyens de vos nouvelles mesures de politique pénale, dont la mise en œuvre est toujours difficile pour la police. En effet, nous savons tous que, dans les affaires judiciaires, un océan sépare le simple soupçon et l’établissement de la preuve et que, contrairement à la Cour de sûreté de l’État, les JIRS, les juridictions interrégionales spécialisées, de Marseille ou d’ailleurs ne sauraient, comme l’a déclaré le procureur Dallest, être considérées comme des juridictions d’exception.

Aussi, seul l’État, par une communication efficace, rendant coup pour coup, par une action s’inscrivant dans la durée et la continuité, par une volonté toujours réaffirmée, pourra remettre la Corse en possession d’elle-même.

Cependant, alors qu’aucune demande n’existe dans l’opinion, plus préoccupée par la crise économique et sociale que par de nouvelles réformes institutionnelles, le conseil exécutif et l’Assemblée de Corse vont délibérer pour réclamer un nouveau statut, plus de compétences et toujours plus d’argent, voire une réforme de la Constitution.

Craignons que de nouvelles réformes ne conduisent à terme à l’effacement de l’État, livrant la Corse à elle-même et à ses démons. Monsieur le ministre, le Gouvernement ne pouvant conduire deux politiques à la fois, merci de nous dire quelle est votre priorité. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur Alfonsi, la Corse, c’est la France et c’est la République.

La France doit évidemment soutien et protection à la Corse et aux Corses. Tel est le sens de l’engagement économique mis en œuvre au travers du plan exceptionnel d’investissement. Et l’État sera présent auprès des collectivités territoriales dans cette perspective.

Vous avez eu raison de le souligner, la Corse connaît de nouveau – mais ce phénomène avait-il vraiment cessé ? – une vague de violence, dont les origines remontent loin et qui gangrène profondément la société insulaire.

Vous l’avez dit, l’État doit assumer ses responsabilités, en profondeur et dans la continuité. Tel est le sens des mesures qui ont été annoncées lundi dernier par le Premier ministre, en présence de Christiane Taubira, garde des sceaux, de Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, de Jérôme Cahuzac, ministre du budget, et de moi-même, pour montrer la détermination de l’État et sa volonté de s’attaquer vigoureusement à ces mafias, au crime organisé, à l’argent détourné, aux financements occultes.

Dans cette perspective, nous avons besoin de mener une action en profondeur, en développant le travail interministériel ainsi que la coopération entre les services de police et de gendarmerie et entre la police et la justice.

Christiane Taubira a déjà annoncé que de nouvelles mesures de politique pénale seraient présentées. La garde des sceaux et moi-même nous rendrons en Corse dans les prochaines semaines, pour affirmer la volonté intraitable de l’État républicain d’assumer ses responsabilités.

Toutefois, nous avons besoin de deux soutiens : celui des élus et celui de la société corse. À chacun de prendre ses responsabilités. L’État prendra les siennes, mais il est temps que tout le monde joue son rôle dans la lutte contre le crime et la délinquance.

Il n'y a pas une culture corse particulière. Il n'y a pas de loi de l’omerta. Celle-ci n’existe pas en République, monsieur le sénateur ; vous le savez bien, et votre combat courageux est là pour le montrer. Je le répète, nous avons besoin de la mobilisation de toute la société corse.

Enfin, pour répondre clairement à votre question, monsieur Alfonsi, il n'y a pas de compromission possible. On ne peut pas mettre en avant des revendications identitaires, d’autonomie ou d’évolution du statut alors que, présentement, il y a de la violence. Je vous le disais : la Corse, c’est la République. La loi doit s’appliquer. Pour lutter contre la délinquance et le crime, il n'y a pas d’autre voie possible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées du groupe écologiste et de l’UMP.)

M. Joël Bourdin. Très bien !

organisation des travaux parlementaires

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.

M. Gérard Larcher. Je regrette l’absence du Premier ministre, car c’est à lui que s'adressait ma question.

Mesdames, messieurs les ministres, le Conseil constitutionnel a annulé hier soir la loi relative au logement que vous aviez présentée au début du mois de septembre dernier. Ce n’est pas un couac, comme j’ai pu l’entendre, c’est un camouflet.

M. Gérard Larcher. Le Gouvernement a violé la Constitution en refusant d’appliquer correctement les principes de la procédure législative.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Gérard Larcher. Il a ignoré les droits du Parlement.

M. Gérard Larcher. Mieux encore, le Premier ministre a porté atteinte à l’indépendance du Conseil constitutionnel en annonçant le matin même une décision qui n’était pas encore rendue.

M. Gérard Larcher. Le Premier ministre a prétendu qu’il s'agissait d’un « cafouillage parlementaire ». Or je ne crois pas que tel soit le cas : c’est bel et bien un cafouillage du Gouvernement, non du Sénat, et encore moins de la commission des affaires économiques, dont j’ai relu avec beaucoup d’attention le compte rendu des travaux.

M. Gérard Larcher. Faut-il rappeler les raisons pour lesquelles le Conseil constitutionnel a fait droit à notre recours ?

Vous avez fait pression sur le Sénat pour que nous délibérions en séance publique sur le texte du Gouvernement, et non sur le texte modifié par la commission, ce qui est pourtant, depuis 2008, une obligation constitutionnelle. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Revet. Ils se sont assis sur la Constitution !

M. Gérard Larcher. En fait, vous n’en êtes pas à votre coup d’essai. Vous n’avez pas respecté la Constitution au début du mois de juillet dernier, en refusant d’organiser une séance de questions. Le Conseil constitutionnel vous a alors sèchement rappelé à l’ordre. Depuis l’élection du Président de la République François Hollande, 100 % des cinq textes législatifs qui ont été examinés l’ont été selon la procédure accélérée. Pas une loi ordinaire n’a été examinée normalement.

M. François Grosdidier. C’est scandaleux !

M. Gérard Larcher. Vous contournez les délais pour feindre l’action.

Je me tourne à présent vers le président du Sénat, pour lui rappeler que, ces dernières années, il était très attentif à cette question de la procédure accélérée, sur laquelle il revenait régulièrement auprès du président du Sénat que j’étais alors. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

Un sénateur du groupe UMP. La fonction change l’homme !

M. Gérard Larcher. En fait, la décision du Conseil constitutionnel marque un tournant. Elle consacre le renforcement du rôle du Parlement que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont voulu en 2008.

M’adressant, faute de Premier ministre, au ministre chargé des relations avec le Parlement, je poserai une question simple : allez-vous enfin respecter le Parlement ? Allez-vous enfin respecter l’opposition ?

M. Gérard Larcher. À cet égard, notre séance d’hier sur le dossier des normes applicables aux collectivités territoriales ne m’a pas rassuré…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est le moins que l’on puisse dire ! Hier a été une bien mauvaise journée.

M. Gérard Larcher. Allez-vous enfin respecter la Constitution ?

J'ajoute à ma question une requête. Je vous demande solennellement, quand vous soumettrez le texte sur le logement social au Parlement, d’utiliser la procédure normale ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume. Allez-vous le voter ?

M. David Assouline. Mais vous êtes contre le logement social !

M. Gérard Larcher. En effet, ce sujet est essentiel pour nombre de Français parmi les plus modestes et pour nos collectivités locales. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Il mérite un véritable débat, donc deux lectures, dans chacune de nos assemblées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous avez peur des 25 % de logements sociaux !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Larcher, vous ressentez comme un camouflet pour le Gouvernement la décision qui a été rendue hier par le Conseil constitutionnel.

M. Bruno Sido. C’est le cas !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Dans sa grande sagesse – cela ne vous a pas échappé ; c’est assez rare –, le Conseil constitutionnel a précisé (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Pierre Charon. Respectez le Conseil constitutionnel !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. … dans son communiqué qu’il avait déjà été amené à annuler des lois pour cause de non-respect de la procédure.

Ce fut le cas, notamment, dans une décision du mois de juin 2011, de la loi sur le conseiller territorial (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Pierre Charon. Cela n’a rien à voir !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. … pour des faits très graves, parce que le Gouvernement que vous souteniez, monsieur Larcher, et la majorité qui était encore celle de cette assemblée avaient ignoré les droits du Sénat. (M. Alain Néri s’exclame.) À l’époque, vous avez dû ressentir cette décision comme un super-camouflet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Et voilà ! C’est la réponse du berger à la bergère.

M. Alain Néri. Cela s’appelle un boomerang !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Quand des erreurs se produisent, il faut aussi rappeler, comme le Conseil constitutionnel l’a fait d'ailleurs, celles que vous avez commises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cambon. Quel tour de passe-passe !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. J’en viens à la décision rendue hier par le Conseil constitutionnel, car il faut rappeler ce qui s’est passé.

Je crois que vous êtes suffisamment bon juriste, monsieur Larcher, pour savoir qu’un mot dans votre question n’est pas juste : vous ne pouvez affirmer ici, sauf à vous expliquer davantage, que le Gouvernement aurait fait pression sur le Sénat pour que le débat porte sur le texte qu’il avait déposé.

En réalité, – les documents annexés à la décision du Conseil constitutionnel le montrent bien – il y a eu une décision de la conférence des présidents, dont les membres ont choisi d’utiliser l’exception prévue à l’article 42 de la Constitution. Ils avaient raison et nous avons accepté leur décision. Celle-ci a d'ailleurs été contestée par les partisans de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Toutefois, les juristes pourront observer que le débat n’est pas complètement vidé par la décision du Conseil constitutionnel :…

M. Ladislas Poniatowski. Assumez de temps en temps !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. … le président du Sénat a écrit au Conseil constitutionnel pour défendre la position qui était la nôtre et qui était juste. Malheureusement, la Haute Juridiction a considéré que le Sénat ne pouvait à la fois laisser sa commission délibérer et examiner en séance le texte du Gouvernement. (Exclamations sur les travées de l'UMP. – M. Alain Gournac brandit la une du journal Libération du 25 octobre 2012, qui titre sur « Les apprentis » au-dessus de la photographie du Président de la République et du Premier ministre.)

M. Christian Cambon. Cela cafouille…

M. Roger Karoutchi. La démonstration n’est pas brillante.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Telle est l’origine de la décision. Celle-ci est normale, puisque la procédure, c’est le Conseil constitutionnel qui la contrôle.

La situation d’aujourd'hui ne peut faire oublier le fond du débat. Monsieur Larcher, vous avez rappelé que vous étiez très attaché à la question du logement social. (M. François Grosdidier s’exclame.) Pour ma part, j’observe que vous avez jusqu’à présent marqué cet attachement en combattant les mesures favorables à la création de logements sociaux (Protestations sur les travées de l'UMP.), à la mobilisation du foncier public, à la définition de nouvelles obligations pour les communes, notamment pour celles que vous protégez, comme Neuilly-sur-Seine ! (Même mouvement.)

Telle est la question qui intéresse les Français. C’est pour mener cette politique que nous avons été élus, et, au-delà des incidents de procédure, nous la mettrons en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

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