Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Collin, Fortassin, C. Bourquin, Baylet, Bertrand, Collombat et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 18

Après le mot :

France

Insérer les mots :

ou des trois personnalités qualifiées désignées au 5° de l'article L. 631-2

II. - Alinéa 19

Après le mot :

France

Insérer les mots :

ou des trois personnalités qualifiées désignées au 5° de l'article L. 631-2

III – Alinéa 24

Remplacer le mot :

peut

par les mots :

ou les trois personnalités qualifiées désignées au 5° de l'article L. 631-2 peuvent

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Actuellement, c’est sur la seule proposition du gouverneur de la Banque de France qu’un certain nombre de pouvoirs contraignants attribués au Haut Conseil de stabilité financière peuvent être mis en œuvre.

Cet amendement vise à élargir cette capacité de proposition aux membres du Haut Conseil nommés par les présidents des deux assemblées et par le ministre chargé de l’économie. Je pense, par exemple, à la possibilité qu’a le Haut Conseil, « sur proposition du gouverneur de la Banque de France », de renforcer les exigences en matière de fonds propres.

Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 5° Il peut fixer des conditions d’octroi de crédit par les personnes soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour prévenir l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques, pour favoriser le financement de projets répondant à des critères économiques (création de valeur ajoutée dans les territoires), sociaux (emploi, formation) et environnementaux (économies d’énergie et de matières premières). Il fait rapport chaque année au Parlement de la mise en œuvre de ces critères et des résultats obtenus ;

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement tend à favoriser la conduite de politiques d’allocation du crédit plus conformes aux nécessités du développement de l’activité économique, qui constitue tout de même l’objet essentiel de ce projet de loi.

Si nous avons défendu, au fil de la navette, une séparation maximale des activités de banque de détail et de banque d’investissement, tout en préconisant un certain nombre d’interdictions, c’est aussi pour parvenir au présent amendement, dont les dispositions portent sur la question fondamentale de l’allocation de la ressource bancaire dans l’économie.

Certains collègues, au travers d’amendements déposés sur d’autres articles, ont eux aussi soulevé cette question ; je pense, notamment, à une proposition formulée par Marie-Noëlle Lienemann, qui visait à faire obligation aux établissements de crédit implantés sur les territoires de rendre publics leurs engagements et la nature de ces derniers au regard du bassin de vie et d’emploi.

Avec le présent amendement, nous souhaitons que le Haut Conseil de stabilité financière devienne l’instrument – que dis-je, le fer de lance – d’une sélectivité accrue du crédit, en recommandant à la Banque centrale européenne, la BCE, de n’ouvrir son « porte-monnaie » qu’à raison de la qualité des engagements pris par les établissements de crédit s’agissant de l’utilisation des lignes avancées.

Il ne s’agit pas d’une question secondaire, surtout si l’on garde à l’esprit ce que la plupart des banques européennes ont tendance à faire, ces derniers temps, des sommes que met en circulation la BCE pour assurer la tenue du marché et sa liquidité.

Cette mesure a d’autant plus d’importance au moment même où une tension nouvelle se fait jour sur les taux d’intérêt, notamment sur les taux longs, faisant courir le risque d’une nouvelle asphyxie de l’économie en raison de la surcharge des coûts financiers au regard de la croissance, ou de l’absence de croissance d'ailleurs.

Nous proposons donc que le Haut Conseil soit clairement à l’initiative d’une plus grande sélectivité du crédit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 35 rectifié, je rappelle que le Haut Conseil a deux types de responsabilités et de pouvoirs : comme son nom l’indique, il a tout d’abord une vocation générale de surveillance de la stabilité. Il s’agit, en particulier, de veiller à ce que ne se constituent pas de nouvelles bulles financières, à l’image de celle qui a concerné les valeurs informatiques.

Il peut ensuite, uniquement à la demande du gouverneur de la Banque de France, prendre des décisions spécifiques en matière de gestion des institutions financières, qu’il s’agisse de ratios de fonds propres, d’augmentations de capital ou d’autres décisions. Mais, je le répète, ces pouvoirs ne peuvent être mis en œuvre que sur proposition du seul gouverneur de la Banque de France.

Notre commission n’est pas favorable à cet amendement, qui vise à élargir la possibilité de saisine du Haut Conseil. Elle considère que ce pouvoir doit relever du seul gouverneur de la Banque de France, car les autres membres du Haut Conseil, qui sont divers – certains sont des hauts fonctionnaires, d’autres des représentants d’associations – ne disposent pas de l’ensemble des informations nécessaires, banque par banque, pour proposer ce genre de décision. Il ne nous paraît donc pas opportun d’élargir ce pouvoir de saisine.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 35 rectifié.

S'agissant de l'amendement n° 19, notre commission considère qu’il ne revient pas au Haut Conseil de déterminer la politique du crédit. Le Haut Conseil de la stabilité financière porte bien son nom : il n’est pas la Banque de France, il n’est pas l’institution qui détermine les critères de la politique du crédit en France. Il nous paraîtrait d’ailleurs tout à fait inopportun qu’il en soit ainsi.

Notre commission a donc également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 19.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. La Banque centrale dispose d’une expertise unique en matière de préservation de la stabilité financière. C’est bien la raison pour laquelle le Comité européen du risque systémique a recommandé, en décembre 2011, que la Banque centrale dispose d’un rôle clef dans la surveillance macro-prudentielle.

Le projet de loi s’inscrit tout à fait dans cette perspective, puisqu’il prévoit que le Haut Conseil de stabilité financière ne peut recourir à ces pouvoirs juridiquement contraignants que sur proposition du gouverneur de la Banque de France.

Par ailleurs, rien dans le projet de loi n’empêche bien évidemment tout membre du Haut Conseil de porter à la connaissance de ce dernier un point qu’il estimerait sensible afin d’en débattre et d’en tirer, si nécessaire, les conséquences.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 35 rectifié ; à défaut je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 19, le mandat du Haut Conseil, tel qu’il est prévu dans le projet de loi, prend déjà en compte un objectif de croissance économique : « Sans préjudice des compétences respectives des institutions que ses membres représentent, le Haut Conseil de stabilité financière exerce la surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d’en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique. »

En revanche, monsieur le sénateur, votre proposition d’ajouter à ces missions la définition des politiques d’allocation du crédit ne relève pas de la politique macro-prudentielle, dont l’ensemble des instruments usuels sont bien couverts par le projet de loi.

J’ajouterai enfin que le code monétaire et financier précise déjà que le Haut Conseil de stabilité financière est tenu de remettre au Parlement un rapport public annuel.

Pour l’ensemble de ces raisons, monsieur Foucaud, je vous invite à retirer l’amendement n° 19 ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 35

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elles font également l'objet d'une publication par voie électronique dont les modalités sont fixées par décret.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement me semble intéressant dans le cadre de la politique actuellement suivie en matière de transparence, notamment en ce qui concerne la lutte contre les conflits d’intérêts.

L’un des alinéas de cet article dispose que les personnes mentionnées au 5° de l’article L. 631-2 doivent informer le Haut Conseil de stabilité financière des intérêts qu’elles ont détenus au cours des deux années précédant leur nomination, qu’elles détiennent ou viendraient à détenir, des fonctions qu’elles ont exercées et de tout mandat qu’elles ont détenu au sein d’une personne morale au cours des deux années précédant leur nomination, qu’elles détiennent ou qu’elles viendraient à détenir.

Alors qu’il est question chaque jour de conflits d’intérêts et de transparence, je ne vois pas à quel titre les informations visées à cet article, compte tenu des très hautes fonctions des personnes concernées et de l’implication des conflits d’intérêts dans les politiques budgétaires et financières, ne pourraient faire l’objet d’une publication sur un support électronique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Je crois que nous adhérons tous au souci de Mme Goulet de rendre publiques les observations, connaissances et délibérations du Haut Conseil sur de possibles conflits d’intérêts. Cependant, une telle disposition est déjà prévue : le président du Haut Conseil doit rendre publics ces éléments.

Le débat qui nous intéresse se résume donc à la question de savoir si ces informations doivent, ou non, être publiées sur Internet. Or il a semblé à notre commission que cette question relevait du domaine règlementaire, non du domaine législatif.

Madame Goulet, nous vous suivons sur le fond, mais, de grâce, laissons au Gouvernement, ou plutôt au Haut Conseil lui-même, le soin de déterminer les modalités de cette action.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Je crois qu’il appartiendra au président du Haut Conseil, comme sur un certain nombre d’autres points relatifs au fonctionnement du comité, de fixer les règles applicables.

Comme M. le rapporteur, j’invite donc Mme Goulet à retirer son amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Goulet, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Il est évident que nous reviendrons sur ce débat, notamment lors de l’examen des projets de loi sur la transparence, dans lesquels il nous sera demandé de publier le même genre d’éléments, qu’il s’agisse de déclarations de patrimoines ou d’autres documents.

Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 25 est retiré.

Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

Titre III bis A

POUVOIRS DES COMMISSIONS D’ENQUÊTE PARLEMENTAIRES EN MATIÈRE DE CONTRÔLE DU SECTEUR FINANCIER

Article 11
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 11 ter (Texte non modifié par la commission)

Article 11 bis

(Non modifié)

I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 511-33 du code monétaire et financier est complété par les mots : « , ni aux commissions d’enquête créées en application de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ».

II. – À la première phrase du dernier alinéa du II de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, après le mot : « succédé », sont insérés les mots : « , toute personne qui participe ou a participé à l’accomplissement des missions du Haut Conseil de stabilité financière, ainsi que toute personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 511-33 du code monétaire et financier ». – (Adopté.)

TITRE III BIS

ENCADREMENT DES CONDITIONS D’EMPRUNT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE LEURS GROUPEMENTS

Article 11 bis
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 11 quater B

Article 11 ter

(Non modifié)

I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1611-3, il est inséré un article L. 1611-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1611-3-1. – I. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 1611-3, les collectivités territoriales, leurs groupements et les services départementaux d’incendie et de secours peuvent souscrire des emprunts auprès des établissements de crédit dans les limites et sous les réserves suivantes :

« 1° L’emprunt est libellé en euros ou en devises étrangères. Dans ce dernier cas, afin d’assurer une couverture intégrale du risque de change, un contrat d’échange de devises contre euros doit être conclu lors de la souscription de l’emprunt pour le montant total et la durée totale de l’emprunt ;

« 2° Le taux d’intérêt peut être fixe ou variable. Un décret en Conseil d’État détermine les indices et les écarts d’indices autorisés pour les clauses d’indexation des taux d’intérêt variables ;

« 3° La formule d’indexation des taux variables doit répondre à des critères de simplicité ou de prévisibilité des charges financières des collectivités territoriales, de leurs groupements et des services départementaux d’incendie et de secours. Les conditions d’application du présent 3° sont fixées par décret en Conseil d’État.

« II. – Un contrat financier adossé à un emprunt auprès d’un établissement de crédit ne peut avoir pour conséquence de déroger au I. Les conditions d’application du présent II sont fixées par décret en Conseil d’État.

« III. – (Supprimé) »

2° (Supprimé)

3° L’article L. 2337-3 est complété par la référence : « et L. 1611-3-1 ».

II. – Les collectivités territoriales, leurs groupements et les services départementaux d’incendie et de secours peuvent déroger aux conditions prévues à l’article L. 1611-3-1 du code général des collectivités territoriales lorsque la souscription d’un emprunt ou d’un contrat financier, par la voie d’un avenant ou d’un nouveau contrat, a pour effet de réduire le risque associé à un emprunt ou un contrat financier non conforme au même article L. 1611-3-1 et qui a été souscrit avant la promulgation de la présente loi.

Dans le cadre de cette renégociation, les établissements de crédit concernés sont tenus de fournir, au plus tard lors de la conclusion du nouveau contrat ou de l’avenant au contrat, un document explicitant la baisse de risque induite par cette renégociation.

Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent II.

III. – (Non modifié) 

Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Supprimer les mots :

ou en devises étrangères

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet article vise à encadrer les emprunts toxiques.

Pour ma part, je propose purement et simplement que l’on interdise aux collectivités locales de contracter des emprunts en devises étrangères. En effet, on a vu ce que cela a donné ! Il est arrivé, même dans mon département (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.),…

M. Philippe Dallier. Même dans l’Orne !

Mme Nathalie Goulet. Eh oui, mon cher collègue, même dans le modeste département de l’Orne ! Il est arrivé, disais-je, que certaines communes souscrivent des emprunts toxiques auprès de Dexia, notamment, en francs suisses. Il y a eu des dérapages, vous le savez très bien.

Désormais, ces collectivités ont du mal à s’en sortir, même si des engagements à les aider ont été pris, et même si un fonds de garantie et de soutien leur a été promis. Je ne vois pas pourquoi elles seraient de nouveau autorisées à conclure des prêts en devises étrangères, eux-mêmes encadrés par des contrats extrêmement complexes.

Il serait plus sage – et plus facile – d’interdire purement et simplement les emprunts en devises étrangères. Cela n’empêchera pas les collectivités d’emprunter en euros auprès de toutes les banques mondiales et européennes.

Il faudrait savoir tirer les leçons des erreurs du passé, de manière à éviter que ne se reproduisent les accidents subis par certaines collectivités – y compris, d’ailleurs, le département dont le président a été appelé à exercer des fonctions extrêmement importantes dans une assemblée parlementaire non éloignée de la nôtre…

M. Philippe Dallier. Ah, encore la Seine-Saint-Denis ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Vous n’êtes pas responsable, mon cher collègue, si ce département a souscrit des prêts en devises étrangères et s’il est aujourd’hui à la pointe du combat contre les emprunts toxiques !

Notre rôle est de protéger le plus faible. J’ai donc le sentiment qu’interdire les emprunts en devises serait une mesure de salubrité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Nous comprenons les raisons qui ont motivé Mme Goulet à présenter cet amendement. Nous avions, d’ailleurs, débattu de ce point en première lecture. À cette occasion, nous avions adopté un ou deux amendements présentés par notre collègue Maurice Vincent, maire de Saint-Étienne, très actif sur cette question.

Néanmoins, les dispositions de cet amendement posent plusieurs problèmes.

D’une part, certaines collectivités ont des revenus libellés dans d’autres devises que l’euro. Elles peuvent donc vouloir les compenser en s’endettant dans les mêmes devises. Cela peut arriver. Je pense, notamment, aux communes frontalières, qui peuvent être amenées à louer, par exemple, un domaine forestier.

M. André Reichardt. Absolument !

M. Richard Yung, rapporteur. D’autre part, certaines collectivités, notamment les frontalières, peuvent vouloir s’endetter dans des devises autres que l’euro, afin de bénéficier d’avantages de taux.

M. André Reichardt. Bien sûr !

M. Richard Yung, rapporteur. S’il leur suffit de franchir une rivière ou une montagne…

Mme Nathalie Goulet. Ou un lac ? (Sourires.)

M. Richard Yung, rapporteur. … pour obtenir un différentiel de taux de 1,5 point, elles auraient tort de s’en priver.

J’attire enfin votre attention, ma chère collègue, sur le fait que l’article 11 ter prévoit l’obligation de souscrire un contrat d’échange de devises, ce qui permet de neutraliser le risque de change.

Pour toutes ces raisons, la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. L’Assemblée nationale a introduit, en première lecture, un article tendant à encadrer la possibilité pour les collectivités et leurs groupements de souscrire des emprunts structurés à risque.

Il nous semble que, dans le respect du principe de la libre administration des collectivités, l’objectif visé par ce texte, soutenu par le Gouvernement, était d’éviter la souscription de produits trop risqués, tout en laissant aux collectivités une latitude suffisante pour leur gestion financière. En particulier, le texte prévoit la possibilité pour les collectivités de souscrire des emprunts en devises étrangères, à la condition de prendre une couverture contre le risque de change.

Il nous semble que cet équilibre entre encadrement et liberté est adapté. Sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte ne diffère pas tellement de celui que vous aviez adopté en première lecture.

S’il était adopté, l’amendement de Mme Goulet, qui vise à interdire complètement tout emprunt en devises pour les collectivités, remettrait en cause cet équilibre. Une telle disposition nous semble un peu trop restrictive, au regard de l’objectif que nous visons tous. C’est particulièrement vrai pour certaines collectivités transfrontalières – M. le rapporteur l’a dit – ou de grande taille, qui peuvent avoir besoin, dans certaines circonstances, de recourir à des emprunts en devises.

Par conséquent, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.

M. Albéric de Montgolfier. Mme Goulet a le souci de protéger les collectivités. Je le comprends fort bien.

Néanmoins, la solution qu’elle propose pour ce faire me paraît aller un peu trop loin. Elle a cité, pour défendre son amendement, le cas de départements qui n’étaient pas les plus démunis en matière de services financiers. Un département important me semble avoir les moyens de bénéficier de suffisamment de conseils financiers pour éviter de commettre des imprudences. Les exemples cités ne sont donc pas forcément les meilleurs.

Je suis président d’un conseil général qui, s’il n’a souscrit aucun emprunt toxique – soyez rassurés, mes chers collègues – s’est endetté, par le passé, en devises étrangères, avec une couverture intégrale de change. Dès lors que cette dernière devient obligatoire, il me paraîtrait trop restrictif de priver les collectivités de la possibilité d’avoir accès à certains marchés.

L’argument des collectivités frontalières, que je ne connais pas particulièrement, va dans le même sens.

Le contexte dans lequel les collectivités empruntent est toujours tendu. Dès lors, lever des fonds sur des marchés étrangers, à condition d’assurer une couverture de change, évidemment intégrale, me paraît assez intéressant.

Je ne voterai donc pas cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je suis un frontalier. Je connais des collectivités territoriales qui n’ont pu que se féliciter d’avoir souscrit des emprunts en francs suisses ; c’est le cas, en particulier, du conseil régional dont je suis le premier vice-président. Je souhaiterais que, à l’avenir, nous ne soyons pas privés de cette possibilité.

Mme Goulet a justifié son amendement en soulignant que certaines collectivités territoriales avaient eu à souffrir d’emprunts toxiques, ce que nous savons tous. En réalité, la toxicité de ces emprunts était due non pas à leur souscription en devises étrangères, mais bien plutôt à la complexité de leurs montages. Je ne suis pas du tout convaincu qu’un emprunt souscrit en devises étrangères soit toxique.

Enfin, les garanties qui existent en la matière et qu’a rappelées M. le rapporteur me semblent convaincantes.

Je ne voterai donc pas cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Je comprends parfaitement la position de la commission. Il faut laisser une certaine liberté aux collectivités.

Cependant, on ne peut pas balayer d’un revers de manche les arguments avancés par Mme Goulet. Il faut protéger les collectivités de petite taille, qui n’ont pas les moyens techniques et financiers de savoir dans quelle galère elles s’embarquent.

Si Mme Goulet maintenait son amendement, je déposerais un sous-amendement tendant à faire en sorte que les collectivités décidant d’emprunter en devises étrangères ne puissent demander la garantie d’un quelconque organisme. (MM. Yann Gaillard et Philippe Dallier s’esclaffent.) Vous souriez, mes chers collègues, mais c’est déjà ce qui se passe ! La plupart des collectivités de petite taille souscrivent des emprunts, puis sollicitent le conseil général pour qu’ils les garantissent. Il est souvent très difficile à ce dernier de leur refuser cette garantie au prétexte qu’elles ont emprunté en devises étrangères.

M. André Reichardt. Bien sûr !

M. François Fortassin. On éviterait ainsi de nombreux emprunts toxiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. La Seine-Saint-Denis est un département dont on parle souvent quand on évoque la question des emprunts toxiques. Toutefois, s’il a connu de mauvaises pratiques, il en a aussi vu de bonnes !

Je suis à la tête d’une collectivité qui a souscrit des emprunts en francs suisses. Pendant trois ou quatre ans, les taux d’intérêt que nous avons payés étaient, de mémoire, inférieurs à 1 %. Une année, nous nous sommes même acquittés d’un taux de 0,57 % ! Nous avons donc gagné énormément d’argent.

Mes chers collègues, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. La classification opérée par la charte Gissler en matière d’emprunts structurés potentiellement toxiques est très précise. Cela, c’est terminé !

Désormais, les emprunts en devises étrangères se feront sous condition de couverture intégrale du risque de change. Personnellement, je ne l’avais pas fait ; j’avais aussi gagné de l’argent sur le risque de change. On peut admettre qu’il soit désormais obligatoire de se couvrir sur ce risque, mais, de grâce, ne péchons pas par excès de zèle. Le débat est le même que sur les stock-options. Bientôt, on nous interdira d’emprunter à taux variables parce qu’il y a un risque que les taux montent ! Les garanties fournies par les textes me semblent suffisantes.

Je terminerai mon intervention en disant à M. Fortassin que, si le conseil général est contacté pour accorder sa garantie à un emprunt souscrit par une petite commune, il lui revient d’en juger la nature. Restons-en là !

Mme la présidente. Madame Goulet, l'amendement n° 24 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Les taux de change et les contrats complexes ont bien été, dans la plupart des cas, à l’origine des difficultés rencontrées par les collectivités.

Cet amendement, vous l’avez bien compris, monsieur le rapporteur, est le résultat d’une demande pressante émanant de certaines personnes qui, dans le passé, se sont fourvoyées. Elles m’ont sollicitée pour que l’on ne puisse plus emprunter en devises étrangères. Je ne suis qu’un sénateur de terrain, mes chers collègues, et ne fais qu’apporter à la Haute Assemblée les fruits de la collecte du week-end !

Le mot de la fin revient au ministère du budget : si les collectivités territoriales bénéficiaient de dotations normales, elles n’iraient pas chercher, dans n’importe quelles conditions, des financements pour leurs investissements.

Cela dit, madame la présidente, je retire cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 24 est retiré.

L’amendement n° 27, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 14

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.