Mme Marie-France Beaufils. Il s’agit de préserver les acquis de plusieurs années d’application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée dans le bâtiment.

La préservation de la qualité du bâti est l’une des fonctions essentielles du secteur du bâtiment et des travaux publics, singulièrement en matière de second œuvre, secteur à forte intensité de main-d’œuvre dont la capacité de création d’emplois s’est renforcée malgré tout depuis 2000, lorsque fut appliqué le taux réduit.

Le taux réduit de la TVA dans le bâtiment est le plus sûr moyen, à nos yeux, d’empêcher le travail dissimulé, comme d’éviter que les auto-entrepreneurs soient considérés comme des concurrents déloyaux par les professionnels de la profession.

C’est donc aussi afin de maintenir une certaine forme d’équilibre dans le secteur, gage de qualité des travaux accomplis, qu’il convient de voter en faveur de cet amendement.

Au taux réduit, la fraude à la TVA n’a pas ou peu d’intérêt et de sens. Une telle disposition répondrait donc aux interrogations que nous avons soulevées à de nombreuses reprises en commission des finances. Passer le taux à 10 % ou à 20 %, c’est ouvrir la porte au risque de fraude.

Par ailleurs, le ralentissement des travaux qui ne manquerait pas d’être enregistré avec une augmentation du taux de la TVA s’accompagnerait en retour d’une perte de recettes pour l’État – je pense en particulier à l’impôt sur les sociétés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° I-506 rectifié.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, que nous avons déjà défendu par le passé, vise à appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % à tous les travaux d’amélioration, de transformation et d’aménagement des logements.

Nous sommes conscients que ces dispositions auraient un coût non négligeable. Cependant, il nous semble que leurs retombées positives pour l’emploi et la croissance ne doivent pas être sous-estimées.

Vous avez hier soir, monsieur le ministre, souhaité la réserve de l’article 7 ter, qui porte sur les travaux de rénovation énergétique des logements, afin de pouvoir nous apporter des éléments complémentaires.

Nous souhaitons parvenir avec vous à une amélioration de cet article, notamment pour qu’il couvre l’ensemble des travaux d’amélioration énergétique et prenne en compte les travaux induits.

Aussi, afin de ne pas cristalliser davantage le débat au risque d’interrompre la conversation que nous avons depuis hier soir autour des taux de TVA (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.), nous retirons cet amendement n° I-506 rectifié, dans l’espoir de parvenir à une solution satisfaisante sur l’article 7 ter. (M. André Gattolin applaudit.- Exclamations amusées sur un certain nombre de travées)

Mme la présidente. L'amendement n° I-506 rectifié est retiré.

L'amendement n° I-327 rectifié, présenté par Mme M. André, M. Miquel, Mme Rossignol, M. Patriat et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 7 quater

I. - Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le B du III de l’article 68 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 4. Par dérogation, les taux de TVA de 7 %, 19,60 % et 8 % continuent de s’appliquer aux travaux immobiliers achevés au 30 juin 2014, si l’entreprise peut justifier, d’une part d’un devis signé et, d’autre part, du versement d’un acompte représentant au moins 30 % du prix des travaux, avant le 31 décembre 2013. »

II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Les mesures prises lors du vote de la loi de finances pour 2013 quant au relèvement des taux de 7 %, 8 % et 19,60 % à 10 % et 20 % se révèlent pénalisantes pour les entreprises du bâtiment, donc pour l’emploi. En effet, quelle que soit la date de fixation des conditions de mise en œuvre des nouveaux taux de TVA, ces dispositions méconnaissent la relation ordinaire, vécue au quotidien entre les entreprises et leurs clients.

Pour les relations avec les professionnels, le changement de taux va entraîner, au début de 2014, des modifications dans la facturation avec des taux de TVA qui ne seront plus les mêmes lorsque les clients auront payé après le 31 décembre 2013.

Cette situation risque d’entraîner des incompréhensions, des contentieux et peut-être quelques difficultés dans la gestion administrative des entreprises. Celles-ci sont souvent, rappelons-le, des TPE, qui ne disposent pas toujours des outils techniques leur permettant de répondre aux demandes dans les meilleures conditions et dont la trésorerie est parfois exsangue, sans parler des délais de paiement que leur imposent leurs clients, loin d’être toujours brefs.

Au surplus, ces entreprises doivent elles-mêmes faire face, pour toutes leurs commandes, aux problèmes suscités par ces nouveaux taux de TVA.

Ces problèmes administratifs ont un coût d’autant plus élevé qu’ils viennent s’ajouter à ceux qui sont induits par la nouvelle réglementation applicable aux comptabilités informatisées pour les contrôles fiscaux.

Ce serait ajouter encore à ces difficultés, monsieur le ministre, ce qui paraît particulièrement sévère.

Par ce bien modeste amendement, monsieur le ministre, nous souhaitons, pour un temps déterminé, une mise en œuvre de ces nouveaux taux de TVA plus adaptée à la réalité des marchés.

Ainsi, les taux de 7 %, 8 % et 19,60 % seraient maintenus jusqu’à l’achèvement des travaux immobiliers, et ce quelle que soit la date de paiement, si certaines conditions, qui sont très strictes, se trouvaient réunies : signature d’un devis avec versement d’un acompte d’au moins 30 % avant le 31 décembre 2013 ; encaissement obligatoire de l’acompte dans les premiers jours de janvier 2014 ; achèvement des travaux intervenant jusqu’au 30 juin 2014.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je tiens tout d’abord à remercier M. Requier d’inscrire sa démarche dans le droit fil de la préoccupation exprimée par la commission des finances.

Par ailleurs, j’indique aux auteurs des amendements nos I–81 rectifié et I-327 rectifié que, dans la logique des arguments déjà développés, je ne peux que donner un avis défavorable à leurs propositions. La première coûterait 1,5 milliard d'euros et la seconde, « seulement » 200 millions d'euros, mais c’est un peu trop, à nos yeux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sur l'amendement n° I-81 rectifié, je rappelle tout d’abord que l’annonce présidentielle du 21 mars 2013 a conduit le Gouvernement à proposer, dans le présent projet de loi de finances, de soumettre au taux réduit de TVA, à compter du 1er janvier 2014, les opérations de construction et de rénovation de logements sociaux.

Par ailleurs, le rapporteur général a déposé un amendement, auquel le Gouvernement est favorable, visant à soumettre au taux réduit les travaux d’amélioration de la performance énergétique dans les logements privés, ces mesures contribuant à réduire la facture énergétique des Français, notamment des ménages modestes, et à soutenir l’activité et l’emploi dans le secteur du bâtiment.

Généraliser la baisse de la TVA à tous les travaux de rénovation aurait un coût extrêmement important, que nous avons évalué à 1,6 milliard d'euros dès 2014 et à 1,75 milliard d'euros en 2015.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, madame Beaufils, qu’il me soit difficile, quel que soit l’intérêt de cet amendement, qui a d'ailleurs été présenté par plusieurs groupes politiques, d’y réserver une suite favorable.

Pour ce qui concerne l’amendement n° I-327 rectifié, des mesures spécifiques d’entrée en vigueur des dispositions relatives à la TVA existent déjà pour le reliquat des travaux immobiliers dans les logements sociaux qui ne pourront pas bénéficier de la baisse de la TVA à 5,5 %.

En outre, des mesures plus favorables d’entrée en vigueur seront proposées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour les travaux dans les logements de plus de deux ans. Ces mesures devraient répondre aux préoccupations que vous avez exprimées et permettre d’avancer dans le sens que vous souhaitez.

Je propose que nous évoquions de nouveau ces sujets dans quelques instants, lorsque nous examinerons l’article 7 ter. Je m’étais en effet engagé hier à donner des informations au Sénat sur l’entrée en vigueur du taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation et les travaux induits ; je pourrai compléter mon propos à cette occasion.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° I-81 rectifié.

M. Gérard Longuet. Je m’abstiendrai sur cet amendement comme sur le suivant.

En effet, s’ils répondent à une large demande de la profession, ces amendements méconnaissent une réalité que nos compatriotes découvrent : la collectivité publique consacre près de 45 milliards d'euros aux aides au logement, sous différentes formes, ce qui représente 2,3 points de PIB.

Cela n’empêche pas que le logement soit en France à la fois insuffisant sur le plan tant quantitatif que qualitatif, surtout dans certaines régions, et globalement parmi les plus coûteux d’Europe, en particulier par rapport à l’Allemagne, l’un de nos plus proches voisins.

Il ne serait pas complètement inutile de commencer à réfléchir plus globalement sur une politique qui est à la fois coûteuse pour la collectivité et dont on a le sentiment qu’elle a pour effet de solvabiliser une demande et, en définitive, de contribuer à une hausse constante des prix du logement, qu’il s’agisse d’acquisition, de location ou de travaux.

Puisque M. le Premier ministre a lancé une réflexion pour un projet fiscal d’ensemble, il ne serait pas inutile de réfléchir sur la fiscalité du logement, si coûteuse et assez largement inutile.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Mme Michèle André. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre argumentation et je vais retirer l’amendement n° I-327 rectifié. Il s’agissait d’un amendement d’appel dans une période où, temporairement, le bâtiment apparaît un peu plus fragilisé.

Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° I-327 rectifié est retiré.

La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote sur l’amendement n° I-81 rectifié.

M. Albéric de Montgolfier. Je souhaiterais interroger M. le ministre. Je ne sais pas encore quelle sera ma position sur cet amendement. C’est que, si j’ai bien conscience de la perte de recettes fiscales que son adoption entraînerait, je n’ignore pas non plus le risque d’érosion des recettes que ferait courir l’augmentation des taux de TVA par le développement du travail au noir.

Je fais le parallèle avec les emplois à domicile : l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, qui assure la collecte des cotisations, constate une très forte diminution des recettes au titre des cotisations pour les emplois à domicile. Manifestement, l’augmentation des taux de cotisations a accru la part de travail non déclaré.

Si nous augmentons les taux de TVA dans le secteur du bâtiment, ne prenons-nous pas le risque de voir se développer le travail au noir et de nous retrouver, en définitive, avec des recettes moindres ?

C’est une vraie question. L’une des raisons de la création du taux réduit de TVA, c’était de ramener dans la sphère de l’activité déclarée, avec tout ce que cela comporte comme cotisations versées et comme impositions, un travail qui, très souvent, se faisait de manière non déclarée.

Le risque existe, comme on le constate déjà pour les emplois à domicile, qu’une partie de cette activité se poursuive, mais sans être déclarée.

Mme la présidente. La parole est M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Nous sommes tous d’accord sur l’objectif : il faut essayer de remplir les caisses de l’État. Je vais donc vous faire une proposition que vous pourrez peut-être reprendre, monsieur le ministre.

Alors que plusieurs centaines de milliers de personnes en France ne trouvent pas à se loger, le nombre de logements vides est plus important que le nombre d’habitants à loger !

Il n’y a qu’à se rendre en ce moment dans n’importe quelle station balnéaire pour le constater : 1 % des appartements sont occupés, tout le reste est dans le noir !

Serait-il illogique de faire payer une taxe d’habitation supérieure à ceux dont les logements ne sont pas loués pendant un certain temps dans l’année ? (Exclamations sur certaines travées.)

J’ai une résidence secondaire, je sais ce que je paie !

À défaut de régler le problème du logement en lui-même, cela permettrait de remplir les caisses pour financer la construction.

M. Gérard Longuet. Excellente idée !

M. André Gattolin. Bonne idée !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Dans l’objet de cet amendement n° I-81 rectifié, il est indiqué que « le présent amendement a pour objet de rétablir le taux réduit de la TVA à 5,5 % sur les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien portant sur les locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans. »

Franchement, va-t-on financer, grâce à un taux de TVA réduit, des travaux d’aménagement dans des logements quasi neufs ? Peut-être serait-il plus judicieux de prévoir cette disposition pour des logements achevés depuis au moins cinq ou dix ans. Cela me semblerait plus raisonnable.

Cela étant, monsieur le ministre, pour rester sur le logement, j’attire votre attention sur le fait que le Gouvernement a fixé l’objectif de construction de 500 000 logements par an, et l’on sait combien cela est nécessaire pour rattraper un retard qui est bien réel, malgré la mise en chantier de 430 000 logements en 2011. Cette année, 300 000 logements ont été mis en chantier et, au rythme actuel, environ 250 000 logements devraient l’être l’année prochaine.

Une attention particulière est effectivement portée au logement social avec ce taux de TVA réduit, mais, même si l’on construit 120 000 ou 130 000 logements sociaux par an, pour atteindre l’objectif de 500 000, il va bien falloir que les investisseurs privés s’y mettent.

Dans la mesure où le dispositif Duflot n’a pas l’air de donner beaucoup de résultats, sans parler des inquiétudes suscitées par le projet de loi ALUR, encore en navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat, je crains que nous ne soyons loin, très loin de l’objectif des 500 000 logements par an.

Cela pose tout de même un vrai problème pour ceux qui cherchent un logement, mais également pour toutes les entreprises du secteur car, même si les catastrophes à venir ne sont pas encore toutes visibles, je crains fort qu’un certain nombre d’entreprises du bâtiment ne soient proches du dépôt de bilan !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Notre collègue Philippe Dallier s’interroge sur l’application d’un taux réduit de TVA à des travaux réalisés dans des habitations achevées « depuis plus de deux ans ». Cela peut paraître très court, mais nous n’avons fait ici que reprendre la formulation qui prévalait avant le changement des taux de TVA, qui est d'ailleurs celle qui est habituellement utilisée par les services fiscaux, notamment pour les logements ouvrant droit à défiscalisation.

Il est toutefois évident que notre amendement répond surtout à la volonté de maintenir les conditions favorables au développement des travaux qui ont été engagés ces dernières années, afin que le mouvement ne soit pas ralenti par une évolution de la TVA. Il a aussi pour objet d’éviter le recours au travail au noir, dont M. de Montgolfier rappelait combien il pouvait être important dans un secteur d’activité, notamment du fait de la hausse des taux de cotisations…

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-81 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° I-402 rectifié, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 7 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ... Les prestations de location d’un bien dont la finalité est la vente de l’usage d’un bien et non du bien lui-même. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. II s’agit, avec cet amendement, d’encourager, par le biais d’une TVA à taux intermédiaire, la location d’un bien plutôt que sa vente. Cette incitation fiscale se justifie par le fait que la location permet de dynamiser l’économie, tout en contribuant à la réduction des déchets.

La surconsommation mène en effet à la raréfaction des matières et à l’augmentation des déchets, en particulier des déchets d’équipements électriques et électroniques, les fameux D3E.

D’autres modèles économiques plus responsables existent et doivent être favorisés.

L’économie de fonctionnalité, qui consiste à vendre l’usage d’un bien plutôt que le bien lui-même, participe pleinement à cet objectif. Ce modèle se fonde sur la vente du service et la qualité des produits. En effet, les propriétaires loueurs des biens ont tout intérêt à rechercher la qualité des produits afin d’augmenter leur durée de vie pour donc les louer plus longtemps. In fine, ce système contribue positivement à la réduction des déchets, à la lutte contre l’obsolescence programmée et à la production de qualité.

Les conclusions du Grenelle de l’environnement soulignent les bénéfices de l’économie de fonctionnalité. Elle encourage le recyclage et la réparation des biens plutôt que leur élimination : en cela, elle est complémentaire de l’économie circulaire. Par ailleurs, elle conduit, dans la pratique, au développement de nouvelles filières de services et d’emplois autour des activités de location, de maintenance et de réparation.

C’est pourquoi nous proposons une incitation fiscale en faveur des activités de location par le biais d’une TVA à taux intermédiaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. La sincérité de nos collègues du groupe écologiste est sympathique, et la conviction de M. Gattolin est évidente.

Simplement, nous combattons les niches fiscales et nous nous efforçons de les réduire, tandis que vous souhaitez en créer une nouvelle.

Monsieur Gattolin, je partage assez largement votre analyse sur la pertinence qu’il y a bien souvent à être locataire d’un bien plutôt que propriétaire, même si la relation à un objet est d’ordre parfaitement irrationnel. Certains préfèrent être propriétaires ; d’autres, au contraire, fuient cette dépendance. La propriété, c’est le vol,…

M. André Gattolin. Vous connaissez bien Proudhon !

M. Gérard Longuet. … mais naturellement le vol du propriétaire, mon cher collègue ! Voyez que je défends Proudhon ! (Sourires.)

Être propriétaire ou non doit relever du libre choix de chacun. L’État n’a pas à décider un avantage fiscal pour inciter à aller dans un sens ou dans un autre, car cela conduit à une déformation des comportements.

Si cet amendement était voté, je ne doute pas que, dans quelques années, un bureau de votre administration, monsieur le ministre – je vous souhaite d’occuper toujours ce poste, mais, si c’est un autre ministre, il sera sollicité de la même façon ! – sera chargé de faire disparaître ce qui apparaîtra alors comme une niche, créée dans un élan de conviction. Car c'est bien par conviction que notre collègue nous propose de remplacer la propriété d’un bien par la jouissance temporelle de ce bien via la location.

Laissons les usagers établir librement leurs relations avec les biens ! Ne demandons pas au Gouvernement de choisir car, en plus de lui coûter cher, la mise en place d’une nouvelle niche fiscale lui sera ultérieurement reprochée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-402 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° I-144 rectifié est présenté par M. Assouline, Mme Cartron, MM. Andreoni, Antiste, Antoinette et D. Bailly, Mme Blondin, MM. Chiron, Domeizel et Eblé, Mmes D. Gillot, Khiari, Laurent-Perrigot et Lepage, MM. Lozach, Madrelle et Magner, Mme D. Michel et MM. Percheron, Rainaud et Vincent.

L'amendement n° I-286 rectifié est présenté par M. P. Laurent, Mme Gonthier-Maurin et M. Le Scouarnec.

L'amendement n° I-401 rectifié est présenté par M. Gattolin, Mmes Bouchoux et Blandin, M. Placé et les membres du groupe écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 7 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 298 septies du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après l’année : « 1934, », sont insérés les mots : « et sur les services de presse en ligne reconnus en application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, » ;

2° Le second alinéa est supprimé.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° I-144 rectifié.

M. David Assouline. Cet amendement, que je présente de façon récurrente depuis au moins trois ans, vise à étendre à la presse en ligne le bénéfice du taux réduit de TVA de 2,1 %, jusqu’à présent réservé à la presse imprimée.

À l’heure actuelle, le taux de TVA applicable aux services de presse en ligne est de 19,6 %. Je rappelle que l’ensemble des titres de presse reconnus par la Commission paritaire des publications et des agences de presse bénéficient du taux « super réduit » de 2,1 %.

La baisse proposée du taux de TVA va dans le même sens que l’instauration d’un taux réduit pour le livre numérique dans la loi de finances pour 2011, applicable depuis le 1er janvier 2012.

Pour la deuxième fois, le 13 octobre 2011, les parlementaires européens ont adopté, à une très large majorité, une résolution sur la TVA dans laquelle ils soutiennent l’application d’un taux réduit pour la presse en ligne.

L’égalité de traitement fiscal est la condition de la réussite de la migration de la presse vers le support numérique, non seulement au regard du principe de neutralité du moyen de diffusion - les contenus éditoriaux diffusés par les entreprises de presse ne changent pas de nature et de qualité selon le support utilisé -, mais aussi compte tenu de l’urgence de la situation, la crise profonde traversée par ce secteur exigeant que la presse se voie conférer les moyens de réussir sa mutation numérique.

La perte de recettes fiscales serait extrêmement limitée aujourd’hui, dans la mesure où la presse en ligne n’est pas encore très développée. Mais gageons qu’elle le sera demain et que la question du soutien à la presse indépendamment du support sera alors posée avec une acuité nouvelle.

Aujourd'hui, la presse papier bénéficie du taux à 2,1 %, alors que la presse numérique est soumise à un taux de 19,6 %. Le taux réduit avait été adopté pour soutenir la presse, indépendamment du support utilisé. Il ne s’agissait pas d’une aide au papier ! En tout cas, ce n’était pas du tout l’esprit de la loi.

Au contraire, en favorisant l’essor d’un modèle économique pérenne payant pour la presse en ligne, cet amendement permettra d’asseoir sur des bases solides les recettes fiscales de demain, avec la multiplication attendue des services de presse en ligne.

Dans l’immédiat, la mesure n’aurait pas d’impact négatif sur les recettes de l’État, puisque le développement des offres numériques payantes de la presse, qu’il s’agisse de la vente au numéro, de la vente par abonnement ou de la vente forfaitaire au travers de kiosques numériques, se situe dans une phase de démarrage.

Parallèlement, les recettes fiscales tirées de la presse papier connaissent un déclin irréversible, compte tenu de la baisse structurelle des ventes.

Ces offres numériques ont ainsi vocation à renverser la tendance à la décroissance inéluctable des lecteurs traditionnels de presse et à leur migration vers les contenus gratuits, synonymes de déperdition fiscale pour l’État.

La combinaison d’un taux à 2,1 % et de politiques commerciales attractives de la part des éditeurs contribuera au développement rapide de ce nouveau marché et à l’apparition de recettes fiscales supplémentaires.

Le véritable manque à gagner fiscal réside bien plus dans les pratiques de certaines multinationales, lesquelles facturent les abonnements aux services de presse en ligne consommés en France sans prélever aucune TVA, dès lors que leur siège social est situé en Irlande au Luxembourg…

Madame la présidente, je constate que j’ai dépassé mon temps de parole. J’interviendrai en explication de vote pour compléter mon propos.

Mme la présidente. L’amendement n° I-286 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l'amendement n° I-401 rectifié.

M. André Gattolin. Mon amendement étant identique à celui qu’a présenté David Assouline, je serai bref.

Lorsque l’on évoque la presse en ligne numérique, nous sommes dans la modernité, mais en votant et revotant cette proposition, nous faisons de cet amendement un classique !

Il faut le rappeler, un rapport a été remis au Gouvernement en mai dernier par Roch-Olivier Mestre, conseiller maître à de la Cour des comptes. L’auteur constate une véritable discrimination au sein du secteur de l’information publique et demande qu’il soit mis fin à cette distorsion de concurrence anormale.

On argue beaucoup, il est vrai, du droit européen. Mais, avant de craindre une condamnation, osons ! Le Gouvernement avance, me semble-t-il, sur cette question. Nous aimerions obtenir des informations sur la neutralité fiscale que l’on espère dans le traitement de la presse écrite et de la presse en ligne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’expertise technique, certes modeste, à laquelle la commission des finances a pu procéder nous amène à penser que la mesure proposée serait contraire au droit communautaire.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé, dans le cadre de sa réforme des aides à la presse, son intention d’ouvrir des discussions avec la Commission européenne sur ce sujet précis dans le cadre de la révision de la directive TVA.

Dès lors, la commission des finances demande le retrait de ces deux amendements identiques ; sinon, elle y sera défavorable.