M. David Assouline, rapporteur. Très bien !

Mme Aurélie Filippetti, ministre. Dans le prolongement de la réforme, une mission a été confiée au député Michel Françaix sur notre champion français en matière d’agence de presse, l’AFP, en vue de conforter la place de cette entreprise tout à fait particulière.

Concernant les kiosques, que j’ai évoqués dans mon propos liminaire, j’ai demandé aux éditeurs de presse de réaliser un effort tout particulier pour améliorer la rémunération des kiosquiers de niveau 3. Celle-ci est l’une des plus faibles d’Europe, ce qui est anormal dans un pays qui dispose d’un système d’accompagnement des éditeurs de presse. Oui, madame Blandin, les conditions de travail et de rémunération des kiosquiers doivent être améliorées.

L’effort porte aussi sur les photojournalistes. Le projet de décret relatif à un barème de rémunération fait débat, vous le savez. Je suis ouverte à toutes les propositions, mais il était de mon devoir d’agir compte tenu de l’absence de discussion, à ce stade, entre les partenaires sociaux.

Plusieurs d’entre vous ont mentionné la création du fonds dit « fonds Google ». Certes, ce fonds ne résout pas tout. J’avais d'ailleurs annoncé que nous étions prêts à présenter un projet de loi si les parties ne parvenaient pas à un accord. Un accord est intervenu qui satisfait les éditeurs de presse. Après tout, cela relève de leur responsabilité : on ne fait pas le bonheur des gens malgré eux !

Ce fonds est tout de même doté de 60 millions d’euros. Je rappelle que les Allemands, qui ont choisi la voie législative, se trouvent aujourd'hui dans l’impasse que nous redoutions. L’entreprise Google demande aux éditeurs de presse allemands de choisir, par un système d’opt out, s’ils veulent être référencés sur Google, auquel cas ils renoncent à toute forme de contrepartie ; la loi allemande se trouve ainsi, de fait, vidée de sa substance.

L’accord conclu en France a donc permis de rassembler 60 millions d'euros pour financer des projets de modernisation, alors que la loi adoptée en Allemagne a été vidée de sa substance du fait du déséquilibre du rapport de forces. L’attitude pragmatique adoptée par la France s’est finalement révélée payante, au propre comme au figuré.

S'agissant des conditions de travail des journalistes et des photojournalistes, je vous signale que la Conférence nationale des éditeurs de presse, qui rassemble l’État et les éditeurs de presse, se réunira au mois d’avril prochain pour définir une stratégie commune. Il s’agit, là encore, d’accompagner la filière dans la difficile crise structurelle qu’elle traverse en France.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre contribution et de votre soutien à cette proposition de loi relative à la TVA sur la presse en ligne. Vous avez été nombreux à évoquer le cas de quelques entreprises de presse qui ont fait l’objet d’une procédure de redressement fiscal. Les enquêtes fiscales ne donnent lieu – est-il besoin de le préciser ? – à aucune instruction de la part du Gouvernement, ni dans un sens ni dans l’autre. Il s’agit d’ailleurs, là aussi, d’une grande avancée démocratique, et nous devons évidemment la respecter.

La proposition de loi dont nous débattons s’appliquera à partir du 1er février 2014. Elle ne sera pas rétroactive et ne concernera donc pas les affaires particulières auxquelles vous avez fait référence. (Applaudissements sur les travées socialistes. – MM. André Gattolin et Robert Hue applaudissent également.)

(Mme Bariza Khiari remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne
Article 2 (début)

Article 1er

(Non modifié)

I. – Le second alinéa de l’article 298 septies du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Sont également soumis aux mêmes taux de la taxe sur la valeur ajoutée les ventes, commissions et courtages portant sur les services de presse en ligne reconnus comme tels en application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. »

II. – Le I s’applique aux opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1er février 2014.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne
Article 2 (fin)

Article 2

(Suppression maintenue)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée définitivement.)

Mme la présidente. Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

La parole est à M. le rapporteur.

M. David Assouline, rapporteur. Discuter et adopter conforme si rapidement un texte, qui pourra ainsi être mis en œuvre dans les plus brefs délais, suppose une grande réactivité. Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à ce qu’il en soit ainsi, à commencer par la présidente de la commission de la culture, qui a réussi à bousculer l’ordre du jour, mais aussi les grands spécialistes de la presse et des médias que l’on compte parmi les fonctionnaires du Sénat affectés à cette commission.

Nous avons tous, chacun dans nos fonctions, su mettre le sujet sur la table. Je suis heureux, à la fois en tant que militant et en tant que parlementaire, de constater que la persévérance et les convictions parviennent à faire bouger les lignes, jusqu’à l’adoption – et à l’unanimité ! – de cette mesure tant attendue. J’en remercie les uns et les autres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)

Article 2 (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne
 

7

Demande de création d'une mission d'information

Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, a fait connaître à M. le président du Sénat que le groupe CRC exerce son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une mission d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises.

La conférence des présidents sera saisie de cette demande de création lors de sa prochaine réunion.

8

Saisine du conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 février 2014, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de la loi relative à la consommation.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

9

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON810
Discussion générale (suite)

Interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié

Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON810
Exception d'irrecevabilité (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810, présentée par M. Alain Fauconnier (proposition n° 331, texte de la commission n° 363, rapport n° 362).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la proposition de loi et rapporteur.

M. Alain Fauconnier, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mercredi dernier, la commission des affaires économiques a adopté cette proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié sur le territoire national.

Avant de rappeler le contexte justifiant le recours à la procédure accélérée, il me semble important de préciser le champ d’application de ce texte : d’une part, il ne vise que les maïs génétiquement modifiés et non l’ensemble des plantes génétiquement modifiées, ou PGM ; d’autre part, l’interdiction dont il est ici question porte uniquement sur la mise en culture commerciale et ne s’oppose absolument pas à la recherche, qu’il s’agisse d’expérimentations ou d’essais.

Aujourd’hui, en matière de plantes génétiquement modifiées, deux variétés de maïs posent un problème tout particulier en France.

Le 22 avril 1998, la Commission européenne autorise la mise en culture de la variété MON 810. En 2008, sur la base d’un avis du Comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM, la France instaure un moratoire sur la culture des maïs génétiquement modifiés.

Par deux arrêtés du 7 février 2008 puis du 16 mars 2012, le gouvernement précédent a en effet suspendu l’autorisation de mise en culture de la variété MON 810.

Le premier arrêté, qui mettait en œuvre la « clause de sauvegarde » prévue par la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001, a été annulé en 2011 par le Conseil d’État au motif que la contestation de l’autorisation de cette variété devait suivre les formes définies dans le règlement n° 1829/2003.

Le second arrêté, qui prévoyait la mise en œuvre de mesures d’urgence conformes à ce règlement, a été annulé le 1er août dernier par le Conseil d’État, lequel a recouru à une interprétation stricte des avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments – AESA, ou EFSA, selon l’acronyme anglais – recommandant la mise en place de mesures de gestion et de surveillance des risques liés à l’utilisation du MON 810. Aucune mesure de gestion et de surveillance n’étant imposée par la réglementation européenne ni spontanément appliquée, les risques perdurent, notamment pour l’environnement.

Rappelons que cette variété de maïs émet une toxine protégeant la plante contre certains insectes. Cependant, cet insecticide génétiquement intégré nuit également à des insectes non-cibles. Par ailleurs, les larves visées par la modification génétique ayant développé une résistance à la toxine, les agriculteurs se trouvent contraints d’utiliser des pesticides plus puissants et plus dangereux pour l’environnement. Le Conseil d’État a pourtant déclaré que ces risques n’étaient pas suffisamment importants pour définir une situation d’urgence.

Outre le MON 810, d’autres variétés de maïs sont en attente d’autorisation au niveau européen. Depuis la semaine dernière, la Commission européenne peut autoriser – contre l’avis de dix-neuf de ses États membres – l’utilisation du maïs TC 1507 ; d’autres pourraient suivre.

Ce maïs, à l’instar du MON 810, émet une substance insecticide contre laquelle les insectes cibles ont développé une résistance, notamment dans les départements d’outre-mer, tandis que des insectes non-cibles s’y trouvent exposés.

Par ailleurs, le maïs TC 1507 présente des risques importants de développement d’une résistance au glufosinate, un herbicide qui sera dès lors remplacé par des produits plus puissants et plus dangereux pour l’environnement.

La société Pioneer a déposé, pour ce maïs, une demande d’autorisation en 2001, mais le dossier n’a cheminé que très lentement. En 2007, le commissaire à l’environnement s’opposait à la délivrance de l’autorisation en raison des incertitudes scientifiques concernant les effets de ce maïs sur les insectes non-cibles, c’est-à-dire autres que ceux qui sont visés par le produit.

Le dossier s’est accéléré en novembre dernier, lorsque la Cour de justice de l’Union européenne a exigé de la Commission qu’elle fasse une proposition. Celle-ci a alors proposé l’autorisation de ce maïs, alors que d’autres solutions s’offraient à elle.

La suite vous est sans doute connue : le 16 janvier, le Parlement européen, à une large majorité, s’est opposé à cette autorisation, mais la procédure de codécision ne s’applique pas en la matière. Le 11 février, les gouvernements des États membres, qui ont un pouvoir de codécision dans le cadre du Conseil, se sont également opposés majoritairement à cette autorisation, mais les règles sont faites de telle manière que cela n’a pas suffi.

Dix-neuf États sur vingt-huit, représentant 60 % des voix, se sont explicitement opposés à l’autorisation. Seuls cinq États ont donné leur accord, les autres ayant choisi l’abstention. Or quatre de ces cinq États ne pratiquent pas du tout la culture du maïs, ou à une échelle peu significative. Je pense que les Suédois, par exemple, ne voient pas souvent du maïs…

M. Roland Courteau. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Encore que, avec le réchauffement climatique… (Sourires.)

M. Alain Fauconnier, rapporteur. … si ce n’est sous forme de pop-corn ! (Nouveaux sourires.)

Il se trouve que, selon les règles en vigueur, la proposition de la Commission ne pouvait être refusée qu’à une majorité de 74 % des voix, ce qui est considérable, l’abstention étant assimilée à un vote positif !

Peut-on décréter que « qui ne dit mot consent » lorsqu’il s’agit d’autoriser la culture de produits aussi nouveaux et controversés que les plantes génétiquement modifiées ?

Les procédures juridiques et les avis de l’EFSA sont donc respectés à la lettre, mais qu’en est-il des préoccupations des citoyens ? Car ce sont bien ces préoccupations que le Parlement européen et les gouvernements ont essayé de relayer. Nos concitoyens européens refusent que les OGM se disséminent de plus en plus dans leurs assiettes et l’alimentation de leurs animaux sans en être informés. Ces mêmes préoccupations m’ont conduit à déposer cette proposition de loi.

Au-delà des questions scientifiques que je vais évoquer maintenant, il est nécessaire d’avoir une vision globale.

Pour les citoyens, la question des plantes génétiquement modifiées comporte aussi des enjeux sociaux, économiques et éthiques qui ne sont pas suffisamment pris en compte par les règles communautaires.

Sur le plan scientifique, les procédures suivies reviennent à présumer l’absence de toxicité des plantes génétiquement modifiées. Si les chercheurs ne démontrent pas leur nocivité, elles sont presque mécaniquement autorisées. Ne faudrait-il pas adopter l’attitude inverse et considérer que leur absence de nocivité doit être démontrée sur le long terme avant d’autoriser leur mise en culture à plus grande échelle ? Je constate en effet que plusieurs questions ne font pas l’objet d’un consensus parmi les experts.

L’impact sanitaire des OGM demeure controversé. Nous manquons de tests démontrant, sur le long terme, la sécurité sanitaire des OGM pour l’alimentation humaine et animale. Il s’agit d’une question de moyens et d’accès aux données pour les laboratoires de recherche publique.

Les effets des OGM sur l’environnement sont extrêmement difficiles à déterminer, en raison de la complexité même des écosystèmes. Les scientifiques et les experts s’opposent quant aux conséquences de la présence des OGM ou de la diffusion de pesticides dans l’espace naturel sur la préservation de la biodiversité.

Les maïs génétiquement modifiés censés combattre par eux-mêmes les insectes, devraient nécessiter moins d’épandage de pesticides. Mais quel est l’impact des toxines qu’ils engendrent ? Quant aux variétés capables de résister aux herbicides, n’entraînent-elles pas, au contraire, davantage d’opérations d’épandage ?

L’apparition d’insectes résistant aux OGM a également suscité des controverses : ne risque-t-on pas d’assister à une sorte de « course aux armements » entre des plantes de plus en plus efficaces et des insectes de plus en plus résistants ?

M. Roland Courteau. Et voilà !

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Les maïs génétiquement modifiés soulèvent également des questions sociales et économiques.

La France a choisi d’instituer un Haut Conseil des biotechnologies, qui ne se contente pas d’évaluer l’impact de ces technologies sur l’environnement et la santé publique, mais étudie également leurs conséquences économiques, sociales et éthiques.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments, sur laquelle s’appuie la Commission européenne, n’étudie que certains aspects scientifiques. L’EFSA a ainsi récemment refusé de répondre à l’Italie et au Luxembourg sur la question de la coexistence des OGM avec les autres cultures, expliquant que cela ne relevait pas de son champ de compétence.

La Commission européenne autorise ainsi l’utilisation d’OGM dont elle ignore l’impact sur les autres cultures. Mais qu’adviendrait-il si l’agriculture biologique se trouvait contaminée par l’agriculture « génétique » ? Il est absolument nécessaire d’étudier et d’évaluer la possibilité de coexistence des agricultures sur nos territoires. Sans cela, nous prenons le risque de faire perdre leur liberté non seulement à nos concitoyens, quant au choix de leur alimentation, mais aussi à nos agriculteurs, quant à la manière dont ils entendent exercer leur profession.

Cette proposition de loi est loin de traduire une opposition dogmatique aux OGM. Peut-être les chercheurs parviendront-ils, dans un futur proche, à modifier génétiquement des plantes pour en accroître spectaculairement le rendement, en améliorer la valeur nutritive, les rendre résistantes à la sécheresse ou à l’eau salée, tout cela pour un coût raisonnable. Je ne peux qu’être enthousiaste à cette idée visant à combattre la faim et la malnutrition dans le monde !

Encore faut-il que ces recherches soient menées dans un cadre sanitaire sûr, protecteur des consommateurs, et qu’elles ne préludent pas à l’instauration d’un asservissement économique des producteurs au profit des grandes firmes semencières.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Alain Fauconnier, rapporteur. Dans cette proposition de loi, je le répète, il n’est question que de certains OGM : les maïs génétiquement modifiés disponibles sur le marché et dont la fonction principale est de faciliter certaines formes d’agriculture intensive.

En effet, les OGM semblent difficilement compatibles avec des exploitations de taille modeste : ils nécessitent la mise en place non seulement de distances minimales par rapport aux autres cultures pour éviter la contamination, mais aussi de « zones refuges » permettant de retarder l’apparition de résistances chez les insectes.

Par ailleurs, ces semences font l’objet de brevets qui ne permettent pas à l’agriculteur de réensemencer ses champs avec le fruit de sa récolte. Notre assemblée a adopté, le 17 janvier dernier, une résolution européenne rappelant les lourdes conséquences qu’une utilisation excessive des brevets sur le vivant pourrait avoir sur l’innovation semencière et l’organisation du secteur. Cette pratique accroît les risques de dépendance des agriculteurs et plus généralement des pays consommateurs à l’égard de brevets détenus par un petit nombre de multinationales.

La généralisation en France de la culture de plantes génétiquement modifiées aboutirait certainement au développement accru d’une agriculture de grandes exploitations, majoritairement intensive, comme en Amérique du Sud ou aux États-Unis. Est-ce bien le modèle que nous souhaitons encourager à travers nos politiques publiques ?

Une autorisation de mise en culture des maïs génétiquement modifiés aurait donc des effets considérables sur l’organisation de la filière en France. La culture du maïs est fondamentale pour l’agriculture de notre pays : plus de 100 000 exploitations cultivent du maïs sur l’ensemble du territoire, cette céréale recouvrant jusqu’à la moitié de la surface agricole utile de certains départements. Peut-on réellement se permettre de soumettre ces exploitations à des conséquences difficilement prévisibles ?

La délicate question de la traçabilité pose de nouveau le problème de la coexistence des cultures PGM – plantes génétiquement modifiées – et des cultures non PGM, pratiquées notamment par l’agriculture biologique, soumise à des normes extrêmement strictes.

Par ailleurs, en tant que président du Comité stratégique pour l’apiculture, je suis particulièrement sensible aux conséquences de la culture des PGM sur la production de miel. La traçabilité des PGM est un enjeu central pour l’apiculture, et le débat en cours entre la Commission et le Parlement européen à propos de la qualification du pollen dans la composition du miel ne peut que me conforter dans cette idée.

Mais mon inquiétude porte surtout sur la santé des abeilles. Aujourd’hui, en France, des cheptels entiers sont décimés. En dix ans, la production de miel a diminué de 30 %. Les causes de la mortalité croissante des abeilles sont bien évidemment multiples et, à ce jour, toutes ne sont pas connues. Mais comment envisager que des plantes contenant des pesticides génétiquement intégrés puissent ne pas être un facteur de risque supplémentaire pour notre population d’abeilles ?

En définitive, l’évaluation de l’opportunité d’introduire des maïs génétiquement modifiés aboutit aux conclusions suivantes : en premier lieu, les avantages d’une telle culture dans le contexte agricole français, différent de celui de l’Espagne, du Brésil ou des États-Unis, restent à démontrer ; en second lieu, l’absence de risques majeurs pour l’environnement, la santé des consommateurs et des espèces vivantes non-cibles sont totalement incertaines.

Telles sont les raisons pour lesquelles la présente proposition de loi prévoit la mise en œuvre d’études plus approfondies avant d’autoriser la mise en culture de maïs génétiquement modifiés.

Le respect de l’interdiction sera confié aux agents chargés de l’inspection et du contrôle des végétaux. Ils disposeront de certains pouvoirs attribués par le code rural et de la pêche maritime : accès aux locaux et parcelles aux heures ouvrables, communication de documents professionnels, prélèvement de produits et d’échantillons. En cas de non-respect de l’interdiction, l’autorité administrative – le préfet –pourra ordonner la destruction totale ou partielle des cultures.

Ce texte ne vise pas à mettre fin aux débats. Il rejoint au contraire une demande des États européens qui, depuis 2008, souhaitent une révision et un renforcement des méthodes d’évaluation des risques environnementaux liés aux plantes génétiquement modifiées. Cela permettrait de discuter, avec une meilleure prise en compte des questions soulevées par les citoyens, de l’autorisation de mise en culture des nouvelles variétés et du renouvellement des autorisations déjà accordées.

La commission des affaires économiques n’a pas modifié contenu de la proposition de loi, se cantonnant à en corriger l’intitulé. Elle vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte issu de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous débattons en cette fin d’après-midi d’un sujet important pour l’opinion française et, plus globalement, pour les opinions européennes. Ce sujet implique également les questions posées par la recherche et ses finalités.

M. Jean Bizet. Il n’y en a plus !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Comme je l’ai dit lors du débat sur les semences, il faut garder son sang-froid et tenter de ne pas céder à la caricature. Nous avons besoin de retrouver objectivité et rationalité.

Un débat démocratique est nécessaire, car, au-delà des choix scientifiques, il faut déterminer où se situe l’intérêt général.

Je trouve frappant que de grandes sociétés privées se soient en quelque sorte approprié l’intérêt général. Je me souviens que les premiers OGM avaient ainsi été présentés comme étant « la » solution à la faim dans le monde ! Une entreprise privée proposait de prendre seule en charge ce grand enjeu pour l’humanité ! Or une telle question mérite tout de même un débat, des discussions, des analyses contradictoires, car il n’y a pas de sujets tabous.

Je rappelle que, aujourd'hui, le droit européen sur les OGM est totalement différent de celui qui s’applique aux produits phytosanitaires et aux médicaments, lesquels font systématiquement l’objet de débats contradictoires quant au rapport entre les coûts et les bénéfices qu’ils représentent, entre les avantages et les inconvénients qu’ils emportent. Je l’ai dit maintes fois, s’il est un sujet qui doit être porté à l’échelle européenne, c’est bien le changement de la législation sur les OGM !

Je ne me satisferai pas de ce qui s’est passé avec le fameux TS 1507, produit par la société Pioneer : il pourrait bien être autorisé par la Commission, alors que le Parlement européen a voté à une large majorité contre cette autorisation, dix-neuf États membres y étant hostiles quand seulement cinq pays ont donné leur accord et que quatre autres se sont abstenus. Et, M. Fauconnier l’a dit, parmi les pays qui ne sont pas opposés à cette autorisation, il en est un certain nombre qui ne produisent même pas de maïs ! À moins que le réchauffement climatique ne soit tel qu’ils finissent par pouvoir en cultiver un jour...

Les règles du débat doivent donc être changées. C’est le point de vue que je défends, au nom de la France, au sein du Conseil européen. Les débats sur les OGM doivent s’appuyer sur des données concrètes. Chaque État doit pouvoir faire des choix en fonction de critères environnementaux et sociaux, de critères de protection des productions de qualité. Les agricultures européennes sont diverses. Chacun doit pouvoir, en conscience, et à partir de critères objectifs, décider d’utiliser ou non des OGM, en se fondant sur un bilan entre avantages et inconvénients.

Je l’ai dit, je suis favorable à un débat. Le Haut Conseil des biotechnologies organisera d’ailleurs, le 1er avril prochain, un débat contradictoire.

Si les OGM utilisés ont pu, les premières années, avoir des effets positifs en termes économiques et de réduction de l’utilisation des pesticides, voire des herbicides, tel n’est plus le cas aujourd'hui. Quand on examine leurs effets sur des séquences beaucoup plus longues, on s’aperçoit que ces OGM ne sont pas si favorables ni d’un point de vue économique ni d’un point de vue environnemental, au regard des objectifs mis en avant au moment de leur mise en culture, que ce soit aux États-Unis, en Amérique latine ou même en Espagne.

Si la compétitivité de la filière des semences françaises dépend tant que cela des OGM, comment expliquer que notre pays se place au premier rang mondial pour les exportations de semences, au troisième rang mondial et au premier rang européen pour la production ?

Il va donc falloir changer la législation européenne. Le débat est en cours. Nous avons déposé un texte, qui fait actuellement l’objet de discussions avec l’ensemble de nos partenaires. Nous ne pouvons pas en rester à la situation actuelle. Dès lors que des critères seront définis, un débat démocratique pourra avoir lieu.

Je l’ai dit ici même la semaine dernière : une page de l’histoire des OGM va se tourner et une autre va s’ouvrir. Un certain nombre de pistes sont d’ailleurs explorées. Enrichir un riz en vitamine A est une bonne chose, sachant que cela permettra de lutter contre la cécité dans un certain nombre de grands pays où le taux de cécité, en particulier chez les enfants, est élevé.

Les critères qui devront être définis permettront de nourrir un débat et de déterminer ce qu’est, en l’espèce, l’intérêt général, qui ne saurait se confondre avec les intérêts de quelques-uns ou de quelques firmes.

Le changement de règles européennes doit résulter de débats s’appuyant sur des données objectives, afin que les États puissent faire des choix éclairés.

Dans le domaine des OGM, la recherche et l’innovation ne sauraient être freinés. Mais les choix qui seront faits doivent, eux, être effectués au nom de l’intérêt général. Et cela mérite un débat démocratique. Il n’appartient ni aux chercheurs ni à des entreprises privées de décider pour les populations des différents pays.

Voilà pourquoi je compte bien faire progresser l’idée de changement juridique.

Ce n’est pas tout ou rien. Il s’agit d’ouvrir des marges de débat démocratique, afin de pouvoir prendre des décisions sur des sujets extrêmement importants, qui engagent beaucoup, qu’il s’agisse du choix de techniques agricoles ou, plus largement, de notre conception de l’agriculture.

Jusqu’à présent, les OGM ont été utilisés avant tout pour prolonger un certain modèle de production. Or nous pouvons envisager sereinement, en particulier ici, au Sénat, de poser la question des modèles de production lors du débat que nous aurons sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, sans pour autant jamais remettre en cause le niveau de la production. La performance économique, je ne cesserai de le répéter, est tout à fait compatible avec une production agricole écologique.

Tels sont les termes du débat à moyen et à long terme.

Mais il faut aussi traiter les questions de court terme. Depuis que la mise en culture du maïs MON 810 a été autorisée en 1998, de l’eau a coulé sous les ponts. Plusieurs interdictions ont été prononcées en France, en particulier par des majorités différentes de celle d’aujourd'hui. En mars 2012, la clause de sauvegarde a été invoquée, mais elle a été remise en cause par le Conseil d’État l’an dernier, ce qui nous oblige aujourd'hui à prendre une décision.

Si l’on reste dans le flou juridique actuel, cet OGM pourra être mis en culture, ce que nous ne souhaitons pas, même si, je le rappelle, des professionnels se sont engagés à ne pas y avoir recours et si la firme Monsanto elle-même a indiqué qu’elle ne souhaitait pas vendre son maïs en France.

Toutefois, comme j’ai pu le constater, certains producteurs ont publiquement indiqué que, quelle que soit la situation en France et quels que soient les choix de Monsanto, on pouvait se procurer le MON 810 dans un pays limitrophe de la France, en particulier en Espagne. Cela me renforce dans l’idée qu’une mesure législative est nécessaire.

Je le sais, celle qui est ici proposée suscite des interrogations, car elle n’est pas compatible avec le cadre européen actuel.