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Article 8 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie
Article 8

Malades et personnes en fin de vie

Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 8.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie
Article additionnel après l’article 8

Article 8 (suite)

M. le président. L’amendement n° 38 rectifié bis, présenté par Mme D. Gillot, MM. Labazée, Godefroy et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Frécon, Gorce et Kaltenbach, Mme D. Michel, MM. Madec, Courteau, Botrel et Rome, Mme Lepage, M. Manable, Mme Perol-Dumont, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’accès aux directives anticipées est facilité, avec le consentement du patient, par une mention inscrite sur la carte Vitale et dans le dossier médical.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. L’article 8 concerne les directives anticipées, qui constituent l’une des avancées de la proposition de loi.

Il s’agit de permettre au patient ou au futur patient d’édicter ses volontés concernant sa fin de vie sous forme de directives anticipées, les conditions devant en être précisées dans un texte règlementaire. Le Gouvernement a prévu de conserver ces directives dans un registre national.

Pour que cette disposition soit opérante et crée une obligation morale s’imposant au médecin traitant, sans pour autant instaurer un droit opposable – j’ai bien entendu les arguments qui ont été échangés à cet égard –, il convient de s’assurer que les directives soient connues rapidement, afin de faire face à d’éventuelles situations d’urgence.

Je propose donc que l’accès aux directives anticipées soit facilité, avec le consentement du patient, par une mention inscrite sur sa carte Vitale et dans son dossier médical. Ainsi, dans une situation d’urgence, l’équipe médicale pourra prendre connaissance très rapidement de l’existence de ces directives anticipées, conservées dans un registre national, et s’y référer le plus vite possible, avant d’engager toute investigation qui aurait pu être refusée par le patient.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, corapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à prévoir que l’existence de directives anticipées peut être mentionnée, si le patient en est d’accord, sur la carte Vitale et dans le dossier médical du patient.

Cette solution, qui est intéressante, ne paraît cependant pas très opportune du point de vue technique, dans la mesure où la carte Vitale a pour vocation de contenir des informations administratives relatives à l’assurance maladie.

Compte tenu de l’objectif visé, la facilité d’accès, une telle mesure relèverait davantage du dossier médical partagé. En outre, comme vous l’avez rappelé, ma chère collègue, l’Assemblée nationale a prévu, sur l’initiative du Gouvernement, que les directives anticipées puissent être inscrites dans un registre national dont la mise en œuvre sera contrôlée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Je le répète, la proposition est intéressante, mais je ne suis pas persuadé qu’elle soit réalisable techniquement pour l’instant, même si c’est une idée à retenir pour l’avenir.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je comprends la démarche des auteurs de cet amendement.

Si nous avons proposé à l’Assemblée nationale la mise en place d’un registre national, c’est parce que cette mesure permettra de satisfaire à la fois à l’exigence d’une consultation rapide et simple de la part d’un professionnel de santé et à celle de confidentialité des données. Dès lors qu’il existera un fichier, nous devrons être attentifs aux recommandations de la CNIL.

Aujourd’hui, la carte Vitale peut aussi être celle des ayants droit, comme les enfants ou le conjoint. Elle peut donc être utilisée directement par une personne ayant ainsi accès à des informations que le titulaire ne souhaiterait pas nécessairement faire connaître.

Je ne dis pas que la carte Vitale ne sera jamais le support des directives anticipées. Mais nous ne disposons pas aujourd’hui des éléments permettant de considérer que c’est la bonne réponse.

Nous avons besoin d’un registre. D’ailleurs, la carte Vitale pourrait s’inscrire dans ce cadre : cela pourrait être la déclinaison de ce registre. Pour autant, nous ne disposons pas encore du dispositif technique adéquat. Nous allons donc lancer des études qui permettront, via le décret, d’aller de l’avant. Sur cette base, nous verrons quel le dispositif est le plus fiable, le plus accessible, le mieux sécurisé et le plus facile à gérer.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Gillot, l’amendement n° 38 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Dominique Gillot. Non, monsieur le président ; je vais donner satisfaction à Mme la ministre en retirant mon amendement.

Je ne pense pas qu’il faille sacraliser les directives anticipées. Le mieux est de parler en famille et de s’exprimer très librement, avec ses enfants ou la personne que l’on aura choisie comme interlocuteur de confiance, sur ses choix concernant sa fin de vie. La recommandation de confidentialité me semble donc quelque peu excessive.

En effet – mais peut-être suis-je la seule à penser ainsi ? –, si l’on veut faire évoluer les mœurs et les habitudes, il faut que ces directives anticipées deviennent une pratique naturelle. À cet égard, je me souviens des difficultés que nous avons rencontrées voilà quelques années pour constituer les banques de greffons, du fait des très fortes réticences qui existaient lorsqu’il s’agissait de donner des autorisations. Nous avons beaucoup progressé aujourd’hui, mais il reste du chemin à parcourir.

Nous devons populariser et socialiser l’établissement des directives anticipées. L’objectif n’est pas de les rendre accessibles le plus rapidement possible. Il s’agit de faire en sorte que l’équipe soignante chargée de prendre en charge en urgence un malade ou une personne blessée lors d’un accident de la route ou d’un accident domestique puisse consulter immédiatement ce document et prendre connaissance d’éventuelles directives.

J’avais même proposé que le nom de la personne de confiance figure dans ce document, afin que l’on ne perde pas de temps et que l’on n’effectue pas de gestes médicaux destinés à soigner des personnes qui ne le souhaiteraient pas.

Je comprends que ma position puisse surprendre. Mais imaginons une personne gravement malade, atteinte de la maladie de Charcot ou d’une sclérose amyotrophique, par exemple, et qui sait qu’elle est condamnée à plus ou moins brève échéance. Elle a un accident de voiture et elle a établi des directives anticipées aux termes desquelles, dans pareille situation, elle ne veut pas faire l’objet d’un acharnement thérapeutique. Si l’équipe du service des urgences qui prend en charge cette personne n’a pas rapidement connaissance de ce choix, elle risque d’engager des procédures médicales qui ne respecteront pas sa volonté et de se le voir reprocher par la suite.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Ce sujet me tient particulièrement à cœur.

Lors de l’audition de Sophie Caillat-Zucman, candidate pressentie pour le poste de président du conseil d’administration de l’Agence de biomédecine, j’ai posé une question à propos du don d’organe. Je sais que ce n’est pas l’objet du débat qui nous occupe, mais le problème est, au fond, exactement le même : quel meilleur moyen d’avoir accès facilement à la volonté des patients que de la faire figurer sur la carte Vitale ou sur le dossier médical personnel ?

Il est important de faire en sorte que les médecins aient un accès très facile à l’information, quitte à ce que les proches soient au courant, madame la ministre. Pour ma part, je souhaite que ma fille sache que je refuse l’acharnement thérapeutique ou que je suis prête à donner mes organes.

Il n’est qu’à prendre l’exemple des accidents de la route, qui peuvent impliquer des mineurs ou des adultes susceptibles de faire don de leurs organes. Certes, nous n’allons pas entamer le débat ce soir, il en sera question lors de l’examen du projet de modernisation de notre système de santé, mais l’expression même de don d’organe suppose un acte exprimant une volonté, et il faut bien que cette volonté soit mentionnée quelque part. La carte Vitale me paraît le support approprié, car tout le monde ou presque l’a sur soi.

Je ne sais pas si j’aurais voté l’amendement de Mme Gillot, mais il m’apparaît comme un appel extrêmement important pour la suite, et j’ai bien entendu, madame la ministre, que vous réfléchissiez à cette question. À l’heure des nouvelles technologies, il doit être possible d’inscrire ces directives anticipées sur la carte Vitale.

M. le président. L’amendement n° 38 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 77, présenté par M. Barbier, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le médecin traitant informe ses patients, à leur demande, des conditions de rédaction de directives anticipées.

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 7 de l’article 8 pose problème. En effet, revient-il au médecin, lorsqu’il est face à un patient présentant une infection susceptible d’avoir des conséquences fatales, de prendre l’initiative de l’informer de la possibilité de rédiger des directives anticipées ? Il me semble préférable que le médecin attende d’être sollicité par le patient pour lui donner les informations nécessaires.

M. le président. L'amendement n° 42 rectifié bis, présenté par Mme D. Gillot, MM. Labazée, Godefroy et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Frécon, Gorce et Kaltenbach, Mme D. Michel, MM. Madec, Courteau, Botrel et Rome, Mme Lepage, M. Manable, Mme Perol-Dumont, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les mineurs sont sensibilisés à la possibilité de rédiger des directives anticipées, à partir de leur majorité, à l’occasion de la journée défense et citoyenneté mentionnée à l’article L. 114-3 du code du service national.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Pour populariser la pratique de la rédaction de directives anticipées, il me semble opportun de profiter de la Journée défense et citoyenneté. Cette journée est en effet l’occasion de rassembler une même tranche d’âge dans un même lieu et représente, dans la vie de chaque individu, un moment important d’information et de sensibilisation à ce qu’est la citoyenneté.

Au cours de cette journée, des informations sont délivrées sur l’éducation à la santé, la prévention, les droits en matière de santé publique, mais aussi sur l’intérêt du don du sang, d’organe, de moelle osseuse. Dans la même veine, on pourrait sensibiliser ces jeunes adultes à la possibilité pour eux de rédiger des directives anticipées.

J’ai bien conscience que de telles informations peuvent paraître incongrues à des jeunes gens qui sont à un âge où l’on se sent invincible. Pour autant, cette information peut finir par germer et se traduire plus tard par ce geste de responsabilité personnelle qu’est la rédaction de directives anticipées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Dériot, corapporteur. Je ferai d’abord observer que ces deux amendements ont des objets complètement différents : ils ne sont en discussion commune que parce qu’ils visent tous deux à modifier la rédaction de l’alinéa 7 de l’article 8.

La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 77, qui tend à prévoir qu’une information sur les conditions de rédaction des directives anticipées n’est délivrée par le médecin que si le patient en fait la demande.

L’amendement n° 42 rectifié bis vise à sensibiliser les jeunes gens, lors de la Journée défense et citoyenneté, sur la possibilité de rédiger des directives anticipées. Certes, ce moment peut en être l’occasion, mais, à force d’alourdir le programme de cette journée, je ne suis pas certain que beaucoup se souviendront de cette information, qui ne leur paraîtra pas très agréable. (Mme Dominique Gillot s’exclame.)

Convenez, ma chère collègue, que pour ces jeunes la Journée défense et citoyenneté est longue et fastidieuse, car un grand nombre d’informations leur sont délivrées. Je profite d’ailleurs de l’examen de cet amendement pour mettre en garde contre la fâcheuse tendance qui consiste à faire de cette journée le moyen de résoudre un certain nombre de difficultés pour lesquelles aucune autre réponse n’a été trouvée.

Certes, dans la mesure où le projet de loi de modernisation de notre système de santé prévoit la réalisation d’un test systématique de dépistage de la surdité au cours de la Journée défense et citoyenneté, les jeunes pourront entendre toutes les informations qu’on leur donnera ! (Sourires.)

Pour autant, je n’ai pas le sentiment que les jeunes seront très réceptifs à ce genre d’informations ce jour-là. Il faudrait trouver une autre idée. C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 77, même si l’on comprend bien la démarche de M. Barbier. Je ne vois pas l’utilité d’enserrer dans un cadre contraignant, dans un sens ou dans un autre, la relation entre le patient et son médecin au moment où la question de la fin de vie se pose. Après tout, la rédaction de directives anticipées peut aussi être l’occasion de préciser que l’on veut vivre jusqu’au bout sans qu’il soit mis fin à sa vie de façon prématurée.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ces cas de figure peuvent aussi exister, ne l’oublions pas ! Certains patients peuvent exprimer le désir d’être soulagés mais, pour des raisons diverses, souhaiter attendre simplement le terme de leur vie.

En outre, la procédure prévue par cet amendement pose la question du contrôle et de la vérification.

En revanche, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 42 rectifié bis, même si je suis assez sensible aux observations formulées par le corapporteur. La Journée défense et citoyenneté finit en effet par devenir le moment où il faut tout dire, tout expliquer, tout faire. Reste que cette journée comprend d’ores et déjà une sensibilisation au don d’organe et de sang. Par conséquent, pourquoi ne pas y ajouter une sensibilisation à la rédaction de directives anticipées ?

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. La rédaction adoptée par la commission pour l’alinéa 7 me gêne. En effet, elle prévoit que « le médecin traitant informe ses patients de la possibilité et des conditions de rédaction de directives anticipées ». Or, nous le savons, en droit, l’indicatif présent a une valeur impérative. En l’espèce, cela crée une insécurité juridique pour le médecin, puisque la famille d’un patient pourra toujours soutenir qu’il aurait dû informer celui-ci. Il n’en serait pas de même si le texte prévoyait que le médecin traitant « peut informer ».

Pour autant, la rédaction de l’amendement n° 77 me gêne aussi : prévoir que le médecin traitant informe les patients « à leur demande » est à mon sens très restrictif. Ce sujet a d’ailleurs donné lieu à une discussion nourrie au sein de la commission des affaires sociales.

Pour ma part, j’aurais préféré que soit retenue la rédaction suivante : « Le médecin traitant peut informer ses patients de la possibilité des conditions de rédaction de directives anticipées. » Cette formulation n’est pas injonctive : le médecin peut, à la demande ou non de ses patients, informer ces derniers. Elle me semble même beaucoup plus souple et elle aurait levé l’insécurité juridique, tout en évitant la restriction induite par la nécessité, pour le médecin, d’attendre que son patient le sollicite à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je coiffe ma casquette de rapporteur pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » pour rappeler que, lors de l’examen du projet de finances pour 2015, nous avons constaté une certaine dérive de la Journée défense et citoyenneté, au cours de laquelle de nombreuses sensibilisations sont programmées. Le souhait a alors été exprimé, tant par le Gouvernement que par plusieurs sénateurs, que l’on en revienne aux préconisations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, à savoir une sensibilisation à l’esprit de défense. Depuis lors, d’ailleurs, une place plus large a été réservée à la présentation de nombreux enjeux de défense et de sécurité, et il est clair que les problèmes géopolitiques actuels justifient ce recentrage sur la vocation initiale de cette journée.

Je suis de ceux qui seraient favorables à un rendez-vous citoyen et de défense nationale un peu plus long : pour une même classe d’âge, passer huit ou douze semaines est une expérience formatrice. Nous aurions alors tout loisir d’inclure un certain nombre de modules complémentaires, comme la sensibilisation spécifique que vise à introduire l’amendement n° 42 rectifié bis.

Au regard du format actuel de la Journée défense et citoyenneté, je suis très réservé sur cette proposition, même si elle part d’une bonne intention. Par conséquent, je voterai contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Pour ma part, je soutiens l’amendement n° 77, dont la rédaction me convient, et les observations formulées par Isabelle Debré me confortent dans cette position. La rédaction de la commission pose à mon sens problème : comment le médecin traitant informe-t-il le patient qu’on est en train d’organiser sa mort ou sa fin de vie ?

Mme Isabelle Debré. Exactement !

M. Daniel Raoul. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, mes chers collègues !

En revanche, si cette information est délivrée à la demande du patient, la qualité de l’échange entre le médecin et le patient qui en découlera sera tout autre.

Par ailleurs, le médecin traitant n’est pas le seul à pouvoir informer le patient des conditions de rédaction de directives anticipées : l’entourage du patient, ses proches, les associations spécialisées dans certaines maladies, comme le cancer, peuvent aussi le faire.

En tout cas, la procédure proposée par M. Barbier me semble la plus à même de créer une relation de confiance entre le patient et le médecin.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. J’approuve, moi aussi, la rédaction proposée par M. Barbier, qui ne me paraît pas restrictive. En revanche, la formulation « Le médecin traitant peut informer » laisserait celui-ci libre de délivrer ou non l’information, même si le patient l’a demandée.

Par ailleurs, je suis plutôt favorable à l’amendement de Mme Gillot, même si j’ai tendance à penser, comme le corapporteur, que les jeunes qui participent à la Journée défense et citoyenneté ne retiendront sans doute pas ce qui leur sera dit sur les directives anticipées. On peut toutefois leur donner une information à ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel.

Mme Françoise Gatel. En vérité, je ne vois pas à quel moment, au cours d’une consultation, le médecin pourra glisser à un patient bien portant une information sur la rédaction de directives anticipées. La rédaction de telles directives nécessitant un long cheminement personnel et intellectuel, j’imagine mal un patient le faire sur un coin de table un lundi matin, après une rapide information de son médecin, au détour d’une simple consultation.

Nous avons longuement discuté hier du fait que, actuellement, seuls 2,5 % de nos concitoyens avaient rédigé des directives anticipées, comme le permet pourtant la loi Leonetti. Il est donc essentiel de diffuser largement auprès de nos concitoyens cette information sur la possibilité qui leur est offerte.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’approuve la formulation suggérée par Mme Debré : « Le médecin traitant peut informer ses patients ».

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Georges Labazée. Mais on ne va jamais en finir !

M. Joël Guerriau. Je serai bref !

Je ne vois pas très bien ce que pourrait apporter l’amendement de M. Barbier. De manière générale, lorsqu’un patient pose une question à son médecin, celui-ci lui répond. Il n’est donc pas nécessaire d’inscrire dans la loi ce qui se fait déjà naturellement en pratique. Je ne vois pas un médecin dire à un patient, avant de répondre à sa question, qu’il lui faut au préalable vérifier si la loi l’autorise à formuler la demande qu’il lui fait !

Il me semble en revanche assez délicat, pour un médecin, de prendre l’initiative d’informer un patient sur les directives anticipées, car cela risque de l’inquiéter et de le conduire à penser qu’on ne lui a pas tout avoué sur son état de santé, qui est probablement plus sérieux que ce qu’on lui en a dit.

Laissons donc les choses se faire naturellement et faisons confiance aux médecins.

M. le président. À cet instant, je tiens à préciser que je n’ai été saisi d’aucun sous-amendement tendant à introduire la formule « peut informer ». Du reste, dans la mesure où les explications de vote ont commencé, il n’est plus possible de déposer un sous-amendement. Seule la rectification d’un amendement par son auteur est possible.

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Je l’ai dit, selon moi, la rédaction de directives anticipées doit devenir une pratique habituelle. Or certains l’évoquent comme s’il s’agissait de quelque chose d’effrayant, dont il ne faudrait parler qu’en catimini. Quand on est en bonne santé, penser à la manière dont on veut finir sa vie n’a rien de dramatique ! Cela ne précipite pas la maladie et le malheur.

Je pense, au contraire de certains d’entre vous, que la possibilité de rédiger des directives anticipées n’est pas réservée aux personnes âgées, à des personnes atteintes de maladies incurables ou en fin de vie. Elle est destinée à tous les citoyens.

Je rappelle que, sur l’établissement de directives anticipées, nous partons de très loin. Il va donc nous falloir faire preuve de beaucoup d’imagination et d’une grande ouverture d’esprit pour diffuser cette information.

Le texte prévoit que cette information sera délivrée par le médecin, mais je pense qu’il n’est pas le seul à pouvoir le faire. J’espère que le ministère de la santé aura à cœur de mettre en œuvre des campagnes d’information sur ce sujet, comme il le fait par ailleurs sur diverses questions de santé publique.

C’est dans cet esprit que je propose qu’une information sur les directives anticipées soit diffusée lors de la Journée défense et citoyenneté, au cours de laquelle toute une génération de jeunes prend connaissance d’un certain nombre de droits et de devoirs. Il s’agit non pas d’organiser une conférence, mais simplement de remettre à ces jeunes un dépliant sur la question, qu’ils pourront consulter par la suite.

Il ne faut pas faire une montagne de cette histoire et craindre d’effrayer les gens au motif qu’ils pourraient croire qu’on prépare leur fin de vie alors qu’ils sont en bonne santé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Sur un sujet aussi sensible, nous devons bien envisager les conséquences de nos votes.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je ne manquerai pas de vous le rappeler, cher collègue !

M. Jean-Noël Cardoux. Je rappelle que, même si nous n’avons pas atteint la situation des États-Unis, où les avocats savent faire de l’argent sur le dos de leurs clients, nous vivons aujourd'hui dans un monde procédurier. Imaginons donc ce qu’il se passera si nous conservons dans le texte la formulation : « Le médecin traitant informe ses patients », laquelle signifie que le médecin a obligation de le faire. Sachant comment procèdent aujourd'hui, à juste titre d’ailleurs, les médecins face aux charges et aux responsabilités de plus en plus grandes qui leur sont imposées, il est clair qu’ils feront signer à leurs patients, si ceux-ci sont en état d’exprimer leur volonté, ou, à défaut, à leurs familles, un document attestant qu’ils leur ont bien délivré l’information sur les directives anticipées.

Songez à l’effet que produira la démarche du médecin, contraint d’informer son patient de son obligation de lui faire signer une attestation afin de mettre sa responsabilité hors de cause et de se protéger contre toute procédure !

L’amendement de Gilbert Barbier tend, en quelque sorte, à inverser la charge de la preuve puisque c’est à la demande du malade que le médecin délivrera l’information. Toutefois, même si la formulation que propose notre collègue a le mérite d’éliminer une éventuelle mise en cause de la responsabilité du médecin, elle ne permet pas d’écarter les procédures que pourraient intenter les familles pour vérifier que le patient a bien demandé à son médecin à être informé.

La sagesse consisterait donc à adopter la rédaction qu’a évoquée Mme Debré, mais cela soulève le problème de procédure que vous avez mentionné, monsieur le président.

Je le répète : il ne faut pas oublier que nous vivons dans un monde procédurier, de même qu’il faut se rendre compte des conséquences psychologiques de la décision que nous nous apprêtons à prendre.

M. le président. Madame Gillot, j’attire votre attention sur le fait que, si l’amendement n° 77 était adopté, l’amendement n° 42 rectifié bis n’aurait alors plus d’objet. Peut-être devriez-vous donc rectifier votre amendement de sorte qu’il tende à insérer un nouvel alinéa après l’alinéa 7 ?

Mme Dominique Gillot. Je vous remercie de cette suggestion, monsieur le président, et je rectifie par conséquent mon amendement en ce sens.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 42 rectifié ter, présenté par Mme D. Gillot, MM. Labazée, Godefroy et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Frécon, Gorce et Kaltenbach, Mme D. Michel, MM. Madec, Courteau, Botrel et Rome, Mme Lepage, M. Manable, Mme Perol-Dumont, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, et qui est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les mineurs sont sensibilisés à la possibilité de rédiger des directives anticipées, à partir de leur majorité, à l’occasion de la Journée défense et citoyenneté mentionnée à l’article L. 114-3 du code du service national.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement  ?