M. le président. Les six amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° I-3 est présenté par Mme Bouchoux, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° I-85 rectifié est présenté par M. Bonhomme, Mmes Primas, Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Cambon, Pellevat, Chaize, Bouchet, del Picchia, Lefèvre, Gournac, César, Mandelli et B. Fournier.

L'amendement n° I-127 rectifié est présenté par Mmes Blondin, Meunier, Lepage et Monier, M. Godefroy, Mme D. Michel, M. Courteau, Mmes Conway-Mouret, Génisson, E. Giraud, Bonnefoy, Cartron, Jourda et Lienemann, M. Vaugrenard, Mmes Bataille, Guillemot et Yonnet, M. Assouline, Mme Féret, MM. Gorce, Berson, Vandierendonck et J.C. Leroy, Mmes Emery-Dumas, S. Robert et Riocreux, M. Jeansannetas, Mme Claireaux, MM. Sueur, Tourenne et Daudigny, Mmes Schillinger, Tocqueville et Khiari et MM. Raynal, Poher, Desplan, Antiste, Durain, Boulard, Manable, Madrelle et D. Bailly.

L'amendement n° I-177 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Zocchetto, Détraigne, Capo-Canellas, Longeot, Cadic et Guerriau et Mmes N. Goulet, Férat, Morin-Desailly et Goy-Chavent.

L'amendement n° I-277 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° I-323 est présenté par MM. Milon, Amiel, Barbier et Cadic, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chasseing et Cigolotti, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche, Deseyne et Doineau, M. Forissier, Mmes Gatel et Giudicelli, M. Godefroy, Mmes Gruny, Imbert et Morhet-Richaud, MM. Morisset et Mouiller, Mme Procaccia, MM. D. Robert, Roche et Savary, Mme Schillinger, M. Vanlerenberghe et Mme Micouleau.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le d du 1° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les produits de protection hygiénique féminine ; ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° I-3.

M. André Gattolin. Nous proposons d’abaisser le taux de TVA applicable aux tampons, serviettes hygiéniques et coupes menstruelles à 5,5 %. À nos yeux, il s’agit de produits de première nécessité.

Pour 15 millions de femmes, le budget « protections hygiéniques » est élevé. Or, plus le coût est important, plus le risque est grand que les femmes ne disposant pas de revenus significatifs soient forcées d’utiliser moins de produits hygiéniques ou de les garder plus longtemps, ce qui augmente les risques d’infection.

Le coût de la baisse de la TVA sur ces produits de protection hygiénique est évalué à 55 millions d’euros par le Gouvernement. Cela peut effectivement soulever des interrogations d’un point de vue budgétaire. Mais, selon nous, il n’est pas possible de contester l’enjeu de santé publique que cela représente.

D’ailleurs, la commission des finances de l’Assemblée nationale avait accepté un amendement allant dans le même sens. Elle avait considéré qu’il n’y avait pas de problème juridique et que l’élargissement du taux réduit de TVA aux produits d’hygiène féminine serait tout à fait compatible avec le droit européen, notamment au regard de l’annexe III de la directive TVA.

L’abaissement de cette taxe ne suffira évidemment pas à régler la question de l’accès à ces produits de première nécessité. Mais cela peut tout de même être un premier pas.

Cet amendement, qui porte sur le coût et la problématique de santé publique des protections hygiéniques féminines, nous offre aussi l’occasion d’évoquer des coupes menstruelles, solution plus économique, écologique et sanitaire que les autres produits de protection.

Pour celles et, surtout, ceux qui l’ignorent, cette coupe en silicone hypoallergénique souple et réutilisable, qui coûte entre quinze euros et trente euros, permet d’éviter les pollutions liées aux déchets de produits hygiéniques classiques jetés en décharge ou incinérés.

La coupe menstruelle présente aussi un intérêt sanitaire. Elle ne contient aucun produit chimique.

Mme Sophie Primas. Et le préservatif réutilisable ?

M. André Gattolin. Les coupes menstruelles ne sont pas commercialisées en grande surface, à l’exception de quelques pharmacies et magasins « bio » spécialisés.

Mme Catherine Procaccia. Ce sont les hommes qui s’y intéressent !

M. André Gattolin. Cette faible distribution empêche malheureusement de répondre pour partie aux enjeux sanitaires et économiques qui nous préoccupent.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l'amendement n° I-85 rectifié.

M. François Bonhomme. Je suis de ceux qui ne considèrent pas cette question comme futile. La raison en est simple, mais primordiale : les produits de protection hygiénique féminine sont, par nature, des produits de première nécessité. Il est donc légitime de leur appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 %.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déjà eu l’occasion de dire qu’un certain nombre de produits bénéficiant d’un taux réduit pouvaient largement subir la comparaison avec ce dont nous discutons aujourd’hui.

Les tampons et serviettes hygiéniques sont, par définition, une dépense contrainte. Il s’agit donc de produits de première nécessité, et non de produits de confort.

Lors du débat à l’Assemblée nationale, votre allusion quelque peu hasardeuse à la mousse à raser pouvait laisser croire à un parallélisme entre la situation des hommes et celle des femmes. Je pense que cette petite maladresse pourrait être corrigée aujourd’hui.

Il s’agit, certes, d’une mesure d’équité à haute valeur symbolique. Mais cela concerne aussi le pouvoir d’achat de 15 millions de femmes. Je n’ai pas beaucoup entendu Mme Boistard sur le sujet. En revanche, je pense que Mme Touraine est favorable à cette mesure.

Comme l’a souligné M. Gattolin, une telle disposition est compatible avec le droit européen, notamment au regard de l’annexe III de la directive TVA. Par ailleurs, elle n’est pas excessivement chère : son coût est estimé entre 44 millions et 55 millions d’euros.

Ainsi que je l’ai souligné, il y a aussi un enjeu de réduction des inégalités entre les hommes et les femmes. Et cette mesure de santé publique est recommandée par l’UNESCO.

À l’évidence, ce n’est pas seulement destiné aux parlementaires femmes.

En plus, en adoptant une telle disposition, le Sénat, qui est composé à 25 % de femmes, ferait un joli pied de nez à l’Assemblée nationale, où il y a 27 % de femmes députés. La Haute Assemblée démontrerait qu’elle n’est pas toujours prisonnière des stéréotypes sociaux ou des appartenances de genre, contrairement aux assertions de certaines ligues de vertu féministe !

Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes, bien involontairement, à l’origine d’un regain de vitalité du mouvement féministe, vous avez ici une occasion en or de vous racheter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour présenter l’amendement n° I-127 rectifié.

Mme Evelyne Yonnet. Je remercie mes collègues hommes de présenter ce genre d’amendements.

Je ferai simplement deux remarques.

Au mois de janvier 2014, Marisol Touraine, ministre de la santé, a décidé la baisse du taux de TVA sur les préservatifs à 5,5 %, au nom de la lutte contre le VIH. C’était une très bonne chose ; nous l’avions souligné.

Il faut également le rappeler, l’annexe III de la directive européenne du 28 novembre 2006 permet un abaissement du taux de TVA sur les produits périodiques au taux réduit dont nous parlons aujourd'hui.

Notons également qu’une femme dépense, en moyenne, entre 1 500 euros et 2 000 euros par an pour ce genre de produits. L’adoption d’une telle mesure lui ferait gagner plus de 60 centimes d’euros par boîte de tampons hygiéniques.

Je terminerai sur une pointe d’humour, à l’instar de notre collègue Jean-Claude Requier. Mes chers collègues, je vous demande de voter cette disposition, qui vise à rétablir une égalité de TVA entre les produits pour les hommes et les produits pour les femmes, même si, vous l’avez bien compris, les usages ne sont pas les mêmes ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° I-177 rectifié.

Mme Chantal Jouanno. En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, je suis très heureuse de voir que cette cause a déjà été défendue par trois hommes.

La question de l’égalité avait été particulièrement mise en avant à l’Assemblée nationale. Je centrerai mon propos sur celle des produits de première nécessité.

Comme beaucoup de femmes, j’ai été assez surprise de ce débat. Je pensais que ces produits relevaient d’ores et déjà d’un taux de TVA réduit, comme d’ailleurs dans d’autres pays européens ; la directive européenne le permet. Le taux est de 0 % en Irlande ! Et il y a un taux réduit en Espagne et au Royaume-Uni. Je crois que sept ou huit pays ont d’ores et déjà suivi cette voie.

Je pourrais mettre en avant des arguments d’égalité et de santé publique. Ils ont été fort bien développés au sein de la commission des affaires sociales. Je m’intéresserai surtout au caractère de produits de première nécessité. Je le rappelle, les associations caritatives fournissent ces protections périodiques dans les kits qu’elles donnent aux femmes qu’elles reçoivent ou qu’elles visitent en prison.

Monsieur le secrétaire d’État, réparons un oubli historique ; ce ne serait que justice ! (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° I-277.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un enjeu sérieux de santé publique. Je me félicite également que des messieurs aient porté une telle parole ; pour nous, c’est important.

Ce n’est pas une revendication catégorielle. La question touche profondément à l’égalité entre les hommes et les femmes. Cela a été rappelé, 15 millions de personnes utilisent ces produits, qui sont des produits de première nécessité. Abaisser le taux de TVA, ce serait vraiment permettre aux femmes les plus défavorisées, les plus en difficulté du point de vue de pouvoir d’achat, de pouvoir assumer correctement des périodes pas toujours agréables.

J’espère que la Haute Assemblée s’honorera en adoptant cette disposition.

Je considère que l’amendement n° I-341 est également défendu. Son champ d’application est plus large : il s’applique aux produits dédiés à l’incontinence, qui ne concernent pas seulement les femmes. (M. André Gattolin applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° I-323.

Mme Chantal Deseyne. M. Mézard a ouvert les débats. Tous les arguments ont été avancés.

Je veux simplement rappeler que l’amendement n° I-323 a été déposé sur l’initiative d’Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, et qu’il a été soutenu à l’unanimité par la commission.

Je ne rappellerai donc pas l’intérêt d’une telle disposition. Les produits concernés sont évidemment des produits de première nécessité. D’ailleurs, Mme la ministre de la santé s’est déclarée favorable à une telle proposition. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° I-128 rectifié bis est présenté par Mme Génisson, M. Antiste, Mmes Bataille et Blondin, M. Boulard, Mmes Campion, Cartron et Claireaux, M. Courteau, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny, Durain et Duran, Mmes Emery-Dumas et Guillemot, MM. Godefroy et Jeansannetas, Mmes Jourda et Khiari, M. Labazée, Mme Lepage, MM. Madrelle et Masseret, Mme Meunier, MM. Mohamed Soilihi et Raynal, Mme Riocreux, M. Roger, Mme Schillinger, MM. Tourenne et Yung et Mme Monier.

L'amendement n° I-207 rectifié est présenté par MM. Gabouty, Bonnecarrère, Cadic, Delcros, Delahaye, Luche, Cigolotti et Kern et Mme Goy-Chavent.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 1° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les produits et matériels utilisés pour l’incontinence ; ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Delphine Bataille, pour présenter l’amendement n° I-128 rectifié bis.

Mme Delphine Bataille. Cet amendement vise à inclure les produits et matériels utilisés pour l'incontinence dans le champ du taux réduit de TVA de 5,5 %, ce qui permettrait de mieux respecter la dignité des personnes

L'incontinence est une affection très fréquente chez les personnes âgées, bien qu’elle touche également nombre de personnes beaucoup plus jeunes. Jusqu'à 30 % des personnes âgées vivant chez elles et jusqu'à 50 % de celles qui vivent en résidence pour personnes âgées en sont affectées. L'incontinence touche en général plus les femmes que les hommes.

Un taux réduit de TVA à 5,5 % sur les produits et matériels utilisés pour l'incontinence permettrait de respecter la dignité des personnes concernées, de préserver leur autonomie, de favoriser les liens sociaux, en permettant tout simplement la sortie du domicile, et de réduire la charge financière qui pèse sur le budget des ménages ou dans les établissements.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° I-207 rectifié.

M. Vincent Delahaye. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° I-208, présenté par MM. Gabouty, Bonnecarrère, Cadic, Delcros, Delahaye, Luche, Cigolotti et Kern et Mmes Goy-Chavent et Loisier, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 1° du A de l'article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les couches pour nourrissons ; ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Il est également défendu.

M. le président. L'amendement n° I-341, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin, Mme Beaufils, MM. Bocquet, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 1° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les protections pour incontinence urinaire ; ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur ces onze amendements ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’interroge. J’ai entendu tous les arguments.

Il est vrai qu’il y a des bizarreries dans les taux de TVA. Tous les produits en question, qu’il s’agisse de l’hygiène féminine, des couches pour enfants ou des protections pour personnes âgées, sont, à l’évidence, des produits de première nécessité. On peut également se demander pourquoi le chocolat dit « de ménage » est au taux de 5,5 % et le chocolat au lait au taux de 20 %.

Le code général des impôts est parfois assez étonnant en la matière. On peut en effet juger que le caractère de première nécessité des produits d’hygiène féminine n’est pas contestable.

Néanmoins, deux aspects soulèvent des questions.

D’une part, l’adoption de ces amendements représenterait une perte de recettes d’environ 100 millions d’euros. L’heure n’est évidemment pas à « miter » la TVA avec des taux réduits, même si je reconnais qu’une telle proposition est tout à fait compatible avec le droit communautaire.

D’autre part, je m’interroge quant aux répercussions sur les prix. Dans la plupart des cas, on a affaire à des produits de grandes marques. En pratique, les groupes auront plus tendance à reconstituer leurs marges qu’à baisser leurs prix. Sur une boîte de protection féminine à quatre euros, la baisse de cinquante centimes ou soixante centimes sera-t-elle répercutée sur le prix ? Ne risque-t-on pas de voir des grands groupes parfois en position dominante, voire en situation de quasi-monopole améliorer leurs marges ?

Dans un contexte de faible concurrence d’un nombre limité de marques, l’État risque de voir ses recettes diminuer sans que l’on assiste pour autant à une baisse des prix à due concurrence.

C’est ma crainte. Souvenez-vous d’autres baisses du taux de TVA, qui n’ont jamais bénéficié au consommateur ! La commission est donc très réservée sur ces différents amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, tout ce que je dirai sera évidemment retenu contre moi ; j’en ai déjà mesuré les effets ! (Sourires.) Quelqu’un a dit que ce serait l’occasion pour moi de me « racheter »…

Si vous aviez assisté à la séance qui s’est tenue à l’Assemblée nationale – j’espère que vous avez au moins lu le compte rendu des débats –, vous porteriez peut-être un autre regard ; des caricatures ont été faites de mes propos. J’assume parfaitement mes déclarations, et je veux les expliquer ici.

Ce que j’ai indiqué à l’Assemblée nationale, c’est que l’amendement relatif aux protections périodiques annonçait une série d’amendements sur la TVA. D’ailleurs, c’est logique. Nous le voyons ici.

Mme Catherine Procaccia. L’Assemblée nationale et le Sénat, ce n’est pas pareil !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, je n’ai pas interrompu les orateurs quand ils s’exprimaient ; je souhaite que l’on fasse de même à mon égard !

J’ai peut-être tenu un propos qui a été mal compris ; certains pourront le qualifier de « maladroit ». J’ai donc signalé qu’une telle disposition préfigurait les amendements traditionnels, ceux que j’appelle souvent les « marronniers » de nos débats budgétaires et que je m’attendais à voir arriver. Je vous les cite de mémoire : le bois de chauffage, les tarifs d’entrée dans les zoos, les grottes et les parcs d’animation, les travaux de rénovation des bâtiments ou les appareils de régulation du chauffage. Je vois ressurgir ces sujets lors de l’examen de chaque projet de loi de finances. Je ne m’en plains pas ; c’est mon travail.

Certains ont estimé qu’il s’agissait, sur cette question tout à fait sérieuse, d’une comparaison déplacée. Quelques chroniqueurs ou chroniqueuses en ont fait des gorges chaudes, avec des rires qui m’ont paru un peu inconvenants de la part des messieurs présents dans le studio de radio auquel je pense. J’ose à peine imaginer les quolibets, pour le coup mérités, qui m’auraient été adressés si j’avais tenu ne serait-ce que le quart des propos diffusés sur les ondes. (M. Michel Bouvard applaudit.) Je vous passe les messages que j’ai reçus ; ils étaient d’une violence que vous ne soupçonnez pas.

Ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire, j’ai une épouse et trois filles. Je sais donc ce que représentent les menstruations pour de jeunes adolescentes ou de jeunes femmes. Je sais comment tout cela peut être vécu. Je n’ai pas à m’y étendre, mais je n’ai pas non plus de leçons à recevoir. Ce n’est pas un sujet que je méprise.

J’ai signalé, comme M. le rapporteur général à l’instant, que nous sommes malheureusement tenus par des exigences budgétaires. Nous avons certaines contraintes qui pèsent. Je ne rouvrirai pas le débat politique sur les responsabilités des uns et des autres.

En tant que secrétaire d’État au budget, il est de mon devoir d’attirer l’attention sur les conséquences de la réouverture d’un débat sur la TVA. Si ma mémoire est bonne, le dernier remonte à la fin de l’année 2012. Je vous le rappelle, nous avons porté le taux maximal de 19,6 % à 20 % et travaillé sur la répartition des différents types de produits entre les trois principaux taux de TVA qui nous sont autorisés.

Je peux me tromper, mais l’expérience m’a enseigné une leçon. Bien souvent, quand on cède sur un point, on est assez vite entraîné, de proche en proche, à revenir sur d’autres, toujours dans le sens de l’assouplissement et de la diminution des recettes ; jamais dans l’autre sens !

C’est le signal que j’ai également envoyé à l’Assemblée nationale. J'ai constaté – ce n’est pas méprisant – que le sujet des produits d’hygiène féminine nous entraînait immédiatement, et légitimement, sur celui de l’incontinence.

M. François Bonhomme. Ce n’est pas vraiment du même ordre !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Les auteurs des amendements concernés ont avancé qu’il s’agissait de problématiques très proches, eu égard aux contraintes.

Je vous l’accorde, ce n’est pas un sujet sexué. Et encore ! Nous pourrions nous demander si cela touche plus spécifiquement les femmes ou les hommes.

Nous allons immanquablement dériver vers le taux de TVA sur les couches-culottes pour les enfants. Ce n’est pas encore arrivé, mais cela va venir… Et, de proche en proche, sans doute légitimement, nous serons amenés à revenir des réglementations sur la TVA et à remettre en cause ce qui a été voté voilà à peine deux ans. Évidemment, rien n’interdit de changer d’avis en fonction des évolutions de la société.

Ainsi que M. le rapporteur l’a rappelé, une telle modification du taux de TVA est autorisée par la réglementation européenne. Je ne l'ai d'ailleurs jamais nié. Il n’y a pas là d’incompatibilité, contrairement à d’autres propositions que nous examinerons ensuite.

Les produits de protection hygiénique féminine sont explicitement mentionnés dans l’annexe III de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA comme pouvant faire l’objet de taux réduits.

Par ailleurs, ainsi que cela a été souligné par certains d’entre vous, il n’y a pas de taxe spécifique. Simplement, ces produits, comme tous les produits d’hygiène, sont assujettis à un taux normal de TVA.

J’en profite pour indiquer que la notion de « produits de première nécessité » n’apparaît pas dans la directive européenne. Nous avons l’habitude de l’utiliser, en disant que les « produits de première nécessité » sont assujettis à un taux réduit de TVA.

En réalité, c’est une notion assez subjective. Quels biens et services devons-nous considérer comme étant véritablement de première nécessité, compte tenu des évolutions de notre société ? L’eau potable ? L’assainissement ? Les ordures ménagères ? L’électricité ? La téléphonie ?

M. François Bonhomme. Cela fait partie du débat !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Voilà qui peut donner lieu à des discussions légitimes.

Mais la directive est claire. Elle décline ligne à ligne les livraisons de biens et les prestations de services pouvant faire l’objet de taux réduits, et mentionne par exemple les denrées alimentaires ou le logement à caractère social. Il ne s’agit donc pas d’une taxe spécifique, même si c’est souvent présenté ainsi.

J’en viens au benchmarking. Mme Jouanno a affirmé que sept ou huit pays européens appliquaient des taux réduits sur les produits concernés. En réalité, il y en a seulement quatre : l’Espagne, à 10 %, l’Irlande, à 0 % pour des raisons historiques, les Pays-Bas, à 6 %, et le Royaume-Uni, à 5 %. Voici les chiffres des autres pays : l’Allemagne, 19 % ; l’Autriche, 20 % ; la Belgique, 21 % ; le Danemark, 25 % ; la Finlande, 24 % ; l’Italie, 22 % ; le Luxembourg, 17% ; la Suède, 25 %. C’est le relevé exact dont je dispose.

Cela ne veut pas dire que nous sommes obligés de faire pareil. Simplement, on ne peut pas invoquer un alignement sur une majorité de pays européens en défense de ces amendements ! La grande majorité de ces pays appliquent un taux normal sur les produits en question.

Nous le savons, la question de la répercussion d’une éventuelle réduction du taux de TVA sur le prix de vente est réelle. Nous ne nous étions pas concertés avec M. le rapporteur général, mais je n’ai rien à ajouter à ses propos. Cet argument avait d’ailleurs été mis en avant par une députée de l’opposition à l’Assemblée nationale, ce qui avait contribué à faire basculer le vote ; il était tard dans la nuit, et nous étions peu nombreux.

L’une des oratrices a parlé d’une dépense de 1 500 euros par an et par femme. C’est très éloigné de la réalité.

Mme Chantal Jouanno. C’est 1 500 euros sur l’ensemble d’une vie !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet, madame Jouanno.

Mais je laisse à chacun le soin de faire des calculs. Nous connaissons – pour ma part, c’est le cas depuis longtemps – le prix de ce type de produits.

Le sujet a largement animé les gazettes, ce qui m’a quelque peu contrarié, car beaucoup de choses fausses ont été dites ; certes, cela arrive quand on occupe des responsabilités comme les miennes.

Nous sommes conscients qu’il y a des différences ; cela a d’ailleurs été débattu dans le cadre de la loi Macron. Cette semaine, Mmes Pascale Boistard, Martine Pinville et moi-même avons eu un déjeuner de travail sur ce que l’on appelle l’économie « genrée » ou « sexuée ». Il y a des vélos pour fille et des vélos pour garçon ; on pourrait aussi parler de la couleur rose et de la couleur bleue. Tout cela a des effets économiques importants.

Mon cabinet avait rencontré les associations concernées ; je ne suis donc pas tombé de la chaise quand la question est apparue dans le débat public. Les associations soulignent que les rasoirs pour femmes sont généralement beaucoup plus chers que les rasoirs pour hommes.

Nous avons lancé deux études sur les différences des prix entre des services ou des biens identiques selon qu’ils sont destinés à des femmes ou des hommes. Les résultats seront bientôt rendus publics. Ils ne sont pas concluants : quand un particulier demande un devis, pour une voiture, pour de la serrurerie ou pour des travaux, il peut arriver que ce soit moins cher pour les femmes, ou inversement.

En revanche, nous nous sommes rendu compte que, pour des raisons de coût, mais aussi de marketing, les prix d’un certain nombre de produits destinés à l’un des deux sexes étaient volontairement surévalués par rapport aux prix des mêmes produits destinés à l’autre sexe. Mais c’est un problème de stratégie commerciale ; ce n’est donc pas de mon ressort.

Nous avons décidé d’approfondir cette enquête. Il y a aura des annonces, mais l’actualité du moment est, légitimement, dominée par d’autres sujets.

Ayant un peu d’expérience, j’ai bien compris le sort qui sera réservé à ces amendements. Je n’en suis ni offusqué ni contrarié. Il s’agit d’un vrai sujet. Mais, de proche en proche, de telles décisions risquent de nous entraîner vers des dépenses fiscales toujours plus importantes : d’abord, 55 millions d’euros pour les produits d’hygiène féminine, puis 50 millions d’euros pour l’incontinence et 120 millions d’euros pour les couches-culottes !

Certes, votre assemblée est souveraine. Mais, vous l’avez compris, le Gouvernement n’est pas très enthousiaste à l’adoption de ces amendements, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec du machisme ou une quelconque sous-estimation du problème. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Bouvard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas ici que vos propos seront caricaturés. Je trouve au contraire très positif que nous puissions débattre d’un tel problème et que des messieurs s’y intéressent. C’est la preuve d’un véritable progrès dans les discussions sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je pense néanmoins que nous devons nous défier des comparaisons, de part et d’autre. C’est nous qui avons évoqué le chocolat et vous qui avez parlé des couches-culottes.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il y a des amendements sur les couches-culottes !