M. Jean-François Longeot. Cet amendement est proche de celui que vient de défendre Vincent Capo-Canellas. Il a pour objet de fonder les exceptions sur celles qui sont en vigueur pour le déblocage anticipé de l’épargne salariale dans les cas de mariage, naissance ou adoption.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Je partage les craintes exprimées par les auteurs de l’amendement n° 16 rectifié, étant, moi aussi, très soucieux du droit des épargnants, pour des raisons notamment constitutionnelles.

Pour ne pas fragiliser le présent article, la commission des finances a encadré très fortement le dispositif en exigeant une menace grave, immédiate, caractérisée, en limitant à trois mois renouvelables la possibilité de rachat, et en précisant que le Haut Conseil veille à la protection des intérêts des assurés, alors que le texte initial indiquait seulement que celui-ci ne veillait qu’à la stabilité financière. Bien évidemment, la protection des assurés peut passer par la stabilité financière elle-même.

En tout cas, je le répète, il est important que le Haut Conseil puisse préserver et les intérêts des assurés et la stabilité financière. C’est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas supprimer les mesures conservatoires que peut prendre le Haut Conseil, notamment à l’égard d’organismes d’assurance en cas de menace grave et caractérisée. Ainsi, une remontée brutale des taux pourrait prochainement occasionner une crise systémique. Cependant, la commission a strictement encadré les pouvoirs du Haut Conseil.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

La commission des finances a par ailleurs émis un avis de sagesse sur l’amendement n° 6 rectifié, qui tend à exclure les réassureurs des mesures que peut prendre le Haut Conseil en cas de menace grave et caractérisée. Il y a des arguments favorables, notamment le fait que l’exposition n’est pas concentrée sur l’assurance vie.

Enfin, je sollicite le retrait de l’amendement n° 17 rectifié, faute de quoi j’y serai défavorable. Là aussi, je partage les craintes exprimées, mais cette proposition nous paraît trop complexe. Par ailleurs, l’encadrement du dispositif, notamment la limitation à trois mois renouvelables, nous semble être plus efficace pour protéger les intérêts des épargnants.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. L’article 21 bis a suscité un certain nombre d’incompréhensions, d’ailleurs exprimées de façon sincère. Je voudrais donc donner quelques précisions, pour que chacun comprenne bien ce que nous souhaitons faire.

L’objectif est de protéger la collectivité des épargnants en assurance vie contre les effets d’une crise qui menacerait la stabilité du système financier. Il s’agit de pouvoirs qui seraient utilisés dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, qui ne sont bien entendu pas réunies actuellement.

Il s’agit aussi de mesures d’équité, j’y insiste, qui sont destinées à protéger de façon égale tous les assurés, notamment les assurés les moins informés, donc les plus vulnérables.

Je tiens à remercier la commission, car il me semble que les différents travaux parlementaires nous ont permis d’élaborer un dispositif tout à fait ciblé et proportionné. Nous avons admis en commission que ces mesures concernaient essentiellement l’assurance vie. Ainsi, vous avez été conduits à exclure les organismes ayant une activité ne dépendant pas de la vie humaine du champ des mesures prévues au 5° ter.

Je puis aussi vous préciser que les mesures figurant au 5° bis au sujet de la modulation dans le temps de la provision pour participation aux bénéfices ne sauraient avoir pour effet de faire obstacle à la bonne exécution par l’assureur des clauses attributives des rendements techniques et financiers contenues dans certains contrats en cours.

Enfin, monsieur de Montgolfier, vous proposez à l’amendement n° 93 que soit encadrée de façon encore plus précise l’application dans le temps des mesures de limitation des rachats que pourrait prendre le Haut Conseil au titre du 5° ter en assurance vie. Vous penchez pour une limitation à six mois au maximum. Je crois que l’on peut admettre que la suspension des rachats ne doit pas durer trop longtemps, car il s’agit d’une mesure d’urgence.

Vous êtes tout à fait dans l’esprit de ce qu’envisage le Gouvernement, qui se rallie donc à votre amendement.

En conclusion, madame la présidente, je soutiens l’amendement n° 93, et je demande aux auteurs des amendements nos 16 rectifié, 6 rectifié et 17 rectifié de bien vouloir les retirer au vu de mes explications. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Capo-Canellas, l’amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments que vous avez bien voulu fournir au Sénat. Au-delà de cet hémicycle, je pense que les explications que vous avez données seront utilement entendues.

Je veux simplement rappeler que nous avons tous eu l’écho, voilà quelque temps, d’un certain nombre de courriers que les banques ont adressés à leurs clients ayant des comptes bien approvisionnés pour les informer de précautions à prendre pour ce qui concerne les retraits. Tout cela mis bout à bout a quand même créé une émotion, qui dépasse même ce sujet à proprement parler. Il faut vraiment être très clair dans la communication sur toutes ces questions.

Pour autant, j’ai entendu l’explication du rapporteur général. En commission, j’avais pris connaissance de ses amendements, lesquels me paraissent utiles et de nature à fournir une solution. Je note avec plaisir que M. le ministre s’y rallie. J’espère que cela vaudra aussi pour le texte final !

Dans ce cadre-là, je retire, bien évidemment, mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.

Monsieur Vasselle, l'amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Vasselle. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je dois dire que j’ai du mal à suivre le raisonnement des auteurs de cet amendement. Les clients des sociétés de réassurance sont, par définition, les sociétés d’assurance et les risques remontent évidemment. Il va de soi que la réassurance est beaucoup plus importante sur le plan financier.

Toutefois, les sociétés de réassurance peuvent faire face à des risques identiques. Je pense en particulier au cas de grandes catastrophes dans lesquels elles sont amenées à contribuer de façon significative d’un point de vue financier.

Il n’y a aucune raison pour ne pas appliquer aux sociétés de réassurance ce que nous avons prévu pour les sociétés d’assurance. En les intégrant dans le même système que celui des banques, nous pouvons les encadrer, les surveiller et, le cas échéant, entrer dans des mécanismes de résolution. Je suis donc tout à fait opposé à cet amendement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 93.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur de Montgolfier, cet amendement vise, selon vos dires, à respecter le droit des épargnants. Un certain nombre d’amendements dont nous venons de discuter ont le même objet.

Il se trouve que j’en avais déposé un qui tendait à aligner le plafond des garanties pour les dépôts d’assurance vie prévu par le code ad hoc sur celui pour les dépôts bancaires – 100 000 euros, contre un montant actuel de 67 000 euros. Pourquoi cet amendement a-t-il été déclaré irrecevable ? On évoque la règle de l’entonnoir. Je n’ai strictement rien compris aux arguments qui m’ont été opposés ! En effet, à partir du moment où – je crois que nous avons eu raison de le faire – nous discutons des conditions de la mise en œuvre d’une certaine procédure, nous sommes exactement dans le champ de mes préoccupations. J’aimerais donc comprendre les raisons pour lesquelles mon amendement a subi ce traitement !

D’autant que votre proposition, monsieur de Montgolfier, ne me paraît pas tout à fait satisfaisante. En effet, alors qu’il y a effectivement un vrai problème avec l’assurance vie, il est proposé tout simplement de donner le pouvoir au Haut Conseil de stabilité financière !

Pourquoi donc refuser de discuter de la seule mesure qui peut véritablement apporter une garantie aux petits épargnants dans un domaine qui est celui de l’assurance de sécurité ? Expliquez-moi ! Je ne trouve pas cela normal !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pillet, rapporteur. Mon cher collègue, je vais vous fournir quelques explications sur ce point.

Il est de la mission de la commission des lois, comme de son rapporteur, de contrôler la recevabilité des amendements au titre des cavaliers législatifs, comme au titre du respect de la règle de l’entonnoir.

Je me suis fondé sur une analyse précise de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en l’espèce. Je la rappelle en quelques mots : en première lecture, sont seuls recevables les amendements qui présentent un lien, même indirect, avec l’objet initial du texte. C’est d'ailleurs à ce titre que nous avons supprimé un certain nombre d’initiatives de l’Assemblée nationale.

En nouvelle lecture, les règles de recevabilité sont beaucoup plus rigoureuses. Un lien avec le texte initial ne suffit pas. Il faut une relation directe avec une disposition toujours en navette. On ne peut donc pas introduire de dispositions additionnelles sur un sujet connexe. On doit s’en tenir aux dispositions en discussion.

La commission des lois – car ce n’est pas la position du seul rapporteur, ce dernier propose, la commission dispose et vote – a déclaré irrecevable, sur ma proposition et avec l’accord des rapporteurs pour avis, une série d’amendements au titre de la règle de l’entonnoir.

Je vous indique aussi que le Conseil constitutionnel se saisit d’office de ces inconstitutionnalités. C'est sans doute la raison pour laquelle le règlement du Sénat, qui n’est pas le même que celui de l’Assemblée nationale, lequel délègue au président la possibilité de décider de ces irrecevabilités, a fortement et opportunément indiqué qu’il revient à la commission et au rapporteur de faire une telle proposition, sur la base d’un vote.

Pour en venir à votre amendement, je vais vous expliquer la raison pour laquelle il se heurtait à la règle de l’entonnoir. J’ai proposé l’irrecevabilité à la commission des lois après un échange avec la commission des finances. Votre amendement n’était pas en relation directe avec les dispositions restant en discussion. Pourquoi ? Parce que les dispositions restant en discussion concernent les missions du Haut Conseil de stabilité financière en matière de régulation des activités de crédit et d’assurance. Or votre amendement visait à relever le plafond d’indemnisation des assurés par le fonds de garantie contre la défaillance des sociétés d’assurance.

Un tel amendement n’aurait peut-être pas été considéré comme un cavalier lors de la première lecture, mais il n’a pas été présenté à ce stade de la discussion parlementaire. En nouvelle lecture, comme je viens de vous le démontrer – j’espère en tout cas avoir été clair –, il se heurte à la règle de l’entonnoir.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Monsieur Longeot, l'amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-François Longeot. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié est retiré.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'article 21 bis.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le rapporteur de la commission des lois, je vous ai connu plus convaincant !

Expliquez-moi pourquoi l’amendement de mon collègue Maurey qui avait d'ailleurs été discuté à l’Assemblée nationale a, quant à lui, été déclaré recevable, alors qu’il traite exactement du même problème !

Franchement, à quoi passons-nous notre temps ici ? Le sujet est essentiel ! C’est l’un des plus importants de ce texte. Nous l’avons traité de façon très « light ». Et nous ne sommes pas au bout de nos peines parce qu’il y a vraiment un réel problème ! Et tout ce qu’on trouve à m’opposer, c’est la règle de l’entonnoir, le règlement, que sais-je encore ! Or au moins deux amendements traitent exactement du même problème et organisent les modalités de la résolution. Cela ne tient pas debout !

Comme je ne pense pas être victime d’un délit de faciès, je crois qu’il y a un petit problème dans le fonctionnement de l’institution qui a refusé de retenir mon amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Je veux juste dire à Pierre-Yves Collombat que M. Maurey a présenté différents amendements et qu’il a été, pour un certain nombre d’entre eux, confronté à la même difficulté : ceux-ci ont été déclarés irrecevables.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pillet, rapporteur. L’amendement de M. Maurey n’est pas du tout de même nature que le vôtre, monsieur Collombat !

M. Pierre-Yves Collombat. Non ! Ce n’est pas vrai !

M. François Pillet, rapporteur. Revérifiez ! Il tend uniquement à limiter les mesures conservatoires du Haut Conseil, donc à modifier le dispositif d’intervention, de pouvoir, de contrôle de cette instance, mais il ne vise pas, contrairement au vôtre, une mesure totalement différente.

Je tiens encore à vous dire que le rapporteur fait son travail en analysant les décisions du Conseil constitutionnel. Après, la commission des lois décide. En l’espèce, elle a voté !

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Je soutiens M. Collombat. Nous allons nous heurter à la même difficulté lors de l’examen l’article 29 bis A et nous verrons resurgir la règle de l’entonnoir. On nous expliquera que l’Assemblée nationale a mal fait son travail. Cela pose quand même un problème !

M. François Pillet, rapporteur. Adressez-vous au Conseil constitutionnel !

M. André Gattolin. On a déjà l’article 40, entre autres. Et là, on restreint le champ de la discussion. Si on ne veut pas débattre, il faut le dire ! Nous ne sommes pas à la place du Conseil constitutionnel ! Le recours à la règle de l’entonnoir est, à mon sens, abusif.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous en sommes aux travaux pratiques ! Mais, avant ces travaux pratiques, des décisions ont été prises par notre assemblée, traduites dans son règlement intérieur et elles ont fait l’unanimité de tous les groupes auxquels les uns et les autres nous nous rattachons.

Nous ne pouvons pas, d’un côté, nous plaindre constamment de l’enflure de la loi – 60 % de mots supplémentaires par loi pendant la présente législature –, de l’embolie du processus législatif et, de l’autre, contribuer nous-mêmes à aggraver ce phénomène.

Il y a des règles ! Le rapporteur a parfaitement fait son travail et ce n’est pas sans raison que la commission des lois l’a suivi. Sa décision n’est que la stricte application des règles issues de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et que notre assemblée souhaite faire respecter. Nous le rappelons très souvent, quand un texte du Gouvernement comportant 100 articles ressort du Parlement avec 300 articles, cela signifie que nous n’avons pas fait du bon travail législatif.

À nous d’y veiller nous-mêmes spontanément pour éviter que ces irrecevabilités ne fleurissent. En tout cas, en tant que président de la commission des lois, je ne laisserai pas se multiplier la discussion d’amendements irrecevables. En effet, si tel était le cas, je ferais le contraire de ce que nous devons faire !

M. François Pillet, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21 bis, modifié.

(L'article 21 bis est adopté.)

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Article 21 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
Article 24 ter (interruption de la discussion)

Article 24 ter

(Suppression maintenue)

Article 24 ter (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
Article 25 (supprimé)

9

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 9 novembre 2016, à quatorze heures trente, de l’examen des sept conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié, initialement prévu le jeudi 10 novembre 2016, à dix heures trente.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

10

Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique – Orientation et protection des lanceurs d’alerte

Suite de la discussion et adoption en nouvelle lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié - Suite de la discussion et adoption en nouvelle lecture d’une proposition de loi organique dans le texte de la commission

PROJET DE LOI RELATIF À LA TRANSPARENCE, À LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET À LA MODERNISATION DE LA VIE ÉCONOMIQUE (SUITE)

M. le président. Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus au titre IV.

TITRE IV

DE LA PROTECTION ET DES DROITS DES CONSOMMATEURS EN MATIÈRE FINANCIÈRE

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Article 24 ter (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
Article 25 bis

Article 25

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 63, présenté par MM. Yung et Anziani, Mme Espagnac, M. Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – À la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 131-59 du code monétaire et financier, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « six mois ».

II. – Le I entre en vigueur le 1er juillet 2017 pour les chèques émis à compter de cette date. Pour ceux émis antérieurement, l’action du porteur contre le tiré continue de se prescrire par un an à partir de l’expiration du délai de présentation.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale du projet de loi.

Le code monétaire et financier dispose : « L’action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit par un an à partir de l’expiration du délai de présentation. »

Selon la cartographie 2014 des moyens de paiement scripturaux de la Banque de France, les Français restent les plus gros utilisateurs de chèques en Europe, avec un taux d’environ 70 %, même si cette pratique décroît depuis une dizaine d’années. Le repli s’effectue au profit des moyens de paiement électroniques, notamment la carte, le virement ou encore le télérèglement.

Le projet de loi initial prévoyait que l’action du porteur du chèque contre le tiré se prescrivait par six mois, et non plus un an. Cet amendement vise à rétablir une telle disposition pour les chèques émis à partir du 1er juillet 2017. L’objectif est d’encourager l’utilisation des autres moyens de paiement et de diminuer l’incertitude liée au délai d’encaissement du chèque.

Cette mesure a été proposée dans le cadre de la stratégie nationale sur les moyens de paiement, au mois d’octobre 2015. Celle-ci soulignait les inconvénients du chèque, notamment l’incertitude relative à sa date d’encaissement, qui entraîne des coûts de gestion importants, supportés par le titulaire du compte. Par comparaison, les moyens de paiement électroniques offrent des coûts de traitement moindres et permettent également des paiements échelonnés.

Demander la création d’un groupe de travail sur l’évolution de la monnaie électronique, comme l’a fait l’Assemblée nationale, me paraît tout à fait superfétatoire.

Les associations de consommateurs et les représentants des citoyens ayant participé à l’élaboration de la stratégie nationale sur les moyens de paiement ont convenu que le chèque valable un an présentait des inconvénients et que la réforme proposée constituerait un progrès.

Dans notre amendement, nous prévoyons une entrée en vigueur de la mesure en deux temps : au 1er juillet 2017, la durée de validité des chèques serait de six mois, tandis que les chèques émis auparavant seraient valables douze mois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement vise à revenir sur le vote du Sénat en première lecture, qui avait été suivi par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Comme tout citoyen, j’ai écouté ce qui se disait les médias sur le sujet. Certes, le chèque est beaucoup plus utilisé en France que dans d’autres pays européens. Mais, s’il est moins utilisé, par exemple, en Allemagne, les règlements en liquide y sont infiniment plus nombreux que chez nous.

La population française n’est pas très mûre pour accepter une telle mesure, d’où la position que le Sénat avait adoptée en première lecture, avant d’être suivi par l’Assemblée nationale. Mieux vaut ne pas revenir sur ce point d’accord entre les deux chambres.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Cet amendement vise non pas à supprimer les chèques, mais à réduire leur délai de validité.

Une telle mesure est importante, notamment pour protéger nos concitoyens les plus fragiles. Nous le savons, lorsque la date d’encaissement est éloignée, les personnes aux faibles revenus se retrouvent parfois en difficulté. Et le fait que les risques de falsification des chèques édités soient par ailleurs très importants ne les favorise pas non plus.

Pour ces raisons, je suis favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Je rappelle que le Sénat s’était prononcé en première lecture pour le maintien de la validité d’un an sur l’initiative de notre collègue Anne-Catherine Loisier.

Au cours des débats, il n’a jamais été démontré que la réduction de la durée de validité des chèques changerait la situation en matière de transparence, de lutte contre la corruption et de modernisation de la vie économique.

La mesure proposée est vécue comme une contrainte supplémentaire. Certes, il peut arriver qu’un chèque soit oublié. Mais j’ai plutôt le sentiment que certains souhaitent utiliser ce véhicule législatif pour réduire l’usage des chèques et faire passer une réforme qui ne serait pas comprise. Cessons donc d’embêter les Français !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur Yung, tous les Français ne sont pas des nomades européens ! Certains de nos concitoyens ne bougent pas beaucoup de leur village, où l’installation d’un distributeur automatique de billets est parfois problématique.

Une partie de la population, peut-être plus nombreuse que vous ne l’imaginez, utilise le chèque, car elle est habituée à ce mode de paiement. Elle comprendrait donc mal l’adoption d’une telle mesure.

Je ne suis pas certain qu’il y ait eu beaucoup de ruraux parmi les concepteurs de la stratégie nationale sur les moyens de paiement. Les habitants des zones rurales vivent tellement loin, et elles comptent tellement peu que ce n’est pas la peine de les consulter…

Vous invoquez les bénéfices pour les banques. Il paraît qu’elles répercutent les coûts de gestion des chèques sur les frais qu’elles font payer à leurs clients. Effectivement, au vu de l’augmentation des tarifs des banques, on constate qu’elles le font ! Or je ne crois pas qu’en cas d’adoption de l’amendement, elles décideraient de faire une ristourne !

Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Conserver la durée de validité d’un an me paraît sage. Il ne me semble pas que les personnes handicapées – je pense en particulier aux malvoyants – soient perturbées par le délai en vigueur. Ce serait plutôt le contraire !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Je suis tout à fait opposée à cet amendement de nos collègues socialistes.

Il est vrai que le chèque est en recul depuis les années soixante-dix. Mais, contrairement à d’autres moyens de paiement, il a toujours été gratuit. Et la provision à vue n’a jamais fait l’objet d’une rémunération quelconque.

Les établissements bancaires ont commencé voilà quelques années à manifester leur aversion à l’égard de ce titre, pourtant simple d’usage, au motif qu’il leur coûterait plus cher que d’autres moyens de paiement. Combien de fois n’a-t-on pas opposé aux usagers du chèque bancaire les avantages et la flexibilité de la carte de crédit à paiement différé ?

Dans le même temps, des commerçants refusent le paiement par chèque en invoquant le nombre de chèques sans provision.

Il faut remettre les choses à leur place. Selon les contrôles effectués par la Banque de France, en 2015, le nombre d’opérations douteuses sur des chèques bancaires a été d’environ 4 millions, soit 0,15 % du total des chèques émis. Autrement dit : un chèque sans provision pour 650 à 670 émissions !

Le stock d’opérations non régularisées est aujourd’hui inférieur à deux ans et a diminué de plus de 2 millions de formules, les trois quarts des régularisations étant effectuées par les personnes fautives.

Selon les établissements bancaires, le coût de gestion d’un chèque atteindrait 75 centimes d’euros. La totalité des frais supportés par l’ensemble du réseau bancaire serait donc de 2,2 milliards d’euros à 2,5 milliards d’euros. Il s’agit essentiellement de frais de personnels, donc d’emplois.

Cessons de faire droit aux attentes des banquiers, qui ont les reins suffisamment solides pour supporter le coût de gestion des chèques bancaires, et permettons aux usagers d’aller à leur rythme dans la pratique d’autres modes de paiement ! Ne rétablissons surtout pas l’article 25.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. En première lecture, j’avais défendu le maintien à un an de la durée de validité du chèque. Il faut savoir si on fait la loi pour les utilisateurs et les consommateurs, ou pour les banques !

Les banques se sont arrangées, avec le soutien du système étatique, pour supprimer l’argent liquide, contrairement à ce qui se pratique en Allemagne, en invoquant notamment la transparence et la lutte contre la fraude. Cette justification était légitime.

En revanche, invoquer la fraude au chèque, c’est se moquer du monde ! Seul est en cause l’intérêt des banques, qui ont fait du lobbying en ce sens auprès des pouvoirs publics.

Pour ma part, alors que je gère pour l’essentiel mon compte bancaire sur internet, que je ne vais plus à la banque et que je fais le travail à sa place, je paie des frais de plus en plus élevés ! Et lorsqu’on dépose un chèque en banque, c’est une machine, souvent avec un système de lecture optique, qui traite l’opération…

Respectons les pratiques et les usages de nos concitoyens ! Par ailleurs, le chèque permet de payer de façon échelonnée certains créanciers. Mieux vaut en rester à ce qui a été acquis.

La mesure proposée n’a rien à voir avec la transparence et la lutte contre la fraude. Il faut rejeter cet amendement du groupe socialiste.