M. le président. L'amendement n° 36, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

de l’article 12,

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 36 est retiré.

L'amendement n° 53, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

, du II de l’article 30

La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29, modifié.

(L'article 29 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 29
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
 

11

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2017
Discussion générale (suite)

Projet de loi de finances rectificative pour 2017

Adoption d’un projet de loi modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2017 (projet n° 67, rapport n° 76).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2017
Article liminaire

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter un projet de loi de finances rectificative qui vise à trouver les recettes nécessaires à la suite de l’annulation de la taxe sur les dividendes qui avait été instaurée en 2012 à un taux de 3 %.

Cette taxe a fait l’objet d’un premier rappel à l’ordre de la Commission européenne en 2015. Elle a ensuite été annulée par la Cour de justice de l'Union européenne, annulation confirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 octobre dernier. J’aurai l’occasion, si vous le souhaitez, de revenir sur ces différentes décisions de justice qui expliquent certains des choix que le Gouvernement a faits.

Sur le fondement des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne, il semblait que seule une partie du dispositif de la taxe sur les dividendes serait annulée. C’est pourquoi le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, et moi-même avions provisionné 5,7 milliards d’euros sur la durée du quinquennat.

Le 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a pris une décision plus dure que celle de la Cour de justice en estimant que l’État devait rembourser l’intégralité des sommes qu’il avait perçues, intérêts moratoires compris, soit environ 10 milliards d’euros. C’est donc cette somme qu’il faut aujourd'hui trouver.

Depuis plusieurs semaines, mes services et moi-même avons examiné toutes les options possibles. Nous en avons discuté avec toutes les entreprises concernées et avons fait avec le Président de la République et le Premier ministre un choix politique majeur, celui de rembourser les 10 milliards d’euros sans délai, afin de maintenir l’équilibre de nos finances publiques et de respecter nos engagements européens.

Pour vous parler avec une grande sincérité, il aurait été beaucoup plus facile pour le Gouvernement de reporter ou d’étaler ce remboursement, quitte à accroître la charge pesant sur les finances publiques de notre pays avec des intérêts moratoires au taux de 4,8 %. Même avec des intérêts moratoires réduits, cette charge aurait été très élevée. Aussi le choix d’étaler les remboursements et d’accroître de fait la charge pesant sur les finances publiques aurait été irresponsable.

Nous aurions également pu estimer que la situation ne relevait pas de notre responsabilité – car ce n’est pas notre responsabilité ! –, qu’elle était le fruit du passé, un héritage de nos prédécesseurs et que, en conséquence nous n’y pouvions rien et pouvions laisser filer les déficits. Cela aurait été plus simple pour nous de nous rendre devant la Commission européenne pour lui annoncer, comme on le fait depuis dix ans, que nous sommes désolés et que ce n’est pas notre faute, mais qu’une nouvelle fois, la France ne respectera pas ses engagements européens.

Cela aurait plus facile et nous aurait épargné des discussions compliquées avec les entreprises. Je comprends d’ailleurs parfaitement qu’elles puissent s’étonner de la contribution exceptionnelle que nous avons décidée. Cela nous aurait également évité des débats politiques forcément difficiles.

Nous avons fait un choix différent et je pense que ce choix est à l’honneur du Gouvernement : c’est celui d’assumer toutes nos responsabilités, y compris celles de nos prédécesseurs ! En effet, il y a plus important que l’affiliation politique des uns et des autres, il y a l’intérêt général et l’intérêt national. Or l’intérêt de la nation française, c’est d’avoir des comptes publics bien tenus et de respecter ses engagements européens !

Nous avons finalement fait le choix d’une contribution exceptionnelle, perçue immédiatement, de façon à respecter nos engagements européens et à maintenir l’équilibre budgétaire de notre pays.

Nous avons souhaité que cette contribution exceptionnelle n’affecte que les entreprises dont le chiffre d’affaires est très élevé, en l’occurrence celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros. Elle concernera au total 320 entreprises environ.

Pour éviter que les entreprises concernées par ce seuil ne soient trop lourdement pénalisées, nous avons décidé de créer un second seuil pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards d’euros.

Pour les entreprises dépassant le premier seuil, nous porterons exceptionnellement le taux de l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 38,33 %, et ce pour la seule année 2017. Pour celles dont le chiffre d’affaires excède 3 milliards d’euros, soit 110 entreprises au total, ce taux sera porté de 33,3 % à plus de 40 %.

Je mesure parfaitement l’effort demandé à ces entreprises. Je rappelle simplement que les entreprises concernées sont au nombre de 320, dont 110 avec un chiffre d’affaires supérieur à 3 milliards d’euros, total à comparer aux centaines de milliers de ces autres entreprises, PME, TPE, ETI qui, je le répète, ne seront pas visées par cette contribution exceptionnelle. Je le répète également : cette contribution n’existe que pour l’année 2017. Ensuite, on oublie !

Par souci de transparence, nous établirons un rapport sur les contributeurs à cette taxe en distinguant les perdants des gagnants. Sur le sujet, j’ai toujours fait preuve de la plus grande transparence : je n’ai jamais caché qu’il y aurait des perdants, ni que cette contribution exceptionnelle se concentrerait sur un petit nombre, et même un très petit nombre de très grosses entreprises.

Nous aurons probablement un débat tout à l’heure sur les banques mutualistes, qui, malgré tous nos efforts, seront effectivement pénalisées. Nous en avons conscience, mais, je le répète, nous assumons ce choix au nom de la bonne maîtrise de nos finances publiques et du respect de nos engagements européens. Nous donnerons, je le redis, dans le rapport qui sera élaboré toutes les informations sur les perdants et les gagnants de cette contribution exceptionnelle.

En outre, je tiens à dire que ce choix ne modifie en rien les grandes orientations du Gouvernement en matière de finances publiques et de fiscalité : nous avons décidé de baisser l’impôt sur les sociétés dès 2018 et nous le ferons ! Nous avons en effet décidé de ramener son taux de 33,3 % à 25 % d’ici à 2022, ce qui placerait la France dans la moyenne européenne en la matière. Ce cap-là sera tenu !

Si l’on compare chiffre contre chiffre, il y a, d’un côté, une contribution exceptionnelle de 5 milliards d'euros, mais il y a, de l’autre côté, près de 11 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires pour alléger l’impôt sur les sociétés des entreprises, donc notre orientation favorable aux entrepreneurs, à ceux qui créent des richesses, à ceux qui créent des emplois, reste inchangée ; le prélèvement forfaitaire unique à 30 % sur les revenus du capital reste inchangé ; nous ne reviendrons pas sur la suppression de l’impôt sur la fortune sur les valeurs mobilières. Toutes les grandes orientations fiscales de notre gouvernement restent les mêmes et nous visons justement cette stabilité fiscale, qui crée la confiance pour les entrepreneurs et pour les investisseurs.

Enfin, ce dispositif nous permet, comme l’a indiqué la Commission européenne hier dans son rapport, de respecter pour la première fois depuis dix ans nos engagements européens en parvenant à un déficit public qui sera enfin en dessous des 3 % – 2,9 % très exactement –, dès 2017. Et il doit nous permettre, comme l’a précisé le commissaire européen hier, de sortir de la procédure pour déficit public excessif dans laquelle la France se trouve depuis 2009.

L’enjeu est considérable, parce que si nous voulons que la France puisse défendre la modification de la directive sur les travailleurs détachés, comme elle l’a fait, si nous voulons qu’elle puisse défendre la taxation des géants du numérique, si nous voulons qu’elle puisse défendre un commerce équitable fondé sur des règles de réciprocité, si nous voulons qu’elle puisse défendre l’harmonisation fiscale au sein de la zone euro, il faut qu’elle retrouve sa crédibilité économique et sa crédibilité fiscale.

Une nation qui ne tient pas ses engagements européens ne peut pas être respectée par les autres partenaires européens.

Voyez-vous, dans toute cette histoire, où le Gouvernement doit assumer la responsabilité de décisions qu'il n’a pas prises voilà quelques années, l’enjeu dépasse selon moi de très loin celui de cette contribution exceptionnelle. Les entreprises avec qui j’en parle régulièrement en ont conscience. L’enjeu, c’est la bonne tenue des comptes publics de la Nation, ainsi que le respect de nos engagements européens, et, partant, la crédibilité de la voix française sur la scène européenne.

J’ai suivi évidemment de près vos débats et vos propositions. J’entends monter la petite musique : finalement, cela irait beaucoup mieux que ce que l’on pense, et la croissance serait largement supérieure au 1,7 % que nous avons inscrit dans les prévisions budgétaires pour le PLF. Par conséquent, nous aurions des recettes exceptionnelles, si bien que nous n’aurions pas besoin de cette contribution exceptionnelle.

Je ne partage pas cette appréciation. Je suis un ministre sincère et rigoureux, et je tiens à cette sincérité, comme au caractère rigoureux de nos estimations On me dit que la croissance sera de 1,8 % et que les rentrées fiscales seront bien meilleures. Oui, mais il peut aussi y avoir des dépenses exceptionnelles. Regardons les chiffres avancés par les uns ou par les autres : nous, nous disons 1,7 % ; l’INSEE dit 1,8 %, mais la Commission européenne dit 1,6 %. Je crois donc que 1,7 %, comme l’a retenu le Haut Conseil des finances publiques, c’est une estimation qui est sincère, et je ne trouverais pas raisonnable pour les finances publiques de parier sur un subit rebond de la croissance et sur des recettes fiscales absolument miraculeuses.

Je me méfie de Perrette et du pot au lait,…

Mme Annie Guillemot. Encore une femme !

M. Bruno Le Maire, ministre. … lorsque l’on fait des plans sur la comète ou des châteaux en Espagne, pour, au bout du compte, trébucher une nouvelle fois sur une mauvaise nouvelle. Et là, adieu veaux, vaches, cochons ! Adieu le respect des engagements européens ! Adieu les 3 % ! Adieu la réduction des déficits et adieu la sortie de la procédure pour déficit public excessif !

Je ne prendrai pas ce risque-là. Dans toutes les décisions que je vous présente aujourd’hui, je revendique de ne pas faire prendre de risques aux contribuables français et aux finances publiques françaises.

Nous avons étudié la possibilité d'un plafonnement de cette taxe pour que les entreprises qui contribuent le plus voient leurs charges allégées, et quand nous avons soumis notre proposition de texte au Conseil d’État, avec le montant de la contribution, avec les seuils à 1 milliard d’euros et à 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires, nous avons rajouté le plafonnement intervenant à 300 millions d’euros. Nous étions prêts à baisser ce plafonnement, mais le Conseil d’État a disjoint le plafonnement du reste de notre proposition, estimant que cette proposition ne posait pas de difficulté, était juridiquement solide, mais qu’il avait un doute sur le plafond.

Je ne veux pas faire prendre, dans cette affaire où il y a déjà eu trop d’amateurisme, le moindre risque juridique à la solidité de la décision qui vous est présentée, et je ne prendrai pas davantage de risques sur les évaluations de croissance, parce que je pense qu’il ne serait pas raisonnable de parier sur une croissance, qui, tout d’un coup, atteindrait des sommets, sur des recettes fiscales, qui, tout d’un coup, seraient exceptionnelles. Je préfère rester sincère et rigoureux de bout en bout, tant dans la construction du budget pour 2018 que dans l’élaboration des trajectoires budgétaires pour l’ensemble du quinquennat ou du projet de loi de finances rectificative qui est soumis aujourd’hui à votre examen et à votre vote.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je vais commencer par un aveu : j’ai beaucoup de plaisir à voir M. le ministre, mais, ce soir, nous nous serions tous bien passés de ce projet de loi de finances rectificative. C’est un point dont nous pouvons tous convenir, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, alors que nous examinons un texte déposé en urgence à la suite de la décision du Conseil constitutionnel relative à la contribution de 3 %.

Le projet de loi ajuste le montant des dépenses de contentieux et prévoit la création de deux contributions exceptionnelles visant l’impôt sur les sociétés dû au titre de 2017. Au total, ses dispositions entraînent une dégradation nette du solde budgétaire de l’État de 400 millions d’euros, le portant à 76,9 milliards d’euros en 2017.

Concernant les éléments qui dégradent le solde budgétaire, sur un plan technique, c’est la mission « Remboursements et dégrèvements » qui va supporter le montant de ces remboursements à hauteur de 5 milliards d’euros. En outre, la censure intégrale du dispositif conduit à une perte de recettes d’environ 200 millions d’euros, puisqu’il y a abrogation anticipée d’un dispositif, qui, initialement, devait aller jusqu’au 31 décembre.

Concernant le volet « recettes », le Gouvernement prévoit la création de deux contributions « exceptionnelles et ponctuelles » sur l’impôt sur les sociétés au titre de 2017, dont le rendement attendu s’élève à 4,8 milliards d’euros en 2017 et à 600 millions d’euros en 2018. En volume, c’est à peu près 10 % du montant brut de l’impôt sur les sociétés.

Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le Gouvernement n’avait provisionné que 5,7 milliards d’euros sur la période 2018-202, dont seulement 300 millions d’euros en 2018 et 1,8 milliard d’euros pour les exercices suivants. Or la décision du Conseil constitutionnel étant une abrogation complète de la taxe, il s’ensuit que l’ensemble des contributions peut faire l’objet d’une réclamation dans les deux ans suivant leur versement, c’est-à-dire que l’on peut supporter des remboursements jusqu’à la fin de l’année 2019 au plus tard.

Le coût des contentieux est donc revu à la hausse de 4,3 milliards d’euros, totalisant 10 milliards d’euros, qui seraient répartis à égalité sur 2017 et 2018.

Je vais aller vite, puisque le dispositif est désormais connu. L’État prendrait à sa charge la moitié seulement des remboursements qu’il doit acquitter et en ferait supporter l’autre moitié par les grandes entreprises à travers cette taxe. Le Gouvernement propose ainsi une majoration du taux de l’impôt sur les sociétés, avec une première majoration de 15 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, et une seconde majoration pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards d’euros.

Ces contributions permettraient d’éviter que le solde public effectif s’élève en 2017 à 3,1 % du PIB, et on peut souscrire à cette volonté de ne pas dégrader le solde. Le Gouvernement veut, comme nous tous, que la France sorte du volet correctif du pacte de stabilité. S’il s’agit d’un objectif sur lequel chacun peut s’accorder, la mesure de rendement qui nous est soumise pose néanmoins un certain nombre de difficultés.

D’une part, elle est proposée dans l’urgence, et vous nous avez expliqué pourquoi. Pour être tout à fait précis, il convient pourtant de rappeler que la fragilité constitutionnelle de la taxe était connue depuis longtemps : si vous lisez le rapport sur le collectif 2016, signé par mes soins, vous constaterez que je jugeais alors les aménagements prévus insuffisants. Si le projet de loi de finances déposé en 2017 inclut bien la suppression de la taxe, il est pour le moins étonnant que la question du remboursement des entreprises surgisse en fin d’année. Référez-vous donc aux travaux du Sénat sur le collectif 2016.

D’autre part, la mesure fiscale proposée s’accompagne d’importants biais, ce que vous avez eu l’honnêteté de reconnaître, monsieur le ministre, puisque 223 sociétés sur les 318 redevables seront perdantes. Pour détailler, les entreprises de l’industrie, du commerce, des services financiers, comme les banques mutualistes, sont particulièrement concernées, et le produit est fortement concentré, puisque 30 sociétés représentent 71 % des recettes prévues.

Face à cette situation, ma tentation, et la vôtre sans doute également, auraient été naturellement de rééquilibrer les montants acquittés entre les sociétés, notamment pour mieux les faire correspondre aux montants remboursés. Cependant, je reconnais volontiers qu’une telle initiative conduirait sans doute à reproduire des modalités de taxation déjà censurées par le Conseil constitutionnel. Par ailleurs, le choix d’une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés nous empêche d’en modifier les paramètres sans prendre d’importants risques juridiques. C’est pourquoi, je le reconnais honnêtement, il y avait très peu de possibilités de faire autrement. Le Gouvernement a bien tenté de moduler les effets de la surtaxe grâce à un mécanisme de plafonnement individuel : le Conseil d’État a jugé ces dispositions contraires à la Constitution.

Malheureusement, la solution retenue est peut-être la moins mauvaise. Je dis malheureusement, parce que c’est une surtaxe. Pour autant, nous aurions souhaité faire mieux correspondre les montants remboursés aux montants acquittés, ce qui n’est malheureusement pas possible.

Si l’on peut regretter cette absence de marges de manœuvre sur les modalités de la taxation, il faut néanmoins souligner que le montant que les entreprises devront acquitter est particulièrement élevé, qui plus est dans un calendrier très contraint. C’est un signal très négatif donné aux entreprises et sans doute un potentiel frein à la croissance économique.

Surtout, et c’est là où nous allons avoir un différend, le Gouvernement a calculé le montant de sa mesure de rendement au regard du respect de la règle des 3 %, sans procéder à une actualisation de l’hypothèse de croissance. J’ai bien entendu ce que vous avez dit sur la prudence, monsieur le ministre, mais je pense que vous auriez pu établir votre calcul dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative en revoyant les hypothèses d’élasticité des recettes à la hausse. Le Gouvernement a simplement pris en compte des prévisions qui datent de septembre dernier.

Pour notre part, nous considérons qu’il y a une meilleure élasticité. Pour parvenir à cette conclusion, nous nous sommes appuyés sur vos propres termes figurant dans la lettre que vous avez adressée à la Commission européenne le 31 octobre 2017 en réponse au vice-président et au commissaire européen, MM. Dombrovskis et Moscovici : « les recettes tirées des prélèvements obligatoires en 2017 pourraient être supérieures à ce qui est attendu dans le PLF ». Vous ajoutez que « la prévision des recettes tirées des prélèvements obligatoires est prudente » pour l’année 2018.

Vous avez donc considéré qu’il y avait une meilleure élasticité des recettes. Ce surcroît de recettes ajouté à l’acquis de croissance de 2017 aurait dû vous convaincre de moins solliciter les entreprises.

À l’instant, je vois que le consensus des économistes a révisé sa prévision de croissance pour 2017. Celle-ci s’établirait plutôt à 1,8 % en fin d’année, alors que vous avez dit 1,6 % pour la Commission. En tout cas, il est à peu près certain, je le répète, que nous avons une meilleure élasticité des prélèvements obligatoires au PIB, lequel sera supérieur au montant retenu. Il ne s’agit pas d’une hypothèse farfelue, puisque vous en faisiez état dans votre propre lettre à la Commission européenne.

Nous vous croyons et nous en tirons les conséquences : une meilleure élasticité des recettes contribue tout simplement à accroître les rentrées fiscales, une variation de 0,1 point de l’hypothèse d’élasticité pouvant aboutir spontanément, c’est-à-dire sans révision de l’hypothèse de croissance et en restant prudent, à 2,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Aussi, la commission des finances vous propose, à défaut, et elle le regrette, de pouvoir réviser les paramètres de la nouvelle contribution comme elle l’aurait souhaité, d’ajuster la contribution des grandes entreprises au montant strictement nécessaire au respect de nos engagements européens. C’est la raison pour laquelle je présenterai tout à l’heure un amendement tendant à réduire de moitié la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises.

Encore une fois, monsieur le ministre, vous n’êtes pas responsable de cette situation. Nous regrettons de devoir nous réunir ce soir. Nous savons que les marges de manœuvre sont très réduites et nous souscrivons plutôt à l’idée de cette surtaxe, qui présente le moins de risques juridiques. Néanmoins, nous souhaitons tenir compte de la meilleure élasticité des recettes pour moins solliciter les entreprises.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative prévoit la création, pour l’exercice 2017, d’une contribution exceptionnelle à l’impôt sur les bénéfices des sociétés applicable aux sociétés réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, ainsi que d’une contribution additionnelle pour les sociétés réalisant plus de trois milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Décidé dans l’urgence, ce collectif budgétaire est présenté comme une réponse législative à l’invalidation par le Conseil constitutionnel, le 6 octobre dernier, de la taxe additionnelle de 3 % sur les dividendes instituée en 2012. Cette décision se fonde sur la « méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques », en particulier la « différence de traitement entre les sociétés mères, selon que les dividendes qu’elles distribuent proviennent ou non de filiales établies dans un État membre de l’Union européenne autre que la France ».

Le 17 mai dernier, la Cour de justice de l’Union européenne avait d’ores et déjà jugé la contribution de 3 % sur les revenus distribués incompatible avec le régime fiscal européen commun applicable aux sociétés mères et filiales.

À la suite de ces décisions, l’État est donc tenu de rembourser les sommes perçues aux entreprises concernées, soit près de 10 milliards d’euros. Eu égard aux montants en jeu, le Gouvernement risque de se trouver dans l’impossibilité d’atteindre l’objectif qu’il s’est fixé d’un déficit inférieur à 3 % dès 2017.

Dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2017, le Gouvernement propose la mise en œuvre d’une contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés. Celle-ci, qui n’a vocation à s’appliquer qu’une fois, contient deux surtaxes dont le taux dépend du chiffre d’affaires de l’entreprise.

D’après les estimations données par le Gouvernement, ces dispositions concerneront environ 320 entreprises au total, dont 110 seront assujetties au taux de 30 %. Le rendement est estimé à 5,4 milliards d’euros, dont 4,8 milliards d’euros versés en 2017 au titre d’un acompte payé avant le 20 décembre de cette année.

Le solde public 2017 serait inchangé par rapport à l’estimation réalisée lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2018, soit 2,9 %.

Au-delà de 2017, le coût lié au contentieux serait intégré à la trajectoire des finances publiques sans compromettre le respect par la France de ses engagements européens. La prévision de solde pour 2018, établie dans le projet de loi de finances à 2,6 %, serait réévaluée à 2,8 %.

Ce dispositif ressemble quand même à un bricolage et peut brouiller le message du Gouvernement, qui souhaite, et qui va, diminuer le taux de l’impôt sur les sociétés dans l’optique d’une harmonisation européenne.

Il présente l’inconvénient de faire supporter un impôt exceptionnel à des entreprises pour compenser l’annulation d’une taxe qui n’était pas perçue sur le même périmètre ni dans les mêmes proportions pour les mêmes ou d’autres entreprises : plus de 200 d’entre elles vont être perdantes et 90 environ seront gagnantes.

Il ne s’agit donc pas d’une démarche très équitable ni même très cohérente, mais y avait-il une solution alternative qui n’aurait pas lourdement pénalisé nos finances publiques ? À l’évidence non !

Il convient à ce stade de rappeler que, dans ce processus, l’État prend à sa charge 5 milliards d’euros, soit environ la moitié du remboursement de la taxe sur les dividendes décidée en 2012. Une augmentation de cette part, demandée par la commission des finances du Sénat, semble s’écarter de la rigueur à laquelle celle-ci nous a habitués, nonobstant la théorie de l’élasticité développée par le rapporteur. Si l’on doit ne récupérer, sur cette opération, que 2,5 milliards d’euros sur les 10 milliards d’euros que nous devons, je me demande si cela vaut le coup. Si l’élasticité nous permet d’avoir des recettes supplémentaires, compte tenu de la bonne orientation constatée actuellement, ces recettes pourraient être autrement employées à des fins utiles.

En conclusion, c’est sans enthousiasme, mais consciente des nécessités budgétaires, qu’une large majorité du groupe du RDSE est prête à soutenir les propositions du Gouvernement.