M. Bruno Le Maire, ministre. Très juste !

M. Emmanuel Capus. Nous ne pouvons pas accepter qu’une telle malfaçon se reproduise.

De plus, il nous semble que les questions prioritaires de constitutionnalité à fort enjeu budgétaire, qui se multiplient et menacent la stabilité de la loi fiscale, doivent également faire l’objet d’un suivi renforcé.

Pour entrer enfin dans l’ère de sincérité et de responsabilité budgétaire promise par le Président de la République, nous devrons tirer collectivement les leçons de cette affaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République en marche.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, notre débat de ce soir fait suite à une décision du Conseil constitutionnel concernant l’annulation d’une taxe sur les dividendes des entreprises. Il faut simplement se rappeler dans quel contexte la décision de créer cette taxe avait été prise. C’était au moment où un nouveau Président de la République qui avait déclaré « mon ennemi, c’est la finance » présentait son premier collectif budgétaire C’est parce que le texte s’inscrivait dans cette logique que le groupe auquel j’appartiens avait voté contre le principe même de cette taxe sur les entreprises.

Depuis, le monde politique semble avoir changé et le nouveau gouvernement paraît plus ouvert au monde de l’entreprise, utilisant de nouvelles méthodes, pratiquant une écoute nouvelle au nom de la compétitivité et du pragmatisme – j’ai entendu ce mot tout à l’heure. Or, en réalité, depuis cette décision du 6 octobre, nous avons assisté à plusieurs réactions du Gouvernement.

Peut-être cette attitude s’explique-t-elle par une solidarité vis-à-vis du précédent gouvernement et de l’ancien Président de la République, qui était l’instigateur de cette taxe sur les dividendes. Au nom de cette solidarité, sans doute le Gouvernement se sentait-il un peu obligé de respecter, d’une manière ou d’une autre, une volonté affichée voilà cinq ans. En fait, nous avons assisté à ce qui fut sans doute la plus courte conversion d’un gouvernement à l’écoute des entreprises. En effet, on annonçait une baisse de l’impôt sur les sociétés, une réduction des prélèvements sur un certain nombre d’acteurs économiques de la société française, une ouverture sur le libéralisme. Si on avait voulu démontrer que ce gouvernement n’avait pas de vision libérale de l’économie, on n’aurait pas mieux fait ! En effet, en l’espace de quelques semaines, à l’évidence, tout cela a été abandonné !

À vous entendre, monsieur le ministre, ce gouvernement ferait preuve d’une certaine innovation. En l’occurrence, je suis désolé de vous le dire, ce que vous faites est d’un classicisme absolu. C’est dans l’improvisation – tout à l’heure, quelqu’un a parlé de « bricolage » – que Bercy a ressorti les recettes usuelles déjà vendues à quelques reprises à plusieurs Premiers ministres, aussi bien de gauche que de droite, pour faire face à une situation prétendument exceptionnelle. En réalité, il n’y a rien d’innovant dans ce que vous proposez ! Le dispositif est d’un classicisme absolu et demandait simplement de trouver une cible ! J’imagine que vous avez envisagé de vous en prendre aux footballeurs et aux kinésithérapeutes. Et vous vous êtes arrêté sur les grandes entreprises ! C’est à peu près ainsi que cela a été fait, dans une prétendue urgence.

On n’a pas fait dans la nuance ! Pour déterminer celles des grandes entreprises qui seraient retenues, on ne s’est pas demandé si elles n’étaient pas en train de sortir d’une période déficitaire ou de plans de restructuration douloureux. On n’a pas davantage pris en considération les efforts faits par ces entreprises depuis un certain nombre d’années pour s’adapter à la réalité du marché. Sans tenir aucun compte du passé, on a fait un bloc, un package, procédant à une sorte de coup de rabot pour choisir une cible dans l’urgence, en quelques semaines. C’est cela, la méthode du Gouvernement !

Monsieur le ministre, vous mettez en avant votre sincérité. Je veux bien l’admettre, mais elle ne justifie malheureusement pas tout, elle n’excuse pas tout !

Il s’agit, dites-vous, d’une mesure d’exception. Parlons-en, de l’exception ! Nombreux sont ceux qui ont évoqué la stabilité en matière fiscale, en se demandant comment des investisseurs pourraient faire confiance à la France si les règles fiscales y changent tous les six mois. Le Premier ministre a parlé il y a peu de temps de la stabilité, qui est nécessaire pour les opérateurs. Et en guise d’exemple, le Gouvernement prend, comme première mesure, une disposition qui prolonge l’instabilité fiscale au nom d’une exception !

Certes, l’exception est réelle. Elle réside dans le fait que, en France, sur le territoire national, le taux d’imposition de certaines sociétés est de 43,3 %. Vous connaissez la situation en Europe. Avant la mesure, le taux réel d’imposition aurait été en France de 38,4 %, alors qu’il s’établit à 28,6 % en Allemagne, à 23,6 % en Italie et à 21,5 % au Royaume-Uni. Alors, elle est là, l’exception ! Elle est illustrée par le fait que dans le monde compétitif où nous vivons nous appliquons le plus fort taux jamais pratiqué en matière d’impôt sur les sociétés en Europe !

Je veux maintenant parler du moment où intervient cette décision. Entre octobre et novembre, c'est-à-dire à une période où les entreprises ont établi leur programme d’investissement et arrêté la manière selon laquelle elles vont donner ou faire la répartition de leurs éventuels profits entre les actionnaires, l’investissement et les salariés. À cette époque de l’année, le budget prévisionnel des entreprises est normalement adopté. Et c’est à ce moment-là que l’État, comme d’habitude, jacobin, comme d’habitude, autoritaire, fait totalement fi du monde économique pour résoudre ces problèmes ! Et il procède à la louche, parce qu’il fallait répondre à une injonction de Bruxelles et se situer impérativement sous la barre des 3 %. Et là, la sincérité ne joue plus ! On utilise un artifice !

La sincérité aurait voulu que l’on en convienne, pendant cinq ans, le précédent gouvernement avait donné des résultats iniques à Bruxelles pour prétendre tenir des engagements à la louche, qui, en fait, ne l’étaient pas ; il s’en fallait de 0,2 % environ. Il aurait mieux valu faire preuve de sincérité vis-à-vis de Bruxelles. Je pense que l’urgence aurait été comprise.

Et la sincérité, on la retrouverait surtout, monsieur le ministre, si cet engagement, qui est de court terme, avait été retranscrit dans le budget pour 2018. Certes, une ponction exceptionnelle est opérée sur 300 entreprises en France. Ces entreprises, on aurait pu les rassurer en leur expliquant qu’on leur proposerait six mois plus tard des mesures de compensation pour ne pas compromettre leur activité, leur compétitivité et l’équilibre même de leurs comptes. Or là, aucune mesure de ce type n’est annoncée. On se contente de raser gratis et de renvoyer les efforts à demain. En attendant, la France est aujourd'hui championne d’Europe s’agissant du taux appliqué à l’impôt sur les sociétés.

Enfin, monsieur le ministre, en tant qu’élu parisien, j’ai un troisième sujet à évoquer. Il y a eu le Brexit, ce qui pose normalement le problème de la place financière de Paris, en rivalité avec Francfort. On a longtemps taxé un Premier ministre britannique de dérouler le tapis rouge. Le Gouvernement avait, paraît-il, fait quelques efforts pour présenter sous son meilleur jour la place financière de Paris. Nous allions nous prévaloir de stabilité auprès des investisseurs internationaux auxquels nous allions faire comprendre que nous avions changé. À la continuité avec le gouvernement précédent s’était substituée une rupture par rapport à ses pratiques. Et vous faites totalement l’inverse ! Je sais bien que vous n’agissez pas en tant que tel. Je connais la solidarité à laquelle se doit le membre d’un gouvernement qui s’efforce d’appliquer une politique. Si vous vous en étiez tenu au caractère exceptionnel de la mesure, vous auriez rassuré d’emblée tous les entrepreneurs en leur annonçant que cette injustice serait corrigée dès 2018. Car il s’agit évidemment d’une injustice ! Le problème relève peut-être plus de l’éthique que de la finance. Ce qui est en cause, c’est un problème d’approche du monde économique. Et la première mesure de ce gouvernement, qui fait malheureusement seulement semblant d’entendre la sphère économique, n’est pas à la hauteur de l’attente de cette dernière !

Alors, c’est une faute politique, et même peut-être une double faute, parce qu’elle a déjà été commise par un Président de la République il y a cinq ans. Lorsqu’on ne tient pas compte de ce qui s’est passé voilà cinq ans, il s’agit automatiquement d’une double faute politique.

Par ailleurs, cette mesure est inspirée d’un gouvernement socialiste qui était quand même particulièrement orthodoxe dans sa vision de l’économie. Vous reprenez pleinement et totalement, monsieur le ministre, cette mesure de nature socialiste. Je comprends bien que, sur certaines travées de cet hémicycle, on considère que l’exception justifie les moyens ; pour notre part, membres du groupe Les Républicains, nous n’accepterons pas cette vision des choses pour des raisons d’éthique.

Enfin, lorsqu’on dit que des entreprises seront perdantes et que d’autres seront gagnantes, en réalité, il existe 318 entreprises qui seront toutes perdantes, parce que toutes auront un problème de compétitivité ou d’adaptation au marché.

C’est pourquoi le groupe Les Républicains a déposé un amendement visant à supprimer cette taxe exceptionnelle. Faute de son adoption, nous voterons évidemment contre ces dispositions. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’État doit 10 milliards d’euros à 5 000 entreprises. Voilà l’objet du collectif budgétaire que nous examinons aujourd’hui.

Un projet de loi présenté en conseil des ministres le jeudi 2 novembre, en commission des finances à l’Assemblée nationale le vendredi 3, adopté par les députés le lundi 6, examiné par la commission des finances du Sénat le mercredi 8 et en séance aujourd’hui, jeudi 9 : voilà ce que j’appelle un examen au pas de charge, dans un temps record ! Et ce pour 10 milliards d’euros, excusez du peu, presque un demi-point de PIB !

Pourtant, du temps, nous en avions. L’illégalité de la perception de ces 10 milliards d’euros avait été identifiée par notre rapporteur général, il y a un an, lors de l’examen du collectif budgétaire de fin d’année. Avant même l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne de mai 2017, M. de Montgolfier évoquait, en décembre 2016, « la fragilité de cette contribution de 3 % sur le plan du droit de l’Union européenne et, à rebours, sur le plan de sa constitutionnalité ».

La taxe sur les dividendes des entreprises ayant rapporté 2 milliards d’euros par an au budget de l’État depuis 2013, le total de 10 milliards d’euros est assez simple à calculer.

M. Macron aurait donc pu percevoir le problème plus tôt. Il ne peut pas rejeter totalement la responsabilité sur son prédécesseur, et ce d’autant plus qu’au moment du vote de la mesure, en 2012, il était conseiller de François Hollande à l’Élysée, chargé des affaires économiques et financières. Selon Christian Eckert, qui était alors rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, « Emmanuel Macron ne peut pas dire qu’il ne connaissait pas le dossier. À l’époque, en 2012, il était à l’Élysée et le surveillait comme le lait sur le feu. »

De surcroît, M. Macron était ministre de l’économie en 2015, quand M. Eckert, devenu secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, avait déclaré lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016 au Sénat, le 23 novembre 2015 : « Il est vrai que le dispositif de cette contribution additionnelle a fait l’objet d’une mise en demeure de la Commission européenne. » Il reconnaissait donc ainsi, dès 2015, l’incompatibilité de la taxe sur les dividendes avec le droit européen.

En réalité, dès qu’un recours fut porté devant le Conseil d’État, en 2016, l’issue ne faisait plus guère de doute, la rupture d’égalité étant manifeste et la mesure de rendement ne constituant habituellement pas un motif d’intérêt général suffisant.

Vous aviez par conséquent la possibilité, monsieur le ministre, de rectifier le tir dès cet été, dans un collectif budgétaire, d’anticiper, de provisionner des économies suffisantes ou même de vendre des participations de l’État, plutôt que d’attendre une décision certes dure et de mettre des entreprises au pied du mur.

Autant, comme nous l’avons rappelé, nous approuvons votre effort de sincérité dans le projet de loi de finances pour 2018, qui repose sur des hypothèses raisonnables et met un terme aux sous-budgétisations, autant nous considérons qu’il aurait été possible d’anticiper ce problème. Vouloir se payer sur le dos des entreprises a d’autant moins de sens que l’objectif de ne pas dégrader le déficit public en dessous de 3 % en 2017 pourrait être mis à mal par la décision d’Eurostat.

Il n’est en effet pas certain qu’il soit possible de comptabiliser sur 2018 la moitié de la facture, même si l’INSEE a donné son accord au niveau national.

Ainsi, selon l’article 20.189 du système européen des comptes, « le moment d’enregistrement de la dépense ou de la recette correspond au moment où les bénéficiaires disposent d’un droit automatique et incontestable au versement d’un montant pouvant être déterminé individuellement, et qu’il est improbable que ces derniers ne réclament pas ce qui leur est dû. » C’est bien le cas en l’espèce, puisque l’impôt a été invalidé par le Conseil constitutionnel en 2017. Nous verrons ce que décidera Eurostat.

Pour autant, nous voyons bien que tout cela est très artificiel et pour le moins assez instable. Taxer des entreprises est une solution de facilité, injuste et prise dans la précipitation au détriment de l’intérêt économique pourtant défendu par le Président de la République et votre gouvernement, monsieur le ministre. Nous nous retrouvons dans la situation de taxer des entreprises pour rembourser une taxe illégale prélevée sur d’autres entreprises. Certaines entreprises vont être redevables pour d’autres alors même qu’il y a dix jours elles n’étaient au courant de rien.

L’exemple le plus flagrant a déjà été cité : c’est celui des banques mutualistes, qui ne versent aucun dividende, investissent, créent de l’emploi et financent l’économie réelle et l’accession à la propriété. Elles vont payer près d’un milliard d’euros, soit 20 % de la facture, pour le compte de l’État, alors qu’elles font le choix d’investir plutôt que de verser des dividendes. Comprenez que cette situation est non seulement injuste, mais aussi inacceptable !

C’est pourquoi ces contributions, qui font, par ailleurs, peser une charge excessive sur quelques entreprises, peuvent constituer une atteinte disproportionnée et injustifiée à leur droit de propriété et à leur liberté d’entreprendre.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je répondrai rapidement pour que chacun prenne la mesure de ce qui se joue ce soir. J’entends parfaitement les remarques qui ont été faites par les Républicains, mais je ne vois pas quelle solution alternative ils nous proposent.

M. Gérard Longuet. Chacun son métier !

M. Bruno Le Maire, ministre. Dans le fond, ils suggèrent de ne pas respecter nos engagements européens. Je veux juste que chacun, au moment de voter, ait conscience que l’amendement déposé par M. Retailleau tend à faire passer le déficit, en 2017, au-dessus de 3 % du PIB : supprimer l’article 1er, comme vous le proposez ce soir, placerait clairement le déficit très au-dessus de ce seuil, au moins à 3,1 %.

Il est important que tous les Français qui nous regardent et qui nous écoutent sachent que vous êtes prêts, ce soir, à prendre le risque que la France ne respecte pas ses engagements européens en 2017 et ne sorte pas de la procédure pour déficit public excessif. C’est votre droit, mais que chacun prenne conscience de ce que cela signifie aux yeux de nos compatriotes et au regard de nos engagements européens.

Je ne m’étendrai pas beaucoup plus longuement sur les remarques qui m’ont été faites selon lesquelles nous n’aimerions pas les entreprises. Demandez donc aux entreprises si elles apprécient, oui ou non, la baisse de l’impôt sur les sociétés que nous avons fait adopter. La décision que nous prenons ce soir, monsieur Dominati, n’est pas la première que nous ayons prise : la première a été de baisser le taux de l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % sur cinq ans.

M. Philippe Dominati. Ce soir, c’est 43,3 % !

M. Bruno Le Maire, ministre. Une telle décision était attendue depuis des décennies par les entreprises ; il se trouve que c’est nous qui la prenons. Vous avez affirmé que cette contribution exceptionnelle était notre première décision, cela est faux : nos premières décisions sont favorables aux entreprises et répondent à des demandes qui remontent à plusieurs décennies.

S’agissant de l’attractivité de la place financière de Paris, je vous y sais sensible, monsieur Dominati, mais peut-être aurait-il mieux valu supprimer plus tôt la surtaxe sur les salaires ou créer un prélèvement forfaitaire unique.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je l’avais proposé !

M. Bruno Le Maire, ministre. En effet, monsieur le rapporteur général. Une telle réforme était attendue par tous les investisseurs ; ils me le disent. Les grandes banques anglo-saxonnes attachent de l’importance au prélèvement forfaitaire unique que nous avons mis en place.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Vous l’avez fait ; c’est bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Enfin, monsieur Dominati, vous nous reprochez de faire la politique du gouvernement socialiste qui nous a précédés. Mais enfin, si tel était le cas, nous n’aurions pas voté la suppression de la taxe sur les transactions intrajournalières, qui avait été adoptée par la précédente majorité. Nous avons eu le courage de la supprimer pour rendre la place financière de Paris plus attractive, faire venir de grandes institutions financières et créer des emplois à Paris. Comme je sais que vous y êtes sensible et que vous êtes honnête, vous reconnaîtrez que c’est une bonne décision qui favorise l’arrivée de nouveaux emplois à Paris.

S’agissant de la remarque très importante faite par M. le rapporteur général sur la meilleure élasticité des recettes, ce que j’ai écrit à la Commission européenne est que nous tablions sur une meilleure élasticité des recettes pour 2018. En effet, pour cette année, nous pouvons espérer que la conjoncture économique produira cette meilleure élasticité des recettes. En revanche, en fin d’exercice budgétaire, alors que nous sommes presque mi-novembre, nous ne pouvons pas tabler sur une meilleure élasticité des recettes pour 2017.

Toutefois, là aussi par le souci de sincérité qui nous caractérise, nous avons tenu compte de la possibilité que le rendement de l’impôt sur les sociétés soit plus élevé en 2017 qu’en 2016 du fait d’une meilleure croissance. Nous avons donc tablé sur une augmentation de 8 % du rendement du taux d’impôt sur les sociétés. En revanche, nous prenons en compte une élasticité macroéconomique non pas dès 2017, mais uniquement en 2018.

Sur les risques de contentieux, je tiens à dire que la direction générale des finances publiques est pleinement mobilisée, en fin d’année, pour gérer ce risque qui existe effectivement.

Quant à qualifier notre démarche de « bricolage » ou d’« improvisation », je le conteste formellement. Il y a eu décision du Conseil constitutionnel. Nous prenons les décisions rapides et responsables qui s’imposent. L’alternative serait de laisser filer, comme certains le proposent ici ce soir.

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas ce qu’on a dit !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous prenons pour notre part des décisions responsables. J’ajouterai que, là encore, on ne peut pas nous reprocher de faire la politique de nos prédécesseurs. Combien de personnes m’ont proposé de rétablir la taxe censurée ? On me dit : « C’est très simple, la solution, monsieur Le Maire ! On va vous la donner, monsieur le ministre. » Il y avait eu un conflit autour des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, ou OPCVM, comme cela a été très bien rappelé. La taxe avait été jugée illégale. C’est pourquoi on a adopté, en 2012, une nouvelle taxe de nouveau illégale. Eh bien, certains viennent me dire qu’il n’y a pas de problème : il me suffit, comme ministre des finances, de faire de nouveau adopter une nouvelle taxe illégale. Je refuse cette solution !

Je préfère mettre en place cette contribution exceptionnelle, qui repose, je le rappelle, sur la suppression de la taxe sur les dividendes par l’article 13 du projet de loi de finances pour 2018. Cette taxe est supprimée sans être remplacée, alors que majorités de droite comme de gauche, jusqu’à présent, avaient choisi la solution de facilité consistant à faire preuve d’imagination fiscale et à remplacer une taxe illégale par une nouvelle taxe illégale. On pourrait continuer ainsi jusqu’aux calendes grecques ! Nous mettons pour notre part fin à ce processus infernal, nous supprimons la taxe sur les dividendes et nous ne la remplaçons pas, alors que d’autres auraient pu le faire. Nous instaurons simplement une contribution exceptionnelle sur les entreprises, limitée à 5 milliards d’euros.

Enfin, des remarques très intéressantes ont été faites sur les leçons à tirer de tout cela sur les procédures budgétaires. J’attendrai le rapport de l’Inspection générale des finances pour en tirer toutes les conclusions nécessaires, mais je partage totalement les analyses que j’ai entendues : il est évident qu’après des années de cafouillage fiscal il est temps d’en tirer les leçons sur nos procédures et sur nos décisions, au Parlement comme dans mon ministère. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

projet de loi de finances rectificative pour 2017

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2017
Article 1er

Article liminaire

La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2017 s’établit comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut)

Prévision 2017

Solde structurel (1)

-2,2

Solde conjoncturel (2)

-0,6

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

-0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

-2,9

M. le président. Je mets aux voix l'article liminaire.

(L'article liminaire est adopté.)

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Article liminaire
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2017
Article 2

Article 1er

I. – Les redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l’article 219 du même code, des exercices clos à compter du 31 décembre 2017 et jusqu’au 30 décembre 2018.

Cette contribution exceptionnelle est égale à 15 % de l’impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

Pour les redevables dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros et inférieur à 1,1 milliard d’euros, le taux de la contribution exceptionnelle est multiplié par le rapport entre, au numérateur, la différence entre le chiffre d’affaires du redevable et 1 milliard d’euros et, au dénominateur, 100 millions d’euros.

Le taux de la contribution exceptionnelle est exprimé avec deux décimales après la virgule. Le deuxième chiffre après la virgule est augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à 5.

II. – Les redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 3 milliards d’euros sont assujettis à une contribution additionnelle à la contribution prévue au I du présent article, égale à une fraction de l’impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables, aux taux mentionnés à l’article 219 du code général des impôts, des exercices clos à compter du 31 décembre 2017 et jusqu’au 30 décembre 2018.

Cette contribution additionnelle est égale à 15 % de l’impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

Pour les redevables dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 3 milliards d’euros et inférieur à 3,1 milliards d’euros, le taux de la contribution additionnelle est multiplié par le rapport entre, au numérateur, la différence entre le chiffre d’affaires du redevable et 3 milliards d’euros et, au dénominateur, 100 millions d’euros.

Le taux de la contribution additionnelle est exprimé avec deux décimales après la virgule. Le deuxième chiffre après la virgule est augmenté d’une unité si le chiffre suivant est égal ou supérieur à 5.

III. – 1. Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution exceptionnelle et, le cas échéant, la contribution additionnelle sont dues par la société mère. Ces contributions sont assises sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d’ensemble et à la plus-value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D du même code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

2. Le chiffre d’affaires mentionné aux I et II s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

3. Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont imputables ni sur la contribution exceptionnelle ni sur la contribution additionnelle.

4. La contribution exceptionnelle et la contribution additionnelle sont établies, contrôlées et recouvrées comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

5. La contribution exceptionnelle et la contribution additionnelle sont payées spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.

Elles donnent chacune lieu à un versement anticipé à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d’impôt sur les sociétés de l’exercice ou de la période d’imposition. Par dérogation au troisième alinéa du 1 du même article 1668, les redevables clôturant leur exercice au plus tard le 19 février 2018 s’acquittent au plus tard le 20 décembre 2017 du versement anticipé de la contribution exceptionnelle et, le cas échéant, de la contribution additionnelle.

Les montants des versements anticipés sont fixés à 95 % des montants respectifs de la contribution exceptionnelle et de la contribution additionnelle estimés au titre de l’exercice ou de la période d’imposition en cours et déterminés selon les modalités prévues, respectivement, aux I, II et 1 à 3 du présent III.

Si les montants des versements anticipés sont supérieurs, respectivement, à la contribution exceptionnelle et à la contribution additionnelle dues, les excédents respectifs sont restitués dans un délai de trente jours à compter de la date mentionnée au premier alinéa du présent 5.

6. L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts et la majoration prévue à l’article 1731 du même code sont appliqués à la différence entre, d’une part, 95 % du montant de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés due au titre d’un exercice et, d’autre part, 95 % du montant de cette contribution estimé au titre du même exercice servant de base au calcul du versement anticipé, sous réserve que cette différence soit supérieure à 20 % du montant de la contribution et à 1,2 million d’euros.

Le premier alinéa du présent 6 s’applique également à l’insuffisance de versement anticipé de la contribution additionnelle mentionnée au II, déterminée selon les mêmes modalités.

Les premier et deuxième alinéas du présent 6 ne s’appliquent pas si le montant estimé de la contribution exceptionnelle et, le cas échéant, de la contribution additionnelle a été déterminé à partir de l’impôt sur les sociétés, lui-même estimé à partir du compte de résultat prévisionnel prévu à l’article L. 232-2 du code de commerce, révisé dans les quatre mois qui suivent l’ouverture du second semestre de l’exercice, avant déduction de l’impôt sur les sociétés. Pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, le compte de résultat prévisionnel s’entend de la somme des comptes de résultat prévisionnels des sociétés membres du groupe.

IV (nouveau). – La contribution exceptionnelle et la contribution additionnelle ne sont pas admises dans les charges déductibles pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés.

(nouveau). – Le 2° de l’article 7 de l’ordonnance n° 2013-837 du 19 septembre 2013 relative à l’adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d’autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte est complété par les mots : « ainsi qu’à l’article 1er de la loi n° … du … de finances rectificative pour 2017 ».

VI (nouveau). – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er décembre 2017, un rapport faisant le bilan des entreprises perdantes et des entreprises gagnantes de la suppression de la taxe de 3 % sur les dividendes et de l’instauration de cette contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés. Ce rapport établit notamment la ventilation des gains et des pertes par décile des entreprises concernées.