M. Mathieu Darnaud. Très bien !

Mme Maryse Carrère. Cela est d’autant plus vrai dans les territoires de montagne, que je connais bien.

Cette loi NOTRe a été adoptée il y a près de trois ans. Elle ne constitue pas un texte immuable et des aménagements ont, depuis lors, été apportés.

S’agissant des missions relatives à l’eau et à l’assainissement, la proposition de loi de nos collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste, adoptée en février 2017, visait, entre autres, à revenir sur le caractère obligatoire de ces transferts de compétences.

Je partage le sentiment exprimé en commission des lois sur le mépris de la majorité à l’Assemblée nationale, qui aurait pu amender ce texte, plutôt que de l’enterrer – nous aurions, en outre, gagné un temps précieux.

Nous aurions à redire également sur la forme du présent texte, censé répondre à l’engagement pris par le Premier ministre devant le congrès des maires.

Cela étant dit, notre qualité de législateur doit nous conduire à nous interroger sur la meilleure solution pour nos territoires, et plus encore nous, sénateurs, qui assurons la représentation des collectivités.

C’est la raison pour laquelle nous avons privilégié une approche pragmatique qui permet des avancées au profit des collectivités concernées, en étant à l’écoute des élus locaux. Que nous disent-ils ? Que les intercommunalités ont été confrontées à des réformes d’ampleur, ces dernières années. Elles se sont vues confier nombre de nouvelles compétences. Elles ont, en outre, vu leur périmètre grandement modifié. Beaucoup nous disent que 2020, c’est trop tôt et qu’elles ne pourront pas procéder à l’harmonisation des modes de gestion dans de bonnes conditions.

Ainsi guidés, nous avons proposé plusieurs aménagements au texte adopté par l’Assemblée nationale qui pourraient être de nature à être repris et à faire consensus.

Le premier consiste à élargir le dispositif de minorité de blocage aux communautés d’agglomération.

Le second, qui apporte également une amélioration, concerne la sécabilité de la compétence « assainissement ». Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait que si une communauté de communes avait déjà partiellement transféré une compétence, elle ne pouvait bénéficier du mécanisme de report à l’horizon 2026.

Or nous savons que de nombreux EPCI ruraux ont fait le choix de mutualiser l’assainissement non collectif, avec le service public d’assainissement non collectif, le SPANC, tout en maintenant l’assainissement collectif dans les compétences municipales. Cette distinction s’expliquait par le fait que ces deux volets de l’assainissement mobilisent des expertises et englobent des missions distinctes.

Cet aspect est d’ailleurs bien expliqué dans le rapport de notre collègue François Bonhomme, que je tiens à remercier de son travail.

Enfin, je veux aborder la thématique des eaux de pluie et de ruissellement. Nous en avions déjà débattu dans le cadre de la proposition de loi relative à la GEMAPI.

En la matière, il me paraît inopportun d’inclure automatiquement les missions de gestion des eaux de pluie et de ruissellement dans la compétence « assainissement ».

Mme Françoise Laborde. C’est sûr !

Mme Maryse Carrère. L’un est un service public administratif, l’autre un service public industriel et commercial, un SPIC. Et les deux me paraissent relever d’enjeux bien différents.

Le compromis trouvé en commission mixte paritaire lors de la loi GEMAPI me semblait clair. Le Gouvernement devait remettre un rapport sur cette question dans les deux mois suivant la publication de la loi, lequel devait éclairer notre travail législatif.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est fait !

Mme Maryse Carrère. Près de quatre mois après l’adoption de ce texte, le Gouvernement n’a pas tenu cet engagement. Nous aurons l’occasion de nous attarder plus longuement sur ces problématiques lorsque nous aborderons l’examen de l’article 2.

Comme ils l’ont fait en commission, les sénateurs du RDSE demeureront fidèles à leur volonté que nous aboutissions, à la fin de la navette parlementaire, au meilleur texte possible pour nos territoires et nos communes. Notre vote sur l’ensemble dépendra donc du sort réservé aux amendements déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. Madame la ministre, dans votre exposé, vous avez rappelé quelque chose qui me paraît essentiel. En effet, la philosophie du texte que nous avons voté à l’unanimité voilà un peu plus d’un an consistait à dire qu’il est grand temps, dans ce pays, de redonner la parole aux élus locaux et de leur faire de nouveau confiance : ce sont eux qui ont, mieux que quiconque, la capacité de savoir et de dire ce qui est bon pour les territoires.

M. Charles Revet. Exactement !

M. Mathieu Darnaud. C’est cette philosophie qui nous a animés, les uns et les autres, quand nous avons, sur l’ensemble de ces travées, voté ce texte en février 2017.

De nombreuses intercommunalités et communes ont déjà transféré ces compétences. D’autres ont des difficultés à le faire, et il nous revient l’ardente obligation d’écouter les communes de montagne, celles qui sont situées dans des territoires où l’on sait que les compétences de l’eau et de l’assainissement sont plus faciles à gérer à l’échelon communal, notamment pour des raisons budgétaires. Je pense que vous auriez eu raison de nous écouter et de suivre le texte que nous avions voté il y a un peu plus d’un an.

Ce dernier tire, d’abord, sa légitimité des votes unanimes qui se sont exprimés dans cette enceinte. Même à l’Assemblée nationale, il a été voté par tous les groupes, à l’exception de l’actuel groupe majoritaire. Il tire, ensuite, sa légitimité – d’autres l’ont rappelé avant moi – du rapport de la commission des lois, dont les représentants ont fait le tour des territoires, arrivant à la conclusion que la plupart des élus appelaient de leurs vœux un retour à une compétence optionnelle, pour des raisons qui sont assez évidentes. En effet, vous l’avez dit vous-même, s’il est une raison qui prévaut pour revenir à une compétence optionnelle, c’est que la compétence « eau », plus encore que la compétence « assainissement », ne répond pas à la seule logique intercommunale. L’eau est liée à une problématique de bassins versants, et cela aussi, nous devons absolument l’entendre !

Il fallait donc, madame la ministre, vous efforcer de donner un écho plus favorable au texte adopté par le Sénat.

Vous avez rappelé la Conférence nationale des territoires, la CNT, je n’y reviendrai pas, sinon pour dire que nous n’y avons pas entendu les mêmes choses !

Je pense aussi au groupe de travail à l’issue duquel nous regrettons avec un peu d’amertume que la communauté d’agglomération n’ait pas été prise en compte. Car nombre de communautés d’agglomération ont une vocation très rurale. Je viens d’un département où la ville-préfecture, qui est la ville-centre d’une communauté d’agglomération, compte 8 300 habitants. Le législateur peut entendre que des problématiques rurales prévalent parfois, notamment quand il s’agit des questions d’eau et d’assainissement !

Je veux maintenant évoquer brièvement la méthode et la voie choisies sur lesquelles nous reviendrons peut-être lors de la discussion des articles. Le groupe de travail avait été constitué. Ses membres s’étaient accordés pour travailler sur la base d’un texte gouvernemental. Comme il concernait les collectivités territoriales, il aurait dû être déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat. Or nous nous retrouvons à voter une proposition de loi issue des rangs de la majorité ! Je ne reviens pas sur ce sujet, même si nous le regrettons.

Au fond, quelle conclusion pouvons-nous tirer de tout cela ? Madame la ministre, vous n’avez pas suffisamment écouté les élus des territoires qui vous faisaient part de leur incapacité à opérer ce transfert, retenant le seul témoignage de ceux qui y parvenaient et manifestant votre défiance vis-à-vis des élus locaux. Ce qu’il est malheureusement fort à craindre, c’est une augmentation du prix de l’eau, alors même que le désengagement des agences de l’eau va avoir une répercussion évidente. Sans parler du problème des zones de montagne !

Toutes ces raisons nous portent à croire qu’il faut effectivement adopter la position présentée par le rapporteur et revenir à la conclusion du groupe de travail mis en place par la commission des lois. Nous devons voter l’amendement du rapporteur, François Bonhomme, dont je salue le travail. C’est là, selon moi, une question de bon sens, mais il semble que, dans le nouveau monde, le bon sens ne coule pas de source ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, pourquoi refusez-vous d’entendre les territoires ? Pourquoi persistez-vous dans votre vision jacobine ? Pourquoi ne faites-vous pas confiance aux élus locaux ?

Le transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités est encore un malheureux exemple que, du haut de la capitale, la réalité du terrain est ignorée !

Du haut de votre Capitole, vous remettez en cause les libertés et la libre administration des collectivités locales ! Le climat s’est détérioré entre les élus et l’État !

Madame la ministre, les élus sont en colère. Vous ne leur donnez pas les bases d’un climat de confiance. En engageant un effort budgétaire bien plus important que l’État ces dernières années, les élus ont très largement démontré qu’ils étaient capables de gérer.

Souhaiter regrouper et rationaliser l’action publique, pourquoi pas ? Mais à marche forcée contre les réalités et les spécificités de nos communes, c’est non !

Pourquoi persistez-vous à vouloir transférer coûte que coûte ces compétences ? En effet, si la loi NOTRe a prévu que les compétences « eau » et « assainissement » seraient transférées à titre obligatoire aux intercommunalités au 1er janvier 2020, déjà, lors de la discussion de ce texte, les débats avaient montré qu’imposer ce transfert obligatoire relevait d’une vision technocratique et non d’une vision pragmatique de la réalité du terrain. Le Sénat a ainsi proposé de redonner la liberté à nos élus et de décider en fonction des contraintes de leurs territoires. Vous avez préféré renvoyer aux oubliettes cet appel des territoires.

Face aux réelles inquiétudes de nombreux élus, le Président de la République s’est engagé, lors du dernier congrès des maires, à revenir sur le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui, je m’en souviens !

M. Laurent Duplomb. Votre gouvernement a présenté un texte afin de modérer ce transfert obligatoire, mais il est clairement en deçà des besoins du terrain et des promesses faites devant des milliers de maires.

J’ai participé au groupe de travail que vous avez mis en place afin de faire des propositions pour revenir sur ce transfert. L’espoir est né qu’un modus vivendi équilibré soit trouvé, malgré les difficultés à s’accorder. Et quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que la minorité de blocage avancée comme solution de compromis n’était plus prévue pour les communautés d’agglomération !

Le Gouvernement est-il, une fois de plus, en train de ne pas respecter sa parole, comme il l’a fait avec l’annonce de l’arrêt de la baisse des dotations, alors que 22 000 communes voient celles-ci diminuer en 2018 ?

Madame la ministre, permettez-moi de vous rappeler les réalités de notre pays.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il faudrait qu’elle les connaisse !

M. Laurent Duplomb. Véritable échelon de proximité, nos communes sont souvent les mieux placées pour appréhender l’échelle pertinente de mutualisation des services. Plus particulièrement, pour les compétences « eau » et « assainissement », elles sont les mieux à même d’organiser efficacement leur exercice, en fonction notamment des caractéristiques de la ressource. Cela est d’autant plus démontré en milieu rural et en zone de montagne où les contraintes sont plus fortes.

Madame la ministre, le rat des champs ne fait pas de bruit pour rien ! S’il invite le rat des villes à venir chez lui, c’est pour qu’il retombe les pieds sur terre et voit comment est le monde au-delà des faubourgs ! (Sourires.) Il apparaît évident, comme le clament nos élus locaux, que le texte que vous nous avez proposé est très insuffisant. Il est préférable, comme le redemande le Sénat aujourd’hui, que l’eau et l’assainissement restent des compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération et qu’aucune date butoir ne soit prévue.

En revanche, si vous persistez à ne pas nous écouter, des points essentiels devront être ajoutés à votre texte.

Tout d’abord, les communautés d’agglomération doivent pouvoir aussi déroger au transfert des compétences « eau » et « assainissement », avec le mécanisme de la minorité de blocage.

En effet, d’une part, à ce stade, 48 % des communautés d’agglomération n’ont pas la compétence « eau ». D’autre part, pour les territoires ruraux, la taille de certaines communautés d’agglomération est comparable à celle des communautés de communes. Votre proposition de loi crée ainsi une rupture d’égalité entre les communes selon la nature de l’intercommunalité à laquelle elles appartiennent.

Ensuite, un mécanisme de minorité de blocage pour les plans locaux d’urbanisme intercommunal, PLUI, existe pour tout type d’intercommunalité. Pourquoi créer un nouveau système pour l’eau et l’assainissement ?

Enfin, il est essentiel de scinder la gestion des eaux pluviales de la compétence « assainissement ». Son transfert est particulièrement complexe et peut être rattaché à plusieurs compétences, à la voirie, par exemple.

Pour conclure mon propos, je souhaite vous faire part de mon désaccord avec les arguments de ceux qui soutiennent obstinément l’obligation du transfert de ces compétences. Avancer que la qualité de l’eau serait améliorée est une vue de l’esprit ! Si cela consiste à tout traiter, cela ne sert à rien !

Prétendre que tous les investissements nécessaires seraient faits est une véritable supercherie ou alors relève du miracle, dans un contexte de baisse des subventions !

Quant à l’harmonisation administrative des tarifs, elle conduirait à une forte augmentation du prix de l’eau dans les territoires ruraux, où l’on peut craindre que tout cela ne finisse dans les mains de grands groupes qui imposeront des tarifs que les élus ne pourront plus maîtriser.

Alors, madame la ministre, écoutez et entendez nos élus locaux, qui aujourd’hui n’ont plus confiance et qui attendent de vous tout simplement un peu de bon sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour le groupe Union Centriste.

M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’eau, nous le savons tous, est une ressource naturelle vulnérable et extrêmement fragilisée par des pollutions de toutes origines. Et les débats sur l’eau doivent toujours être replacés dans ce contexte et dans la perspective des générations futures. Il est donc légitime que la question de sa gestion soit posée.

Quelle est la situation aujourd’hui ? Le droit actuel prévoit le transfert obligatoire aux intercommunalités, au 1er janvier 2020, des compétences relatives à l’eau potable, aux eaux usées et aux eaux pluviales.

La réalité, c’est aussi des modes de gestion sur le terrain très disparates, avec des problématiques complètement différentes entre le secteur rural et le secteur urbain.

Trois hypothèses s’offrent à nous.

Première hypothèse, on reste dans le droit actuel de la loi NOTRe, voulue par le gouvernement précédent. Nous le savons, il serait alors impossible, pour bon nombre d’intercommunalités, de réussir ce transfert dans de bonnes conditions, au 1er janvier 2020.

Deuxième hypothèse, on revient au texte voté par le Sénat en février 2017 qui faisait le choix de la compétence optionnelle – ce que propose finalement la commission. Je comprends cette position, qui est en cohérence avec le vote de l’an passé ; plusieurs sénateurs de mon groupe s’inscrivent dans cette logique, comme l’a rappelé Jean-Marie Mizzon. Toutefois, vous vous en souvenez, ce texte n’a pas abouti à l’Assemblée nationale en 2017 et nous savons tous qu’il n’a pas plus de chance d’aboutir cette année.

Nous sommes donc dans une impasse. Pour ma part, je ne pense pas qu’il soit opportun de nous arc-bouter sur un texte qui nous conduirait dans une voie sans issue.

Enfin, troisième hypothèse, il y a la voie que vous nous proposez, madame la ministre, laquelle consiste à laisser le choix aux élus locaux d’éviter le transfert de la compétence au 1er janvier 2020 en utilisant la procédure de la minorité de blocage, et ce jusqu’en 2026. Telle est la solution qui a été adoptée par la grande majorité des groupes à l’Assemblée nationale.

Avec plusieurs collègues du groupe Union Centriste, nous adhérons à cette solution de compromis, qui laisse aux collectivités le temps de se préparer sereinement.

Cependant, nous vous demandons, de votre côté, madame la ministre, d’accepter des améliorations au texte de l’Assemblée nationale sur deux points importants.

Première amélioration, la sécabilité de la compétence « eaux pluviales » sans limitation dans le temps. La gestion des eaux de ruissellement dans le secteur rural doit demeurer une compétence communale. Le bon sens du terrain l’exige. Priver les communes de cette maîtrise compliquerait inutilement la gestion quotidienne des eaux de ruissellement et pénaliserait les projets d’aménagement de bourgs ou de villages.

Seconde amélioration importante, la possibilité de dissocier jusqu’en 2026 les compétences « assainissement collectif » et « assainissement autonome ». Pourquoi ? Parce que le zonage en assainissement autonome est très présent dans le milieu rural.

Et cette compétence spécifique – le SPANC – a souvent été transférée aux communautés de communes sans que, pour autant, la compétence de l’assainissement collectif ait été transférée.

Or la loi NOTRe prévoit que la compétence « assainissement » est globale sans pouvoir dissocier l’assainissement collectif de l’assainissement autonome.

Nous vous demandons, madame la ministre, de veiller particulièrement à ce point, qui pourrait conduire – ce serait un comble ! – les intercommunalités rurales détenant la compétence du SPANC à se voir imposer la compétence de l’assainissement collectif dès le 1er janvier 2020, alors même que le report à 2026 aurait été adopté par le Parlement. Je vous demande vraiment d’éviter cette situation absurde !

Enfin, je tiens à vous remercier, madame la ministre. En effet, nous étions face à un blocage et vous avez joué un rôle important dans le déblocage de ce dossier. Dans un contexte que je sais compliqué, vous apportez une réponse concrète à une situation qui semblait inextricable.

Il vous reste toutefois, vous l’aurez compris, deux petites marches à franchir pour répondre aux spécificités de la ruralité. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Franck Montaugé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans cet hémicycle, nous en appelons souvent à la nécessité de simplifier notre législation, de la rendre plus facilement compréhensible et applicable pour les élus locaux qui la mettent en œuvre et en mesurent les effets. Des effets qui ne sont pas toujours positifs ou conformes aux intentions initiales du législateur.

Parce que les élus le demandaient, le Gouvernement a donc engagé un travail de simplification de la loi NOTRe pour son volet « eau et assainissement ». C’est une bonne initiative ! Avec mon collègue Jean-Yves Roux, que j’associe pleinement à cette expression, le groupe socialiste et républicain a fait des propositions constructives au sein du groupe de travail.

À l’écoute de nos territoires et de leurs élus, nous avons fait valoir les principes et positions suivants : d’abord, desserrer la contrainte de la loi en abaissant le seuil minimal du nombre d’EPCI regroupés en syndicat de trois à deux. Cette disposition évitera de supprimer des structures qui ont parfois fait la démonstration de leur efficacité et qu’il est souhaitable de préserver dans leur organisation actuelle.

Ensuite, laisser aux élus locaux le temps de procéder à des études technico-économiques sur un laps de temps pluriannuel, selon des scénarii multiples intégrant les dépenses et recettes actualisées des différents postes de coûts. Ces études permettent d’apprécier dans le temps le niveau et les évolutions du prix et de la qualité du service rendu et de choisir in fine le scénario optimal pour l’usager.

De plus, pour permettre aux élus de mener à bien ces études, nous proposons de repousser l’échéance butoir pour le transfert de compétences à 2026, en gardant jusque-là le caractère optionnel de ces compétences.

Nous sommes donc favorables à ce que la minorité de blocage du transfert puisse être exercée, l’intérêt que nous y voyons étant de permettre aux élus d’arriver à construire progressivement un consensus rationnellement étayé avant l’échéance de 2026.

Pour coller le plus possible à la réalité du terrain et prendre en compte les différences de problématique entre eau, assainissement, ruissellement et eaux pluviales, nous pensons aussi utile que la sécabilité des compétences soit effective. En pratique, la récupération des eaux de ruissellement et de pluie est plus affaire communale qu’intercommunale. Le mode de gestion budgétaire différent en atteste d’ailleurs.

Nous souhaitons en outre que les démarches déjà engagées sur les territoires ne soient pas remises en question par les décisions que nous allons prendre en légiférant.

Je veux aussi rappeler que la loi actuelle, sur un périmètre de syndicat donné, permet la coexistence de modes différents de gestion – régies, délégations de service public, … – et que la convergence tarifaire, si elle est évoquée par la loi, n’y oblige pas expressément. L’uniformisation du mode de gestion et l’égalité tarifaire peuvent ainsi être évaluées en tant que stratégie planifiée dans le temps si les élus le souhaitent pour et avec les usagers.

Un autre point mérite attention parce qu’il touche à l’engagement citoyen : comment préserver, dans le cadre adapté que nous allons définir, la participation actuelle de conseillers municipaux ou de délégués des communes au sein de syndicats ou de régies existants amenés à disparaître, alors que ces personnes ne sont pas conseillers communautaires ? Le service de l’intérêt général par ces citoyens actifs et dévoués s’en trouverait affaibli. Il faut l’éviter, et cela mérite que nous en discutions.

Pour terminer, Jean-Yves Roux et moi-même voulons saluer l’intention initiale qui a présidé aux travaux du groupe piloté par Mme la ministre Jacqueline Gourault.

La suite nous a pour le moins surpris, avec une proposition de loi du groupe majoritaire de l’Assemblée nationale plutôt qu’un projet de loi gouvernemental et un débat législatif qui commence à l’Assemblée nationale pour un texte relevant de l’organisation des collectivités locales.

M. Jean-Pierre Sueur. Très juste !

M. Franck Montaugé. Ni l’esprit ni la lettre de la loi ne sont respectés ; je le regrette.

Il n’en reste pas moins que le chantier de la simplification est immense. Les élus locaux sont au bout de l’entonnoir ; nous connaissons leurs difficultés. Ils attendent, à juste titre, que nous entreprenions de telles démarches sur d’autres sujets ; je pense en particulier à l’urbanisme.

Mon dernier mot sera en forme de vœux, pour aujourd’hui et pour demain : ne refaisons pas, sur le sujet de l’eau, le débat de la loi NOTRe ! Adaptons pragmatiquement ce qu’elle est aujourd’hui, en ayant en tête de donner plus de liberté aux élus locaux, dans l’intérêt premier des populations et des territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la loi NOTRe a suscité de nombreux débats. Plus de deux ans après son adoption, elle soulève encore des questions et des doutes. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise – je l’espère – à conclure ces débats qui n’ont que trop duré.

L’appréhension suscitée par la loi NOTRe doit être entendue. Cette loi prévoit en effet une profonde réorganisation de la gestion locale de l’eau et de l’assainissement : en 2020, le transfert de cette compétence aux communautés de communes et communautés d’agglomération, jusqu’alors optionnel, deviendra obligatoire.

L’objectif affiché est de réduire l’émiettement des services en mutualisant les moyens, notamment ceux des petites communes, afin de réaliser des économies d’échelle, d’augmenter les capacités d’investissement et ainsi d’harmoniser les prix.

Certes, ces avantages ne sont pas négligeables, mais ils n’ont pas suffi à rassurer les acteurs concernés. En effet, le débat s’est crispé sur l’aspect contraint du transfert de compétences qui a été très mal perçu.

Nous touchons ici à l’essence même du principe de la libre administration des communes, auquel nous sommes tous dans cette enceinte profondément attachés. Imposer une obligation aux collectivités apparaît dès lors contraire à ce principe.

Il faut par conséquent laisser aux élus locaux une certaine liberté, parce qu’ils sont légitimes et, surtout, parce qu’ils sont les seuls à avoir une connaissance suffisante du terrain pour déterminer la meilleure option à retenir.

Pour répondre à ces inquiétudes locales, certains sénateurs ont souhaité maintenir les compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération ; ils ont, à cette fin, déposé une proposition de loi en janvier 2017. Une fois adoptée par le Sénat à la quasi-unanimité, elle avait été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en octobre 2017. Le texte a toutefois fait l’objet d’une motion de renvoi en commission ; je le regrette.

Madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous allons discuter a été profondément remaniée par notre commission des lois, afin qu’elle corresponde au texte déjà adopté par le Sénat en 2017. Le caractère optionnel des compétences « eau » et « assainissement » pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération a été pérennisé par la suppression du dispositif de minorité de blocage qui figurait dans le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Aussi le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera-t-il en faveur de cette proposition de loi telle que modifiée par la commission des lois du Sénat. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)