M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et qui a été étudiée selon la procédure de législation en commission, peut sembler technique. Néanmoins, elle est essentielle pour les élus locaux, qui attendent de nous des décisions clarifiant le droit, simplifiant les règles d’urbanisme et encourageant l’amélioration du cadre de vie.

La situation actuelle en matière de règlements locaux de publicité intercommunaux – l’examen de cette proposition de loi le rappelle – résulte de l’empilement de lois successives, votées majorité après majorité, souvent rapidement, généralement pour satisfaire de grands enjeux en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, mais rarement pour simplifier la vie des élus locaux.

Pas moins de trois lois successives ont touché aux règles d’urbanisme. Ces textes, parfois contradictoires, ont surtout contraint les communes et les intercommunalités à s’adapter, comme elles le pouvaient, dans des délais difficiles à tenir. La question des RLP, traitée aujourd’hui, en est une conséquence et une illustration. Nous sommes arrivés à un état d’insécurité juridique très fort, en raison de délais incohérents ou intenables, eu égard aux procédures d’élaboration de ce type de documents.

Si l’on ne peut que souscrire, sur le fond, à ce texte, celui-ci doit nous rendre collectivement – tant le Gouvernement que le Parlement – conscients des conséquences de nos décisions. Les élus locaux sont épuisés par les changements de règles, ils sont inquiets pour l’avenir et ils se sentent exposés par les responsabilités qui pèsent sur eux.

En commission, la question des recettes des publicités a été posée. Elle me semble légitime. Là encore, prenons garde à ne pas pénaliser indirectement les recettes communales qui subissent, elles aussi, une instabilité permanente.

Sur le fond du sujet abordé – les règlements locaux de publicité –, la question de l’aménagement de nos communes se pose. On n’établit pas des règles locales pour le plaisir de la contrainte ; on le fait surtout pour la préservation des paysages, de l’environnement, de l’aménagement du territoire, des entrées de ville et de l’harmonie de nos communes. Vous connaissez tous ici mon attachement aux questions relatives au patrimoine et à sa protection. Nous devons aider les élus locaux à acquérir des outils qui leur permettent d’assurer ces objectifs essentiels.

On parle beaucoup d’environnement dans l’actualité, et le sujet que nous traitons ici en fait pleinement partie, au titre de la pollution visuelle et de la protection du patrimoine.

Dans une vie antérieure, lorsque je présidais le parc naturel régional de la Montagne de Reims, j’ai participé à la création et à l’élaboration d’une charte et d’un règlement pour les publicités, enseignes et préenseignes, afin d’améliorer la qualité des paysages de nos communes. Rapidement, ce travail a été une référence pour les autres parcs régionaux, sur laquelle ceux-ci ont pu s’appuyer pour élaborer leur règlement de publicité.

Les publicités, enseignes et préenseignes, sont soumises à une réglementation protectrice de l’environnement et du cadre de vie. Leur installation doit être conforme à des conditions de densité et de format, et faire l’objet de déclarations ou d’autorisations préalables en mairie ou en préfecture.

Le règlement local de publicité, qu’il soit communal ou intercommunal, est un acte volontariste, destiné à encadrer ces conditions d’installation, et les adapter au territoire communal ou intercommunal. En zone rurale, il faut souvent trouver un équilibre entre protection visuelle et désenclavement, donc attractivité économique ou commerciale.

Ainsi, la question des enseignes et préenseignes, annonçant les restaurants traditionnels de nos communes, pose souvent question. Un équilibre a été retrouvé ; il permet de mettre en avant les activités liées également aux produits locaux. C’est un bon compromis, qu’il ne faudrait pas déstabiliser.

Les RLP sont un bon outil, à condition de laisser les élus s’en emparer. Chaque collectivité peut d’ailleurs se faire conseiller, notamment pour aménager ses entrées de ville ; je crois que c’est essentiel.

Après avoir salué le travail toujours efficace de notre rapporteur, je vous confirme le vote naturellement favorable des sénateurs du groupe Union Centriste pour ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et LaREM, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Serge Babary, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Serge Babary. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi que j’ai déposée avec plusieurs de mes collègues, dont Mme Primas, présidente de la commission des affaires économiques, Mme Estrosi Sassone, rapporteur du texte, et Mme Lamure. Je remercie celles-ci de leur soutien ; cette proposition de loi est attendue par de très nombreux élus locaux.

Ce texte reprend à l’identique les articles 52 et 53 de la loi ÉLAN. Ces articles, qui avaient reçu l’accord unanime des deux chambres et le soutien du Gouvernement, ont en effet été censurés par le Conseil constitutionnel, en tant que cavaliers législatifs. C’est donc non pas le fond, mais le choix du support qui a été censuré par le juge constitutionnel.

Les débats ayant déjà eu lieu, et un consensus ayant été trouvé, il est important d’inscrire ces dispositions dans le code de l’environnement.

Le règlement local de publicité, défini aux articles L. 581-14 et suivants de ce code, est un outil communal et intercommunal de planification de l’affichage publicitaire. Il est destiné à réglementer la publicité, les enseignes et préenseignes, dans un but de protection du cadre de vie et des paysages, tout en assurant l’équilibre avec le droit à l’expression et à la diffusion d’informations et d’idées. Il permet d’adapter localement le règlement national de la publicité.

Depuis la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle II, l’établissement public de coopération intercommunale, compétent en matière de plan local d’urbanisme, est également compétent de plein droit pour élaborer le règlement local de publicité sur son territoire.

Pour plus de simplicité, cette loi a également prévu que ce règlement serait élaboré, révisé ou modifié conformément aux procédures définies par le code de l’urbanisme pour l’élaboration, la révision ou la modification des PLU.

Par la suite, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR a généralisé le transfert automatique de la compétence relative au PLU aux intercommunalités, et donc, par ricochet, de celle de l’élaboration du règlement local de publicité.

Ce transfert automatique a requis plusieurs ajustements relatifs à l’élaboration et à la modification des PLU, qui ont été mis en œuvre par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Ces aménagements n’ont malheureusement pas été explicitement étendus aux règlements locaux de publicité.

Aussi, l’article 1er de la présente proposition de loi a pour objet de sécuriser juridiquement l’élaboration des RLP intercommunaux, en leur rendant applicables ces aménagements.

L’article 2, quant à lui, a pour objet d’aménager l’échéance de caducité des règlements locaux de publicité, en la repoussant de deux ans. En effet, l’article L. 581-14-3 du code de l’environnement, institué par la loi Grenelle II, prévoit que les anciens RLP seront caducs au 14 juillet 2020. Cette échéance, arrêtée en 2010, ne tient évidemment aucun compte du transfert de la compétence relative au PLU aux intercommunalités, transfert qui a été voté en 2014.

Compte tenu du coût et de la complexité de l’élaboration d’un RLP intercommunal, cette échéance ne pourra être tenue par les EPCI nouvellement compétents en matière de PLU. En effet, selon l’Union de la publicité extérieure, sur les 1 258 établissements publics intercommunaux, seuls 125 ont lancé la procédure, et, sur les 13 établissements qui ont adopté leur nouveau règlement, 5 seulement comptaient plus de 100 000 habitants.

Ces chiffres montrent à eux seuls l’urgence de la situation. Si aucun règlement local n’est adopté avant la date butoir de juillet 2020, c’est le règlement national qui s’appliquera. Or il est essentiel de permettre aux acteurs locaux d’établir une politique publique de l’affichage, et de définir des règles adaptées à leurs territoires. Il s’agit, avant tout, d’éviter l’application du règlement national de publicité et de s’assurer de la proximité de la règle établie.

Il s’agit ainsi d’éviter que le maire ne soit dessaisi, au profit du préfet, de son pouvoir de police de la publicité, mais aussi d’éviter que les collectivités ne perdent les recettes liées au mobilier urbain et à la publicité.

L’article 2 modifie donc cette échéance en instaurant un délai supplémentaire de deux ans. Sur l’initiative de Mme le rapporteur, la commission a étendu cette disposition aux établissements publics territoriaux du Grand Paris, et a ajouté deux articles.

Le premier – l’article 3 de la proposition de loi – offre un temps d’adaptation et de sécurité juridique. En l’absence d’adoption d’un RLP intercommunal, les collectivités auront deux ans supplémentaires pour mettre en conformité l’affichage avec le règlement national.

Le second – l’article 4 du texte – coordonne l’entrée en vigueur des RLP intercommunaux avec la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.

Je remercie la commission et Mme le rapporteur du travail accompli. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera pour cette proposition de loi.

Enfin, je retiens l’engagement du Gouvernement que cette proposition de loi soit rapidement inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. J’y insiste, il est impératif que cette proposition de loi puisse être votée et promulguée avant l’été prochain. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à encourager l’adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur l’ensemble des travées, sauf sur celles du groupe CRCE.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à encourager l'adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l'exercice des libertés ainsi qu'à la tenue des évènements et à l'exercice d'activités autorisés par la loi
Discussion générale (suite)

Répression des entraves à des libertés, des évènements et des activités autorisés par la loi

Adoption d’une proposition de loi modifiée

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l’exercice des libertés ainsi qu’à la tenue des évènements et à l’exercice d’activités autorisés par la loi, présentée par M. Jean-Noël Cardoux et plusieurs de ses collègues (proposition n° 23 [2018-2019], résultat des travaux de la commission n° 742 [2018-2019], rapport n° 741 [2018-2019]).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Noël Cardoux, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l'exercice des libertés ainsi qu'à la tenue des évènements et à l'exercice d'activités autorisés par la loi
Article additionnel avant l'article unique - Amendements n° 1 rectifié et  n° 3 rectifié ter

M. Jean-Noël Cardoux, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, à titre liminaire, je veux citer trois éléments fondamentaux qui ont nourri la réflexion qui m’a conduit à déposer cette proposition de loi.

Premièrement, j’ai lu, dans l’éditorial d’une revue spécialisée, que « tout se passe comme si, dans l’esprit de nos contemporains, le recours à la violence était en passe de devenir un moyen légitime de défendre ses intérêts et de promouvoir ses convictions. »

Deuxièmement, je veux rappeler les termes de l’article V de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché ».

Troisièmement, je veux citer un extrait de la lettre que deux membres du Gouvernement, Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, et Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement, ont adressée au rapporteur du projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité avant la réunion de la commission mixte paritaire le 25 juin dernier : « Le Gouvernement reconnaît que certaines formes d’actions militantes contreviennent au libre exercice d’activités autorisées par la loi et que ce sujet mérite d’être examiné par le Parlement. »

Je suppose, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez échangé avec vos collègues sur ce sujet ! Cette lettre faisait suite à l’adoption par le Sénat d’un amendement visant à sanctionner les entraves aux activités cynégétiques, à une majorité très significative – 222 voix contre 90.

Je veux également insister sur l’ambiance actuelle et affirmer de manière très claire que la France rurale souffre : pas une semaine et pas une journée ne s’écoulent sans que l’on apprenne, par les réseaux sociaux ou un communiqué de presse, qu’à tel ou tel endroit de la France – aucun n’est épargné – des activistes voulant imposer leurs idées par la force ont entravé, menacé ou violenté.

Ainsi, récemment, des bâtiments d’élevage ont été incendiés dans l’Orne. Récemment, les quatre boucheries de Lamotte-Beuvron, dans le Loir-et-Cher, ont été taguées au cours de la même nuit. Récemment, dans mon département du Loiret, alors que le département était parfaitement en règle pour réaliser un franchissement de la Loire, projet engagé voilà vingt ans, on a vu un certain nombre d’activistes s’allonger sur la route pour empêcher l’accès des engins au chantier – c’est ce que l’on appelle de l’obstruction passive.

Je ne m’attarderai pas sur le fait que de multiples permanences parlementaires ont été attaquées dans toute la France, certaines ayant parfois été simplement bloquées, sans violence, par des activistes stationnés devant l’entrée.

Pour revenir à la chasse, cet été, de nombreuses fédérations de chasseurs ont vu leur siège attaqué ou incendié.

Tous ces exemples, que l’on pourrait multiplier à l’envi, montrent que notre société est malade.

Ces actions subversives – c’est peut-être un grand mot – suscitent une très forte attente dans le monde rural. Je puis d’ailleurs vous dire que l’inscription à l’ordre du jour du sujet de cette proposition de loi a incité de nombreux représentants des activités rurales, commerciales ou artisanales à me solliciter, souhaitant être reçus pour m’exposer leurs souffrances et leur peur quotidienne.

Au-delà des agriculteurs, des semenciers et des éleveurs, les bouchers, charcutiers et poissonniers – tous les commerces de bouche, en fait – sont eux aussi concernés. Prévoir des sanctions contre ceux qui attaquent ou détériorent leur commerce ne suffit pas. Actuellement, stationner devant leurs portes pour dissuader passivement les clients d’y accéder n’est pas sanctionné.

Il était nécessaire de faire évoluer l’arsenal répressif pour l’adapter à ces nouvelles formes de contestation que constituent l’entrave ou l’obstruction passive, véhiculées sur les réseaux sociaux par des activistes souvent non solvables, pour qui la sanction contraventionnelle reste sans effet.

Il était donc impératif d’adapter l’article 431-1 du code pénal à cette évolution relativement récente, pour rendre la sanction plus universelle, avec comme principe de base le fait que chacun puisse défendre ses idées dans un cadre légal par la communication, la persuasion, voire des propositions faites au législateur, mais pas par la force et la violence. C’est du simple bon sens, qu’il faut traduire en droit.

L’équilibre a été difficile à trouver entre une rédaction très générale, qui risquait d’être sanctionnée par le Conseil constitutionnel, comme l’était celle du texte à l’origine, et la nécessité de prévoir toutes ces nouvelles formes d’obstruction que nous connaissons.

Nous y avons beaucoup travaillé ensemble. J’en profite d’ailleurs pour remercier très sincèrement M. le président de la commission, M. le rapporteur et mes collègues du groupe Union Centriste.

Mes chers collègues, je vous invite à voter l’amendement qu’a déposé hier notre collègue Jean-Paul Prince : il me semble traduire cette recherche d’un équilibre entre la nécessité de prévoir de manière précise les attitudes à sanctionner – en particulier, en opérant une graduation dans les sanctions en fonction de la gravité des entraves – et le souci de se prémunir contre une censure constitutionnelle.

La démarche était extrêmement difficile, mais je pense que nous avons atteint notre objectif. Je le répète, l’attente est très forte dans tous les départements ruraux.

Pour conclure, je sais que certains nous reprocheront de présenter un texte liberticide. C’est tout le contraire ! Ce texte permet de rendre à chacun la liberté d’agir légalement sans risquer d’être lui-même menacé ou ostracisé. C’est son fondement même. Je rappelle que, aux termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, une activité prévue par la loi ne peut pas être empêchée.

Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que l’engagement de vos deux collègues permettra à ce texte d’être discuté rapidement à l’Assemblée nationale.

D’ailleurs, lors de la discussion, en commission mixte paritaire, du projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Mme Braun-Pivet, avait suivi le même raisonnement que Mme Wargon et M. Fesneau : elle m’avait garanti que la commission des lois verrait avec intérêt un texte voté par le Sénat sur ce sujet particulier.

Mes chers collègues, le Sénat a toujours été très proche des territoires et de la ruralité. Le signe que vous donnerez aujourd’hui en votant ce texte largement s’inscrira dans la continuité des actions permanentes de notre Haute Assemblée en faveur du monde rural ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Indépendants.)

M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Noël Cardoux tendant à réprimer les entraves à l’exercice des libertés, ainsi qu’à la tenue des évènements et à l’exercice d’activités autorisées par la loi.

Ce texte vise à apporter une réponse plus ferme et plus efficace à deux types d’infractions qui ont eu tendance à se multiplier ces dernières années et qui, à certains égards, relèvent d’un phénomène de société : premièrement, les violences, les menaces et les dégradations dirigées contre des boucheries, des abattoirs ou des élevages, en général au nom d’une conception très singulière et exclusive de la cause animale ; deuxièmement, les entraves à la chasse, qui se produisent régulièrement dans nos forêts domaniales.

Ces actions sont le fait de groupes ou d’individus radicaux issus en général de mouvements animalistes, antispécistes ou véganes, apparus voilà une trentaine d’années, mais dont certains modes d’action ont pris une forme violente plus récemment.

Au cours de la seule année 2018, la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs a ainsi recensé une cinquantaine d’attaques, sous des formes diverses et variées : vitrines brisées, murs tagués, faux sang répandu dans les boutiques, bouchers ou clients menacés ou insultés.

Certains évènements, comme des attaques contre les agriculteurs, ont pu prendre un tour plus dramatique. Je pense en particulier à l’incendie de bâtiments d’élevage, il y a encore dix jours, dans l’Orne, où un jeune exploitant agricole a vu, en pleine nuit, ses trois bâtiments d’élevage détruits par le feu. Cet incendie criminel a été particulièrement traumatisant, ses auteurs ayant également peint sur les bâtiments des inscriptions comme « assassin » ou « camp de la mort ».

Je pense aussi à l’incendie volontaire, voilà un an, d’un l’abattoir dans le département de l’Ain : s’il n’a heureusement pas fait de victimes, cet incendie criminel a mis au chômage technique près de quatre-vingts salariés.

Des entreprises et des permanences de chasseurs ont également été saccagées et des interventions dangereuses pour les cavaliers ayant pour but de perturber des activités cynégétiques se sont produites dans les forêts de Chambord et de Compiègne en particulier.

Au demeurant, est-il nécessaire de réaffirmer ici que la chasse, acquis historique s’il en est, reste un loisir apprécié du plus grand nombre, avec près de 1 million de pratiquants et détenteurs de permis de chasse de notre pays ?

Je rappelle que les entraves à la chasse sont aujourd’hui réprimées par une simple contravention de cinquième classe, soit une amende de 1 500 euros au maximum, ce qui, manifestement, n’est plus assez dissuasif.

Plus généralement, il y va du respect de l’une de nos libertés les plus fondamentales. Je crois que nous vivons, en France, dans un pays de libertés, où toutes les opinions peuvent s’exprimer dignement et être défendues librement.

Aussi, les militants animalistes ont tout loisir de s’opposer, par exemple, à la consommation de la viande, à la considérer comme impure, de s’opposer à la chasse, à la corrida ou encore à la présence d’animaux sauvages dans les cirques. C’est leur droit, mais c’est parce que notre démocratie leur permet de s’exprimer librement qu’elle ne peut admettre que l’on cherche à imposer son opinion par la force. C’est même le propre de notre État de droit que nul ne saurait imposer ses opinions par la violence ou l’intimidation.

Je rappelle également que, face à la multiplication de ces incidents, le ministre de l’intérieur a demandé aux préfets de région de prendre contact avec les représentants des professions concernées pour des échanges réguliers et pour leur fournir une protection si nécessaire. Des instructions ont également été données pour renforcer la protection autour des commerces de viande. M. le secrétaire d’État pourra peut-être, au cours des débats, nous préciser ses intentions concernant la mise en œuvre de ces instructions.

La chancellerie a, de son côté, invité les procureurs à faire preuve de fermeté contre ceux qui attaquent des boucheries ou qui s’introduisent dans des élevages, en apportant une réponse systématique à ces actes, mais aussi en tentant de prévenir les débordements.

Cependant, les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent aujourd’hui aller plus loin, en modifiant l’article 431-1 du code pénal, leur objectif étant de réaffirmer un principe général selon lequel toutes les activités qui ne sont pas interdites doivent pouvoir être exercées librement, sans que certains tentent d’y apporter des entraves.

L’article 431-1 du code pénal punit ainsi d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait d’entraver, par une action concertée et au moyen de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, d’association, de réunion et de manifestation ou encore de la liberté du travail. Il punit des mêmes peines les entraves au bon déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’une collectivité territoriale.

De même, les peines encourues sont alourdies – trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende – lorsque l’entrave a pris la forme de coups, de violences, de voies de fait, de destructions ou de dégradations.

La proposition de loi tend à apporter deux modifications à cet article, afin d’en élargir le champ d’application. Tout d’abord, il est proposé de préciser que l’entrave est réalisée « par tous moyens », de manière à pouvoir sanctionner toutes les entraves, quelle qu’en soit la forme. Ensuite, le texte prévoit de sanctionner le fait d’empêcher la tenue de tout évènement ou l’exercice de toute activité autorisée par la loi.

Je rappelle que la proposition avait déjà été inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée en décembre dernier. Elle avait été retirée afin de tenir compte du contexte politique d’alors : l’examen de la proposition de loi aurait pu être perçu, à tort, comme une initiative dirigée contre le mouvement qui s’exprimait alors, alors même qu’elle poursuit un tout autre objectif.

Le Gouvernement, depuis lors, a fait part de son intérêt pour ce texte, à l’occasion de l’examen du projet de loi portant création de l’Office français pour la biodiversité, au mois d’avril dernier. D’ailleurs, répondant à un amendement de notre collègue Jean-Noël Cardoux, qui tendait à créer un délit d’entrave à la chasse, la secrétaire d’État Emmanuelle Wargon avait souhaité une inscription rapide de la proposition de loi à l’ordre du jour des assemblées, afin que la question de la chasse puisse être abordée dans un cadre plus large et de manière transversale.

Le Gouvernement obtient satisfaction aujourd’hui avec l’examen du texte dès le début de notre session ordinaire. Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il travaillera avec nous pour élaborer un texte d’équilibre, qui donnera satisfaction à toutes les parties intéressées.

La commission des lois s’est réunie mercredi dernier pour examiner la présente proposition de loi. Elle n’a pas adopté de texte, ce qui explique que nous débattions aujourd’hui du texte tel qu’il a été déposé sur le bureau du Sénat. Cette prise de position ne traduit cependant pas un désaccord avec les objectifs des auteurs de la proposition ; elle est plutôt la conséquence d’interrogations de nature juridique.

En premier lieu, un certain nombre de nos collègues se sont inquiétés de la formulation d’un principe de portée très générale, qui pourrait poser une difficulté au regard du principe constitutionnel de clarté et de précision de la loi pénale. En effet, je rappelle qu’une infraction doit être définie en des termes suffisamment précis pour que la peine soit prévisible et afin d’éviter ainsi tout risque d’arbitraire.

Ensuite, plusieurs membres de la commission se sont demandé s’il était nécessaire de légiférer de nouveau et si les dispositions en vigueur ne permettaient pas déjà de réprimer les comportements visés.

Il est vrai que certaines qualifications pénales peuvent être retenues, en fonction de la nature des actes qui ont été commis, pour poursuivre les infractions commises par des groupes animalistes. On peut citer, de manière non exhaustive, les qualifications suivantes : menaces, violences, violation de domicile, incendie criminel, dégradation de biens privés en réunion ou encore provocation à un crime ou à un délit.

Ce rappel étant fait, monsieur le secrétaire d’État, il nous semble toutefois que le droit pénal ne permet pas d’appréhender efficacement certaines situations d’entrave situées aux interstices, dans lesquelles les individus font obstacle par leur corps à l’exercice d’une activité, sans que leur action s’accompagne pour autant de menaces ou de violences.

Nous croyons également utile d’envoyer un message politique fort, afin d’inviter les pouvoirs publics à la fermeté et de rappeler les règles qui doivent régir la vie collective ou la vie en société.

C’est pourquoi j’ai travaillé avec l’auteur de la proposition de loi et avec d’autres collègues de l’Union Centriste à une nouvelle rédaction, à même d’apporter plus de précisions tout en restant fidèle aux objectifs du texte.

La commission a ainsi adopté l’amendement de réécriture globale déposé par notre collègue Jean-Paul Prince, comme j’aurai l’occasion de vous l’expliquer dans la suite de la discussion.

En conclusion, mes chers collègues, je tiens à souligner que cette proposition de loi répond à une attente très forte de nos concitoyens, qui sont de plus en plus exaspérés par certains comportements contraires au pacte républicain. Il s’agit en fait d’un texte de liberté, qui vise à renouer avec un principe essentiel énoncé à l’article V de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel « tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)