M. le président. L’amendement n° 66 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Je partage le souci de M. Piednoir de mettre un garde-fou à ce qui pourrait déboucher sur une trop forte autonomisation des unités de recherche. Avis favorable sur l’amendement n° 130 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, la limitation que vous proposez constituerait un problème fondamental pour certaines associations et fondations, qui sont aujourd’hui des acteurs majeurs de la recherche publique, comme l’Institut Pasteur ou l’Institut Curie, deux fondations reconnues d’utilité publique.

Pour le reste, je tiens à vous rassurer : l’article 11 réserve bien la création d’unités de recherche aux personnes morales ayant pour activité principale la recherche publique.

Je demande donc le retrait de votre amendement ; s’il est maintenu, le Gouvernement y sera défavorable.

Je précise, à l’intention des auteurs de l’amendement n° 66 rectifié, qu’il n’y a pas de risque d’autonomisation : les unités de recherche n’existent que parce qu’elles sont installées, reconnues et financées par un ou plusieurs opérateurs ; elles fonctionnent évidemment dans le cadre d’une politique globale définie par leur tutelle. La confiance que nous faisons aux directeurs d’unité de recherche, elle leur est accordée par les dirigeants des établissements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 130 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 105, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est retiré.

M. le président. L’amendement n° 105 est retiré.

Je mets aux voix l’article 11, modifié.

(Larticle 11 est adopté.)

Article 11
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article additionnel après l'article 12 - Amendements n° 60, n° 74 rectifié et 132 rectifié bis (début)

Article 12

Le chapitre IX du titre II du livre III du code de la recherche est ainsi modifié :

1° La seconde phrase de l’article L. 329-1 est supprimée ;

2° À la seconde phrase de l’article L. 329-2, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;

3° L’article L. 329-4 est ainsi modifié :

a) À la fin, le mot : « thématiques » est remplacé par le mot : « ciblés » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Au moins 1 % du budget d’intervention de l’Agence nationale de la recherche est consacré au partage de la culture scientifique. » ;

4° L’article L. 329-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 329-5. – Pour tout projet de recherche financé par l’Agence nationale de la recherche dans le cadre d’une procédure d’appel à projets, un montant dénommé “préciput” est attribué aux établissements participant au service public de la recherche qui sont parties prenantes au projet de recherche.

« Dans le cas d’un projet mené en commun par plusieurs établissements participant au service public de la recherche, ce préciput est réparti entre ces établissements par accord entre eux ou, à défaut, dans des conditions précisées par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la recherche.

« Les dispositions du présent article sont applicables aux associations ou fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique au sens de l’article L. 112-1 dans lesquelles le porteur du projet exerce ses fonctions ou qui sont parties prenantes au projet de recherche. » ;

5° L’article L. 329-6 est ainsi rédigé :

« Art. L. 329-6. – Au terme du processus de sélection, l’agence communique au porteur du projet les motifs de sa décision et la composition du comité de sélection. »

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

ciblés

insérer les mots :

et veille à l’équilibre territorial de leur répartition

La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Le présent amendement a pour objet de garantir que les crédits de l’Agence nationale de la recherche seront répartis selon un certain équilibre territorial. L’une des principales craintes exprimées par le monde de la recherche concernant le présent projet de loi de programmation est en effet qu’il ne conduise à accentuer la concentration des crédits au profit des plus gros pôles de recherche.

Madame la ministre, nous le comprenons bien, c’est justement pour éviter cet écueil que vous avez choisi de faire transiter l’augmentation des crédits par l’Agence nationale de la recherche. Il est clair qu’un financement direct des laboratoires conduirait mécaniquement à accentuer les inégalités territoriales, car les laboratoires seraient alors financés en fonction des budgets des universités, qui eux-mêmes sont historiquement construits, et donc peu équitables.

En revanche, il n’est pas certain que l’Agence nationale de la recherche permette mécaniquement d’éviter l’écueil de la concentration des crédits, tout simplement parce que les plus gros pôles de recherche sont aussi les mieux équipés pour répondre aux appels d’offres. Les élus locaux que nous sommes savent bien qu’une collectivité plus importante que d’autres dispose de ressources en ingénierie également plus importantes ; ce sera la même chose pour les laboratoires.

Pour éviter l’accentuation de la concentration des crédits liée à la mécanique de l’Agence nationale de la recherche, le présent amendement vise donc à lui imposer de les répartir en prenant en compte un certain équilibre territorial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. L’intention est louable, cher collègue, mais ne semble guère compatible avec le principe de sélection des projets de recherche sur la base de critères avant tout scientifiques. La prise en compte d’un critère de répartition territoriale entraînerait une complexification du système qui n’est pas souhaitable.

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il faut sortir de l’idée selon laquelle les laboratoires des universités qui ne sont ni parisiennes, ni marseillaises, ni strasbourgeoises n’auraient pas de crédits de l’ANR. Les projets qui sont financés par l’ANR sont en général des projets multi-équipes : ils sont donc répartis sur l’ensemble du territoire. La qualité scientifique n’est pas concentrée à l’intérieur du périphérique !

Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 106, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’Agence nationale de la recherche favorise la publication en langue française.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Dans la continuité de l’amendement n° 104 que vous m’avez fait l’honneur d’adopter, mes chers collègues, le présent amendement vise à faire porter de façon privilégiée l’action de l’Agence nationale de la recherche sur les publications en langue française. Il est très important de soutenir les éditeurs, notamment en sciences humaines et sociales, qui rencontrent les plus grandes difficultés à continuer à exister aux côtés des grandes revues mondiales que nous avons évoquées précédemment.

Si nous voulons que des recherches en sciences humaines continuent d’être publiées en français, nous devons aider ces éditeurs – nous pouvons réfléchir ensemble aux mécanismes qui le permettraient. Compte tenu des moyens dont elle dispose, l’ANR pourrait apporter une aide supplémentaire à ces éditeurs.

Mes chers collègues, permettez-moi de souligner les difficultés qui sont celles du livre en matière d’évaluation scientifique. Celle-ci porte principalement sur les revues. Intégrer l’objet « livre » lui est difficile.

La publication de livres de sciences humaines, pourtant fondamentale, est ainsi freinée par des facteurs économiques, éditoriaux et pour des raisons liées à l’évaluation – il est beaucoup plus intéressant en termes de bibliométrie de publier un chapitre dans chaque revue plutôt que de sortir un livre qui, du point de vue de l’évaluation, sera complètement invisible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Mon cher collègue, il serait extrêmement symbolique que nous votions votre amendement.

La formulation que vous employez, « favorise la publication en langue française », me rassure, car dans le milieu scientifique – nous l’avons évoqué avec Mme la ministre – les publications sont très majoritairement en anglais du fait de l’universalité de cette langue ; il n’est de fait pas simple d’obtenir des traductions dans toutes les langues. Toutefois, sur le principe, je suis entièrement d’accord avec vous.

Le livre est un autre sujet, sûrement plus complexe. Nous en débattrons, je l’espère, comme nous nous l’étions promis, dans le cadre des travaux de l’Opecst.

J’émets un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, je ne comprends pas pleinement l’objet de cet amendement. Les projets évalués à l’ANR le sont par des pairs : ainsi, lorsque les communautés publient traditionnellement des livres, les projets sont évalués par des personnes qui publient traditionnellement des livres, et qui sont donc capables d’estimer leur valeur. Lorsque les communautés s’expriment traditionnellement en français – vous avez raison de souligner que la langue n’est pas qu’un vecteur –, les projets sont évalués par des personnes qui publient le même genre d’articles.

Par ailleurs, je ne saisis pas ce que vous entendez par « favorise des publications en langue française », si ce n’est à imposer à l’ANR, par exemple, de prendre en charge des frais de traduction.

Ne comprenant pas l’objet de votre amendement, j’émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, si vous ne comprenez pas, c’est que j’ai été mauvais pédagogue. Permettez-moi de reprendre très succinctement mon explication.

Nous pourrons discuter longuement de l’objet « livre », car le sujet est vraiment important. Tous les établissements vous diront qu’ils ne font pas de bibliométrie et qu’ils évaluent qualitativement les travaux. Tout le monde reconnaît pourtant que dans l’urgence, quand il s’agit de recruter un chercheur, c’est bien l’impact factor de ce dernier que l’on recherchera sur l’ordinateur. Cela se pratique malheureusement, malgré toutes les règles, notamment celles du CNRS. Or un livre n’a pas d’impact factor puisque ce critère dépend de la cotation de la revue dans laquelle le chercheur publie ses travaux.

Par ailleurs, dans votre projet, vous confiez à l’ANR une mission de communication scientifique, dotée d’un financement spécifique de 1 %. Une part de cette enveloppe de 1 % – proportion qui pourrait augmenter – pourrait être consacrée à des aides visant à favoriser la publication en français, notamment par le biais des revues françaises qui publient en français.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. À la lumière de ces explications, j’émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Monsieur Ouzoulias, vous qui voulez défendre la langue française, sans doute avez-vous voulu parler de « facteur d’impact » en bon français au lieu d’« impact factor » ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 106.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 210, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer les mots :

par accord entre eux ou, à défaut,

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Il s’agit d’un amendement de clarification de l’article 12 du projet de loi. Comme indiqué dans le rapport annexé, le Gouvernement souhaite une augmentation, à la fois du budget d’intervention de l’ANR et du préciput, c’est-à-dire de la part qui sera versée, non pas au lauréat du projet, mais pour soutenir collectivement la recherche autour de ce lauréat.

Un travail a été mené avec les organismes de recherche et les universités sur la répartition du préciput. Cet amendement vise à préciser que l’objectif pour 2027 est d’augmenter fortement la part de gestion, car – le reproche en a été fait à l’ANR – les établissements hébergeurs ou gestionnaires ne s’y retrouvent pas, de prévoir une part spécifique pour le laboratoire dont l’équipe lauréate est issue de manière à soutenir des recherches émergentes dans le cadre de la politique scientifique de ses tutelles, et une part réservée à la politique de site, part qui permettra aux organismes et aux établissements de travailler ensemble au soutien à l’émergence d’activités de recherche.

M. le président. L’amendement n° 131 rectifié bis, présenté par MM. Piednoir et Rapin, Mme Deroche, M. Regnard, Mme Deromedi, M. Calvet, Mme Joseph, MM. Bascher, Brisson et Savin, Mme Gruny, M. de Legge, Mme Di Folco, M. Pointereau, Mme Lavarde et MM. B. Fournier, Segouin, Gremillet, Chevrollier et Husson, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Après le mot :

eux

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

pour financer la stratégie scientifique de ces établissements, ainsi que les coûts d’environnement et de gestion induits. À défaut, il est réparti par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la recherche en respectant ces mêmes objectifs.

La parole est à M. Stéphane Piednoir.

M. Stéphane Piednoir. Cet amendement, qui répondra sans doute au souhait de notre rapporteure, vise à préciser plus avant les modalités de répartition du préciput.

L’objectif est d’inviter les établissements publics, notamment les universités, qui sont autonomes et responsables, à décider des règles communes de répartition de ce préciput dans le cadre de leur politique scientifique partagée. Il me paraît que la solution la plus appropriée consiste à inclure les dispositions correspondantes dans les accords de recherche conclus entre établissements. En l’absence de consensus, un décret peut fixer des règles de répartition, sans perdre de vue l’objectif de financement visé au travers de cet amendement, notamment sur la stratégie de recherche.

Nous devons encourager la collaboration entre établissements de recherche, car elle fait la richesse du système français. À cette fin, il est nécessaire, pour prendre en compte les frais indirects des projets de recherche, notamment liés à l’environnement et à la gestion, et accélérer leur conduite, de préconiser des pratiques contractuelles de répartition de ces coûts entre les différents établissements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. L’objet de l’amendement n° 210 indique bien qu’un accord a été obtenu dans le cadre du groupe de travail créé par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sur la répartition du préciput « nouvelle formule », ce que la commission appelait de ses vœux.

Lors de son audition, la ministre nous a annoncé quels seraient les bénéficiaires – les établissements gestionnaires, les établissements hébergeurs, les laboratoires et les politiques de site – et à quelle hauteur. Toutefois, nous ne retrouvons absolument pas ces éléments dans l’amendement qui nous est proposé, lequel a pour objet de renvoyer au décret. Comme ses auteurs le reconnaissent d’ailleurs dans l’objet, il s’agit d’une simple retouche rédactionnelle.

De plus, nous demandons depuis quinze jours – je le répète – les conclusions du groupe de travail sur le préciput, conclusions que vous avez signées. Nous sommes si je puis dire complètement « secs » quant aux répartitions.

J’en suis désolée, madame la ministre, mais j’émets donc un avis défavorable sur votre amendement, et un avis favorable sur l’amendement n° 131 rectifié bis, car les dispositions qu’il vise à introduire constituent un pas dans la bonne direction.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 131 rectifié bis ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le travail qui a été mené dans la concertation pour aboutir non pas à trois, mais à quatre parts – une part pour la gestion, une part pour l’hébergeur, une part pour le laboratoire et une part pour la politique de site – permet de prendre en compte tous les niveaux de la recherche.

Les directeurs de recherche des unités concernées nous disent qu’ils ont besoin de disposer de moyens pour soutenir et financer des projets qu’ils voient émerger sans qu’il leur soit nécessaire de demander des financements spécifiques à leurs établissements de tutelle. Il ne s’agit pas de centaines de milliers d’euros ; il s’agit de pouvoir leur donner de quoi soutenir la science émergente dans le cadre de leur politique scientifique, laquelle a été validée par leur tutelle. C’est ainsi que l’on peut repérer des pépites.

Or il me paraît important que la répartition puisse être déterminée par décret pour que ces quatre parts existent bien, et que l’on n’ait pas la tentation de dire que les directeurs de laboratoire ne seraient pas traités de la même façon partout sur le territoire.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laure Darcos, rapporteure. Il est louable d’être parvenu à un accord. Je peux comprendre que vous n’indiquiez pas les proportions, mais je ne saisis pas pourquoi vous ne souhaitez pas afficher clairement dans la loi les quatre vecteurs. On pourrait indiquer symboliquement que la répartition, bien que susceptible d’évoluer, existe déjà.

Vous ne m’avez pas totalement convaincue, madame la ministre. Je maintiens donc mon avis défavorable sur l’amendement n° 131 rectifié bis et favorable sur le n° 210.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Ce débat sur le préciput est très intéressant, bien qu’extrêmement technique.

Madame la ministre, vous tentez de résoudre une contradiction forte : si l’essentiel des financements de ce projet de loi de programmation de la recherche passe par l’ANR, vous avez conscience, comme nous, qu’il est essentiel que les équipes et les établissements soient aussi financés par ailleurs. Nous avons unanimement souligné, ici même, au Sénat, l’importance d’assurer un équilibre entre ces deux types de financement.

Vous utilisez le préciput d’une façon quelque peu détournée pour alimenter les ressources propres de ces équipes. C’est une politique très difficile, parce qu’à demander trop à l’ANR, elle risque de rester dans la situation dont vous essayez de la sortir. Je crains que l’ANR ne devienne une vache à lait, si je puis dire, pour un certain nombre de politiques publiques que vous pourriez parfaitement soutenir par un autre mode de financement, notamment par la distribution des crédits récurrents.

Par ailleurs, chers collègues, la répartition des crédits de l’ANR est géographiquement très inégalitaire, Jean Hingray l’a dit avec justesse. Elle est aussi inégalitaire en fonction des disciplines. Certaines universités qui ne dispensent quasiment que des enseignements en sciences humaines et sociales bénéficient de très peu de crédits de l’ANR, non pas parce qu’elles ne le souhaitent pas, mais parce que du fait de leur encadrement administratif, les chercheurs ont énormément de mal à présenter des projets ; les chercheurs en sciences dites « dures » disposent, eux, d’un encadrement beaucoup plus important.

Si tout le financement passe par l’ANR et le préciput, un certain nombre de territoires et d’universités plutôt spécialisées en sciences humaines ne percevront pas cet argent et souffriront d’un sous-investissement chronique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur, je tiens à me porter en faux avec vos propos indiquant que la majorité du financement sera distribuée au travers de l’ANR.

À l’horizon 2030 – je le répète –, l’ANR percevra environ 1 milliard d’euros sur les 5 milliards d’euros supplémentaires prévus : 4 milliards d’euros ne bénéficient donc pas à l’Agence. Au final, elle apportera 1,7 milliard d’euros sur 20 milliards d’euros. On ne peut pas dire que la recherche française est financée majoritairement par l’ANR !

Vous indiquez que les sciences humaines et sociales sont moins bénéficiaires parce qu’elles demandent moins et qu’elles disposent de moins d’aides. J’ai beaucoup discuté de ces sujets avec un certain nombre de représentants d’universités spécialisées en sciences humaines et sociales. J’estime que cette idée est quelque peu datée et que les choses ont beaucoup progressé. De plus, ces universités nous ont demandé que les financements de l’ANR soient plus adaptés aux attentes des disciplines de sciences humaines et sociales, ce que nous ferons. Le président de l’ANR, Thierry Damerval, y travaille.

Quelque 33 % des financements de l’appel à projets Flash covid-19 ont été attribués à des projets en sciences humaines et sociales. Il faut sortir de l’idée que les sciences humaines et sociales dans notre pays ne sont pas capables de candidater à des projets et d’être excellentes. Elles ont tout à gagner à ce mode de financement qui bénéficie, non pas seulement au projet lauréat, mais également au laboratoire et à l’ensemble du site.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 210.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 131 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 107, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’État veille à abonder de manière plus importante les financements de base des établissements appelés à bénéficier de financements autres que ceux de l’Agence nationale de la recherche.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, permettez-moi de vous répondre rapidement. Les chiffres que vous annoncez sur l’appel à projets Flash covid-19 sont tout à fait justes.

Toutefois, si les sciences humaines ont bénéficié d’un fort taux de réponses favorables, cela s’explique par le fort taux de réponses favorables de l’ANR – autour de 50 % – toutes disciplines confondues. Tous les chercheurs que j’ai rencontrés m’ont indiqué qu’ils étaient très satisfaits de ce taux. Ils souhaiteraient qu’il en soit toujours de même, car cela permet de financer beaucoup plus de projets. Or l’objectif que vous fixez au travers de ce projet de loi de programmation n’est pas de 50 % ; il se situe autour de 30 à 35 %. Le niveau relativement faible de réponses positives a des effets induits sur les disciplines.

Dans la continuité de l’amendement n° 10 déposé par M. Hingray, le présent amendement vise à permettre une prise en compte plus large des relations que les établissements universitaires ont noué avec les collectivités. Il faudrait reconnaître plus fortement cette attache.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 107.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.

(Larticle 12 est adopté.)

Article 12
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article additionnel après l'article 12 - Amendements n° 60, n° 74 rectifié et 132 rectifié bis (interruption de la discussion)

Article additionnel après l’article 12

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 60 est présenté par M. Hingray, Mmes Létard, C. Fournier et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 74 rectifié est présenté par M. Perrin, Mme Deroche, MM. Milon et B. Fournier, Mme Chauvin, MM. Rietmann et Brisson, Mme Deromedi, M. Savary, Mme M. Mercier, MM. D. Laurent, Bonne et Joyandet, Mmes Delmont-Koropoulis, Raimond-Pavero et Ventalon, M. Lefèvre, Mme F. Gerbaud, M. Bascher, Mme Imbert, MM. E. Blanc et Regnard, Mme Lherbier, MM. del Picchia, Bouchet, Sautarel et Pointereau, Mme Micouleau et MM. Belin et Grosperrin.

L’amendement n° 132 rectifié bis est présenté par MM. Piednoir et Calvet, Mme Joseph, M. Savin, Mme Gruny, M. de Legge, Mmes Di Folco et Lavarde et M. Gremillet.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre II du titre III du livre VII de la troisième partie du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase de l’article L. 732-2, après les mots : « de l’enseignement supérieur », sont insérés les mots : « et de la recherche » ;

2° La troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 732-3 est complétée par les mots : « et entame, tous les trois ans, un dialogue financier avec les services du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche afin de valoriser la participation des établissements définis à l’article L. 732-1 aux missions de service public de l’enseignement supérieur et de la recherche définis à l’article L. 123-3 ».

II. – Le titre Ier du livre III du code de la recherche est complété par un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre …

« Les établissements privés associés à la mission de service public de la recherche

« Art. L. 311-…. – Les établissements privés en contrat avec l’État, tels que définis à l’article L. 732-1 du code de l’éducation, concourent à la mission de service public de recherche et aux objectifs de la recherche publique définis à l’article L. 112-1 du présent code. Ils sont évalués par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. »

La parole est à M. Jean Hingray pour présenter l’amendement n° 60.