M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes premières pensées vont aux victimes de l’attaque de Nice et à leurs familles. Notre pays est une nouvelle fois frappé, alors que nous sommes par ailleurs confrontés à une situation sanitaire toujours préoccupante : plus d’un million de nos concitoyens ont déjà été infectés par la covid-19, plusieurs dizaines de milliers d’entre eux sont morts.

La France, comme d’autres pays européens, connaît une nette dégradation de sa situation sanitaire. Pour juguler une progression rapide des contaminations, malgré des couvre-feux locaux, le Président de la République a décidé hier un reconfinement national.

C’est dans ce contexte sous tension que nous examinons ce projet de loi qui vise à prolonger, au-delà du 16 novembre prochain, l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret du 14 octobre 2020.

La durée initiale de la prolongation, non modifiée par l’Assemblée nationale, était fixée à trois mois. Notre commission des lois a souhaité la limiter au 31 janvier 2021 pour que le Parlement se prononce à cette date sur la nécessité du maintien de ce régime.

À l’instar des précédents textes d’urgence, celui-ci vise également à maintenir, au-delà du 30 octobre 2020, les systèmes d’information déployés en appui à la lutte contre la pandémie.

Enfin, il autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances en vue de prolonger l’application de certaines mesures exceptionnelles mises en œuvre depuis mars dernier.

La commission des lois a apporté des précisions quant aux conditions de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire afin notamment d’y associer plus étroitement le Parlement. Depuis le début de la pandémie, Gouvernement et Parlement ont su travailler ensemble efficacement. Nous devons veiller à maintenir ce haut niveau de coopération.

Dans ce contexte, une bonne information est primordiale. La transmission immédiate des avis du comité de scientifiques au Parlement, introduite par la commission, contribuera à éclairer les décisions politiques.

Je me félicite que la commission ait directement inscrit dans la loi certaines des décisions à prendre. Leur mise en œuvre n’en sera que plus rapide.

Plus généralement, il apparaît nécessaire que la représentation nationale puisse se prononcer sur des mesures ayant de si fortes conséquences sur la vie de nos concitoyens.

La France, mes chers collègues, traverse une année particulièrement difficile. Gouvernement et Parlement doivent travailler ensemble pour protéger au mieux les Français. Mais l’État ne peut pas tout. Avec beaucoup de bienveillance, je voudrais appeler nos concitoyens à une nouvelle forme de ressaisissement. La crise sanitaire que nous traversons est très dure. Il nous faut en outre affronter d’autres périls. Souvenons-nous de ceux qu’ont dû traverser, au cours de notre longue histoire, celles et ceux qui se sont battus pour que la France continue d’exister. Nous sommes une grande nation millénaire, nous devons garder confiance et courage.

Cette résilience, nous la devons aussi à celles et ceux qui sont en première ligne : soignants, militaires, forces de l’ordre et pompiers qui ont tenu bon jusqu’à présent et qui continuent de faire face. L’élue de l’Aube que je suis reste déterminée à lutter contre toute tentation crépusculaire, contre tout défaitisme. (Sourires.)

Soucieux du rôle du Parlement, et particulièrement attaché au respect des libertés, le groupe Les Indépendants soutient les objectifs de ce projet de loi qui vise à nous doter des moyens de la reprise de l’épidémie. (Mme Catherine Di Folco et MM. Claude Malhuret et Yves Bouloux applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. À l’écoute de vos différentes interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai pris acte de vos remarques, de nos désaccords, sur le fond ou sur la forme. J’espère que l’examen des articles pourra éclairer la Haute Assemblée. Pour ma part, je m’y emploierai, ayant trop de respect pour le débat parlementaire.

M. le président. La discussion générale est close.

Organisation des travaux

M. le président. La commission doit se réunir pour examiner les amendements de séance. Monsieur le président, de combien de temps souhaitez-vous disposer ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, nous aurons besoin d’une heure au maximum. Nous avons beaucoup d’amendements à examiner.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à dix-neuf heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire
Article 1er

Article additionnel avant l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la capacité hospitalière du pays.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Au cours de l’allocution du Président de la République, hier soir, le confinement nous a été annoncé, nous en avons beaucoup parlé tout au long de cet après-midi. Cette décision se fonde sur l’explosion du nombre de cas de covid et une saturation de nos hôpitaux, qui constituent la problématique au cœur de nos débats.

Surtout, il faut parler d’une crise de la capacité hospitalière, crise structurelle, qui n’est pas due à une épidémie galopante, mais au fait qu’on refuse de prendre les mesures qui s’imposent.

On nous parle beaucoup des lits de réanimation. Je le rappelle, nous disposons toujours de 5 000 lits seulement. Les choses ne semblent donc pas avoir changé depuis la première vague. Par ailleurs, cette problématique n’est pas la seule. En effet, le traitement des patients a progressé, puisque nombre d’entre eux, aujourd’hui, ont besoin d’être non pas réanimés, mais seulement oxygénés. Ils doivent bénéficier de corticoïdes. Si l’affection est prise à temps, on observe un soulagement des patients.

Il est donc nécessaire de prévoir des lits en aval des services de réanimation. Or, nous le savons, mes chers collègues, dans les établissements hospitaliers de nos territoires, tous les soignants nous alertent sur un manque structurel de lits.

Nous avons donc besoin de disposer d’un état des lieux. Avez-vous prêté attention, sur le site d’information indépendant Basta !, à la carte des suppressions de lits d’hospitalisation ? Ces suppressions se poursuivent, y compris pendant la période d’épidémie.

Nous demandons donc, dans un délai d’un mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport du Gouvernement au Parlement permettant de connaître de façon extrêmement précise notre capacité hospitalière. Nous aurons ainsi une information transparente, qui nous permettra d’agir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Les amendements faisant injonction au Gouvernement de remettre des rapports au Parlement ont un avantage : ils permettent à certains de nos collègues de soulever un problème et d’alerter le Gouvernement. Ils ont aussi un inconvénient : ils sont dénués de toute portée.

Vous pourriez amender le texte en prévoyant cinq cents rapports, le Gouvernement ne serait pas tenu de faire ces rapports, heureusement d’ailleurs ! Sinon, il ne ferait plus que cela ! Il lui faut garder un peu de temps pour agir, afin d’être efficace dans l’action exécutive.

Si je tiens à expliquer ma position sur cette demande de rapport, ce n’est pas pour aller contre l’exigence posée très justement par nos collègues d’une « objectivation » – veuillez excuser ce néologisme – de la situation de l’hôpital public, qui serait selon moi très utile. Simplement, je souhaite ne plus avoir à entrer dans le détail des nombreux amendements qui prévoient un rapport du Gouvernement. J’y opposerai, dans la suite de la discussion, un avis défavorable, sans explication complémentaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission. Les données sur la capacité hospitalière sont déjà largement publiées par Santé publique France. Les décisions prises par le Gouvernement pour déclarer l’état d’urgence sont éclairées par de nombreux documents publics, vous le savez probablement, relatifs à cette capacité. Je pense aux avis du conseil scientifique et du Haut Conseil de la santé publique, qui constituent une importante source d’informations.

Il s’agit de faire en sorte que les gens n’arrivent pas en réanimation. Tel est notre objectif commun.

Pour votre information, le système de santé est passé de 5 085 lits de réanimation avant la crise de la covid, à 5 800 lits permanents équipés.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Disons les choses franchement, c’est l’article 40 de la Constitution qui nous contraint à demander des rapports. Au demeurant, autant je comprends et j’apprécie la réponse de M. le rapporteur, conforme à la philosophie du Sénat, autant, pardonnez-moi, madame la ministre, j’estime que vous n’avez pas prêté attention aux propos que j’ai développés.

Vous me répondez lits de réanimation, qui sont en nombre insuffisant, alors que je vous parle lits en aval des services de réanimation. Je vous invite à prendre connaissance des propos des soignants. Dans un article du Figaro, Gérald Kierzek, qui est un médecin urgentiste, réaffirme la nécessité d’ouvrir des lits en aval des services de réanimation, ce qui nécessite d’ailleurs un personnel moins formé techniquement, dont la formation est donc plus courte.

Par conséquent, il est nécessaire, pour le Gouvernement et les parlementaires que nous sommes, de disposer d’éléments précis. Si vous avez d’ores et déjà connaissance de ces éléments, madame la ministre, cela pose un problème grave, puisqu’il y a mise en danger de la vie d’autrui.

Si vous refusez d’ouvrir des lits en sachant pertinemment que la capacité hospitalière est insuffisante, le seul choix est donc bel et bien le confinement : il faut mettre sous cloche les personnes, afin d’éviter qu’elles ne tombent malades.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendement n° 38
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Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 41,  n° 59 rectifié et n° 39 rectifié

Article 1er

I. – L’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 31 janvier 2021 inclus.

II (nouveau). – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 3131-15 est ainsi modifié :

a) Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° Limiter ou interdire les rassemblements, activités ou réunions sur la voie publique ainsi que dans les lieux ouverts au public ; »

b) Le 8° est abrogé ;

2° Au cinquième alinéa du II de l’article L. 3131-17, après le mot : « déroule, », sont insérés les mots : « pendant plus de douze heures par vingt-quatre heures, » ;

3° Au premier alinéa des articles L. 3821-11 et L. 3841-2, la référence : « n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » est remplacée par la référence : « n° … du … autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ».

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, sur l’article.

Mme Valérie Boyer. Depuis le début de la crise, le groupe Les Républicains a toujours pris ses responsabilités autour de son président Bruno Retailleau.

Nous avons toujours accompagné la majorité dans un grand nombre de prises de décisions. Pour autant, prendre ses responsabilités, c’est aussi dire la vérité.

Je ne reviendrai ni sur les cafouillages au sujet des masques, d’abord jugés inutiles, car en nombre insuffisant, ni sur le rôle des cliniques privées, mises de côté pendant la première vague.

Certaines directives relatives aux tests sont aujourd’hui encore parfois difficiles à comprendre. Les délais s’allongent et des produits peuvent encore manquer. Parfois, des réponses tardent à arriver.

Pire encore, alors que les équipes de Marseille étaient les seules, en France, à dépister massivement et à préconiser un parcours de soins, sans surmortalité, vous avez préféré vous livrer à une bataille contre l’hydroxychloroquine, si ce n’est à une bataille contre Marseille, abandonnant les études sur ces tests. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Permettez-moi d’insister sur cet élément important : à Marseille, près de 9 000 patients ont été suivis, plus de 5 800 traités avec le protocole, et on a observé une très faible mortalité des patients détectés précocement. Ces protocoles sont aujourd’hui abandonnés.

Par ailleurs, alors que vous souhaitez prolonger l’état d’urgence sanitaire, je compte sur l’examen de ce projet de loi pour obtenir des réponses à mes questions. Les cliniques privées sont-elles pleinement associées ? Comment suivre les lits de réanimation dans ces cliniques ? Quel est le profil des malades ? Quel est le taux de mortalité et de comorbidité ? Les taux de comorbidité, par âge, ne sont jamais indiqués dans les chiffres que vous donnez. Combien de lits de réanimation ont-ils été ouverts ou fermés depuis le mois de janvier ? J’aimerais aussi connaître le taux d’occupation des lits de réanimation année par année avant la crise.

Enfin, alors que vous avez été capable de débloquer 470 milliards d’euros pour les entreprises, combien ont été débloqués pour soutenir nos hôpitaux et nos soignants, qui font un travail absolument remarquable ?

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 52 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 53 rectifié est présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 52.

Mme Céline Brulin. Nous proposons de supprimer l’article 1er. Depuis le début, vous le savez, nous sommes pour le moins sceptiques sur l’efficacité du cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire pour lutter efficacement contre l’épidémie et sur ses conséquences démocratiques.

Comme tout le monde, nous constatons avec effroi que l’épidémie se propage dangereusement. Jour après jour, nous sommes malheureusement confortés dans notre position, puisque nous observons que, parallèlement à ces mesures, l’exécutif fait preuve de beaucoup moins de rigueur dans d’autres domaines de gestion de la crise, qui sont pourtant au moins aussi importants, si ce n’est davantage.

Je ne reviens pas sur la situation de notre système de santé, qui a été longuement évoquée, mais on pourrait citer – on l’a beaucoup fait cet après-midi – un certain nombre d’incohérences, voire de décisions contre-productives. Ce soir, à quelques heures du confinement, qui est réactivé, nous sommes inquiets. Bien sûr, on peut s’habituer et se dire que ce régime est nécessaire compte tenu de la situation.

Pourtant, j’observe, dans nos débats et nos votes, mais également dans la presse et dans tout ce qui s’exprime démocratiquement aujourd’hui, l’installation d’une véritable crise de confiance. Nous serons bientôt dans une situation extrêmement compliquée, entre l’état d’urgence sanitaire extrêmement strict, reconduit sans même qu’un espace de discussion soit prévu – nous aurons l’occasion de revenir sur ses modalités –, et le manque de confiance dans l’exécutif.

Lors du débat sur la déclaration du Gouvernement, M. le Premier ministre a jugé bon de dire que certains parlementaires seraient responsables et d’autres le seraient moins. Dans ce pays, je crois que nous le sommes tous ! (MM. Philippe Bonnecarrère et Sébastien Meurant applaudissent.)

Nous vous alertons au sujet de la crise de confiance qui est en train de s’installer. Nous y répondrons non pas par un arsenal juridique, mais par une confiance renouvelée s’appuyant sur le travail réel de toutes les forces vives de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié.

M. Guy Benarroche. La loi d’urgence du 23 mars dernier a conféré à l’exécutif le pouvoir de limiter les libertés individuelles et publiques de nos concitoyens. Alors que la pandémie est en pleine recrudescence, le Gouvernement a fait le choix de déclencher de nouveau ce dispositif, dont l’application a été assouplie depuis le 10 juillet.

Le présent article prévoit de proroger l’état d’urgence sanitaire. Nous comprenons que, face à l’ampleur inédite de cette épidémie, au nombre de contaminés et de décès, au caractère anxiogène de la situation, l’exécutif ait souhaité faire preuve de volontarisme en prenant des mesures radicales.

Toutefois, le caractère temporaire de cet état d’urgence sanitaire ne saurait être oublié. A fortiori, celui-ci ne saurait devenir permanent. Nous ne nous le rappelons que trop bien, le Gouvernement a permis l’incorporation dans le droit commun de dispositifs ayant trait à l’état d’urgence sécuritaire, notamment par la loi SILT, la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, de 2017.

Surtout, cet état d’exception ne doit aucunement cacher le véritable problème engendré par la pandémie liée au covid-19, à savoir l’état de notre système de santé. Mes chers collègues, l’hôpital public est en lambeaux : les budgets d’austérité et les choix économiques ont mis à mal les conditions sociale et salariale de nos soignants, mais aussi les conditions d’accueil et de traitement des patients.

Si, aujourd’hui, la pandémie frappe aussi durement notre pays, c’est en partie aussi parce que nos dispositifs hospitaliers ne sont pas aptes à faire face aux vagues de contamination. Plutôt que le retour de l’état d’urgence sanitaire, les auteurs du présent amendement préconisent un vaste plan pour l’hôpital français, bien plus ambitieux que le modeste Ségur de la santé présenté récemment. Ils demandent, de ce fait, la suppression de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 52 et 53 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 4 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire est prorogé jusqu’au 16 février 2021 inclus.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. La commission s’est montrée défavorable à la rédaction initiale de cet article, j’en suis parfaitement consciente.

Pourtant, le présent amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 1er du projet de loi dans sa version transmise au Sénat, afin de permettre une prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 inclus, et non pas jusqu’au 31 janvier 2021.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis quelque peu étonné que vous déposiez cet amendement, madame la ministre. En effet, nous avons eu un long débat en commission et nous pensons vraiment que la durée proposée par le Gouvernement est excessive. Quel inconvénient voyez-vous à ce que l’on réduise, comme l’a proposé notre rapporteur et comme l’a proposé le groupe socialiste, la durée de l’état d’urgence, de manière à ce que le Parlement se réunisse de nouveau pour statuer ?

Je ne comprends pas quel argument, madame la ministre, vous pourriez invoquer pour revenir à la charge comme vous le faites. Notre position est en effet très claire, et très respectueuse des droits du Parlement. Je ne vois pas pourquoi le Gouvernement s’y opposerait désormais.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement ne répond pas ?

M. le président. Mon cher collègue, le Gouvernement est libre de prendre la parole quand il le souhaite.

M. Jean-Pierre Sueur. Apparemment, il est surtout libre d’être muet !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 40, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier 2021

par la date :

16 décembre 2020

La parole est à Mme Céline Brulin.

Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à réduire la durée de l’état d’urgence, en tout cas la durée pendant laquelle l’exécutif n’est pas tenu de consulter le Parlement. Chaque groupe a un avis un peu différent sur cette durée. Quoi qu’il en soit, une volonté commune se dégage.

Je ne comprends pas non plus, madame la ministre, pourquoi le Gouvernement refuse de discuter de cette durée ni pourquoi il refuse d’entendre la volonté largement partagée de la restreindre. Il y a une vraie contradiction entre une sorte d’unité nationale à laquelle vous semblez appeler et le refus de discuter des propositions qui émergent et font l’objet d’un débat. Une telle situation nous pose vraiment problème.

M. le président. L’amendement n° 54, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

1er janvier

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Je rejoins bien entendu l’avis des auteurs de ces amendements en discussion commune.

Le présent amendement vise à raccourcir la durée d’application de ce régime dérogatoire, en retenant la date limite du 1er janvier 2021.

S’il s’avère nécessaire de prolonger une nouvelle fois l’état d’urgence, le Gouvernement pourra, le cas échéant, déposer un projet de loi de prorogation et solliciter de nouveau le Parlement.

Je l’ai dit, les atteintes aux libertés induites par un tel régime ne peuvent se prolonger sans que les sénateurs et les députés soient en mesure d’en évaluer l’impérieuse nécessité. Or nous ne savons pas où en sera la situation à la date prévue par le Gouvernement.

M. le président. L’amendement n° 58, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer la date :

31 janvier

par la date :

16 janvier

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Après avoir entendu le débat en commission sur la durée de l’état d’urgence sanitaire, nous avons modifié légèrement la date que nous proposons. En effet, il avait été suggéré, et nous l’avons entendu, que le décompte se fasse à partir du moment où nous prolongeons l’état d’urgence et non pas à partir de son début. Par conséquent, alors que nous avions initialement proposé la date du 17 décembre, nous retenons désormais la date du 16 janvier.

Nous estimons que la date du 31 janvier proposée par le rapporteur est un peu bancale. En effet, nous légiférons pour l’avenir : il ne s’agit pas simplement du texte examiné aujourd’hui, le Gouvernement ayant annoncé vouloir instaurer une législation qui sera inscrite dans le droit commun. Nous sommes donc en train de décider si, lorsqu’il y a prorogation de l’état d’urgence, c’est pour une semaine, un mois, deux mois ou six mois. La commission propose une durée de deux mois et demi, ce qui paraît un peu étrange. C’est la raison pour laquelle nous avons retenu la date du 16 janvier, qui correspond à une durée de deux mois.

Au-delà de cet aspect, je veux revenir rapidement sur la position du Gouvernement. Je l’ai dit cet après-midi dans mon intervention, il faut que chacun fasse une partie du chemin, afin que ce texte soit soutenu par l’arc parlementaire le plus large possible. Dans ces conditions, peut-être trouverions-nous un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Les amendements déposés par le Gouvernement témoignent d’une volonté inverse : vouloir rétablir à tout prix le texte initial, c’est refuser le débat et considérer que, au fond, rien ne peut être amélioré, la majorité de l’Assemblée nationale rétablissant le texte initial. Fin du débat ! Tout cela est contrariant.

Je défends donc cet amendement visant à retenir la date du 16 janvier, afin que nous adoptions, pour l’avenir, une durée claire. Dans le même temps, j’attire votre attention sur le fait que le Gouvernement fait preuve d’une absence totale de volonté d’échange, ce qui me préoccupe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Il faut examiner ce problème de dates dans le cadre de l’enchaînement des rendez-vous que nous voulons avoir avec le Gouvernement.

Le Gouvernement a proposé d’en finir une fois pour toutes avec le vote du Parlement concernant la lutte contre l’épidémie de covid-19 après notre débat. En effet, il souhaite pouvoir continuer à utiliser des pouvoirs spéciaux, d’abord au titre de l’état d’urgence sanitaire, puis au titre de la sortie de l’état d’urgence sanitaire, jusqu’au 1er avril prochain. C’est du jamais vu ! Nous avons dit au Gouvernement que nous ne voulions pas de cela.

Premièrement, nous voulons que, à mi-chemin, soit avant le 31 janvier, au cas où le régime de pouvoirs spéciaux serait prorogé, le Parlement se prononce pour y autoriser le Gouvernement.

Deuxièmement, nous voulons que, puisque le Gouvernement a décidé le confinement, franchissant un palier dans les restrictions portées aux libertés des Français, ce dernier ne puisse pas être prolongé au-delà du 8 décembre sans un vote. Dans ces conditions, si nous avons un vote le 8 décembre sur l’éventuelle prolongation du confinement, nous ne pouvons pas avoir aussi un vote le 16 décembre, le 1er janvier et le 16 janvier.

Il faut garder la date du 31 janvier, retenue par la commission, étant entendu que celle-ci se montre très exigeante. Quand le Gouvernement a déclenché l’état d’urgence sanitaire, il l’a fait pour deux mois. Cet état d’urgence a été reconduit pour deux mois. Ensuite, il a fallu voter de nouveau pour créer le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, qui a duré trois mois et demi. C’est le maximum de temps que nous ayons jamais donné au Gouvernement pour exercer les pouvoirs exceptionnels que nous avons consenti à lui conférer.

Nous n’allons pas passer d’un régime dans lequel le Parlement exerce un contrôle étroit sur le Gouvernement à un régime dans lequel ce contrôle serait relâché jusqu’au 1er avril prochain, alors même que les contraintes imposées aux Français sont beaucoup plus fortes qu’elles ne l’étaient voilà encore quinze jours.

Il s’agit donc d’une exigence fondamentale. Il est de l’intérêt de la démocratie que le Gouvernement l’accepte. Sinon, il agira seul, autant qu’il le voudra, dans l’exercice de pouvoirs spéciaux dont nous ne voulons pas qu’il puisse abuser. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements, au bénéfice du régime de contrôle resserré que nous avons voulu mettre en place.