Mme le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de corse, de guyane et de martinique

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique
Article 1er

Article additionnel avant l’article 1er

Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 11, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

L’article L. 47 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est autorisée la création, au ministère de l’intérieur et dans les préfectures, d’un fichier automatisé des élus et des candidats aux élections au suffrage universel. Tout élu ou candidat peut refuser que le fichier enregistre sa nuance politique. Parmi les nuances politiques référencées, le fichier doit comporter la rubrique “non inscrit ou sans étiquette” ».

L’amendement n° 12, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Compte tenu des aléas de l’épidémie de coronavirus, le présent article est applicable pendant toute l’année 2021.

Est autorisée la création, au ministère de l’Intérieur et dans les préfectures, d’un fichier automatisé des élus et des candidats aux élections au suffrage universel. Tout élu ou candidat peut refuser que le fichier enregistre sa nuance politique. Parmi les nuances politiques référencées, le fichier doit comporter la rubrique « non inscrit ou sans étiquette ».

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour présenter ces deux amendements.

M. Jean Louis Masson. Mon amendement concerne la tenue des fichiers automatisés des candidats et les nuances politiques qui leur sont attribuées.

Les candidats n’ont pas la possibilité de choisir la nuance politique qui leur est attribuée. Le préfet peut imposer sa décision, à charge pour le candidat de saisir ensuite le tribunal administratif si le préfet refuse de tenir compte de ses observations.

Cette situation, qui est grave dans l’absolu, l’est encore plus en période d’épidémie, puisque les moyens de communication pour établir une information judicieuse des électeurs n’existent plus.

Je crois que la moindre des choses est de laisser chaque élu ou chaque candidat définir librement sa nuance politique et de ne pas donner carte blanche aux préfets.

Par ailleurs, il est absolument indispensable qu’un candidat puisse choisir la nuance « non inscrit ou sans étiquette ». C’est le minimum qu’exige la démocratie !

Certes, nous ne sommes que trois non-inscrits dans cette enceinte, mais nous avons les mêmes droits que les autres, et je ne vois pas pourquoi on m’attribuerait telle ou telle nuance de telle ou telle couleur. (Murmures sur plusieurs travées.) Personne ne doit pouvoir décider du choix politique d’un autre à sa place !

Tel est le sens de ces deux amendements.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Je crois que ce problème a été largement réglé à la suite d’un contentieux devant le Conseil d’État contre une circulaire du précédent ministre de l’intérieur, qui prétendait régir le choix des couleurs politiques par voie d’autorité. Le terme « divers » doit désormais être utilisé pour tous les candidats qui n’ont pas d’attache politique.

Par conséquent, ces deux amendements nous ont paru porter sur une question d’ores et déjà réglée.

Nous y sommes défavorables.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Nous considérons également que cette question a déjà été débattue et tranchée devant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et le Conseil d’État.

L’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er - Amendements n° 11 et n° 12
Dossier législatif : projet de loi portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique
Article additionnel après l'article 1er - Amendements n° 28 et n° 29

Article 1er

I. – Le prochain renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux, de l’Assemblée de Corse et des assemblées de Guyane et de Martinique a lieu en juin 2021. Les mandats en cours sont prolongés en conséquence.

II. – Le mandat des conseillers départementaux, des conseillers régionaux, des membres de l’Assemblée de Corse et des conseillers aux assemblées de Guyane et de Martinique élus en juin 2021 prend fin en mars 2028.

Mme le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.

M. Jean Louis Masson. Le projet initial du Gouvernement m’avait un peu interpellé, parce qu’il prévoyait d’organiser une élection en décembre 2027.

Je crois qu’il n’est vraiment pas raisonnable de vouloir planifier des élections au mois de décembre, dans une période très difficile.

Ce système tout à fait saugrenu avait déjà été prévu par la fameuse loi de 2015, que j’ai évoquée et sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir. Cette loi complètement folle ne s’était pas contentée des fusions : elle a introduit tout un tas de dispositions, notamment l’idée de programmer des élections au mois de décembre.

Il me paraît complètement irresponsable de prévoir que des élections aient lieu au cours de ce mois.

J’avais d’ailleurs déposé un amendement sur le sujet en commission, même si je n’en suis pas membre. J’ai eu le plaisir de constater que la commission avait retenu une solution qui allait dans le sens de mon amendement. Je m’en réjouis tout à fait et tiens à en remercier le président et mes collègues qui en sont membres.

Mme le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.

M. Olivier Paccaud. Les pendules de notre République sont précieuses et rigoureuses.

S’il n’est pas inutile de rappeler la définition de la démocratie d’Abraham Lincoln – « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » –, il semble aujourd’hui pertinent d’y ajouter une précision : c’est par la voie des urnes que le peuple s’exprime. Sans rendez-vous régulier, sans échéance respectée, la démocratie n’est plus la démocratie.

Certes, le contexte sanitaire inédit impose des précautions particulières, et l’exercice de la campagne électorale est évidemment plus compliqué lorsque la vie sociale est contrainte, voire pétrifiée.

Mais peut-on raisonnablement faire croire aux Français que sécuriser sanitairement un scrutin est impossible quand s’entasser dans le métro et le RER ne l’est pas ? Gare au venin des contradictions…

Par ailleurs, les révélations de Jean-Louis Debré, confirmant les rumeurs persistantes sur les arrière-pensées du Président de la République et sa volonté de manipuler le calendrier, sont stupéfiantes, consternantes et même révoltantes. (Marques dapprobation sur des travées du groupe Les Républicains.) Elles donnent un autre sens au texte que nous examinons. Nous sommes là pour servir la Nation, et non les intérêts supposés d’un candidat, fût-il Président.

Se vouloir maître du temps pour orienter un vote est-il digne et conforme à l’esprit de Marianne ? De la chrysalide de l’élève horloger peut sortir un apprenti sorcier.

D’ailleurs, nos collègues socialistes pleurent encore leur funeste redécoupage et leur report des élections régionales et départementales de 2014 et 2015.

Quant à la droite, elle n’a pas oublié la stupide dissolution de 1997. Tels furent pris qui croyaient prendre…

Dans le nouveau comme dans l’ancien monde, les Machiavel d’arrière-cour ne récoltent souvent que des lauriers fanés. (Exclamations et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Yves Bouloux, sur l’article.

M. Yves Bouloux. S’il est évident que le renouvellement des conseillers départementaux et régionaux doit se faire au plus tard en juin, il est important de souligner ici les difficultés auxquelles nos élus municipaux seront une nouvelle fois confrontés et de saluer leur engagement.

Ils vont devoir organiser un double scrutin, ce qui n’a plus été fait depuis les élections cantonales et municipales de 2008.

Ce double scrutin signifie le doublement de l’ensemble des panneaux électoraux, des bureaux de vote, chaises, tables et urnes, ainsi qu’une mobilisation en plus grand nombre de personnels municipaux et de citoyens pour tenir ces bureaux de vote. Cela aura un coût.

Nos élus vont également être confrontés aux contraintes d’organisation liées au contexte sanitaire. Je souhaite, à cet égard, remercier M. le rapporteur, qui a prévu l’obligation pour l’État de fournir les équipements de protection nécessaires.

Les maires de mon département de la Vienne sont aujourd’hui inquiets des contraintes financières et logistiques liées à ce double scrutin. Il est important que l’État ait conscience de ces difficultés et qu’il les accompagne. (M. Bernard Bonne applaudit.)

Mme le président. L’amendement n° 1 rectifié quater, présenté par MM. Cadec et H. Leroy, Mme Belrhiti, MM. Bascher et Panunzi, Mme M. Mercier, M. Burgoa, Mme Gruny, MM. Klinger et Rapin, Mme Drexler, MM. Pellevat, Favreau, Chaize et Savary, Mme Garriaud-Maylam, M. Cuypers, Mmes de Cidrac, Chain-Larché et Chauvin et MM. Grosperrin, Paul, Laménie et Duplomb, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, le second tour ayant lieu, au plus tard, le 20 juin 2021

La parole est à M. Alain Cadec.

M. Alain Cadec. Je vais être un peu plus terre à terre que mes collègues.

Prenant acte du report et pour donner plus de visibilité aux électeurs et aux candidats, nous proposons de fixer dès à présent les dates exactes des prochaines élections régionales et départementales aux 13 et 20 juin 2021.

Il s’agit d’éviter l’organisation des scrutins le week-end du 27 juin, qui correspond aux premiers départs en vacances.

Tout doit être mis en œuvre pour que les Français puissent renouveler leurs conseils départementaux et régionaux dans de bonnes conditions. Une abstention de l’ampleur de celle des dernières élections municipales serait sûrement une catastrophe pour notre démocratie.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. Je dois dire que l’auteur de cet amendement et ses collègues cosignataires ont adopté une rédaction extrêmement habile.

Je tiens à les en féliciter, parce que cette rédaction n’interfère pas avec les pouvoirs du Gouvernement. Elle ne fixe pas la date des élections, qui relève du décret, mais précise la date jusqu’à laquelle ces élections peuvent être organisées.

La commission estime que les auteurs de l’amendement ont raison d’alerter le Gouvernement sur la nécessité que le second tour de scrutin n’ait pas lieu, comme le second tour des dernières élections municipales, le dernier dimanche du mois de juin, qui est trop proche des vacances scolaires. Une partie de nos concitoyens seront alors partis faire du camping, rejoindre une résidence secondaire ou celle de membres de leur famille, ce que nous ne saurions leur reprocher.

Étant soucieux de la participation, nous préférons que le second tour de scrutin ait lieu non pas le 27 juin, mais au plus tard le 20 juin.

C’est la raison pour laquelle, après en avoir longuement délibéré et avoir pesé le pour et le contre, la commission a émis un avis favorable sur votre amendement, mon cher collègue des Côtes-d’Armor… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Cadec exprime sa satisfaction.)

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je suis désolée, mais, en ce qui nous concerne, notre analyse diverge de celle de la commission des lois. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, puisque nous considérons, comme M. le rapporteur l’a très bien rappelé, que la fixation de la date ne relève pas de la loi. La loi fixe le mois : c’est ce que nous sommes en train de faire avec le présent projet de loi, en retenant le mois de juin. Une fois que ce texte sera voté, il appartiendra au Gouvernement de préciser la date exacte.

Si vous me le permettez, madame la présidente, je veux en profiter pour réagir aux différentes prises de parole sur la date et sur un éventuel nouveau report.

Je veux de nouveau confirmer ce que j’ai dit dans mon propos introductif et ce qu’ont également dit le Premier ministre ainsi que le ministre de l’intérieur à l’instant même, lors de la séance de questions au Gouvernement de l’Assemblée nationale : il n’y a pas de nouvelle date cachée. Il n’y a pas de projet caché du Gouvernement en ce qui concerne le calendrier. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le texte le pose très clairement ! Nous sommes en train de débattre du mois de juin. C’est bien le mois de juin qui est proposé au débat.

Rien ne se fait sans le Parlement. (Exclamations sur les mêmes travées.) Il serait d’ailleurs tout simplement impossible pour le Gouvernement de vouloir repousser de nouveau la date sans en passer par le Parlement. Notre intention est donc bien de faire en sorte que ces élections se tiennent en juin. C’est la proposition que nous formulons et c’est ce dont nous sommes en train de discuter ensemble.

Je tenais à l’exprimer de manière claire.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je prends d’abord acte de ce que vient de dire Mme la ministre : le Gouvernement fixe les élections au mois de juin, sans plus de précision. Il lui appartiendra ensuite de déterminer les dates exactes. Nous parlons bien du mois de juin 2021, madame la ministre ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, si nous sommes collectivement d’accord pour considérer que la crise sanitaire a un impact extrêmement important sur les activités professionnelles et parfois de loisirs de tous les Français, il me paraît normal que les élus et les candidats acceptent qu’elle ait aussi un certain nombre de conséquences pour eux et de fonctionner en mode dégradé, y compris s’agissant de la campagne électorale.

J’ai bien entendu François Bonhomme dire qu’une campagne, c’est aussi de la présence physique. Toutefois, nous devrons inventer de nouveaux moyens. C’est la raison pour laquelle je souscris évidemment au report de six mois des élections.

Au demeurant, on oublie de dire que, n’ayant pas de boule de cristal, nous ignorons si nous serons effectivement sortis de la crise sanitaire au mois de juin et si les élections pourront effectivement se tenir.

Cependant, ce n’est pas négociable : il ne faut pas reporter les élections au-delà de juin 2021. (M. Bruno Belin applaudit.)

M. Jean-Marc Boyer. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Madame la ministre, comprenez que nous vous fassions répéter les choses plusieurs fois !

Pas plus tard que la semaine dernière, le ministre chargé de la santé, que nous n’avions pas vu depuis longtemps au Sénat (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.), est venu nous dire qu’il avait des vaccins pour l’été. Le soir, à la télévision, il disait autre chose…

La semaine dernière, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, le Premier ministre a répondu à notre collègue Kristina Pluchet qu’il n’envisageait absolument rien de plus pour les étudiants, que notre demande en ce sens était « péremptoire ». Scandaleux ! Au reste, le Président de la République affirmait le contraire pas plus tard que le lendemain…

Comprenez donc bien, madame la ministre, que nous n’ayons aucune confiance dans la parole gouvernementale, quoi que vous puissiez répéter ici ou ailleurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Dès lors, nous préférons inscrire les choses dans la loi !

Mme le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. J’ai tendance à préférer la fixation d’une date plutôt que d’un mois.

Mme la ministre nous a indiqué que la loi pouvait fixer le mois, mais pas obligatoirement le jour. Pourrait-elle nous dire sur quelle disposition se fonde cette distinction ?

J’ai beau chercher dans la Constitution, je ne trouve pas.

Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, comment ne ferions-nous pas confiance au Gouvernement ?

Le Gouvernement a-t-il déjà montré de la défiance à l’égard du Parlement, singulièrement du Sénat ? Non, bien entendu… (Sourires.)

Cela étant, ce sera « ceinture et bretelles » : nous voterons cet amendement.

Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, nous voterons également cet amendement.

Il en est des relations entre le Parlement et, plus largement, l’ensemble des élus locaux et le Gouvernement comme des relations entre les citoyens et celui-ci.

M. Laurent Duplomb. Exactement !

Mme Cécile Cukierman. Effectivement, les propos de M. Debré sur le report des élections et sur la date qui pourrait être retenue heurtent tout un chacun. Ils heurtent d’autant plus qu’ils font écho aux propos du Président de la République, qui s’était lui-même demandé devant les présidents des régions de France, quasiment sous la forme d’un chantage au plan de relance, s’il ne fallait pas envisager un report après l’élection présidentielle, sous couvert d’une meilleure efficacité des politiques publiques et des politiques conduites par les régions dans le cadre de leurs compétences en matière de développement économique. Voilà où nous en sommes…

Par conséquent, oui, nous sommes dans notre droit en rédigeant ainsi la loi. Nous le faisons non pas pour jouer au bras de fer avec le Gouvernement, mais parce que, pour faire vivre la démocratie, comme dans la vie en général, nous avons besoin de visibilité.

À cet égard, graver la date des prochaines élections dans ce projet de loi est aussi, à nos yeux, une garantie de leur bon déroulement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je ne peux que déplorer que vous n’ayez pas confiance en la parole du Gouvernement, donc en la mienne.

Pour ma part, j’ai confiance dans la parole des sénateurs…

M. Philippe Bas, rapporteur. Merci !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. … et je suis à votre disposition pour répondre à vos questions et interpellations aussi longtemps que vous le souhaiterez et aussi longtemps que la séance nous le permettra.

Pour répondre justement à l’une des questions qui me sont posées, c’est le décret de convocation des électeurs, pris par le Gouvernement, qui fixe la date des élections.

C’est une disposition du code électoral qui prévoit que l’on fixe le « créneau », si je puis dire, par la loi et que la date exacte est ensuite fixée par décret. Le code électoral est donc la source de cette distinction.

Cela dit, nous nous en remettrons bien évidemment au vote de la Haute Assemblée.

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Grand. Madame la ministre, permettez-moi de plaider pour que le dernier dimanche du mois de juin ne soit pas retenu pour l’organisation des élections, même si cette date ne figure pas dans la loi.

Nous avons ici une certaine expérience des élections. Surtout, nous avons une certaine expérience des dernières élections, où nous avons vu une démobilisation de toutes les sensibilités modérées, de gauche comme de droite, mais pas des extrêmes.

Au regard de ce que je vis et ressens sur le terrain, je pense qu’un scrutin qui serait organisé à la date du 27 juin aura forcément lieu en petit comité. Ceux qui s’y inviteront ne sont pas forcément ceux dont vous et nous souhaiterions qu’ils gagnent les élections régionales et départementales…

C’est un appel à la sagesse que je vous lance. Je vous remercie de l’avoir écouté !

Mme le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je veux revenir sur l’étendue des domaines législatif et réglementaire, qui sont à la base de notre discussion.

La Constitution dispose que la loi « fixe le régime électoral des assemblées locales ». L’usage, depuis 1958, est que la partie législative du code électoral fixe le mois des élections. Par exemple, durant des décennies, les élections municipales et cantonales se sont déroulées au mois de mars, un décret fixant les dimanches choisis.

Il se trouve que tout ce que nous faisons actuellement est dérogatoire au code électoral. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, même sur des sujets qui paraissaient intéressants, nous nous sommes abstenus de déposer des amendements visant les dispositions permanentes de ce code.

Le projet de loi que nous examinons est propre à une circonstance : il adapte le régime électoral pour une élection en raison d’un enjeu de sécurité sanitaire.

Il ne me paraît donc pas déplacé, compte tenu des motifs qui ont déjà été évoqués par les uns et les autres, que l’on fixe au Gouvernement une limite pour prendre le décret de convocation des électeurs et que le Parlement, dans ce texte dérogatoire lié aux circonstances, exclue que le vote ait lieu le 27 juin. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Le début de l’intervention d’Alain Richard m’a un peu inquiété, mais mon collègue m’a ensuite rassuré.

Nous sommes, bien sûr, dans un système dérogatoire. La pandémie ne fait pas d’exceptions et ne cible pas les activités.

Selon nous, le vrai vaccin prodémocratie, c’est le vote. En effet, dans un pays troublé – non pas uniquement du fait de l’action du Gouvernement, mais en raison de la situation actuelle –, tout est remis en cause : les valeurs, les systèmes…

Si l’on ne donne pas à la population la possibilité de s’exprimer de manière régulière, rapide et de manière fixe par un vote, il y aura un doute sur la totalité de l’activité de la sphère publique.

Bien sûr, il faut respecter le code électoral, mais on ne peut faire abstraction de la pandémie ! Au demeurant, le code électoral peut être modifié par la loi.

M. Philippe Bas, rapporteur. Bien sûr !

M. Roger Karoutchi. Si nous avons aujourd’hui à débattre du moment de ce vote, c’est parce qu’il faut qu’il ait lieu en juin – surtout pas au-delà ! Qu’on ne trouve pas de circonstances ou de prétextes pour le reporter encore. En raison de la pandémie, il faudra peut-être mieux encadrer la campagne ou renforcer encore les conditions sanitaires le jour du scrutin ; mais ne bougeons plus la date du vote ! Nous risquerions de mettre en doute la crédibilité même de ces élections déjà reportées deux fois. Nous avons besoin de stabilité.

Des pays en Europe, parfois confinés, parfois touchés par une crise sanitaire bien pire que la nôtre, votent et élisent leur Président de la République ou leurs instances locales. Nous ne sommes pas indignes de la démocratie dont les autres profitent aussi.

Par ailleurs, madame la ministre, il est de l’intérêt de tous que le plus grand nombre possible de nos concitoyens votent. En choisissant le dernier dimanche de juin, le risque d’abstention est forcément plus important. Choisissons une date. Nous ne vous demandons pas un engagement dès aujourd’hui. Vous pouvez toujours vous retrancher derrière la compétence du Gouvernement en matière de décret.

Au travers de ce vote, le Sénat cherche non pas à imposer sa volonté au Gouvernement, mais simplement à lui faire comprendre que nous avons tout intérêt, ensemble, à ce que le plus grand nombre de personnes viennent voter en juin prochain pour rendre à ce pays sa fierté dans la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Nous partageons parfois les mêmes arguments dans cet hémicycle. Madame la ministre, entendez les parlementaires que nous sommes.

M. Richard a raison : il s’agit d’une dérogation au code électoral. Mais dans quelle situation sommes-nous sinon dans celle d’un état d’urgence répétitif ? Oui, il faut déroger !

Il ne s’agit pas d’une question de confiance, madame la ministre. Essayons d’éviter les polémiques et restons factuels : cette mandature, c’est 287 ordonnances, dont 83 pendant la crise. Quand on a commis 83 ordonnances durant la crise du covid, on peut passer quelques heures ici à discuter de la date des élections. Faisons en sorte que le bon sens l’emporte : madame la ministre, vous avez aussi bien compris que nous que le dernier dimanche était la plus mauvaise solution. Alors, arrêtons les dates.

La citoyenneté recule. Sans doute échangerons-nous de grands mots sur l’abstention et l’éloignement des citoyennes et des citoyens du politique. Dans sa définition grecque, la politique, c’est la vie de la cité, la vie du lieu-dit, du village, de la ville… Il faut remettre de la confiance.

Ce que nous vous demandons est simple, madame la ministre. Nous allons tous voter cet amendement : accompagnez-nous. Il s’agit non pas d’une histoire de combinaison politicienne, mais de rassurer notre maillage démocratique et républicain. Il faut des départements et des régions, et c’est aux électrices et aux électeurs qu’il revient de décider de la majorité politique au regard des politiques publiques choisies. C’est extrêmement important, c’est quelque chose qui a du sens.

Madame la ministre, nous vous demandons un acte de confiance envers les collectivités territoriales dans un esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST, UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Bas, rapporteur. Certains de nos collègues ont exprimé un manque de confiance dans la parole du Gouvernement. Je pourrais dire que nous n’avons pas non plus confiance dans le silence du Gouvernement.

Si vous nous aviez dit que notre demande était de bon sens, si vous nous aviez assuré que vous n’organiseriez pas le scrutin le 27 juin, alors nous aurions été rassurés, car il y aurait eu un engagement gouvernemental. Mais vous ne nous l’avez pas dit.

Vous vous êtes contentée de nous dire que nous, représentation nationale, n’avions pas le droit de fixer la date des élections régionales et départementales. Et je vous dis, madame la ministre, après Alain Richard : bien sûr que si, nous en avons le droit !

La raison est simple : ce n’est pas la Constitution qui prévoit que le Gouvernement fixe la date des élections par le décret de convocation des électeurs ; c’est la loi. Et la loi, madame la ministre, c’est nous qui la votons ! Nous pouvons donc tout à fait déroger aux articles L. 220 et L. 357 du code électoral, posés par le Parlement, pour prévoir que le second tour des élections régionales et départementales ne pourra avoir lieu après le 20 juin prochain.

Permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que votre argument juridique est nul et non avenu. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) L’argument démocratique, en revanche, a une valeur inestimable, raison pour laquelle nous le défendons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE, SER et CRCE.)