Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. L’Assemblée nationale a tout fait !

Mme Barbara Pompili, ministre. « À quoi bon prendre des mesures alors que la France ne représente que 0,8 % de la population mondiale et que, quand bien même nous fournirions nos meilleurs efforts, nous ne pourrions, à nous seuls, changer le cours du réchauffement climatique ? », me demandent certains d’entre vous. Penser ainsi, c’est ne pas prendre la mesure de notre place aux niveaux européen et international.

Nous avons connu quelques années durant lesquelles les États-Unis se sont complètement retirés du jeu des relations multilatérales ; il a alors fallu prendre la main pour continuer à mener le combat climatique vis-à-vis des autres acteurs.

La France a joué un rôle, j’en suis très fière et nous pouvons l’être collectivement, en maintenant cette question à l’agenda politique internationale. Ainsi, les One Planet Summits ont été organisés et de nombreuses réunions internationales ont permis de faire avancer cette question.

Dès lors que la France a été présente, qu’elle a une réputation internationale, que les accords de Paris ont été signés sur son sol, chaque fois que nous évoquons le réchauffement climatique, nous sommes regardés à l’international. C’est pourquoi nous devons mener une politique cohérente, afin de ne pas nous trouver confrontés à des incohérences entre nos paroles et les politiques que nous mettons en place. Ce n’est pas si simple.

Enfin, nous jouons également un rôle au niveau européen. Je suis très souvent d’accord avec Stéphane Demilly, mais je ne partage pas ses propos selon lesquels l’Union européenne ne ferait rien en ce moment au sujet du réchauffement climatique. Pardonnez-moi, mais la nouvelle Commission a donné une impulsion très forte en augmentant l’exigence de baisse d’émissions de gaz à effet de serre à 55 %, avec un paquet législatif, avec des lois lourdes, qui vont être présentées le 14 juillet – le jour de notre fête nationale, cela ne s’invente pas.

Ces textes contiendront des mesures très fortes pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre, pour améliorer l’efficacité énergétique, pour augmenter la part des énergies renouvelables, mais aussi pour travailler sur l’économie circulaire, sur les batteries, sur la relance de notre industrie et surtout sur un prix du carbone, et sur ce qu’on appelle une taxe carbone aux frontières européennes. Ces textes sont portés par la volonté que le travail que nous faisons entraîne le reste du monde et devront bien sûr être couplés avec ce que nous faisons au niveau international pour aider les pays qui en ont besoin.

Ce que nous sommes en train de faire s’inscrit donc dans un cadre plus global. J’espère que nous réussirons.

Je remercie les rapporteurs, le travail qui a déjà été fait est très important, et je partage un certain nombre de leurs choix, d’autres me semblent au contraire constituer des reculs ; ce sont les règles du débat démocratique, et cela me va très bien.

Je souhaitais dire cela en réponse à cette riche discussion générale. J’ai hâte d’entendre la suite, en espérant toutefois que nous laisserons les dieux et les religions là où ils sont, c’est-à-dire en dehors de cet hémicycle.

M. le président. La discussion générale est close.

Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Intitulé du titre 1er A

Article additionnel avant le titre Ier A

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.

L’amendement n° 126 est présenté par MM. Dantec, Gontard, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

L’amendement n° 128 rectifié ter est présenté par MM. Longeot, Marseille, S. Demilly et Moga, Mme Jacquemet, MM. Capo-Canellas, Bonnecarrère, Henno, Guerriau et Laugier, Mmes Vermeillet et Billon, M. Menonville, Mme Loisier, M. Prince, Mme Dindar, M. J.M. Arnaud, Mme Saint-Pé, MM. Pellevat, A. Marc, Kern et Le Nay, Mme Gatel, MM. Cigolotti, Delcros, Wattebled, Canévet et Chasseing, Mmes Perrot et Férat, MM. Maurey et Duffourg, Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° 141 est présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 235 est présenté par M. Mandelli.

L’amendement n° 673 rectifié est présenté par MM. Corbisez et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

L’amendement n° 1684 est présenté par MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

I. – Avant le titre Ier A : Dispositions liminaires

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

En cohérence avec l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 qu’elle a ratifié, et dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe auquel elle a librement souscrit, la France s’engage à respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre découlant de la révision prochaine du règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre …

Atteindre les objectifs de l’accord de Paris et du Pacte Vert pour l’Europe

La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 126.

M. Ronan Dantec. Je suis heureux de présenter cet amendement avec d’autres groupes du Sénat. Il est simple, mais il manquait à ce texte.

Madame la ministre, nous savons où doit se situer le curseur ! C’est l’objet de cet amendement, que l’on pourrait qualifier de « précision ». Il vise à ce que la France s’engage à respecter l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre inscrit dans le règlement dit de « partage de l’effort », qui devrait se situer aux alentours de 50 % pour notre pays en 2030, d’après les échos que nous avons de la négociation européenne. Peut-être nous en direz-vous plus ? C’est extrêmement important ; de plus, c’est sans doute la première fois que le Sénat, dans sa diversité, affirme son accord avec cet objectif européen et son soutien politique à la négociation internationale.

Cet amendement est un peu un cadeau que le Sénat vous fait. Quand vous allez arriver à Glasgow pour la COP, vous aurez en face de vous, par exemple, les membres de la délégation chinoise et d’autres délégations. Je les connais, je les ai un peu pratiqués. Ils vous demanderont pourquoi vous leur réclamez de faire tant d’efforts, alors même que votre Haut Conseil pour le climat a produit une évaluation critique de votre propre loi, indiquant que vous n’atteindrez pas l’objectif de 55 %. Vous pourrez alors leur répondre que vous avez derrière vous toute la représentation nationale unie pour respecter cet objectif, renforçant ainsi la position de la France et celle de l’Union européenne dans cette négociation.

Bien sûr, si l’on est un peu mal intentionné – ce qui n’est évidemment pas notre cas –, on ne peut manquer de constater que cet amendement emporte deux conséquences.

D’abord, son adoption ne comblera pas les 20 points manquants entre cet objectif et la réduction de 35 % à laquelle ce texte devrait aboutir en 2030. Vous avez quinze jours pour nous dire comment les trouver.

Ensuite, cela signifie que les groupes qui présentent ces amendements sont d’accord avec cet objectif et que tous, avec, peut-être, des visions différentes, vont proposer des améliorations de la loi qui permettront à la France de respecter l’objectif européen de 55 %. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 128 rectifié ter.

M. Jean-François Longeot. Le présent amendement vise à conforter le respect de nos engagements européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre, lesquels découleront de la révision prochaine du règlement sur la répartition de l’effort. Cette révision devra fixer, pour chaque État membre et de manière différenciée, des objectifs nationaux de réduction des émissions cohérents avec le nouvel objectif européen que la France a contribué à façonner au sein de la proposition de règlement, dite loi européenne.

Le Haut Conseil pour le climat juge le présent projet de loi insuffisant pour atteindre les objectifs climatiques de la France. À l’aune de la COP26 et de la présidence française de l’Union européenne, il nous semble donc indispensable de rappeler cet engagement, alors que le Conseil européen a validé un nouvel objectif rehaussé lors de sa réunion des 10 et 11 décembre dernier.

Plusieurs instruments devraient faire l’objet d’une révision, comme la directive de 2003 sur le marché européen des quotas de carbone ou encore le règlement de 2018 sur la répartition de l’effort ; le présent projet de loi se doit d’accompagner cette dynamique européenne dans laquelle notre pays joue un rôle moteur.

Dès lors, cet amendement, en rappelant la nécessité de respecter les objectifs de l’accord de Paris et du pacte Vert, vise à conforter la crédibilité de notre pays, qui se considère à raison comme l’un des États les plus actifs en matière environnementale et climatique au sein de l’Union européenne. L’adoption de cet amendement sera l’occasion d’en apporter la preuve. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 141.

Mme Marie-Claude Varaillas. Par cet amendement, porté par l’ensemble des groupes, nous souhaitons collectivement rappeler l’engagement de la France en matière d’écologie et de lutte contre le changement climatique.

Tout le monde, ou presque, reconnaît aujourd’hui l’urgence ; la remise du cinquième rapport du GIEC souligne la nécessité de limiter la hausse des températures pour maintenir des conditions compatibles avec la vie. Pourtant, selon certains scenarii et sans action concrète de la France, cette hausse risque d’atteindre 3 ou 4 degrés d’ici à 2100.

La prise en compte de la question environnementale a connu une longue évolution historique, notamment depuis le sommet de la Terre à Rio. Les travaux des conférences des parties de l’ONU ont permis des avancées concrètes, avec le protocole de Kyoto en 2007 et, plus récemment, l’accord de Paris en 2015. L’ONU a également élaboré des objectifs de développement durable afin de promouvoir les droits humains et le développement. L’Union européenne, quant à elle, a produit des normes imposant des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2007, en 2014 et, plus récemment, à l’occasion du Green Deal de septembre 2020, qui vise à réduire d’au moins 55 % les émissions par rapport à 1990 à l’horizon de 2030.

L’article 3 du traité de l’Union européenne et l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne reconnaissent en outre le droit de l’environnement.

La loi Énergie-climat affirme la volonté de la France de réduire de 40 % la consommation d’énergie fossile par rapport à 2012 d’ici à 2030 ; cet objectif est confirmé par la présente loi.

Au-delà de cette loi du « blabla », comme on l’appelle désormais, la France a contracté des obligations contraignantes avec l’accord de Paris et les directives européennes ; l’État peut être condamné, comme cela avait été le cas avec l’affaire du siècle. Je rappelle également la récente décision du juge constitutionnel allemand, lequel a censuré une loi qui ne respectait pas les engagements climatiques.

Cet amendement vise à rappeler cette exigence.

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour présenter l’amendement n° 235.

M. Didier Mandelli. Comme les collègues qui m’ont précédé l’ont exprimé, nous souhaitons, au travers de cette démarche collective, portée pratiquement par tous les groupes, signifier notre attachement au respect des engagements pris par notre pays dans le cadre de l’accord de Paris et au niveau européen.

À la différence d’un certain nombre de nos collègues, mon groupe ne souhaite pas mettre en avant l’objectif de 55 %, dans la mesure où ce taux peut varier en fonction de la répartition des efforts entre les pays européens. Peut-être serons-nous ainsi à 49 % ou à 50 %. Même si une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre peut représenter, pour certains de nos collègues, un objectif à atteindre à tout prix, ce n’est pas notre positionnement. Le G7 a défini hier 50 %, par exemple, et on entend parfois parler de 40 %.

Au-delà des chiffres, l’important est d’affirmer la démarche à adopter pour notre pays pour atteindre l’objectif qui sera fixé. Ce texte, avec les nombreux amendements qui seront adoptés et les évolutions dues aux rapporteurs, nous permettra de tendre vers cet objectif.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour présenter l’amendement n° 673 rectifié.

M. Jean-Pierre Corbisez. À l’instar des amendements qui viennent d’être présentés, le présent amendement vise à affirmer dans la loi que la France respectera les engagements forts qu’elle a pris au niveau international à travers l’accord de Paris et le pacte Vert européen.

En reprenant les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, ce projet de loi devait permettre, en complément de l’action que le Gouvernement mène par ailleurs, d’atteindre une réduction de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Comme nous le savons, cette ambition a été renforcée depuis au niveau européen, qui porte désormais cet objectif à 55 %. Or nous assistons à un nouveau rendez-vous manqué. Après la loi Égalim, la LOM, la loi Énergie-climat et la loi AGEC, nous craignons qu’il ne faille à nouveau légiférer rapidement pour remettre la France sur les rails.

Il n’est malheureusement plus rare, pour les parlementaires que nous sommes, de devoir nous prononcer une nouvelle fois sur des mesures à peine promulguées, voire encore en attente d’application. Lorsque les mesures de la Convention citoyenne sont reprises, elles le sont malheureusement à des échéances bien trop lointaines par rapport à la trajectoire et aux responsabilités qui nous incombent.

Le présent amendement vise donc à ce que la France respecte les objectifs qui lui seront fixés lors de la révision du règlement européen sur la répartition de l’effort, qui fixera pour chaque État membre de l’Union des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 1684.

M. Joël Bigot. Nous souhaitons, par cet amendement, alerter le Gouvernement sur le fait que nos engagements pris lors du précédent quinquennat s’imposent à nous dès maintenant. La condamnation récente de l’État vient de confirmer l’urgence à agir.

Les signaux envoyés dans le domaine environnemental par le Gouvernement ne sont pas bons. Ce dernier a ainsi revu la stratégie nationale bas-carbone en abaissant ses objectifs en 2020. L’objectif de réduction de 2,3 % des émissions de gaz à effet de serre a été reculé à 1,5 %, de manière à faire passer la performance de 1,7 % pour une prouesse écologique. Est-ce bien à la hauteur du défi climatique ?

Il ne doit pas revenir aux générations suivantes d’assumer notre inaction climatique ; le réchauffement climatique est un enjeu contemporain, nous ne pouvons plus barguigner devant l’objectif d’une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et de neutralité climatique d’ici à 2050.

De plus, ces objectifs ne peuvent être décorrélés d’une politique de justice sociale volontariste, comme le préconisait très justement la Convention citoyenne pour le climat ; la France ne peut être en retrait sur ces dossiers, pour lesquels elle a beaucoup œuvré.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain en appelle donc à la cohérence et à la responsabilité écologique et sociale de l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Comme vous l’avez compris, madame la ministre, il nous semble important de rappeler les objectifs climatiques de la France. C’est la raison pour laquelle la commission est favorable à ces six amendements identiques, qui visent à inscrire au début de ce projet de loi le nouvel objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Vous souhaitez, à travers ces amendements, introduire l’obligation pour la France de respecter un règlement européen et, plus largement, l’accord de Paris.

Vous avez raison de souligner que la révision de l’objectif européen – 55 % net de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 – nécessitera que la France relève son objectif de réduction des émissions, fixé à 40 % en 2030 par rapport à 1990. Ce relèvement dépendra des négociations sur la répartition de l’effort entre les pays de l’Union européenne, lesquelles devraient aboutir dans les prochaines semaines ou les prochains mois.

Reste que les excellents légistes que vous êtes savent qu’il n’est pas nécessaire de le rappeler dans la loi, puisque les accords internationaux prévalent dans la hiérarchie des normes. Il s’agit donc d’une disposition tautologique, relevant du symbole.

On dit parfois que cette loi est bavarde et qu’elle contient beaucoup de symboles. Je ne suis pas opposée aux symboles, il y en a dans ce texte, et j’y suis attachée, surtout lorsqu’il s’agit d’honorer nos engagements internationaux et de répondre à notre ambition environnementale. Pour cette raison, je m’en remets à la sagesse de cette assemblée. Je suis persuadée que le Sénat saura garder en tête cette ambition lorsque les amendements visant à améliorer le texte et, surtout, ceux qui tendront à en abaisser l’ambition seront présentés pendant les deux prochaines semaines.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. J’entends bien que l’amendement a un caractère tautologique, mais la loi elle-même ne respecte pas l’engagement européen. C’est bien là la difficulté. Il faudra bien que, durant ces quinze jours, à un moment de notre discussion, vous nous expliquiez comment vous comptez faire pour que la loi le respecte. Il serait également bien de nous dire – on est là pour se dire les choses – ce que la France va défendre par rapport au règlement européen.

Le groupe écologiste a fait un travail sérieux en rédigeant une vraie loi Climat avec une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre pour la France et en la quantifiant mesure par mesure. Cet objectif nous semble tout à fait réalisable. Je pense qu’en tant que grande puissance porteuse de l’accord de Paris, la France devrait se caler sur l’objectif européen de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre.

Quelle est la stratégie française par rapport à la négociation du partage de l’effort ? Voilà notre première interrogation. Elle est importante. Or, pour l’instant, vous ne lui avez pas apporté de réponse.

Même si la France parvenait à atteindre une baisse de 49 % à 50 % des émissions, où trouvera-t-elle les 15 ou 20 points manquants pour y parvenir ? Boston Consulting Group, dont j’ai lu la totalité du rapport, ne parvient pas à évaluer votre projet de loi, le Haut Conseil pour le climat a émis une critique au vitriol sur son impact, tandis que la totalité des ONG qui sont penchées dessus trouve à peu près les mêmes résultats : on gagne 10 à 15 points par rapport à ce qui a été gagné entre 1990 et 2020. Nous avons donc vraiment besoin de vous entendre sur la stratégie.

En outre, comme nous mettons tous en œuvre des politiques publiques dans les territoires depuis longtemps, je peux vous dire qu’il faut dix ans entre le vote d’une loi et son impact maximum. C’est donc bien la loi que nous allons voter maintenant qui définira le niveau des émissions françaises dans dix ans. Si ce niveau n’est pas crédible par rapport aux projections, y compris mondiales – vous le savez comme moi, les négociations internationales sont extrêmement tendues –, c’est bien la mécanique de l’accord de Paris qui s’en trouvera fragilisée, notamment la régulation et la taxe climat aux frontières, sur laquelle nous sommes d’accord. Nous avons donc besoin que vous nous donniez des informations plus précises. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.

M. Frédéric Marchand. Nous n’avons pas déposé d’amendement, non pas parce que le respect de l’accord de Paris et du pacte Vert européen nous est complètement inconnu, mais parce que nous considérons que cette loi constitue une étape supplémentaire qui fait suite aux nombreux dispositifs déjà mis en œuvre sur l’initiative du Président de la République et du Gouvernement depuis 2017 afin que la France soit en mesure de respecter ce qui a été gravé dans le marbre en 2015 et d’être au rendez-vous vis-à-vis de ses engagements européens.

Cela étant, nous voterons bien évidemment ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Madame la ministre, vous avez raison, la politique peut être affaire de symboles. Néanmoins, ce n’est pas du tout le cas s’agissant de ces amendements déposés par la plupart des groupes.

Faire de la politique, c’est avoir une vision d’avenir. Or comme vous nous dites qu’il s’agit du grand projet de loi fondateur sur la question climatique, nous vous répondons que nous devons nous fixer un objectif ambitieux, le décliner via des propositions et prévoir un calendrier pour le respecter.

Dans sa très grande majorité, le Sénat veut inscrire le respect de l’accord de Paris et de nos engagements européens, avec la perspective que vous avez donnée à la Convention citoyenne pour le climat, à savoir une baisse de 50 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2030. En effet, après le détricotage de l’ensemble de ses propositions, on voit qu’on est loin de pouvoir tenir cet engagement !

Si nous retenons cet objectif, vous avez raison, madame la ministre, l’ensemble des propositions que nous allons devoir adopter devront s’y conformer. Si nous-mêmes ne respectons pas l’objectif que nous nous fixons, il y aura un problème. Sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, nous ferons beaucoup de propositions pour l’atteindre.

Ces amendements, je le répète, ne sont pas une affaire de symbole : on ne peut pas parler d’alimentation et d’agriculture sans évoquer les traités de libre-échange ou discuter d’énergie sans évoquer l’avenir d’EDF. Or vous parlez d’un grand projet de loi Climat sans évoquer l’objectif à atteindre collectivement.

Vous êtes donc en difficulté, car, si nous votons ces amendements ambitieux, tout le débat se réorientera dans les quinze prochains jours de façon différente.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Barbara Pompili, ministre. Je le répète – je l’ai déjà dit lors de la discussion générale –, cette loi à elle seule ne résoudra pas tous les problèmes liés aux émissions de gaz à effet de serre.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ça, c’est sûr !

Mme Barbara Pompili, ministre. Ce n’est absolument pas sa vocation. Elle fait partie d’un ensemble de mesures que nous avons prises depuis le début du quinquennat.

La petite difficulté que nous avons, c’est que l’analyse du Haut Conseil pour le climat se focalise uniquement sur cette loi. Seul le Boston Consulting Group a réalisé une analyse qui tient compte des autres mesures prises depuis le début du quinquennat. D’après ce cabinet, si tout ce qui a été lancé depuis le début du quinquennat est mis en œuvre de façon volontariste – il ne suffit pas d’adopter des règles, il faut aussi bien évidemment qu’elles soient suivies d’effets –, nous serons dans les clous : nous atteindrons une baisse de 40 %.

Par ailleurs, il y a effectivement eu un rehaussement, proposé par la Commission européenne. Aujourd’hui, nous travaillons pour nous adapter à cette hausse ; c’est l’objet des négociations dont je vous ai parlé. Je pense que vous comme moi trouverions assez bizarre, au milieu d’amendements, d’augmenter d’un seul coup ceci ou cela pour tenir l’engagement de 55 %. Agissons de manière organisée et ordonnée. Faisons déjà en sorte d’atteindre les 40 %, puis travaillons aux mesures complémentaires qu’il faudra prendre pour atteindre l’objectif, pas encore défini, qui sera dévolu à la France. Voilà qui me paraît de bonne organisation.

Si nous réussissons, rien que dans ce projet de loi, à tenir l’objectif que nous nous sommes collectivement fixé, nous aurons déjà fait œuvre utile.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 126, 128 rectifié ter, 141 et 235, 673 rectifié et 1684.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 131 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 341

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Frédéric Marchand applaudit également.)

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant le titre Ier A.

TITRE Ier A

DISPOSITIONS LIMINAIRES

(Division et intitulé nouveaux)

Article additionnel avant le titre Ier A - Amendements n° 126,  n° 128 rectifié ter,  n° 141, n° 235, n° 673 rectifié et n° 1684
Dossier législatif : projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets
Article 1er A (nouveau)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1039, présenté par MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Soutenir l’action des collectivités territoriales

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. En adoptant les amendements précédents, nous avons fait passer un message puissant du Sénat en faveur du respect de nos engagements européens.

Je remercie la rapporteure, Marta de Cidrac, d’avoir permis qu’un amendement extrêmement important de notre groupe soit adopté en commission. J’espère qu’il survivra à la CMP – nous avons été nombreux à dire que nous sommes ouverts à un accord.

Cet amendement, qui est devenu l’article 1er A, permet enfin de mettre en place une dotation climat pour les collectivités territoriales, mesure que nous avons votée si souvent à la quasi-unanimité, voire à l’unanimité au Sénat. Christine Lavarde s’en souvient, puisqu’elle l’a plusieurs fois défendue avec moi.

Madame la ministre, vous nous avez indiqué que, si l’on est très volontariste – ce que vous avez dit est tout de même quelque peu exagéré par rapport à ce qu’a écrit le Boston Consulting Group –, on pourra atteindre l’objectif de 40 %. Reste que l’on ne pourra pas l’atteindre sans la mobilisation des collectivités territoriales. La moitié des émissions de gaz à effet de serre sont liées à la vie quotidienne des Français, notamment à la manière de se loger, de se nourrir ou de se déplacer.

Sans une mise en cohérence de toutes les grandes politiques publiques structurantes dans les territoires, nous ne tiendrons pas les engagements – nous l’avons démontré. À l’inverse – je peux m’appuyer sur l’exemple de ma bonne ville de Nantes et de Nantes Métropole –, les territoires qui ont fait cet effort ont des résultats.

Nous vous proposons donc une dotation climat adossée à la mise en œuvre des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et du volet énergie des Sraddet. En outre, avec le contrat de relance et de transition écologique, que je soutiens, nous avons le cadre de la contractualisation. Tout est donc en place. Il faut maintenant que ce milliard d’euros, par un fléchage ou non d’une part de la recette de la contribution climat-énergie, soit vraiment dévolu aux territoires.

Il fallait un amendement rédactionnel pour introduire l’article 1er A. C’est la raison pour laquelle nous proposons le présent amendement. Ainsi, plutôt que d’écrire « Dispositions liminaires », ce qui ne veut pas dire grand-chose, nous proposons l’intitulé suivant : « Soutenir l’action des collectivités territoriales ».