Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Comme l’a dit Pierre Laurent, nous voici parvenus au cœur du sujet : l’article 17 est celui qui rend la loi SRU permanente.

À cet égard, j’ai une pensée pour le législateur de l’époque, pour le gouvernement de Lionel Jospin, pour le ministre qui a porté ce texte, Jean-Claude Gayssot. Depuis 2000, la loi SRU a permis la construction de 900 000 logements sociaux. C’est une loi très forte de solidarité.

Je me réjouis donc vivement que, sur ces travées comme en commission, on soit parvenu à un consensus sur la possibilité de réaménager cette loi à l’approche de sa date d’expiration, en trouvant le bon équilibre entre les contraintes qu’elle fait peser sur les maires et l’impératif de solidarité et de mixité sociale.

Je tiens par ailleurs à saluer le travail effectué par Thierry Repentin, la rédaction proposée par le Gouvernement, complétée par la commission, étant très largement issue des travaux de la commission nationale SRU qu’il préside.

Je pense que nous sommes parvenus à point d’équilibre. La loi SRU devient permanente, ce qui signifie que, tant qu’une commune n’aura pas réalisé 25 % de logements sociaux, la mécanique continuera, mais elle prévoit des souplesses et des adaptations indispensables, telles que celles qui sont prévues dans le présent article. La mécanique actuelle de la loi SRU aurait contraint les communes à combler intégralement l’écart entre leur situation réelle et leur objectif au cours de la période triennale 2023-2025. Un tel rattrapage n’était pas possible. C’est pourquoi il est nécessaire de revenir sur ces dispositions aujourd’hui.

Après ce propos liminaire, j’en viens aux avis du Gouvernement sur les amendements.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1501, qui vise à rétablir l’échéance de 2025 et à supprimer un certain nombre de dispositions introduites en commission, dont la mutualisation intercommunale. Mme la rapporteure pour avis l’a rappelé, la portée de cette disposition est limitée puisqu’une mutualisation n’est possible qu’entre communes déficitaires. C’est une corde de rappel absolument indispensable.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements identiques nos 27 rectifié et 840 rectifié bis, qui visent à supprimer tout seuil plancher et à prévoir, dans le cadre des contrats de mixité sociale, la prise en compte d’un faisceau de critères. Or un régime dérogatoire est déjà prévu : nous allons passer d’un rattrapage d’un tiers à un rattrapage d’un quart de l’écart dans le cadre d’un contrat de mixité sociale. Je pense qu’il faut prévoir un rattrapage minimum afin de ne pas dévaloriser trop fortement la loi.

En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 481 de Mme Artigalas. Le contrat de mixité sociale, qui prévoit de passer d’un taux de rattrapage de 33 % à un taux de 25 %, doit conserver un caractère exceptionnel : il s’agit de permettre à une commune de faire face à des difficultés. L’amendement n° 481 vise à prévoir que ce dispositif ne peut s’appliquer qu’au cours de deux périodes triennales.

L’amendement n° 230 rectifié vise à soumettre les contrats de mixité sociale à un avis conforme de la commission nationale SRU. Je pense que c’est trop restrictif, car un tel dispositif ne permettrait pas de prendre en compte les cas particuliers.

Sur le fond, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 609 rectifié quater. Il en demande toutefois le retrait au profit de l’amendement n° 482 de Mme Artigalas, qui sera ultérieurement appelé en discussion et qui porte sur le rôle de la commission.

Mme le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Permettez-moi de faire une remarque après le bilan qui vient d’être fait de la loi SRU, même si je ne suis vraiment pas un spécialiste du logement.

Lorsque je discute avec des bailleurs, ils me disent souvent que, pour répondre à des appels d’offres, ils doivent payer le foncier très cher, ce qui réduit ensuite leurs capacités à construire des logements plus modernes.

J’ai visité des logements incluant de la domotique par exemple, dans lesquels les volets se ferment quand il fait trop chaud, comprenant de larges portes et des cloisons amovibles, ce qui facilite la vie des personnes handicapées. Le fait de construire des toilettes aux normes pour personnes handicapées dans tous les logements, même si ces derniers ne sont pas ensuite occupés par des handicapés, conduit à réduire la surface des pièces afin de ne pas dépasser l’enveloppe globale prévue pour la construction. Ne pourrait-on pas réfléchir à une solution permettant de construire des logements mieux adaptés et transformables en fonction du handicap éventuel de leurs occupants, des logements répondant à des critères modernes et incluant notamment de la domotique afin de rendre un meilleur service ?

Il faudrait trouver un équilibre économique pour faire en sorte que le coût des terrains ne mange pas une grosse partie de l’enveloppe et ne conduise pas les bailleurs à réduire leurs ambitions.

Mme le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard. L’article 17 est un élément déterminant de la réflexion engagée sur votre initiative, madame la ministre. Il s’agit de rendre la loi SRU permanente sans en modifier les objectifs, d’essayer de parvenir à un consensus tout en restant sur les fondamentaux et sans perdre de vue les effets vertueux de cette loi.

Pour autant, Mme la rapporteure pour avis l’a rappelé – c’est pour cela que je suivrai son avis –, il faut éviter de corseter un certain nombre de points du texte, même si on peut comprendre l’objectif des auteurs de certains amendements. Si l’on veut atteindre les objectifs en termes de production de logements, dans le cadre d’un contrat de mixité sociale, tout en faisant face aux difficultés et en prévoyant les adaptations nécessaires pour chaque collectivité, en lien avec le préfet, il faut éviter d’introduire des verrous qui empêcheraient toute différenciation, au sens où on l’entend dans le présent projet de loi.

S’il était adopté, l’un des amendements en discussion remettrait en cause ce qui est pour moi la pierre angulaire de notre démarche. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, mais je le répète : si la commission nationale SRU peut remettre en question les contrats de mixité sociale, alors autant renoncer à tout ce que nous sommes en train de faire ! Je ne l’aurais peut-être pas dit si je n’avais pas rédigé mon rapport, après avoir jugé sur place et sur pièces, mais il existe des précédents. Il est malheureusement arrivé que le préfet voie remis en question le travail effectué avec les collectivités.

Si la commission peut s’asseoir sur le travail très fin, de longue haleine, mené en concertation entre les services de l’État, sous l’autorité du préfet, et les collectivités, alors je m’interroge sur l’utilité de tout ce que nous avons construit ici, au Sénat, après avoir consulté des centaines de maires et travaillé avec vous en bonne intelligence, madame la ministre.

Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je suivrai naturellement l’avis de la commission sur ces différents amendements, sauf sur les amendements identiques nos 27 rectifié et 840 rectifié bis. Vous nous dites, madame la rapporteure pour avis, qu’ils renvoient à des exemptions expressément déterminées. Je n’ai pas lu ces amendements ainsi. J’ai considéré que les dérogations figurant dans l’objet ne visaient pas de façon exclusive et limitative les amendements tels qu’ils nous sont proposés.

J’en profite pour vous dire, madame la ministre, puisque vous avez rendu hommage aux pères de la loi SRU de 2000, que je ne partage pas votre opinion, mais alors pas du tout ! (Sourires sur les travées du groupe SER.) Certes, cette loi a effectivement contribué à la réalisation de logements sociaux, mais je suis au regret de vous dire que nous sommes nombreux à demander depuis son adoption, par voie d’amendements, la mise en place de contrats de mixité sociale tels qu’ils sont prévus aujourd’hui. Or on ne nous a jamais écoutés !

Les amendes se sont multipliées au fil des années, quels que soient les gouvernements, mais pour rien, vraiment pour rien. Des communes, comme la mienne, ont essayé de lancer des opérations de construction de logements sociaux avant même l’adoption de la loi SRU, mais il leur a été totalement impossible de parvenir aux objectifs prescrits par la loi. J’ai essayé de l’expliquer à tous les ministres du logement qui se sont succédé depuis lors, en vain. C’était une véritable course à l’échalote, on ne pouvait pas y arriver.

Pourtant, chaque année, malgré les efforts réalisés, on a dû payer des amendes qui, excusez-moi de le dire ainsi, me sont restées sur l’estomac. J’ignore ce à quoi ces amendes ont servi – à rien, probablement. En tout cas, les préfets n’ont pas utilisé le produit de ces amendes pour créer des logements sociaux.

Je regrette que l’on n’ait pas prévu au départ dans la loi SRU la possibilité pour le représentant de l’État de négocier avec chaque commune ce qu’il était possible d’y construire en fonction des contraintes et des périmètres urbanisables de celles-ci. Nous y venons doucement aujourd’hui. Je remercie d’ailleurs la commission d’aller dans ce sens. Pour ma part, je serais allé encore plus loin, je dois le dire, mais nul n’est parfait, madame la rapporteure pour avis. (Sourires.) Nous y viendrons, vous allez voir !

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1501.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Monsieur Laménie, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?

M. Marc Laménie. Non, je le retire.

Mme le président. L’amendement n° 27 rectifié est retiré.

Monsieur Marc, l’amendement n° 840 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Alain Marc. Non, je le retire.

Mme le président. L’amendement n° 840 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 481.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 230 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. Monsieur Marie, l’amendement n° 609 rectifié quater est-il maintenu ?

M. Didier Marie. Non, je le retire.

Mme le président. L’amendement n° 609 rectifié quater est retiré.

L’amendement n° 1499 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… Le V est ainsi rédigé :

« V. – À Paris, Lyon et Marseille, le programme local de l’habitat fixe, de façon à favoriser la mixité sociale en assurant entre les arrondissements une répartition équilibrée et diversifiée de l’offre de logements, l’objectif de réalisation de logements sociaux sur le territoire de l’arrondissement de façon à ce que la moitié des logements sociaux à construire pour atteindre le taux mentionné, selon le cas, aux I ou II de l’article L. 302-5 du présent code, soit prioritairement réalisée dans les arrondissements dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente moins de 15 % des résidences principales. » ;

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement vise à fixer dans le programme local de l’habitat des objectifs de réalisation de logements sociaux par arrondissement à Paris, à Lyon et à Marseille, afin que la moitié des logements devant être construits pour atteindre les objectifs soient réalisés dans les arrondissements comptant moins de 15 % de logements sociaux par rapport au nombre de résidences principales.

Dans certaines villes – dans certaines plus que dans d’autres d’ailleurs –, les logements sociaux sont très inégalement répartis. Il conviendrait de remédier à cette situation pour lutter contre la ségrégation socio-spatiale.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. L’avis est défavorable sur cet amendement que nous avons déjà examiné en commission.

Aujourd’hui, rien n’empêche des villes comme Paris, Lyon et Marseille de fixer des objectifs par secteur géographique. En outre, je ne pense pas que l’inscription dans le texte de cette disposition permette de résoudre les difficultés dans certaines zones, où le foncier est rare et cher. S’il était adopté, cet amendement serait une source de complexité supplémentaire.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je partage évidemment le souhait d’une production équilibrée, notamment dans des grandes villes comme Paris, Lyon et Marseille. Toutefois, la loi prévoit déjà que le programme local de l’habitat, qui est un document opposable, opère une répartition des objectifs de production par arrondissement.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, car contraindre la répartition des objectifs de réalisation au titre du présent projet de loi présenterait des difficultés de mise en œuvre au regard de la prise en compte des situations locales et, surtout, de l’impossibilité juridique d’imputer les conséquences de la non-atteinte des objectifs à cette échelle.

Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1499 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme le président. L’amendement n° 1648, présenté par MM. Richard, Haye, Mohamed Soilihi, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et MM. Théophile et Yung, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« VII. – L’objectif de réalisation par période triennale mentionné au I, à compter du 1er janvier 2020, est calculé jusqu’à la fin de l’année 2034 en retenant comme base le nombre de résidences principales constaté au cours de l’année 2019 actualisé annuellement. Si ce nombre progresse de plus de 2 % à partir de 2020, c’est le chiffre plafonné selon une croissance annuelle de 2 % qui est retenu comme base de calcul de l’objectif. Celui-ci est établi à 33 % du nombre de logements à réaliser pour atteindre le taux mentionné, selon le cas, aux I ou II de l’article L. 302-5.

La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Avec cet amendement, comme avec celui que j’avais présenté à l’article 15 et qui n’a pas été accepté, je prends date.

J’approuve bien entendu le dispositif des contrats de mixité sociale. Ces contrats favorisent certes un meilleur étalement dans le temps des objectifs, mais ils ne modifient jamais les objectifs chiffrés, rigides, alors qu’il est flagrant, nous le savons, qu’un certain nombre de communes sont dans l’impossibilité physique d’atteindre l’ensemble de leur objectif de 25 % de résidences principales. De même, j’avais demandé qu’il soit tenu compte des situations d’inconstructibilité très étendue sur le territoire des communes, mais vous ne l’avez pas souhaité. Il nous faudra revenir, madame la ministre, madame la rapporteure pour avis, sur cette contradiction ; nous en reparlerons.

J’évoquerai à présent l’accélération des exigences de construction dans les zones tendues. Prenons le cas d’une commune n’ayant que 1 500 logements sociaux sur les 10 000 logements qu’elle compte au total, soit un déficit de 1 000 logements. Si elle réalise ces 1 000 logements, ce qui va lui demander beaucoup de travail, elle comptera alors 11 000 résidences principales. Il faudra dès lors recalculer son obligation de construction de logements sociaux en prenant en compte ces 1 000 logements supplémentaires. Or, pendant ce temps, le secteur privé aura naturellement continué de produire des logements, d’autant plus que pèsent sur lui moins de contraintes que sur le secteur du logement social. Il peut en effet construire dans des zones interstitielles ou par densification de l’existant par exemple.

Dans de nombreuses communes situées en zones tendues – je parle par expérience de l’Île-de-France –, le nombre cumulé de logements privés et de logements sociaux de rattrapage entraîne une augmentation rapide du nombre total de logements sur lequel est calculé le taux obligatoire. De ce fait, les communes risquent de ne pas pouvoir atteindre leurs objectifs, même dans dix ans !

Je constate que rien n’est prévu dans le texte pour pallier cette difficulté. Mon amendement vise donc à plafonner à 2 % l’augmentation du nombre de logements pris en compte pour le calcul des objectifs. Nous savons que des communes seront dans l’impossibilité d’atteindre leurs objectifs, c’est prévisible. Je regrette que le texte n’en tienne pas compte.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. J’entends tout à fait vos propos, mon cher collègue. Le problème que vous soulevez se rencontre plus particulièrement dans les territoires tendus : comme le rythme de construction des logements en général continue de progresser fortement, les objectifs en termes de construction de logements sociaux sont plus difficiles à atteindre. C’est un réel souci.

M. Alain Richard. Mais vous allez émettre un avis défavorable !

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. L’avis de la commission des affaires économiques est effectivement défavorable, car une telle mesure dénaturerait de fait, vous le savez très bien, les obligations de la loi SRU. Ce n’est pas notre souhait.

Cela étant, nous avons introduit dans le texte un certain nombre d’assouplissements qui seront de nature, me semble-t-il, à faciliter l’atteinte des objectifs. La suppression de la date butoir et la mise en place du contrat de mixité sociale, en vertu duquel les objectifs à atteindre pourront être différents de ceux qui sont imposés par la loi SRU, permettront aux élus d’étaler leur action dans le temps et de surmonter les difficultés qu’ils rencontrent actuellement.

Je rappelle en outre que nous avons supprimé toutes les sanctions. Les maires qui font des efforts pour construire des logements sociaux doivent être encouragés, et non pas toujours plus sanctionnés.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous ne partons pas d’une page blanche sur la loi SRU. Nous ne sommes pas en train de nous demander comment encourager la construction de logements sociaux à partir de rien ou comment calculer la trajectoire en la matière.

L’idée générale de la loi SRU est que, dans une commune donnée, en particulier si elle est attractive, une part du parc résidentiel doit être réservée au logement social pour accueillir les classes moyennes, les classes populaires et les personnes les plus en difficulté. Dès lors, s’il y a davantage de résidences principales, il faut mécaniquement plus de logements sociaux.

Le projet de loi introduit un changement très important en supprimant la date butoir, ce qui permet de continuer à suivre la trajectoire tant que l’équilibre n’est pas atteint. Des communes soumises à la loi SRU lors de son adoption ont déjà achevé leur trajectoire en atteignant 20 % ou 25 % de logements sociaux. La date butoir, fixée à 2025, était extrêmement rapprochée. Un certain nombre de communes ne pourront pas avoir atteint les objectifs d’ici là. L’obligation perdure, mais les trajectoires sont assouplies, et la capacité à contractualiser est bien meilleure.

Par ailleurs, tant qu’une commune dépensera pour construire des logements sociaux, ce qu’elle paiera lui sera remboursé. L’effet sur ses finances locales sera donc neutre.

La date à laquelle l’objectif doit être atteint n’est plus un couperet ; c’est simplement l’échéance naturelle d’une trajectoire. Pourquoi affirmer de manière artificielle que le taux de croissance des résidences principales est de 1 %, de 2 % ou de 3 % ? Quid lorsqu’une commune qui croît beaucoup exclut progressivement les classes moyennes de son habitat ?

Nous avons, je le crois, trouvé un point d’équilibre. Supprimer la date butoir est un acte politique important. Le mécanisme sera permanent, mais moins rapide et brutal.

Le Gouvernement ne souhaite pas aller plus loin. C’est la raison pour laquelle il émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je sais bien que mon amendement ne sera pas adopté, mais je pense tout de même que certains collègues réfléchiront à ce que nous sommes en train de faire.

Je suis ravi que l’on m’explique le sens de la loi SRU ; j’avais déjà une petite idée sur la question. (Sourires.) Ce qui est flagrant, et vous le savez mieux que moi, madame la ministre, c’est que, dans des situations de forte densité urbaine où les villes n’ont plus le foncier disponible, les objectifs ne seront jamais atteints. (MM. Roger Karoutchi et André Reichardt acquiescent.) Même si cela ne concerne sans doute que 10 % des communes intéressées, un examen très attentif et équitable s’impose.

J’approuve pleinement le contrat de mixité sociale. Mais, comme la commission des affaires économiques et le Gouvernement l’ont eux-mêmes reconnu, ce mécanisme change simplement le calendrier ; il ne modifie pas d’une unité le nombre final de logements à atteindre. Certes, il y aura moins d’effet de pénalisation financière. Il reste que, dans de nombreux cas sur lesquels vous devez vous pencher, l’objectif est, vous le savez bien, devenu fictif.

Je pense que la loi doit prévoir des soupapes si l’on constate, vingt ans après l’entrée en vigueur de la loi SRU, la nécessité d’alléger ou de réduire les objectifs. Je défendrai tout à l’heure un amendement visant à confier la décision finale en matière d’allégements d’objectifs au ministre, et non à la commission.

Je vous prie de m’excuser de me montrer un peu critique, mais les arguments tant de la représentante de la commission que du Gouvernement donnent le sentiment d’une volonté de reporter la résolution du problème que je soulève – il est évident – sur ceux qui viendront après, en sachant bien qu’il faudra le traiter, mais en espérant ne pas avoir à le faire soi-même !

Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Ne voyez aucun esprit polémique dans mes propos. Simplement, et puisque le principal initiateur de la loi SRU a été évoqué, je trouve – je rejoins en cela M. Richard – que les objectifs fixés s’apparentent à ceux du Gosplan ! Ils sont totalement irréels, totalement fictifs ! Je connais des communes dans lesquelles même en reportant la date butoir de plusieurs siècles vous ne pourrez jamais les atteindre !

Lorsqu’une commune a la moitié de son territoire sous plan d’exposition au bruit en raison d’un aéroport à proximité, une autre partie en zone Natura 2000 et que la loi Littoral s’impose à elle, vous aurez beau repousser à l’envi la date butoir, voire la supprimer, les objectifs à atteindre n’en demeureront pas moins irréels ou, comme l’a excellemment dit notre collègue Alain Richard, totalement fictifs.

Je pense qu’il faudra un jour faire descendre la loi SRU de son piédestal pour l’adapter – et un projet de loi de différenciation est le bon cadre pour cela – à la réalité des territoires. Je présenterai tout à l’heure un amendement de Mme Berthet sur les communes touristiques. Là encore, je pense que, sans différenciation, sans une approche plus nuancée, nous ne nous en sortirons pas.

Certes, l’article 17 prévoit un certain nombre d’avancées. Les travaux de la commission doivent être salués. Ils permettent des améliorations et des assouplissements. Mais les assouplissements ne suffisent pas. Il faut un changement de logiciel, de paradigme !

Oui, il faut construire partout des logements sociaux ! Mais en tenant compte de la réalité des territoires !

Mme le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je voterai l’amendement présenté par M. Richard.

Dans certains secteurs très urbanisés, comme, bien entendu, le cœur de l’Île-de-France, la difficulté de trouver des terrains de construction est une réalité. D’ailleurs, pour atteindre les objectifs, un certain nombre de communes, et pas seulement Paris, ne construisent absolument pas. Elles rachètent des immeubles et les transforment en logements sociaux, mais cela ne rajoute pas une unité de logement dans la ville. Comment voulez-vous faire autrement quand il n’y a pas de terrain ?

Certes, vous avez débloqué la date. Mais, comme le note M. Richard, vous n’avez pas débloqué les objectifs chiffrés. Comment voulez-vous que les communes fassent ?

Ce à quoi nous assistons est totalement déraisonnable. Les communes ne produisent pas ; elles « rhabillent » autrement. Ce n’est pas de la construction de logements sociaux.

Nombre d’entre elles sont prêtes à faire des efforts. Mais comment voulez-vous faire dans les zones denses où il n’y a pas de terrain ?

Les efforts demandés aux maires doivent être réalistes, sous peine de les décourager. L’amendement de M. Richard me semble aller dans le bon sens.

Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. À Paris, ville que je connais un peu, on a théorisé pendant des années l’impossibilité de construire des logements sociaux dans certains arrondissements, en l’occurrence ceux de l’ouest. Or nous commençons à en voir émerger dans le XVIe arrondissement ou dans le VIIe arrondissement, notamment grâce à la détermination de l’adjoint chargé du logement, Ian Brossat.

M. Philippe Pemezec. À quel prix pour le contribuable ?

M. Pierre Laurent. Et nous ne sommes pas au bout !

Je suis évidemment sensible aux hommages rendus au ministre communiste du gouvernement Jospin à l’origine de la loi SRU. Mais j’entends aussi les discours selon lesquels le réalisme consisterait à assouplir et à repousser la date butoir. Or le vrai réalisme, c’est d’abord d’avoir conscience que, dans ce pays, même une fois les objectifs de la loi SRU atteints, des millions de gens n’auront toujours pas accès au logement auquel ils auraient droit au regard de leurs revenus. Il faudra donc encore construire pour que toutes ces personnes aient accès à un logement digne.

Il ne faut donc pas ralentir sur les objectifs. Il faut au contraire aller le plus vite possible, certes de manière réaliste. Nous aurons encore d’autres étapes à franchir ensuite pour permettre l’accès de tous à un logement. Car, malgré la loi SRU, la situation du logement ne s’améliore pas ; elle se dégrade !

M. Philippe Pemezec. C’est du dogmatisme !

Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. D’aucuns parlent de différenciation géographique, mais, à entendre certains des arguments qui sont avancés, on aurait plutôt le sentiment d’une volonté de différenciation politique. Certains veulent faire ; d’autres non !

Je connais la situation des zones tendues : je suis élu d’une commune littorale du sud des Landes où la pression s’exerce particulièrement. La difficulté à faire est une réalité, mais que l’on ne me dise pas que c’est impossible. Ce n’est pas vrai ! D’ailleurs, ce sont les choix politiques effectués depuis vingt ans qui empêchent de tenir les objectifs de la loi SRU.

Nous ne voterons pas cet amendement.