M. Julien Bargeton. Nous sommes tous d’accord, alors !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Mais il y a eu un accord en commission mixte paritaire, qui a donné lieu à un vote positif !

Depuis lors, que s’est-il passé ? Le rapport du CCSF est paru, qui confirme absolument tout ce que je viens de vous dire. Pourtant, le Gouvernement a changé de position. C’est à ne plus rien y comprendre !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Ces sujets, mes chers collègues, restent de faible importance, au regard des avancées inédites que nous avons actées en commission s’agissant du questionnaire médical.

Je suis sûr que nous connaissons tous ici des personnes qui ont été frappées par la maladie et qui se sentent empêchées d’élaborer un projet de vie, car on leur refuse l’accès à la propriété, ou alors on le leur consent à des tarifs prohibitifs. Cette situation est injuste et déshumanisante, d’autant plus qu’elle frappe également les personnes guéries.

Comment, dès lors, se reconstruire et tourner la page si vous êtes constamment ramené à votre maladie, alors même que vous avez triomphé d’un combat long et douloureux ? Pourquoi exiger des surprimes pour le diabète, pour le cholestérol ou pour le VIH, alors que l’espérance de vie des personnes concernées est la même que pour les autres ? Combien de jeunes sont ainsi empêchés de mener une vie normale, d’accéder à la propriété, de se projeter dans l’avenir ?

Nous avons donc supprimé le questionnaire médical pour un grand nombre de prêts immobiliers, dans une logique de justice et d’égalité. J’ai conscience qu’il faut aller encore plus loin et je vous proposerai des amendements en ce sens dans quelques minutes, notamment pour réduire le délai du droit à l’oubli et pour augmenter le plafond de prêt.

Je tiens à le souligner, mes chers collègues, il s’agit d’une avancée inédite, historique, pour les personnes malades ou qui l’ont été ; il s’agit d’une mesure de solidarité importante, qui facilitera la vie de millions de nos concitoyens et qui renforcera la cohésion et le vivre ensemble dans ce pays. Enfin, je remercie notre ancien collègue Laurent Béteille, qui m’a beaucoup aidé dans ces travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis de cette proposition de loi. J’ai conduit mes travaux en plein accord avec Daniel Gremillet, rapporteur au fond, et nos deux commissions ont adopté des amendements identiques, qui sont désormais intégrés au texte que nous examinons aujourd’hui.

Les éléments de la proposition de loi ont déjà été exposés par le rapporteur au fond. Pour ma part, je suis parti du principe selon lequel un système d’assurance a vocation à permettre une solidarité entre assurés et ne doit pas oublier les plus fragiles au profit exclusif de ce que les assureurs appellent les « bons risques ».

C’est pourquoi nous avons proposé une mesure ambitieuse : la suppression du questionnaire médical, afin de permettre aux profils les plus risqués d’accéder à la propriété sans devoir attendre des années pour bénéficier du droit à l’oubli.

Le Gouvernement s’oppose, étrangement, à cette suppression, pour des raisons difficiles à comprendre. Le questionnaire de santé conduit, en effet, à appliquer des surprimes, qui n’ont parfois plus de lien avec le risque réel sur l’espérance de vie, compte tenu des progrès médicaux.

Dans le dispositif que nous proposons, les prêts concernés seraient remboursés au plus tard à 65 ans, c’est-à-dire à un âge où le risque de décès ou d’invalidité reste encore limité, puisque l’on a encore une vingtaine d’années d’espérance de vie. Les assureurs seront donc toujours en mesure de répartir les risques entre les assurés. Le montant des primes pourra être déterminé par d’autres critères que le questionnaire de santé, tels que l’âge, la profession, le montant emprunté ou la localisation du bien acquis.

En outre, les données médicales manquent souvent pour donner un fondement objectif aux surprimes. Pour les emprunteurs porteurs du VIH, la surprime appliquée à la garantie décès peut s’élever jusqu’à 100 %, alors que leur espérance de vie est désormais semblable à celle des personnes non porteuses.

Au total, le questionnaire médical s’apparente à un révélateur de risques très perfectible. Il est donc naturel de le supprimer pour la plupart des emprunteurs. Peut-être le montant maximal de 200 000 euros ou le seuil d’âge de 65 ans doivent-ils être discutés ; nous le ferons.

Nous devons en débattre, de manière que le Sénat, une nouvelle fois, fasse progresser le système de l’assurance emprunteur au bénéfice de tous, de manière plus volontariste que la simple incitation à négocier qui figurait dans le texte transmis par l’Assemblée nationale.

L’autre nécessité est de faciliter l’exercice du droit de résiliation. Disons-le encore, ce droit existe, et la concurrence est déjà réelle sur le marché de l’assurance emprunteur. Un quart des contrats d’assurance emprunteur sont aujourd’hui des contrats alternatifs, grâce aux évolutions législatives survenues depuis dix ans.

Le prix de l’assurance emprunteur a baissé pour toutes les catégories, selon le CCSF, sauf, semble-t-il, pour les plus de 55 ans. Ce dernier point doit nous alerter, car, quoi qu’en disent certains acteurs, il existe un vrai danger qu’une généralisation des contrats alternatifs ne conduise à une moindre mutualisation des risques entre assurés.

Avec la résiliation à tout moment, on peut craindre que « la péréquation entre “bons risques” et “mauvais risques”, mécanisme naturel dans une assurance, ne se [fasse] plus » : je cite ici les propos du Gouvernement, représenté par Mme Agnès Pannier-Runacher devant l’Assemblée nationale, le 2 octobre 2020. La position prise aujourd’hui par le Gouvernement me laisse donc perplexe.

Je me permets d’ailleurs de relever le malaise que nous avons perçu lors des auditions de votre administration, monsieur le ministre, à propos d’un texte sans doute vite rédigé, peut-être bâclé. Ce malaise était partagé également par la fédération France Assureurs, laquelle semble déchirée sur ce sujet, qui n’est pas aussi simple qu’on semble le dire.

La concurrence est d’ores et déjà ouverte pour les bons profils, qui peuvent l’exercer tous les ans, c’est-à-dire très souvent à l’échelle d’un prêt immobilier de vingt ou vingt-cinq ans. Nous devons nous préoccuper des plus fragiles.

Je crains aussi que la résiliation à tout moment n’aboutisse à une multiplication des actions de démarchage, alors même que les démarcheurs en assurance ne suivent pas toujours les bonnes pratiques, comme le rappelle un rapport récent du CCSF. Souhaitons-nous que les Français soient démarchés et harcelés ? Je n’en suis pas certain.

Nous avons donc proposé de revenir au compromis de la loi ASAP, c’est-à-dire d’accélération et de simplification de l’action publique, compromis voté par les deux assemblées. La date de résiliation sera parfaitement claire et connue des emprunteurs, car ceux-ci seront informés chaque année de leur droit de résiliation, comme l’a prévu la commission des affaires économiques.

Le texte de la proposition de loi, tel qu’il a été enrichi par l’examen en commission, permettra ainsi de réduire très fortement les risques de manœuvres dilatoires de la part des prêteurs.

Nous avons l’occasion de supprimer les injustices dont certains font l’objet en fonction de leur état de santé et de préserver un bon niveau de mutualisation. Nous sommes contre la dérégulation, monsieur le ministre, et nous sommes favorables à la mutualisation. Tel est mon état d’esprit et la position qui a été prise par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Demande de réserve

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur
Discussion générale (début)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ordre d’examen des amendements déposés sur cette proposition de loi a pour conséquence de nous contraindre à examiner les amendements visant à modifier l’intitulé du titre Ier avant ceux qui tendent à en modifier le contenu.

Si cela peut se comprendre d’un point de vue chronologique, la clarté des débats gagnerait à ce que nous débattions d’abord des amendements déposés sur les articles, que nous les votions et que nous passions ensuite aux amendements visant à modifier l’intitulé du titre.

C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques sollicite la réserve de l’examen des amendements nos 14, 25 rectifié et 32 après le vote des amendements portant sur l’article 6 et avant la discussion du titre II de la proposition de loi.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’une demande de la commission tendant à réserver l’examen des amendements nos 14, 25 rectifié et 32 après l’article 6.

Selon l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la réserve est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Favorable.

Mme la présidente. La réserve est ordonnée.

Discussion générale (suite)

Demande de réserve
Dossier législatif : proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur
Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur. Ce sujet a été maintes fois abordé ces dernières années, certes, mais il est important pour le pouvoir d’achat des Français et pour tous ceux qui s’engagent dans un contrat de prêt avec une banque.

Plusieurs textes ont défendu le libre choix du consommateur et prévu des mesures pour accroître la transparence du marché : la loi de 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite Lagarde, la loi de 2014 relative à la consommation, dite Hamon, ou encore la proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur, présentée par Martial Bourquin et adoptée à l’unanimité au Sénat en 2019.

Cependant, 87,5 % des contrats d’assurance sont encore détenus par des bancassureurs. Malgré sa libéralisation formelle, le marché de l’assurance emprunteur reste donc, dans les faits, un quasi-monopole bancaire.

Le groupe écologiste soutenait l’esprit du texte initial, qui cherchait à rendre l’assurance emprunteur moins lourde pour les Français et à leur permettre d’accéder à la propriété dans de meilleures conditions, de renégocier l’assurance associée à leur emprunt ou de résilier leur contrat quand ils le souhaitaient, de manière à obtenir le taux d’assurance le plus favorable possible.

En ce sens, la disposition phare du texte initial, à l’article 1er, permettait de répondre en partie à ces problématiques, en ouvrant la possibilité de résilier sans frais et à tout moment les contrats d’assurance emprunteur pour des crédits immobiliers, et en imposant plus de transparence aux banques. Cette mesure bienvenue fut adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

Pourtant, les modifications adoptées en commission mettent un coup d’arrêt à ce consensus en revenant au dispositif actuel de résiliation annuelle, réduisant quasiment à néant la portée de la proposition de loi.

Sauf à répondre pleinement aux lobbies bancaires, nous ne comprenons pas cette volonté d’en rester à un statu quo, qui maintient un secteur bancaire en situation de quasi-monopole, avec 87,5 % du marché.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Non !

M. Daniel Gremillet, rapporteur. C’est scandaleux !

M. Daniel Salmon. Dans le même temps, 56 % des demandes de résiliation n’aboutissent pas. La situation actuelle ne fonctionne donc pas !

Le risque mis en avant par les établissements bancaires quant au danger d’une démutualisation de l’assurance emprunteur nous paraît très largement exagéré : ces contrats sont tous extrêmement rentables, ce qui écarte de fait l’hypothèse que certains risques ne soient plus assurables avec la résiliation à tout moment.

La crainte d’une augmentation généralisée des cotisations des assurés à risques n’est pas avérée, dans la mesure où, comme le relève le rapport du CCSF de 2020, les assureurs alternatifs disposent déjà de parts de marché significativement plus importantes auprès de ces publics.

C’est pourquoi nous proposerons des amendements visant à restaurer la rédaction issue des débats à l’Assemblée nationale, afin d’obliger les banques à proposer des offres aussi compétitives que les compagnies d’assurances.

Si nous nous opposerons à cet article 1er totalement dénaturé, nous soutiendrons cependant les mesures qui tendent à renforcer globalement l’information des consommateurs et à lutter contre les manœuvres dilatoires des banques.

En ce sens, nous soutenons l’information annuelle relative au droit au changement d’assurance emprunteur. Nous proposerons également, par amendement, l’augmentation des sanctions administratives en cas de manquement aux obligations de transparence relatives au droit de résiliation.

Concernant le second volet du texte, qui tend à faciliter l’accès à l’emprunt et à l’assurance emprunteur des personnes ayant été atteintes de pathologie de longue durée, nous sommes, bien sûr, favorables à toute disposition allant vers une évolution du droit à l’oubli et vers une meilleure prise en compte des personnes atteintes de maladies graves, qui connaissent aujourd’hui de grandes difficultés pour trouver une assurance.

Nous souscrivons également à la suppression du questionnaire médical, décidée en commission, car ce document est insuffisamment encadré aujourd’hui. Cela facilitera l’accès à la propriété des profils considérés comme les plus risqués.

Ces quelques avancées ne sauraient toutefois offrir une réponse à la hauteur de l’enjeu que constitue une réelle dynamisation de la concurrence, qui serait profitable aux consommateurs. Il s’agit là, sans l’ombre d’un doute, de la seule forme de libéralisation économique que nous aurons soutenue durant cette mandature.

En conclusion, si les mesures initiales de ce texte devaient entraîner un transfert de revenus non négligeable des banques vers les emprunteurs et vers les assurances, et participer ainsi à la lutte contre les rentes bancaires, nous regrettons fortement, vous l’aurez compris, mes chers collègues, que le texte issu de la commission y mette un coup d’arrêt.

Nous nous abstiendrons donc sur cette proposition de loi. (M. Guillaume Gontard applaudit.)

Rappel au règlement

 
 
 

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques, pour un rappel au règlement.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je veux, à cet instant, faire un rappel au règlement pour répondre à notre collègue qui vient de s’exprimer.

Mon cher collègue, dans cet hémicycle, nous avons tout loisir de débattre, argument contre argument, donnée contre donnée. Je ne laisserai pas dire qu’un rapporteur ou un groupe politique se laisse influencer par les lobbies.

Vous avez pu assister à l’ensemble des auditions qui ont été conduites par le rapporteur – tous les membres de la commission y avaient accès. Vos propos sont donc tout à fait inadéquats.

Je tiens à rappeler, cordialement, mais très fermement, que, dans cette assemblée, nous ne travaillons pas pour les lobbies. Vous-même, vous avancez des chiffres dont on pourrait estimer qu’ils proviennent des lobbies.

Évitons de nous lancer ce genre d’invectives à la figure : c’est contre-productif pour la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame la présidente.

Discussion générale (suite)

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Dossier législatif : proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur
Article 1er

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte qui porte sur l’accès au marché de l’assurance emprunteur.

En somme, mes chers collègues, nous débattons pour tenter de rationaliser le capitalisme, ce qui n’est pas la tasse de thé du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, vous en conviendrez. (Sourires.) Par des pratiques dilatoires, le capitalisme refuse l’un de ses principes pourtant constitutifs, la concurrence libre et surtout non faussée.

En effet, en matière d’assurances emprunteur, les établissements bancaires s’arrogent la part du roi, soit 88 % d’un marché colossal de 7 milliards d’euros. Pour ce faire, ils n’hésitent pas à s’adonner à des entraves à la concurrence par des procédés bien connus, comme le manque de clarté des documents précontractuels, des délais prévus au plus court entre la remise des documents et la signature de l’offre, une faible marge sur le crédit au profit de l’assurance pour attirer des emprunteurs ou encore des entraves à la résiliation.

Le capitalisme de marché rejette donc la notion même de concurrence, qu’il se plaît à appliquer à tous les autres dès qu’une activité lui échappe. Nous voilà donc face à un paradoxe : doit-on réintroduire du libéralisme afin de prémunir les emprunteurs des pratiques détestables auxquelles se livrent certains acteurs du secteur ? Avant de répondre, je m’autorise un petit détour historique.

L’histoire de la collectivisation des risques individuels est intrinsèquement associée au mutualisme. Elle s’est construite en s’opposant au principe d’une relation contractuelle fondée sur le « chacun paye selon ses risques ».

Au XIXe siècle, les sociétés de secours mutuels, avant tout ouvrières, se fondaient sur un lien d’association, une logique d’entraide réciproque qui allait à l’encontre de la logique d’équivalent, le donnant-donnant, propre à l’idéologie marchande. Ce lien concret se manifestait tant dans l’espace public qu’au travail ou dans la sphère privée : veillée des malades et des morts, soins aux veuves ou aux orphelins. L’assurance commerciale était alors rejetée par les milieux populaires.

Progressivement, l’entraide et les logiques mutualistes du quotidien ont cependant cédé le pas à la marchandisation et la bureaucratisation, en dissociant l’économique et le social.

Aujourd’hui, quel est le niveau de mutualisme et de collectivisation des risques en matière d’assurance emprunteur ? Il est quasiment inexistant. Il a fallu créer une convention Aeras pour forcer gentiment la main aux assureurs en tout genre, afin qu’ils mutualisent les risques ou plutôt qu’ils s’accordent sur des pratiques communes.

Ainsi, sur le millier de cas dit de troisième niveau, c’est-à-dire les personnes les plus à risques du fait de leur état de santé, les assureurs alternatifs en assument 40 %, alors qu’elles ne représentent que 12 % du marché. Les profils à risques sont donc délaissés par les établissements bancaires qui préfèrent choisir les « bons risques », tout en se délestant de ceux qui leur feraient l’affront de tomber malades ou de l’être déjà.

Nous proposerons donc un amendement visant à ce que tout individu puisse bénéficier d’un taux fixe pour les garanties décès et invalidité.

Je réponds maintenant à ma question initiale sur la libéralisation du marché pour améliorer la concurrence. Il faut en effet le libéraliser, faute de mieux, c’est-à-dire à défaut de pouvoir fixer des prix uniques, comme c’était le cas auparavant, selon des critères non intrusifs et objectivables.

Faute de mieux, il faudra mettre fin au cartel bancaire en situation de quasi-monopole, qui bénéficie d’avantages disproportionnés et fixe les conditions du marché.

Faute de mieux, car des individus se voient encore appliquer des surprimes de plusieurs dizaines de milliers d’euros et doivent pouvoir se libérer du joug de ce vol caractérisé.

Faute de mieux, car 68 % des primes reçues ne sont à ce jour pas décaissés. La lucrativité de cette activité n’est plus à démontrer.

Certes, le texte comporte quelques avancées, notamment l’amélioration de l’information. Cependant, la commission en a démantelé le principal dispositif, à savoir la possibilité de supprimer son assurance à tout moment et non plus seulement la première année, puis à date anniversaire. Cette disposition aurait selon nous favorisé les personnes les moins informées, celles qui n’ont pas négocié avant d’emprunter, celles qui ont subi les prix les plus élevés et les conditions de garantie les plus faibles, celles qui ont eu peur de ne pas pouvoir emprunter, celles enfin qui ne sont pas des fins connaisseurs du secteur de l’assurance.

Nous présenterons un certain nombre d’amendements et nous en débattrons. Mes chers collègues, nous déterminerons notre vote selon le sort que vous leur réserverez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chauvet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Patrick Chauvet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’achat d’une résidence principale constitue un objectif de vie pour une très grande majorité de Français. En effet, d’après un sondage Harris du mois de décembre 2021, ils sont 76 % à considérer qu’il faut être propriétaire avant la retraite. C’est un objectif stable dans le temps, car il est rassurant, notamment dans la perspective de cette période de retraite.

Malgré la crise, cette volonté n’a pas faibli. Elle a simplement évolué et le type de logement recherché a changé : désormais, les Français sont 55 % à privilégier les espaces extérieurs et 52 % la taille du logement.

En outre, l’immobilier reste une valeur refuge pour l’investissement. Selon un autre sondage du mois de septembre 2021, les trois quarts des Français aimeraient investir dans le locatif. Ils sont même 11 % à considérer que la crise sanitaire a renforcé leur intérêt pour l’investissement immobilier.

Cette situation nous conduit à envisager l’achat immobilier comme étant au cœur des préoccupations quotidiennes des Français. Par conséquent, les conditions d’obtention d’un prêt, notamment les dispositifs d’assurance emprunteur immobilier, doivent nous mobiliser.

Le Parlement, en particulier le Sénat, s’est régulièrement intéressé à ce sujet. Depuis dix ans, les conditions d’obtention et d’assurance des prêts immobiliers ont largement évolué. C’était nécessaire.

À chaque étape, l’ensemble des acteurs – les banques, les assurances et surtout les consommateurs – se sont emparés des évolutions permises par la loi Lagarde, la loi Hamon, l’amendement Bourquin. À chaque fois, les objectifs de ces réformes allaient dans le même sens : améliorer la transparence des processus pour les consommateurs, réduire les coûts d’emprunt en ouvrant le marché, en particulier assurantiel, tout en garantissant la qualité des emprunts et des assurances.

Cette concurrence entre les banques et les assurances a-t-elle abouti ? Certains considèrent que ce n’est pas le cas, d’autres que nous sommes arrivés à un équilibre absolu. La vérité est sans doute entre les deux. Toutefois, malgré le riche rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), nous manquons de données tout à fait objectives, stables et utilisables pour en juger. C’est d’ailleurs l’une des premières critiques que nous pourrions adresser au secteur de l’assurance emprunteur.

Alors que nous examinons la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, il ne s’agit pas de distribuer les bons et les mauvais points ni d’avantager les uns ou les autres.

Pour améliorer les droits des consommateurs, la boussole du groupe Union Centriste a été de cerner les difficultés auxquelles les emprunteurs étaient confrontés et de chercher à les résoudre sans déstabiliser l’équilibre de l’investissement immobilier.

Nous sommes arrivés à la conclusion que le rythme de résiliation d’une assurance n’était pas le cœur du problème. À ce jour, la résiliation est possible, de manière infra-annuelle au cours de la première année, puis une fois par an pendant toute la durée du prêt. Cette réforme n’a que quatre ans, dont deux de crise sanitaire ; il est donc difficile de se prononcer sur son efficacité.

En revanche, nous avons très clairement identifié certaines difficultés pour les emprunteurs : manque de transparence des dispositifs existants et des décisions des banques, faiblesse de l’information du consommateur, freins dans l’accompagnement des publics les plus fragiles.

Sur ces trois axes, nous saluons le travail réalisé par les deux rapporteurs et par la commission saisie au fond pour clarifier la notion de date d’échéance, obliger les banques à informer l’emprunteur de son droit à résiliation annuelle, à justifier complètement les motifs des refus qu’elles opposent et à informer le public du coût de l’assurance sur une durée de huit ans.

Enfin, la disposition qui a été introduite pour supprimer le questionnaire médical est bienvenue. Il s’agit là, à mon avis, d’une véritable mesure d’accompagnement social, car ce questionnaire était à l’origine d’inégalités fortes entre les consommateurs.

Grâce à toutes ces dispositions, même sans la résiliation infra-annuelle, le texte sort renforcé de nos travaux, au profit des consommateurs. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, telle qu’elle résulte de l’équilibre trouvé en commission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, l’assurance emprunteur n’est pas un sujet nouveau au Parlement, encore moins dans cet hémicycle. Le marché de l’assurance emprunteur concerne des millions de Français, sur tout le territoire. Bien que la souscription d’une assurance ne soit pas juridiquement obligatoire, elle est très courante lors de l’octroi d’un prêt immobilier.

Cela peut se comprendre, compte tenu des sommes engagées – elles représentent souvent l’investissement de toute une vie – et de la durée du prêt, vingt ans en moyenne.

À la suite de mes collègues, je salue les avancées réalisées depuis plus de dix ans, de la loi Lagarde en 2010, jusqu’à la loi Sapin II en 2017, en passant par la loi Hamon en 2014. C’est un processus long. Les marges de manœuvre des emprunteurs se sont significativement accrues ces dernières années, même si le manque d’information des consommateurs sur leurs droits et certaines mauvaises pratiques persistent.

La proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans ce mouvement de renforcement des prérogatives des emprunteurs face aux assureurs. Elle prévoit la possibilité de résilier, non pas une fois par an, mais à tout moment, tout contrat d’assurance emprunteur. Telle qu’elle a été adoptée à la quasi-unanimité par les députés, elle pourrait marquer un renforcement significatif des droits des emprunteurs.

Toutefois, le travail accompli par la commission des affaires économiques, la semaine dernière, est venu nuancer ce résultat.

Je salue tout d’abord les améliorations apportées par rapport au texte de l’Assemblée nationale. L’obligation de motiver un refus de substitution a été renforcée, puisqu’il faut désormais donner l’intégralité des motifs, conformément à une demande formulée par les députés. L’obligation d’informer sur le coût de l’assurance sur une durée minimale de huit ans, adoptée en commission à l’Assemblée nationale, puis supprimée, a été réintroduite.

Notre commission a également prévu l’interdiction pour le prêteur de modifier les modalités d’amortissement du prêt. Enfin, dernière modification, et non des moindres, elle a supprimé, sous certaines conditions, le questionnaire médical.

Aussi, je comprends mal la décision du rapporteur de réécrire l’article 1er de la proposition de loi, en le vidant de l’essentiel de sa substance. Le risque de « démutualisation » qu’il invoque ne paraît pas convaincant, puisque les profils jugés à risque se voient déjà appliquer des surprimes et des exclusions de garantie non négligeables.

C’est pourquoi le groupe RDSE présentera une série d’amendements visant à rétablir la faculté de résiliation à tout moment.

Nous souhaitons également garantir davantage encore la protection des emprunteurs, en rehaussant le plafond de suppression du questionnaire médical pour mieux tenir compte de la réalité des prix de l’immobilier, notamment en région parisienne et dans les grandes agglomérations. Nous voulons enfin renforcer le droit à l’oubli pour les personnes atteintes d’affections comme le cancer ou le VIH, pour lesquelles les restrictions en vigueur n’apparaissent plus forcément justifiées au regard des progrès de la médecine.

Au-delà des dispositions que nous allons examiner, il faudrait élargir notre réflexion en la faisant porter sur le fonctionnement actuel du marché immobilier.

Les dépenses en matière de logement représentent, en moyenne, un tiers des revenus chez les locataires et les propriétaires primo-accédants. Longtemps considérées comme à l’abri de la hausse des prix parisiens, de plus en plus de grandes villes et de périphéries voient le prix du foncier augmenter. Le phénomène s’est accentué depuis les confinements successifs liés à la pandémie. Les différentes mesures prises pour limiter la hausse des loyers et favoriser l’accès à un logement de qualité peinent à porter pleinement leurs fruits.

Les territoires ruraux souffrent quant à eux de l’absence de foncier et de la difficile reconquête des centres-villes anciens, dont les logements ne correspondent pas aux standards actuels.

Au moment où le pouvoir d’achat s’impose comme un thème majeur de la campagne présidentielle, l’accès au logement et à la propriété à un prix raisonnable doit donc rester l’une de nos priorités.

En conclusion, les membres du groupe RDSE soutiennent majoritairement le rétablissement de la possibilité de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur.