Mme Céline Brulin. C’est un exemple.
M. Yannick Neuder, ministre. Quelque 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant ou peinent à consulter, ce qui peut retarder la prise en charge de maladies qui, du fait de ce retard, seront encore plus préjudiciables pour la santé des patients et dont le traitement sera plus coûteux pour la société. Nous savons bien en effet qu’il vaut mieux prendre en charge un cancer ou toute autre maladie à un stade précoce.
Il me paraît donc que, même si la consultation coûte 2 euros de plus, cette dépense mérite d’être faite.
Sous-réserve de l’adoption de ce sous-amendement, j’émettrai sur l’amendement n° 132 un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 135 ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. À l’article 3, nous avons voté l’instauration d’une obligation d’exercice partiel en zone sous-dense, dont les modalités restent à définir.
Les dispositions de l’article 5 introduisent donc non pas une incitation, mais une compensation, puisque les médecins seront contraints de se plier à cette obligation et qu’à défaut ils devront s’acquitter d’une pénalité.
Tel est le dispositif dont nous débattons, mes chers collègues : une obligation, assortie d’une compensation, et une pénalité en cas de non-respect de l’obligation.
Une obligation étant posée, nous pouvons à bon droit nous interroger sur la légitimité de cette compensation financière. Pour ma part, j’estime que cette dernière ne pose pas de difficulté – nous proposons ainsi un package –, mais il faut reconnaître qu’une telle compensation n’est pas automatique.
Par ailleurs, je m’interroge, comme mon collègue Jean-Luc Fichet, sur le financement du cabinet secondaire nécessaire à la mise en œuvre de l’obligation visée. Si le médecin doit assumer cette charge, une compensation est nécessaire. Si, en revanche, comme cela est suggéré dans un article ultérieur, ces frais sont pris en charge par la convention médicale ou par l’État, alors cette compensation ne serait plus légitime, car comme l’indiquaient mes collègues, l’exercice d’un devoir de solidarité n’appelle pas de compensation.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous savons bien, mes chers collègues, que les médecins sont solidaires et qu’ils ont le souci de soigner tout le monde. Il me paraît important de le réaffirmer.
Il reste que cette incitation me pose un problème. Les médecins qui exercent en zone sous-dense depuis trente ou quarante ans ne sont pas incités à le faire. Or les médecins venus d’ailleurs, qui travaillent en zone bien dotée, auront, eux, une incitation à exercer en zone sous-dense. C’est quand même incroyable !
Nous parlons beaucoup d’argent, mais les médecins qui exerceront en zone sous-dense demandent-ils cette incitation ? Vous me répondrez oui, mes chers collègues, mais cette demande vient-elle réellement des médecins ?
Vous proposez sans cesse de nouvelles aides. Or, dans nos territoires, les médecins sont de moins en moins nombreux. Quel est le bilan pour nos territoires des contrats de début d’exercice (CDE) et des aides à l’installation ? Nous ne le connaissons pas !
M. Jean-Luc Fichet. Exactement !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous allez voter cette incitation, mes chers collègues, mais je souhaite que, dans un ou deux ans, nous fassions le bilan de ce qu’elle aura apporté dans les zones sous-denses.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Je m’efforcerai de répondre à votre question, madame Apourceau-Poly : les médecins demandent-ils une telle compensation ?
Si les médecins considèrent tout de même l’obligation introduite par l’article 3 comme une entrave au principe général de liberté d’installation, ils l’acceptent au titre du principe de solidarité. Lors de nos discussions avec leurs représentants, ces derniers nous ont indiqué qu’ils comprenaient qu’il fallait évoluer et qu’il était important d’envoyer ce signal.
J’en viens au débat financier.
La mention des dépassements d’honoraires figurait bien dans l’exposé des motifs de cet article, madame Brulin, mais il s’agissait d’une erreur, que vous avez été plus rapide à relever que nous n’avons été à la corriger. En tout état de cause, cette expression a été supprimée, car nous voulions être certains de ne pas créer de confusion.
Bernard Jomier a raison de rappeler qu’il s’agit non pas d’une incitation, mais bien d’une compensation.
Mme Céline Brulin. Ce n’est donc pas de la solidarité !
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Les médecins concernés devront parcourir vingt à trente kilomètres pour exercer en zone sous-dense. Pour répondre à votre question, madame Apourceau-Poly, c’est donc bien au titre des frais que cette obligation emportera que ce débat est venu sur la table.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.
Mme Laurence Muller-Bronn. Je suis favorable à la suppression non pas seulement de la compensation, mais aussi des pénalités.
Les médecins ne sont pas des enfants. Ils ont fait de longues études et se sont engagés en conscience et, en règle générale, par vocation. Il me paraît aussi impensable de les contraindre par des pénalités que de les inciter avec une carotte. En ferions-nous autant avec les boulangers ou avec tout autre corps de métier qui devrait s’adapter à une nouvelle situation ? Lorsqu’une entreprise ferme, de nombreuses familles doivent s’adapter, parfois en déménageant très loin de chez elles. De telles situations sont très fréquentes !
En tout état de cause, s’agissant de médecins qui ont une conscience, nous ne devrions même pas aborder des sujets tels que des pénalités ou des compensations.
Je me demande comment 87 % de notre territoire peut être classé en zone sous-dense, mais cela signifie en tout cas qu’il y a de très nombreux endroits où les médecins pourraient s’installer et exercer dans des conditions très agréables.
M. le président. L’amendement n° 58, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au 2° de l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « le tact et la mesure » sont remplacés par les mots : « 30 % du tarif opposable ».
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Je souhaite revenir sur la question des dépassements d’honoraires, même si j’ai bien compris que le dispositif dont nous avons débattu à l’instant constituait, lui, une compensation.
Je me réjouis, du reste, de constater que les efforts demandés aux médecins seront compensés, ce qui est loin d’être une règle générale – je vous renvoie sur ce point à nos échanges sur le dernier projet de loi de finances, mes chers collègues…
En tout état de cause, les dépassements d’honoraires entravent l’égalité d’accès aux soins, et dans certains cas, l’accès aux soins lui-même. Leur existence même est en contradiction avec l’objet de la présente proposition de loi.
Bien que défavorable aux dépassements d’honoraires, je propose donc par cet amendement de limiter leur montant à 30 % du tarif opposable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les dépassements d’honoraires sont déjà encadrés.
D’une part, le code de déontologie des médecins fait en effet obligation à ceux-ci de déterminer leurs honoraires « avec tact et mesure », en tenant compte de la nature des actes dispensés et des circonstances. L’assurance maladie peut d’ailleurs sanctionner les médecins qui ne respecteraient pas cette règle.
D’autre part, les dépassements sont encadrés par la convention médicale. En pratique, elle empêche les médecins généralistes d’accéder au secteur 2. Pour les autres, elle prévoit que le montant des honoraires doit être fixé à des niveaux modérés et être modulé individuellement pour tenir compte des éventuelles difficultés des patients.
Enfin, l’assurance maladie a élaboré plusieurs dispositifs visant à inciter financièrement les médecins à la modération tarifaire.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Mes chers collègues, je veux moi aussi vous alerter sur les dépassements d’honoraires. Comme le disait à l’instant Silvana Silvani, il existe une médecine à deux vitesses !
Pour se faire soigner dans mon territoire, c’est simple : soit vous attendez très longtemps pour réaliser un examen et vous passez après ceux qui sont prioritaires – les plus jeunes, les patients atteint d’un cancer… – ; soit, si vous en avez les moyens, vous faites appel à un médecin qui travaille dans le privé ou qui vous prendra en secteur privé à l’hôpital et vous payez des dépassements d’honoraires.
Entre les dépassements d’honoraires du médecin et ceux de l’anesthésiste, vous vous en sortez avec un minimum de 1 000 euros pour vous faire opérer plus rapidement. Et si vous n’avez pas les moyens de payer, peut-être que vous ne vous ferez jamais opérer… Voilà la réalité des territoires !
À l’heure actuelle, si vous n’avez pas d’argent, vous pouvez toujours attendre pour vous faire soigner ! Vous pouvez me croire, j’ai personnellement vécu cette expérience avec mon père.
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié ter, présenté par Mme Jouve, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Grosvalet, Mme Guillotin et MM. Guiol, Masset, Roux et Daubet, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au 3° de l’article L. 161-36-4, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au sixième » ;
2° L’article L. 162-5-3 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Lorsque le patient a indiqué à son organisme gestionnaire de régime de base d’assurance maladie qu’aucun médecin n’accepte d’être désigné comme son médecin traitant. »
3° À l’article L. 162-5-4, les mots : « de l’avant-dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « du sixième alinéa ».
La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. La majoration du ticket modérateur a été mise en place pour encourager les Français à désigner un médecin traitant dans un contexte où l’offre de soins était bien plus favorable qu’actuellement. Vingt ans plus tard, la réalité est tout autre.
La démographie médicale est en déclin et la répartition géographique des médecins est inégale, ce qui rend impossible la désignation d’un médecin traitant dans de nombreux territoires. Ainsi, plus de 6 millions d’assurés n’ont pas de médecin traitant et 65 % des médecins déclarent être amenés à refuser de devenir le médecin traitant de nouveaux patients.
Or la majoration du ticket modérateur, qui induit une hausse automatique du reste à charge, pénalise certains patients, en particulier les plus vulnérables d’entre eux. Cette mesure agit comme un frein supplémentaire au recours aux soins.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer la majoration du ticket modérateur quand le patient n’est pas en mesure de désigner un médecin traitant.
M. le président. Le sous-amendement n° 128, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Amendement n° 13 rectifié ter
Compléter cet amendement par un paragraphe ainsi rédigé :
… .– Le 6° de l’article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est abrogé cinq ans après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Compte tenu des difficultés que rencontrent de nombreux assurés pour désigner un médecin traitant du fait d’une démographie médicale défavorable sur une vaste partie du territoire national, l’application d’une majoration du ticket modérateur pour non-respect du parcours de soins coordonnés apparaît comme une double peine.
Il est donc pertinent, comme le propose Mme Jouve, d’aménager ces dispositions et d’en écarter l’application pour les patients qui ne parviennent pas à désigner un médecin traitant.
Toutefois, la commission réitère son attachement à la notion de parcours de soins coordonnés et estime donc essentiel de garantir le rôle du médecin traitant au sein de ce parcours. En outre, elle est confiante sur le fait que les mesures déjà engagées et celles figurant dans ce texte amélioreront l’accès aux soins.
Aussi, elle estime que la suppression de la majoration du ticket modérateur pour non-respect du parcours de soins coordonné en cas d’absence de médecin traitant doit être une mesure non pas pérenne, mais transitoire. Sinon, cela voudrait dire que nous ne croyons plus aux textes que nous votons et à nos propres efforts.
Ce sous-amendement vise donc à limiter cette mesure à une durée de cinq ans. En tant que de besoin, des initiatives ultérieures pourront en prolonger la durée de vie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Yannick Neuder, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 13 rectifié ter, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 128.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié ter, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié ter, présenté par Mme Sollogoub, MM. S. Demilly et J.M. Arnaud, Mmes Lermytte, Gacquerre, Jacquemet et Doineau et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au c du II de l’article 44 quindecies du code général des impôts, après le mot : « financière, » est inséré le mot : « médicale, ».
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Depuis le début de l’examen de ce texte, il est beaucoup question de zonage. Pourtant, l’un d’entre eux n’a pas été évoqué : celui des zones de revitalisation rurale (ZRR), qui ouvre le droit à des exonérations fiscales et a une influence énorme sur l’installation des professionnels de santé.
Ces exonérations déséquilibrent artificiellement les installations de médecins, car rien ne prouve que ces ZRR, qui ont été remplacées par le zonage France Ruralités Revitalisation (FRR), coïncident avec les zones sous-denses en matière de démographie médicale.
J’ai reçu cet après-midi encore un appel au secours des médecins de la ville de Nevers. Celle-ci n’étant pas classée en zone FRR, aucun médecin ne s’y installe. Les professionnels de santé privilégient Moulins, qui est une ville comparable, mais qui est classée en zone FRR.
Il convient de se pencher sur cette question.
Dans le prolongement des débats que nous avons eus sur l’opportunité de définir des tarifications différentes selon la densité de médecins, nous pouvons très bien imaginer de mieux rémunérer les médecins en zone sous-dense. Cela ne me choque pas du tout, à condition que tous les médecins en profitent, qu’ils soient nouvellement installés ou non.
Toutefois, en parallèle, il convient de faire sortir les professions médicales du dispositif FRR, lequel part du principe qu’il est normal d’aider une entreprise qui s’installe dans un territoire fragile en lui octroyant une exonération fiscale. En effet, ce qui vaut pour une entreprise ne vaut pas pour un médecin : le jour même de la pose de sa plaque, son carnet de rendez-vous est plein.
L’aide au démarrage n’a donc pas de sens pour l’installation d’un médecin. Du reste, je vous rappelle que les assureurs et les agences immobilières ont été exclus du dispositif dès le départ, car nous avons estimé qu’ils n’avaient pas besoin de cette exonération fiscale.
Je vous propose donc de sortir purement et simplement les professions médicales du dispositif FRR pour cesser de mettre en concurrence les territoires de façon malsaine et artificielle. À moins que vous n’envisagiez de classer 87 % du territoire en FRR, mais je vous laisse imaginer ce que cela coûterait…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je rappelle que, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite Valletoux, nous avions limité le bénéfice de ces exonérations à une fois tous les dix ans pour limiter le nomadisme médical.
Par ailleurs, cet amendement pose une question de sécurité juridique : certains médecins s’étant installés en zone de revitalisation rurale en comptant sur le bénéfice de ce dispositif, ils ont peut-être contracté des engagements financiers en conséquence. Aussi, il ne semble pas opportun de les en exclure d’autant que le dispositif que vous visez, celui des ZRR, est en voie d’extinction.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la rapporteure, je comprends tout à fait vos remarques, mais nous devons vraiment faire avancer la réflexion sur ce dispositif. Nous mettons les territoires en concurrence d’une façon totalement artificielle. Si nous étions logiques, 87 % du territoire devrait être classé en FRR pour coller à la proportion de déserts médicaux, ce qui coûterait une fortune !
Nous voyons bien que tout le monde s’accroche à cette classification en ZRR non pas pour attirer des entreprises, mais pour favoriser les installations de professionnels de santé. Il faut avancer sur cette question.
Si je trouve tout à fait normal que l’on rémunère mieux les médecins qui exercent dans les territoires sous-denses, les exonérations fiscales sont discriminantes : les médecins nouvellement installés ne paient pas d’impôts, alors que ceux qui le sont depuis longtemps en paient bel et bien.
Dans le contexte budgétaire actuel, alors que nous demandons des efforts budgétaires à tout le monde, il devient sincèrement indécent que les médecins qui s’installent ne paient pas leurs impôts !
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je soutiens cet amendement de Mme Sollogoub, car celle-ci met l’accent sur un problème que nous rencontrons dans nos territoires et que vous avez d’ailleurs évoqué, madame la rapporteure : le nomadisme médical. En effet, certains médecins s’installent dans une ZRR pendant cinq ans pour bénéficier du dispositif, puis ils la quittent pour une autre, distante de quelques kilomètres, afin d’en profiter de nouveau.
Outre le fait que ces exonérations pourraient occasionner des dépenses énormes si le nombre de ZRR augmente, elles créent une inégalité entre les médecins déjà installés et ceux qui s’installent.
De plus, comme l’a dit Mme Sollogoub, les médecins n’ont pas besoin d’aide au démarrage, puisque dès le jour où ils posent leur plaque, ils peuvent réaliser suffisamment de consultations pour s’assurer une rémunération.
Je suis donc favorable à la suppression des exonérations fiscales pour l’installation de médecins dans les zones FRR.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. Madame Sollogoub, je vous rappelle qu’à la suite de la réforme des ZRR adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2024, six départements sont entièrement couverts, dont la Nièvre.
Mme Nadia Sollogoub. Non, la ville de Nevers n’est pas couverte !
M. Rémy Pointereau. Si, l’ensemble du département est couvert.
Mme Nadia Sollogoub. C’est quand même mon département…
M. Rémy Pointereau. Pourtant, en principe, la Nièvre est intégralement incluse, y compris Nevers. Il faudrait demander à notre collègue Bernard Delcros, qui était à l’initiative de cette proposition.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souhaite abonder dans le sens de Rémy Pointereau. Il convient de faire preuve de prudence. Peut-être sommes-nous allés trop loin dans le zonage FRR, mais il faut reconnaître qu’en milieu rural profond le dispositif a permis des installations de médecins et en permettra peut-être d’autres.
Je veux bien admettre que le dispositif pose problème dans certaines zones et doive être révisé, mas je voudrais rappeler que Bernard Delcros et Patrice Joly se sont mobilisés pour que les territoires ruraux conservent le bénéfice des ZRR. Soyons très prudents sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.
Mme Annie Le Houerou. Je soutiens cet amendement. Je pourrais vous citer des exemples très précis de médecins qui se sont déplacés dans une zone voisine classée FRR pour profiter de nouveau des 50 000 euros d’aide à l’installation et des exonérations d’impôts – 75 % pendant leurs cinq premières années d’exercice, 50 % les trois années suivantes et 25 % les deux années suivantes.
La différence de traitement est telle qu’il existe une fuite de médecins vers les zones FRR limitrophes de leur lieu d’exercice, qui emportent d’ailleurs avec eux leur patientèle.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre. Madame Sollogoub, je suis d’accord avec vous. Dans le cadre du pacte de lutte contre les déserts médicaux, j’ai demandé une mission d’inspection sur ce sujet qui mobilise l’inspection générale des affaires sociales (Igas), l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale de l’administration (IGA). J’attends les conclusions de cette mission pour savoir comment rectifier la situation difficile que vous avez très bien décrite.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Cette discussion est fort intéressante, mais n’est-ce pas justement le moment de dresser la liste de l’ensemble des dispositifs qui sont mobilisés depuis dix ans pour inciter à l’installation dans les déserts médicaux ? Il serait intéressant de mesurer ce que versent les communes, les intercommunalités, les départements, les régions et l’État et combien coûtent les défiscalisations.
Quelle somme représente le cumul de toutes ces aides et pour quelle efficacité ? J’aimerais obtenir une réponse à cette question. Pour ma part, j’ai relevé vingt-quatre dispositifs incitatifs. Ce sujet mérite davantage d’information.
M. le président. L’amendement n° 108, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Dans les zones mentionnées au 2° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique, les médecins exerçant à titre libéral ou salarié ne peuvent facturer de dépassements d’honoraires par rapport aux tarifs opposables prévus par les conventions mentionnées à l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale.
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à proscrire les dépassements d’honoraires dans les zones sur-denses. Au fond, il s’inscrit largement dans la logique ayant conduit les auteurs de la proposition de la loi à rédiger l’article 5.
En effet, cet article suggère – cela suscite de nombreuses discussions – que la modulation de la rémunération des médecins constitue un instrument de pilotage territorial. Nous proposons de pousser la logique.
Dans les zones où l’offre de soins est déjà abondante, la faculté de pratiquer des dépassements d’honoraires ne contribue pas à améliorer l’accès aux soins. Elle conduit seulement à des augmentations tarifaires et à l’essor de certaines spécialités, notamment la médecine esthétique. Elle n’incite donc pas du tout à améliorer la qualité des soins.
En adoptant cet amendement, nous doublerions donc in fine le signal vertueux envoyé par l’article 5.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je ne reviens pas sur le fait que les dépassements d’honoraires sont d’ores et déjà encadrés par le code de déontologie et la convention médicale.
Les médecins qui ont choisi le secteur 2 lors de leur primo-installation ne bénéficient pas – et heureusement – de certaines aides conventionnelles et de la prise en charge d’une partie de leurs cotisations.
Le fait d’interdire les dépassements d’honoraires par la loi remettrait profondément en cause la situation actuelle et bouleverserait plusieurs dispositifs conventionnels. Le moment ne me semble pas opportun pour le faire. Il faudrait alors débattre de l’éventualité de supprimer purement et simplement le secteur 2 et le secteur 3.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 108.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 6
Le livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa de l’article L. 4131-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le médecin qui sollicite le remplacement s’absente pour concourir à l’amélioration de l’accès aux soins dans des territoires caractérisés par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4, l’autorisation ne peut être refusée que pour un motif impérieux tenant à la qualité et à la sécurité des soins, ou en cas de manquement aux principes, aux devoirs professionnels et aux règles déontologiques mentionnés aux articles L. 4121-2 et L. 4122-1. » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 4141-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le chirurgien-dentiste qui sollicite le remplacement s’absente pour concourir à l’amélioration de l’accès aux soins dans des territoires caractérisés par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4, l’autorisation ne peut être refusée que pour un motif impérieux tenant à la qualité et à la sécurité des soins, ou en cas de manquement aux principes, aux devoirs professionnels et aux règles déontologiques mentionnés aux articles L. 4121-2 et L. 4122-1. » ;
3° Après le deuxième alinéa du I de l’article L. 4151-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la sage-femme qui sollicite le remplacement s’absente pour concourir à l’amélioration de l’accès aux soins dans des territoires caractérisés par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4, l’autorisation ne peut être refusée que pour un motif impérieux tenant à la qualité et à la sécurité des soins, ou en cas de manquement aux principes, aux devoirs professionnels et aux règles déontologiques mentionnés aux articles L. 4121-2 et L. 4122-1. »