Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous penchons aujourd’hui sur une proposition de loi de nos collègues socialistes visant à limiter le recours aux licenciements économiques dans les entreprises d’au moins 250 salariés. Ce sujet important mérite débat.
Nous partageons votre constat sur la désindustrialisation de la France. Entre 1980 et aujourd’hui, 50 000 emplois ont été détruits chaque année dans nos usines. Dans tous nos territoires, nous déplorons des fermetures de sites, des délocalisations, des pertes d’emplois, des familles frappées par le chômage. Quelle que soit notre sensibilité politique, nous nous battons, à chaque fois, pour aider à sauver le maximum d’emplois.
Si nous partageons le constat, nous divergeons profondément sur les solutions à mettre en place pour réindustrialiser la France. En proposant dans votre texte de nouvelles mesures très coercitives pour les entreprises, vous nous offrez une nouvelle illustration de votre vision erronée du monde dans lequel nous vivons.
Vous souhaitez tout d’abord interdire aux entreprises de recourir aux licenciements économiques, lorsqu’elles réalisent des profits ou distribuent des dividendes.
Les licenciements et les restructurations font partie – hélas ! – de la vie économique d’une entreprise, d’un territoire, d’un pays. En France, nos entreprises ne licencient pas par plaisir, facilité ou complaisance. Elles licencient lorsqu’elles y sont contraintes, soit parce qu’elles sont en situation de crise, soit parce qu’elles anticipent des évolutions et cherchent à préserver leur compétitivité.
Telle est la réalité de l’économie mondiale. Elle impose une adaptation continue de l’offre à la demande. Elle commande un progrès permanent en matière de productivité. Elle sanctionne toujours l’inadaptation des savoir-faire. Si la décision de licencier est toujours douloureuse, elle est parfois le dernier recours pour préserver l’entreprise et assurer le maintien des emplois.
Une entreprise peut certes vivre plusieurs siècles, mais aucune n’est éternelle. Dans un monde de plus en plus concurrentiel, si une entreprise ne s’adapte pas, elle est condamnée à disparaître. Nous touchons là au cœur de ce qui nous sépare des derniers partisans de l’économie dirigée qui, par leurs idées fausses et dangereuses, dénaturent le débat sur les règles de licenciement en France.
Non, on ne protégera pas l’emploi en France en accumulant les obstacles et les procédures pour tenter de dissuader les entreprises de licencier. On ne protégera pas l’emploi en France en agitant l’épouvantail des licenciements boursiers pour stigmatiser l’ensemble des entreprises et leurs responsables qui se battent pour en assurer la pérennité et la compétitivité.
Vous voulez interdire aux entreprises de licencier dès lors qu’au cours du dernier exercice comptable de l’année écoulée, elles ont distribué des dividendes.
Permettez-moi de faire un peu de pédagogie, mes chers collègues. Les dividendes servent à rémunérer une prise de risque, lequel peut être pris par de petits actionnaires ou par des retraités qui veulent mettre de l’argent de côté et diversifier leur épargne. En quoi est-ce blâmable ? Ces actionnaires pourraient choisir d’autres placements, sans emploi à la clé.
Je suis certaine que vous-même, mes chers collègues, vous placez ou avez déjà placé une partie de vos économies, par exemple à la Caisse d’épargne, sur un livret A ou sur un autre compte épargne et que vous attendez un revenu de ce placement. Eh bien, on peut assimiler ce revenu à un dividende ! Quant aux grands investisseurs, réjouissons-nous qu’ils veuillent encore investir en France.
Votre proposition de loi est un nouveau repoussoir à la création d’activité et à l’implantation d’entreprises dans notre pays.
Vous proposez d’ailleurs d’interdire les licenciements aux entreprises qui ont bénéficié dans l’année du crédit d’impôt recherche. Vous allez même jusqu’à sanctionner l’employeur qui aurait procédé à un licenciement économique en le privant pendant trois ans de certaines aides publiques, dont ce crédit d’impôt recherche.
C’est d’abord oublier un peu vite que la finalité du crédit d’impôt recherche n’est pas de maintenir l’emploi, mais de soutenir l’effort de recherche et développement. C’est oublier ensuite que les allégements de charges sociales sont indispensables dans notre pays, et ce, afin d’atténuer la fiscalité sur le travail, qui demeure trop élevée.
Je ne résiste pas à l’envie de vous rappeler qu’en 2012 l’arrivée de François Hollande au pouvoir s’était aussitôt traduite par un matraquage fiscal sans précédent, à hauteur de 50 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur l’activité économique. Le CICE avait alors été mis en place dans la foulée pour adoucir cette bombe fiscale.
Il s’agit d’un énième exemple typique de notre mal français : on crée des impôts et des taxes à un niveau extrêmement élevé, puis on décide d’en atténuer les effets par des dispositifs qui emportent de la complexité et que la gauche utilise pour jeter l’opprobre sur les entreprises. Vous vous plaignez d’un mal dont vous chérissez les causes.
Aujourd’hui, comme hier, vous vous trompez de combat. Vous défendez une vision punitive de l’entreprise, au détriment d’une politique ambitieuse en faveur de l’emploi et de la réindustrialisation. Alors que nos voisins encouragent l’investissement, vous préférez la sanction. Au lieu de créer un cadre stable et incitatif pour accompagner les entreprises dans leur évolution, vous les dissuadez d’investir en France. Au lieu de traiter les causes profondes de la désindustrialisation, vous risquez d’en accélérer le processus.
De l’analyse des critères que vous proposez, notamment le critère relatif aux allégements de cotisations, qui concerne en réalité toutes les entreprises de plus de 249 salariés, je déduis qu’aucune entreprise de cette taille ne pourrait plus licencier. Il faut au contraire raisonner au cas par cas, chaque situation d’entreprise étant différente.
Rien ne nous interdit, en revanche, de réfléchir à une amélioration des contrôles. Quand une entreprise ne respecte pas ses engagements, il est normal qu’elle rembourse les aides publiques. Le code du travail encadre déjà strictement le licenciement économique et, si ce dernier n’est pas justifié, le juge peut l’annuler.
Depuis quelques semaines, une commission d’enquête sénatoriale présidée par Olivier Rietmann travaille justement sur ces aides versées aux grandes entreprises. Attendons les conclusions de notre collègue rapporteur Fabien Gay avant d’envisager les évolutions qui, le cas échéant, nous paraîtront utiles.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous croyons à la liberté, nous croyons à un État qui encourage et accompagne, nous ne croyons pas à un État qui contraint.
Assumer la réalité de l’économie de marché est un impératif pour lutter efficacement contre ses conséquences les plus inacceptables. Fort de cette lucidité, on peut anticiper les conséquences sociales des restructurations, s’efforcer de prévenir les risques d’exclusion des catégories de salariés les plus vulnérables, lutter contre les effets des restructurations sur les bassins d’emplois les plus touchés et engager une véritable politique de réindustrialisation de notre pays.
Comme vous le savez, les élus se mobilisent partout pour sauver des emplois. Je rappelle toutefois régulièrement aux représentants du personnel que je rencontre qu’il ne sert souvent à rien de venir vers nous lorsque leur entreprise n’investit plus depuis deux ou trois ans. L’arrêt des investissements est souvent le premier signe de difficultés.
Pour améliorer la situation, les solutions sont bien connues – elles sont portées avec constance par notre groupe parlementaire – : baisser le coût du travail, qui, dans notre pays, reste parmi les plus élevés d’Europe ; stopper les surtranspositions de normes européennes qui pénalisent nos entreprises ; accélérer le programme sur le nucléaire pour baisser le coût de l’énergie ; faire de la préférence européenne le principe directeur de nos achats publics ; encourager davantage la recherche et l’innovation pour anticiper les ruptures technologiques de demain.
Telle est la seule boussole qui devrait nous guider pour que la France redevienne un grand pays industriel et retrouve le plein emploi.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise vise à limiter le recours aux licenciements économiques dans les entreprises de plus de 249 salariés.
L’intention est affichée : lutter contre les licenciements jugés abusifs, en conditionnant le recours à cette procédure au comportement financier des grandes entreprises et en restreignant l’accès de ces dernières aux aides publiques.
Si cette intention peut paraître légitime à première vue, notamment dans un contexte de tension sociale et de vigilance sur l’usage des deniers publics, la proposition de loi qui nous est présentée soulève de nombreuses réserves.
Premièrement, ce texte repose sur une conception excessivement rigide du fonctionnement économique des entreprises. Il établit un lien de causalité direct et systématique entre performance financière et interdiction de licencier. Concrètement, une entreprise qui distribuerait des dividendes, procéderait à un rachat d’actions ou dégagerait un résultat positif se verrait interdire le licenciement économique.
Or une entreprise peut être contrainte à une restructuration dans un de ses secteurs d’activité, tout en conservant une performance globale réelle. Elle peut chercher à préserver sa compétitivité, anticiper un retournement de marché ou se réorganiser pour continuer à produire et à investir. De telles décisions ne sont pas abusives : elles relèvent d’une gestion stratégique responsable dans un environnement incertain.
La logique de cette proposition de loi revient donc à faire primer l’apparence comptable sur l’analyse réelle des enjeux économiques. Ce faisant, ce texte contraint dangereusement la capacité d’adaptation des entreprises au risque de provoquer in fine des destructions d’emplois plus nombreuses encore.
Deuxièmement, les dispositifs proposés remettent en cause des principes fondamentaux du droit du travail et du droit fiscal, en instaurant des sanctions automatiques, sans appréciation au cas par cas. L’article 2, en particulier, prévoit la suppression des aides publiques – crédit d’impôt recherche, exonérations de cotisations – pour les entreprises dont un licenciement économique serait jugé abusif. Il ouvre aussi la voie au remboursement rétroactif de ces aides.
Nous comprenons la volonté de conditionner les aides publiques à des contreparties sociales. C’est un sujet légitime, sur lequel le Parlement travaille et continuera de travailler. Mais une telle mesure, formulée de manière aussi automatique et sans évaluation fine, serait juridiquement instable et économiquement dissuasive.
Enfin, nous devons mesurer la portée symbolique et pratique de ce texte sur notre attractivité économique. Les grandes entreprises, qui sont visées par cette proposition, sont aussi celles qui portent une part importante de l’investissement, de l’innovation et de la formation professionnelle dans notre pays. Elles doivent certes être tenues à l’exemplarité, mais elles doivent aussi pouvoir s’adapter, évoluer et anticiper les mutations industrielles et écologiques majeures que nous appelons de nos vœux.
Une économie moderne, ouverte et résiliente ne se construit pas dans l’injonction punitive ! Elle se construit dans le dialogue, la responsabilité partagée et la confiance entre l’État, les entreprises et les salariés.
Nous ne croyons pas que ce texte apporte des solutions concrètes aux questions de reconversion, de transition professionnelle et d’accompagnement des bassins d’emploi fragilisés. Nous pensons qu’il enferme le débat dans une logique de confrontation, alors que les défis de notre temps appellent une mobilisation commune.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à limiter le recours au licenciement économique dans les entreprises d’au moins 250 salariés
Avant l’article 1er
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Brulin et Silvani, M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1233-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-3. – Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives à une cessation d’activité ou à des difficultés économiques qui n’ont pu être surmontées par la réduction des coûts autres que salariaux ou, à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l’entreprise, et dès lors que l’entreprise n’a pas recours au travail intérimaire ou à la sous-traitance pour exécuter des travaux qui pourraient l’être par le ou les salariés dont le poste est supprimé.
« L’entreprise devra avoir cherché par tous moyens adaptés à sa situation d’éviter un licenciement pour motif économique, de sorte que le licenciement pour motif économique constitue le dernier recours pour assurer sa pérennité.
« L’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’effectue au niveau de l’entreprise si cette dernière n’appartient pas à un groupe.
« Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques ou des mutations technologiques s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe.
« Les situations visées au premier alinéa qui seraient artificiellement créées ainsi que celles résultant d’une attitude frauduleuse de la part de l’employeur, ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à revenir sur la définition des licenciements économiques. La loi Macron de 2015, la loi El Khomri de 2016 et les ordonnances Pénicaud de 2018 ont assoupli les motifs de licenciements économiques, de sorte qu’il n’a jamais été aussi facile de procéder à des licenciements massifs dans notre pays.
Au fil des réformes du droit du travail, le motif économique a perdu en précision, tandis que ses conditions de mise en œuvre ont gagné en souplesse. La dérégulation de l’économie a provoqué celle du marché du travail : les entreprises ont été incitées à recourir à des licenciements massifs pour limiter le risque de perte de parts de marché par rapport à leurs concurrents. Ils ont ainsi été amenés à considérer leurs salariés comme de simples coûts à réduire, à externaliser ou à délocaliser.
Le fait qu’une entreprise puisse, en l’absence de difficultés économiques, lancer un projet de licenciement s’il est justifié par une réorganisation nécessaire à sa sauvegarde et à sa compétitivité revient à considérer que la suppression des emplois d’aujourd’hui est légitime dès lors qu’elle assure la sauvegarde des emplois de demain.
Selon nous, il convient de revenir sur cette définition afin de limiter vraiment les licenciements économiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Monique Lubin, rapporteure. Cet amendement vise à redéfinir les raisons économiques du licenciement au sein du code du travail, en supprimant notamment les critères définis par la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Travail. Ces critères, notamment celui de la sauvegarde de la compétitivité, ont en effet assoupli les conditions pour recourir au licenciement économique.
En outre, cet amendement tend à supprimer le périmètre national pour apprécier les difficultés économiques ou les mutations technologiques auxquelles est confrontée une entreprise appartenant à un groupe. Un licenciement devrait ainsi être justifié au regard de la situation globale du secteur d’activité d’un groupe international.
En cohérence avec sa position sur le texte, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Toutefois, à titre personnel, j’estime que cet amendement est tout à fait bienvenu, car il s’inscrit dans l’esprit de cette proposition de loi, qui a vocation à rééquilibrer le droit du licenciement économique en faveur de la protection des emplois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez de supprimer les précisions apportées par la loi Travail de 2016 sur la définition du motif économique.
Or ces précisions contribuent à lever les freins à l’embauche, lorsque le chef d’une PME hésite à recruter. En effet, elles évitent que les embauches à durée déterminée se multiplient, parce qu’elles sont perçues comme la voie la plus sûre pour se prémunir contre les difficultés à rompre le contrat de travail en cas de coup dur.
Aussi ne me semble-t-il pas opportun de modifier la rédaction actuelle de cet article du code du travail, sous peine de porter atteinte à l’équilibre du droit du licenciement économique.
Je précise que, selon l’Insee, 25 % des entreprises industrielles considèrent que les difficultés de recrutement limitent leur production, alors qu’elles n’étaient que 7 % à le penser en 2006. De plus, France Stratégie a évalué les besoins prévisionnels de recrutement dans les métiers industriels à 90 000 par an sur la période 2019-2030.
Ce n’est pas en prenant ce genre de mesures que nous faciliterons les recrutements en France, en particulier dans le secteur de l’industrie.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 286 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l’adoption | 115 |
Contre | 226 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 1er
La sous-section 1 de la section 2 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1233-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-2-1. – Une entreprise d’au moins deux cent cinquante salariés, telle que définie au 3° de l’article D. 230-1 du code de commerce, ne peut invoquer un motif économique de licenciement au sens de l’article L. 1233-3 du présent code si, au cours du dernier exercice comptable de l’année écoulée, elle a :
« 1° Procédé à la distribution de dividendes ;
« 2° Distribué des stock-options ou actions gratuites, ou procédé à une opération de rachat d’actions ;
« 3° Réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif ;
« 4° Bénéficié des dispositifs prévus aux articles 244 quater B et 244 quater C du code général des impôts ainsi qu’à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
« L’inspection du travail procède aux vérifications nécessaires pour l’application du 4° du présent article. »
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, sur l’article.
M. Thierry Cozic. Je voudrais revenir sur les propos qui ont été tenus pendant la discussion générale au sujet du licenciement économique.
En présentant cette proposition de loi au nom du groupe socialiste, je ne prétends pas modifier les éléments constitutifs des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). L’objectif est simplement de rappeler avec force qu’une entreprise ne peut pas à la fois engager un PSE et verser des dividendes.
Il est en effet contradictoire de voir des entreprises faire le choix de fermer des sites et de licencier des salariés tout en touchant des aides publiques, alors que, dans le même temps, elles sont rentables et versent des dividendes à leurs actionnaires ! Voilà pourquoi nous tenons à préciser ce critère de rentabilité.
Madame la ministre, vous avez mis en avant la situation de l’emploi. Permettez-moi de vous rappeler qu’Emmanuel Macron est au pouvoir depuis huit ans ! C’est le moment de faire le bilan de la politique de l’offre, qui était supposée ruisseler sur l’économie…
Depuis que vous êtes aux responsabilités, notre dette a augmenté de plus de 1 100 milliards d’euros pour atteindre le niveau record de 3 300 milliards. Nous avons constaté 66 000 défaillances d’entreprises l’année dernière et 400 000 emplois ont été détruits entre 2024 et 2025. Dans le même temps, 300 milliards d’euros d’aides publiques ont été versés et les dividendes explosent. Pour preuve, plus de 100 milliards d’euros ont été versés en 2024 sous forme de dividende ou de rachat d’actions.
La situation n’est pas tenable et nos concitoyens ne peuvent pas entendre que l’on s’en satisfasse ! Cette proposition de loi est de bon sens.
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !
M. Thierry Cozic. Elle permet au politique de reprendre la main sur l’économie.
J’en appelle donc à la responsabilité de l’ensemble de l’hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l’article.
M. Simon Uzenat. Mes chers collègues, comme je vous sais suffisamment intelligents pour lire et comprendre les textes, j’ai le sentiment, à l’issue de la discussion générale, que vous ne voulez pas comprendre cette proposition de loi. Vous nous accusez, mon groupe et moi, de défendre l’économie administrée et de vouloir interdire les licenciements. Pourtant, il n’en est nullement question dans ce texte !
Je suis frappé par la façon dont vous balayez d’un revers de main le vécu des Français qui sont confrontés à ces situations. Nous avions bien compris que le Président de la République était adepte d’une forme d’arrogance, nous craignons qu’elle ait contaminé de nombreux élus nationaux… En ce qui nous concerne, nous avons à cœur d’entendre ce que nous disent les Françaises et les Français.
Madame la ministre, nous n’avons rien contre les actionnaires ! Ils prennent des risques et ils méritent d’être rémunérés pour cela ; nous sommes tout à fait d’accord sur ce point. En ce qui concerne les petits actionnaires, évoqués par Mme Gruny, j’affirme que leur responsabilité doit être questionnée. Est-il normal que ceux qui se font bien souvent les défenseurs des entreprises françaises fassent passer leur rémunération personnelle devant la sauvegarde des emplois ?
Je rappelle que les dividendes sont globalement en hausse, voire en forte hausse. Ils ne diminuent pas. Le cas de Michelin est éclairant sur ce point.
Enfin, madame la ministre, vous pointez régulièrement, tout comme nos collègues de la droite sénatoriale, les diverses aides dont peuvent bénéficier nos concitoyens. Mais, manifestement, la question ne semble pas se poser, selon vous, pour les entreprises. Vous dites ne pas vouloir d’un État qui contraint ; en réalité, vous voulez bien d’un État qui contraint les uns, mais pas les autres !
Pour notre part, nous sommes attachés à l’égalité républicaine, qui n’est pas à géométrie variable. Ce texte y contribue. Il envoie un signal de la volonté politique qui doit être la nôtre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 287 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 115 |
Contre | 225 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2
La sous-section 2 de la section 2 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1233-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-3-1. – L’employeur ayant procédé à un licenciement économique jugé abusif au titre de l’article L. 1233-2 perd, pour une durée ne pouvant excéder trois ans, le bénéfice des dispositifs prévus aux articles 244 quater B et 244 quater C du code général des impôts ainsi qu’à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
« Dans le cas où l’employeur est déjà bénéficiaire des dispositifs mentionnés au premier alinéa du présent article, il a l’obligation de rembourser l’intégralité du montant des aides perçues au cours du dernier exercice comptable précédant le licenciement économique jugé abusif au titre de l’article L. 1233-2 du présent code. »
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l’article 2.
Je vous rappelle que, si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait pas lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi dans la mesure où les deux articles qui la composent auraient été supprimés. Il n’y aurait donc pas d’explication de vote sur l’ensemble.
Dans ces conditions, quelqu’un demande-t-il la parole pour expliquer son vote sur l’article 2 ?
La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote sur l’article.
M. Thierry Cozic. Je profite donc de cette intervention à la fois pour présenter l’article 2 et pour m’exprimer de manière plus globale sur ce texte.
Cet article donne au juge, lorsqu’il a établi qu’un licenciement était abusif, le pouvoir de contraindre l’entreprise concernée à rembourser les aides publiques qu’elle aurait perçues lors du dernier exercice ou à l’empêcher d’en percevoir dans les années à venir. Cette disposition me semble importante.
Comme nous parvenons à la fin de l’examen de ce texte, je voudrais remercier le groupe socialiste d’avoir retenu cette proposition de loi pour son espace réservé. Il se trouve qu’elle percute l’actualité, mais elle découle d’un travail que j’ai engagé il y a plusieurs années et qui a vocation à se poursuivre après le vote du Sénat.
La commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants que conduisent en ce moment Olivier Rietmann et Fabien Gay et que j’ai évoquée dans mon propos liminaire produira prochainement des propositions. Le texte que je défends aujourd’hui ne constitue donc que la première pierre d’un vaste édifice.
Mes chers collègues, quelles que soient nos opinions respectives, je pense qu’il nous faudra nous départir de toute lecture dogmatique. (Mme Pascale Gruny s’exclame.) Je le redis, cette proposition de loi visait simplement à interdire aux groupes – seuls eux étaient concernés – de licencier, quand ils touchent des aides publiques dans le même temps. Nos concitoyens ne comprennent pas cet état de fait, qui n’est plus supportable à l’heure où l’on demande des efforts à tout le monde.
Chacun doit faire preuve de responsabilité : le politique, le citoyen, mais aussi l’entreprise ! Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons faire société et il est important que nous avancions collectivement sur ces questions.