M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 115, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les opérateurs de gestion de déchets ne peuvent gérer des déchets issus de produits relevant du 11° de l’article L. 541-10-1 que s’ils disposent de contrats passés en vue de la gestion de ces déchets avec les éco-organismes ou systèmes individuels agréés. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement est très important, car il s’inscrit dans le cadre de la refonte de la filière REP textile que nous menons avec l’ensemble de ses acteurs. Son dispositif va dans le sens de la présente proposition de loi, qui prévoit d’inciter les acteurs à engager une transition vers plus de durabilité et à contractualiser de manière plus transparente, afin d’organiser notre filière de réemploi et de recyclage en garantissant sa sécurité. Il répond en ce sens à une attente forte du secteur.
Aujourd’hui, seul un tiers des textiles usagés sont collectés, le reste terminant sa vie dans les poubelles. Seuls 30 % de ces textiles collectés sont recyclés, majoritairement hors d’Europe, et une proportion encore plus faible d’entre eux est réemployée en France. Or nous ne disposons d’aucune donnée fiable sur ces exportations massives de déchets, en particulier sur leur fin de vie réelle dans les pays de destination.
Le principe de contractualisation obligatoire auprès de l’éco-organisme agréé que vise à instaurer cet amendement doit permettre d’améliorer la traçabilité des flux de déchets et leur bilan environnemental global, tout en favorisant le développement de solutions de traitement de proximité.
Pour investir dans de telles solutions, il est en effet nécessaire d’anticiper les volumes à traiter et les risques afférents.
Cette mesure n’a pas pour objet de remettre en cause les modèles existants déjà vertueux, mais bien d’objectiver les situations et de mettre fin à celles qui ne seraient pas satisfaisantes. Une telle obligation constituera également un levier majeur pour lutter contre le trafic illégal, qui facilitera grandement les contrôles des services d’inspection.
Je tiens à rendre hommage au travail de Marta de Cidrac, engagée depuis longtemps dans une réflexion sur ces filières REP, et qui connaît bien ces sujets, en particulier les insuffisances actuelles en matière de contractualisation.
Le levier juridique que vous pourriez nous accorder en votant cet amendement serait très efficace dans le cadre de la remise à plat de ces filières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Cette mesure n’est pas directement liée à la mode express, mais elle constituerait une évolution bienvenue à la filière REP textile. Elle permettrait en effet de lutter contre le traitement des déchets par des filières parallèles, qui nuit aux acteurs de l’économie circulaire.
Comme j’ai pu par ailleurs le constater au cours des consultations que j’ai menées, cette disposition fait consensus. Aussi, la commission est favorable à l’amendement n° 115.
M. le président. L’amendement n° 108 rectifié, présenté par Mmes Schillinger, Havet et Phinera-Horth, M. Buis, Mme Nadille et M. Fouassin, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 541-10-27 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette obligation s’applique également aux dons effectués à des structures de l’économie sociale et solidaire ou d’intérêt général, par les personnes morales ou physiques dont l’activité relève des pratiques décrites à l’article L. 541-9-1-1, lorsque ces produits, faute de possibilité de réemploi effectif, deviennent des déchets. Cette reprise est conditionnée à la fourniture, par la structure bénéficiaire, des éléments de traçabilité permettant d’attester que ces produits proviennent d’un metteur sur le marché relevant des pratiques décrites à l’article L. 541-9-1-1. Un décret précise les modalités de cette traçabilité. »
La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Les dons de produits inutilisables issus de la mode express constituent un vrai problème – j’en conviens. La suppression de la réduction d’impôt les concernant me paraît en partie répondre au problème.
Le dispositif proposé, qui consiste à prévoir un retour des dons textiles non utilisés à l’éco-organisme, me paraît ingénieux. Je m’interroge toutefois sur sa faisabilité et sur son impact sur l’équilibre économique de la filière REP textile.
Aussi, je souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à prévoir que les éco-organismes de la filière REP textile soient tenus de reprendre les invendus donnés qui ne sont pas réemployés. Or, en France, depuis fin 2023, en application de la loi Agec, il est interdit de mettre en décharge ou d’incinérer les invendus, toutes catégories de produits confondues, y compris les textiles. Ces invendus doivent prioritairement faire l’objet d’un réemploi, notamment via le don, ou, à défaut, d’un recyclage.
Les dons réalisés dans ce cadre sont strictement encadrés. Le bénéficiaire du don peut ainsi en refuser tout ou partie jusqu’à ce qu’il procède à l’enlèvement des produits, lorsque, notamment, ses capacités de transport, de stockage ou les possibilités de redistribution ne sont pas suffisantes ou qu’après contrôle visuel des produits ceux-ci ne paraissent pas fonctionnels ou conformes aux exigences réglementaires en vigueur en matière d’hygiène.
Si, toutefois, une structure de l’économie sociale et solidaire accepte les produits et que ceux-ci ne sont finalement pas réemployés dans leur totalité, ils deviennent des déchets. L’éco-organisme est alors tenu, en application de la législation, de les reprendre gratuitement.
Votre amendement étant pleinement satisfait, madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est désormais l’avis de la commission ?
Mme Sylvie Valente Le Hir, rapporteure. Avis défavorable.
M. le président. Madame Phinera-Horth, l’amendement n° 108 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 83, présenté par Mme Varaillas, MM. Basquin, Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.
« La publicité mentionnée au premier alinéa du présent article inclut les pratiques des personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, utilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque et qui exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. La publicité, nous le savons, est l’un des moteurs de la consommation. Shein a investi plus de 43,8 millions d’euros en publicité digitale en 2023, quand Temu, lui, a dépensé 27,5 millions d’euros, ce qui fait respectivement de ces entreprises le premier et le deuxième annonceur digital dans notre pays en 2023. Ce n’est pas un hasard si ces enseignes sont deux poids lourds de la fast fashion.
Notre objectif étant de réduire le gaspillage, il nous paraît insuffisant de nous borner à contraindre les annonceurs à accompagner les messages publicitaires d’une information du consommateur sur les incidences environnementales de la fast fashion, comme le prévoit l’article 3 bis.
Il est donc souhaitable de rétablir l’article 3, dont la rédaction initiale peut contribuer à réduire sérieusement le nombre de ventes de vêtements.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 9 rectifié ter est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Rochette et Malhuret, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Laménie, Brault, Grand et Chevalier, Mme Bourcier, MM. A. Marc et Chasseing, Mme Perrot et M. L. Hervé.
L’amendement n° 33 rectifié quinquies est présenté par Mme Housseau, M. Henno, Mme Billon, MM. Canévet et Kern, Mmes Jacquemet et Saint-Pé et MM. Levi, Folliot, Daubet et Duffourg.
L’amendement n° 72 rectifié quater est présenté par M. Menonville, Mme Devésa, MM. Bonneau, Parigi et Maurey et Mme Antoine.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article 229-61-… ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61…. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale relevant de la mode éphémère, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.
« La publicité mentionnée au premier alinéa du présent article inclut les pratiques des personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, utilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque et qui exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié ter.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Le présent amendement vise à réintroduire l’interdiction générale de la publicité pour les produits relevant de la mode éphémère.
En effet, seule une interdiction globale de la promotion publicitaire permettra d’éviter le report des dépenses vers d’autres supports ou médias, lequel provoquerait en outre un renchérissement du coût de la publicité pour les autres acteurs, y compris vertueux, du secteur.
Une interdiction de la publicité pour des motifs environnementaux n’est pas en soi inconstitutionnelle, mais sa pertinence et sa proportionnalité doivent être justifiées. Remis en décembre 2024, le rapport inter-inspections intitulé Contribution et régulation de la publicité pour une consommation plus durable, qui étudie spécifiquement le cas présent, constitue une base de travail solide en ce sens.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié quinquies.
Mme Marie-Lise Housseau. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié quater n’est pas soutenu.
L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, M. Gillé, Mme Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Omar Oili, Ouizille, Uzenat, M. Weber et Kanner, Mmes Espagnac et Linkenheld, M. Michau, Mmes Monier, Canalès et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.
« Tout manquement à cette interdiction est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement vise à rétablir partiellement l’article 3, supprimé en commission par la rapporteure, et, partant, à instaurer une interdiction générale de la publicité pour les produits correspondant à la définition de la mode éphémère.
En commission, la rapporteure a justifié la suppression de cet article au motif qu’il présente un risque d’inconstitutionnalité. Or, à l’Assemblée nationale – je le rappelle une nouvelle fois –, une large majorité de députés ont jugé que tel n’était pas le cas.
La rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, qui est membre du groupe Horizons, a estimé dans son rapport que cette restriction à la liberté d’entreprendre était « justifiée par la nécessité de limiter la surproduction de produits textiles afin d’en limiter les conséquences pour l’environnement ».
Nous considérons que l’article 3 bis, introduit en commission, qui ne vise que les influenceurs, ne compense pas la suppression du présent article. Par ailleurs, l’interdiction générale est à la fois justifiée par une raison d’intérêt général et proportionnée à l’objectif visé.
Madame la rapporteure, pourriez-vous préciser votre analyse constitutionnelle et nous expliquer en quoi le raisonnement de l’Assemblée nationale est selon vous erroné ?
M. le président. L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Dossus, Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code l’environnement est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 229-61, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires, définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique commerciale dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.
2° Au premier alinéa de l’article L. 229-63, après la référence : « L. 229-61 », est insérée la référence : « , L. 229-61-1 »
II. – Après le 32° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De l’article L. 229-61-1 du code de l’environnement. »
III. – Le 1° du I entre en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Cet amendement vise lui aussi à rétablir la disposition adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, puis supprimée en commission par le Sénat. Je m’associe à la demande de précision formulée à l’instant par Nicole Bonnefoy, car je ne comprends pas bien les raisons justifiant l’inconstitutionnalité de cette disposition.
Soyons cohérents, mes chers collègues. Lors de la discussion générale, chacun a reconnu que la fast fashion et l’ultrafast fashion constituaient de véritables fléaux, en raison non seulement de leurs conséquences catastrophiques sur les ressources, mais aussi de leur modèle social fondé sur l’exploitation des travailleurs.
Si nous voulons mettre fin à ce modèle, il faut nous attaquer à son moteur, la publicité, qu’elle soit numérique et ciblée ou diffusée plus globalement dans l’espace public, les marques visées ayant dernièrement redoublé d’efforts en matière de communication.
En encadrant la publicité relative à la fast fashion, nous affirmons que nous ne voulons pas de ce modèle de consommation.
Vous avez décrit les dégâts de la fast fashion de manière très offensive, madame la rapporteure. Si nous voulons être cohérents avec les propos que nous avons tenus, mes chers collègues, il nous faut rétablir l’interdiction générale de publicité pour ces marques. Tel est l’objet de cet amendement important.
M. le président. L’amendement n° 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits dans le cadre de la pratique industrielle et commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des marques ayant recours à cette pratique industrielle et commerciale, dans la mesure où la production excessive de vêtements, de linge de maison et de chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique. »
II. – Le I en vigueur le 1er janvier 2026.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’objectif étant d’élaborer un texte robuste, cet amendement tend à rétablir l’interdiction générale de la publicité sur les médias classiques pour la mode ultra-éphémère.
Le risque d’inconstitutionnalité existe. La réduction des marges de manœuvre des acteurs économiques pouvant se justifier par un motif d’intérêt général, ce risque n’est toutefois peut-être pas aussi fondé qu’il y paraît.
Permettez-moi de citer quelques données relatives à la publicité.
Pas moins de sept Français sur dix se disent prêts à changer leurs habitudes d’achat de vêtements, ou l’ont déjà fait, afin d’en limiter les conséquences sur l’environnement, mais aussi pour leur portefeuille. En dépit de cette prise de conscience, les Français sont exposés à une publicité omniprésente, phénomène qui se traduit par des budgets publicitaires dont le montant atteint des dizaines de millions d’euros, voire davantage.
Un Français sur deux estime avoir effectué un achat après avoir été exposé à une publicité en ligne, sur les réseaux sociaux ou à la suite de la recommandation d’un influenceur.
Ces données montrent que, malgré la véritable volonté des Français de basculer vers un modèle de consommation vestimentaire plus durable, la pression publicitaire qui s’exerce constamment sur eux peut les conduire à des achats impulsifs – et souvent regrettés ensuite – de marchandises qui, hélas, ne sont pas durables.
L’encadrement ciblé de la publicité permettrait de rééquilibrer la situation actuelle, marquée par les moyens faramineux déployés par les acteurs de l’ultrafast fashion, d’un côté, et les conséquences désastreuses de la consommation des produits ainsi promus en matière d’environnement, d’emploi et d’animation de nos centres-villes, de l’autre. Les différents orateurs ayant été très diserts à ce sujet lors de la discussion générale, je ne m’étendrai pas davantage sur toutes ces conséquences.
Les députés ont voté à l’unanimité – je le souligne – en faveur de cette interdiction.
Pourquoi le droit de l’Union européenne pourrait-il limiter, ou, a minima, reporter notre action ? Comme je l’ai indiqué, la directive sur le commerce électronique soumet les prestataires de services d’information au droit de l’État membre dit « d’origine », c’est-à-dire dans lequel ils ont établi leur activité, en l’occurrence l’Irlande pour une majorité des plateformes de vente visées. La France étant considérée dans ce cas comme un État membre de destination, elle ne peut pas restreindre la circulation de services provenant de l’État membre d’origine.
Nous ne pourrions déroger à ce principe, par exemple pour appliquer les dispositions de la présente proposition de loi, qu’en cas d’atteinte à la protection de l’ordre public, à la santé publique, à la sécurité publique ou à la protection des consommateurs par le prestataire établi dans un autre État membre. L’atteinte à la protection de l’environnement ne constitue pas, à ce jour, un motif de dérogation.
La jurisprudence européenne précise par ailleurs qu’il n’est pas possible de prendre des mesures générales et abstraites à l’encontre de prestataires de services d’information établis dans un autre État membre. Par conséquent, si des mesures générales d’interdiction de la publicité sont adoptées dans le présent texte, elles ne s’appliqueront qu’aux prestataires établis en France.
Quelle stratégie pouvons-nous adopter pour avancer malgré tout ?
Avant même la réunion d’une éventuelle commission mixte paritaire, nous notifierons ce texte à la Commission européenne. Vous pourrez ainsi tenir compte des observations de celle-ci et amender le texte de manière à le rendre plus robuste.
J’estime toutefois que le plus efficace serait d’obtenir une modification de la directive sur le commerce électronique afin d’y inclure une dérogation fondée sur l’atteinte à la protection de l’environnement. Le récent rapport réalisé par l’inspection générale des finances (IGF), l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) et l’inspection générale des affaires culturelles (Igac) suggère de faire reposer cette dérogation au titre de la protection de l’environnement sur certaines pratiques industrielles et commerciales excessives constatées dans le secteur textile.
Sous réserve de ce combat qui doit être mené à l’échelon européen, je suis favorable à la réintroduction de l’interdiction générale de la publicité pour les produits de la mode ultra-éphémère. Telle est du reste la raison de mon insistance sur le fait que, si l’article 2 vise la fast fashion, les articles 1er et 3, eux, ne visent que l’ultrafast fashion, qui est donc seule concernée par cette interdiction générale de publicité.
Nous sommes certes David contre Goliath,…
M. Loïc Hervé. Oui, mais c’est David qui gagne à la fin !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … mais nous nous donnons les moyens d’agir au niveau français.
Si, après avoir fait l’unanimité à l’Assemblée nationale, cette disposition est votée par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, nous pourrons nous prévaloir de ce vote consensuel auprès de la Commission européenne pour faire bouger les lignes.
Je ne mésestime pas les risques juridiques, mais nous faisons de la politique ! Par cet amendement, je vous propose de défendre non seulement les entreprises françaises, mais aussi les valeurs européennes de durabilité et de protection de l’environnement qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 67, présenté par M. Hingray, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 229-61 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1 - I. – Est interdite toute publicité relative à la commercialisation de produits relevant d’une pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte d’entreprises, d’enseignes ou de marques ayant recours à cette pratique, lorsqu’elle est diffusée sur des supports spécifiquement destinés aux mineurs ou manifestement conçue pour les cibler.
« Cette interdiction est justifiée par l’objectif de protection de l’environnement, en raison de l’impact significatif de la surproduction de vêtements, linge de maison et chaussures sur le changement climatique. Elle s’applique à tous les supports et médias de communication commerciale.
« II. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
« III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2026. »
La parole est à M. Jean Hingray.
M. le président. L’amendement n° 77 rectifié bis, présenté par MM. Dossus, Fernique, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, M. Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le code l’environnement est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 229-61, il est inséré un article L. 229-61-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 229-61-1. – Est interdite la publicité relative à la commercialisation de produits entrant dans le cadre de la pratique commerciale définie à l’article L. 541-9-1-1, ou faisant la promotion directe ou indirecte des entreprises, des enseignes ou des marques ayant recours à cette pratique sur les services de communication au public en ligne ou les services de plateforme de partage de vidéos accessibles à des mineurs de moins de quinze ans.
« Un décret pris en Conseil d’État vient préciser les modalités de contrôle de cette interdiction. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 229-63 est complété par les mots : « et le fait de ne pas respecter l’interdiction prévue à l’article L. 229-61-1, est puni d’une amende de 250 000 euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent, le plus élevé des deux montants étant retenu. »
II. – Après le 32° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De l’article L. 229-61-1 du code de l’environnement ; ».
La parole est à M. Thomas Dossus.