Présidence de M. Xavier Iacovelli
vice-président
Secrétaires :
Mme Céline Brulin,
M. Fabien Genet.
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Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
conséquence du classement en zone agricole dans le cadre de l’élaboration d’un plan local d’urbanisme
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, auteure de la question n° 560, adressée à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Mme Laurence Garnier. Madame la ministre, quand les maires élaborent leur plan local d’urbanisme (PLU), ils sont incités, parfois contraints, à déclasser des espaces à urbaniser, classés « U » dans leurs documents d’urbanisme, pour les basculer en espaces agricoles, classés « A ».
Cette bascule a vocation à préserver les espaces naturels et agricoles dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux, dite zéro artificialisation nette (ZAN), laquelle exigerait d’ailleurs quelques évolutions ; c’est l’objectif de la proposition de loi sénatoriale visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), mais je ne m’y attarde pas.
Ces changements de classement ont des conséquences très importantes pour les finances des communes concernées. En effet, lorsqu’une parcelle relève d’un classement en zone à urbaniser, sa vente entraîne la perception de droits de mutation, dont une partie abonde les finances communales. Au contraire, lorsqu’elle est basculée en zone agricole, les communes sont privées de ces droits de mutation au profit de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).
C’est le cas, par exemple, de la commune de Saint-Molf, dans la Loire-Atlantique, dont le maire a dû convertir des espaces à urbaniser en espaces agricoles. Ce faisant, il enrichit la Safer et appauvrit sa propre commune. Voilà la forme de schizophrénie que l’on exige de nos élus locaux…
Madame la ministre, comment comptez-vous corriger cette anomalie, afin de redonner à nos communes l’autonomie financière nécessaire pour mener à bien leurs projets ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Madame la sénatrice Laurence Garnier, comme vous le savez, l’urbanisme est l’une des compétences principales des collectivités locales. Ainsi, les décisions qui sont prises pour l’élaboration des PLU s’appuient sur le code de l’urbanisme et sur les lois que vous avez citées, mais ces choix sont aussi et surtout pris en fonction de l’appréciation de la configuration des lieux et des circonstances locales.
En l’occurrence, en ce qui concerne les hameaux existants, le choix de leur zonage doit faire l’objet d’une justification précise dans le rapport de présentation du PLU. Le juge administratif en contrôle les erreurs manifestes d’appréciation. Le classement d’un hameau en zone A ne peut ainsi se justifier qu’en cas de potentiel agricole, par exemple en raison de la qualité du site ou de son éloignement de l’enveloppe urbaine.
Dans son projet de PLU, arrêté en janvier dernier, la commune de Saint-Molf, que vous évoquez, a fait le choix de classer certains hameaux en zone A, avec un sous-secteur Aap spécifique. Cette décision a été prise, parce que la collectivité avait déterminé qu’un certain nombre de ses hameaux devaient être protégés au vu de leur potentiel de continuité écologique.
Du reste, le classement en zone A d’un terrain ne signifie aucunement une perte automatique de la perception par les collectivités des droits de mutation à titre onéreux en cas de vente ; cela signifie simplement que les Safer peuvent y exercer leur droit de préemption, comme sur une zone délimitée naturelle et forestière, une zone agricole protégée ou encore un périmètre de protection des espaces agricoles et naturels périurbains. Plus globalement, les Safer peuvent exercer leurs prérogatives – préemption, mais surtout acquisitions amiables par substitution – sur les biens ruraux, terres et exploitations agricoles, impliquant ainsi une exonération pour les acquéreurs de versement des droits de mutation.
Si les Safer sont effectivement intervenues en 2023 sur 20 % des terrains vendus, ces opérations sont soumises à contrôle strict des commissaires de gouvernement chargés de l’agriculture et des finances, qui vérifient précisément la légitimité de l’intervention des Safer au regard des missions de services et de l’absence de perception de ces droits.
Le Gouvernement se réfère donc à ces textes de loi et aux opérations de contrôle menées par lesdits commissaires.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour la réplique.
Mme Laurence Garnier. Je vais prendre le temps de relire votre réponse, qui est très technique – c’est toujours le cas en matière d’urbanisme. Je me permets toutefois de vous faire part du désarroi du maire de Saint-Molf et de nombre de ses collègues devant cette situation. Ils estiment qu’il s’agit plus d’une contrainte que d’un choix libre.
Les communes ne perçoivent plus la taxe d’habitation et ont perdu leur autonomie financière ; il est temps de restaurer leur autonomie fiscale.
travaux de consolidation de la rd 900
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 570, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur l’avenir de l’une des routes les plus stratégiques des Alpes-de-Haute-Provence, la route départementale 900, dite route de la Rochaille.
La RD 900, axe majeur de liaison entre la France et l’Italie, relie la vallée de la Durance, notamment la ville de Barcelonnette, à l’Italie, via le col de Larche, en traversant des communes comme Saint-Paul-sur-Ubaye et Val d’Oronaye. Ce tronçon est vital pour les habitants des villages de la haute vallée de l’Ubaye, car il s’agit de leur principal accès aux services essentiels et au reste du département.
La RD 900 est surtout une route d’échanges quotidiens : elle facilite les échanges économiques, le transport routier européen et international, ainsi que le tourisme alpin. La perspective des jeux Olympiques de 2030 n’aura d’ailleurs échappé à personne…
Or cet axe majeur est particulièrement vulnérable. Le 7 février 2018, un énième éboulement de 1 500 mètres cubes de rochers a paralysé l’économie durant de nombreuses semaines. Depuis lors, le département des Alpes-de-Haute-Provence investit chaque année entre 1 million et 2 millions d’euros.
Pourtant, malgré les travaux réguliers, ce secteur reste exposé à de nombreux risques naturels et géologiques, comme des chutes de blocs, des coulées de boue, des glissements de terrain, des risques sismiques et des avalanches, intensifiés par le dérèglement climatique.
Pour l’année 2025, un investissement exceptionnel de 50 millions d’euros est prévu pour renforcer la protection de cet axe, mais, alors que ce tronçon est indispensable à l’économie nationale et européenne, la charge de ces travaux repose très majoritairement sur le conseil départemental, qui peut très difficilement assumer seul cette responsabilité.
Madame la ministre, il s’agit d’une route exceptionnelle et d’une situation exceptionnelle ; cela appelle donc une intervention exceptionnelle de l’État. Celui-ci sera-t-il aux côtés des Alpes-de-Haute-Provence au titre de la solidarité pour faire face à cette opération d’envergure ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, Le Gouvernement a bien conscience des problématiques liées à la nécessaire sécurisation de la RD 900.
Vous l’avez dit, cette route départementale, qui relie la vallée de la Durance à l’Italie par le col de Larche, revêt une importance certaine pour les échanges transfrontaliers et pour l’accès aux services des habitants de la haute vallée de l’Ubaye.
Avant toute chose, je souhaite rappeler qu’il s’agit d’une route départementale qui ne relève de l’État ni en gestion, ni en suivi, ni en financement. En cas de besoin exceptionnel, celui-ci peut néanmoins apporter un soutien : 11 millions d’euros ont ainsi été attribués via la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSECG) à la suite des intempéries de décembre 2023 ; 3 millions d’euros ont par ailleurs été versés via des financements européens pour des travaux d’urgence, tels que la sécurisation des parois et la préparation du futur chantier.
Aujourd’hui, l’enjeu principal réside dans le financement de la dernière phase du chantier. L’analyse des offres de marché est en cours pour déterminer exactement les besoins. Ce dossier a évidemment été très bien identifié par le préfet, en lien avec le conseil départemental. Des travaux ont été lancés sur l’analyse technique du programme à mettre en place, avec l’appui des services de l’État, pour définir un projet budgétairement soutenable. Le cabinet du préfet ne manquera pas de vous tenir informé, monsieur le sénateur, des avancées de ces travaux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour la réplique.
M. Jean-Yves Roux. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J’espère que nous aurons le soutien de l’État, car, pour un petit département rural, il est très difficile de sortir 50 millions d’euros pour l’entretien des routes.
construction de logements sociaux dans la commune de châteauneuf-sur-isère
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 592, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.
M. Bernard Buis. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur la construction de logements sociaux dans la commune de Châteauneuf-sur-Isère.
Cette commune drômoise d’environ 4 000 habitants est membre de l’agglomération Valence Romans Agglo, qui compte plus de 225 000 personnes. Soumise aux obligations imposées par l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), la commune doit garantir une proportion de 25 % de logements sociaux sur son territoire.
Or les contraintes topographiques et la répartition démographique particulière de cette commune limitent considérablement la construction de tels logements : d’une part, la configuration et la taille de son centre-ville de moins de 1 000 habitants réduisent la possibilité d’en construire de nouveaux ; d’autre part, la commune est couverte par une zone agricole protégée, limitant de fait toute extension urbaine.
En outre, seulement 40 % de la population est située dans une zone urbanisée disposant d’une réelle accessibilité et le taux de logements sociaux atteint déjà plus de 30 % dans le centre-bourg. Toutes ces difficultés ont poussé l’ancien maire de la commune, M. Frédéric Vassy, à démissionner le 30 janvier dernier.
Depuis lors, les élus municipaux, dont Mme Agnès Jaubert, ancienne adjointe devenue maire, font face à une situation intenable en raison des risques juridiques et financiers qui pèsent sur la ville. Avec un taux définitif de logements sociaux atteignant 12,68 %, la commune connaît un important déficit par rapport au taux cible de 25 %. Les objectifs triennaux de la période 2023-2025 ont été atteints et les dépenses engagées pour la production de logements sociaux devraient conduire, selon l’administration, à un prélèvement nul en 2025 et en 2026. Toutefois, ce délai de report de surplus des dépenses déductibles après l’année de l’exercice de prélèvement, fixé à deux ans par l’article L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation, risque d’être insuffisant pour la commune.
Madame la ministre, quelles pistes pourraient être envisagées pour limiter le rythme de rattrapage de la commune de Châteauneuf-sur-Isère ? De plus, serait-il opportun de modifier le délai de report du surplus des dépenses déductibles ? Dans quelle mesure les objectifs de la loi SRU pourraient-ils faire l’objet d’aménagements pour les communes similaires qui sont membres d’une communauté d’agglomération ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Bernard Buis, je vous remercie de cette question très technique sur le dispositif SRU, dont le principe est simple : développer une offre de logement social équilibrée sur le territoire national, dans un objectif de mixité sociale.
Ses mécanismes sont en revanche plus complexes. Le dispositif prévoit tout d’abord, pour les communes qui n’atteignent pas le taux cible de 20 % ou 25 % de logements sociaux, une trajectoire de rattrapage qui se traduit en objectifs de production de logements sociaux sur trois ans. Il prévoit ensuite un prélèvement sur les dotations des communes, calculé en fonction du nombre de logements sociaux manquants. Lorsque les communes engagent des dépenses pour soutenir la production de logements sociaux, ces dépenses sont déduites des prélèvements. Le dispositif est également assorti de mécanismes de report, pour les objectifs de réalisation comme pour les dépenses déductibles.
Nous souhaitons rassurer de nouveau Mme la maire de Châteauneuf-sur-Isère, ainsi que les élus qui sont dans la même situation, en précisant le mécanisme de report du dispositif SRU. Cette commune a atteint, sur la période 2020-2022, 185 % de son objectif de cinquante-neuf logements sociaux, un résultat particulièrement remarquable. Les cinquante logements sociaux ainsi réalisés en plus de l’objectif seront naturellement comptabilisés dans la réalisation de l’objectif de production de la commune pour la période 2023-2025 : cet objectif s’établissait à cinquante-neuf logements, il est donc ramené à neuf logements sociaux supplémentaires à produire par la commune en trois ans.
Au début du mois de juin, la campagne d’exemption du dispositif SRU pour la période 2026-2028 a été lancée par ma collègue chargée du logement. Les remontées des collectivités seront donc étudiées avec attention, afin que les obligations pour la prochaine période triennale ciblent bien les communes où le besoin est réel et avéré.
dysfonctionnements de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger dans le versement des bourses
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, auteure de la question n° 583, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Olivia Richard. Ma question s’adressait initialement à M. le ministre délégué chargé des Français de l’étranger, mais je vous remercie d’être là pour y répondre, madame la ministre.
Sans les écoles homologuées et partenaires, il n’y aurait pas de réseau d’enseignement français à l’étranger. Ces écoles accueillent une part importante d’élèves boursiers. Elles perçoivent à cet égard une enveloppe budgétaire versée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).
Depuis plusieurs mois, les conseillers des Français de l’étranger nous font remonter des dysfonctionnements alarmants. Après plusieurs campagnes rendues compliquées par des problèmes techniques, cette année bat tous les records, avec la mise en place d’un nouveau logiciel, Scolaide, marquée par de nombreux bugs. Et je ne parle pas des délais de versement des bourses pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) – dans ce domaine, hélas ! les difficultés ne sont pas nouvelles…
En outre, certains établissements connaissent des retards de paiement inacceptables. C’est le cas, par exemple, d’un établissement en Turquie, mais il y en a d’autres. Ainsi, en septembre, cet établissement partenaire situé à Istanbul a pu accueillir en catastrophe plusieurs dizaines d’élèves qui ne pouvaient faire leur rentrée au lycée français international, dans un contexte politique particulièrement difficile, que vous n’ignorez pas.
Pourtant, malgré les investissements réalisés par les établissements, la part du contrat qui revient à l’opérateur public n’est pas respectée, les bourses ne sont pas versées.
Je veux ici rendre hommage à l’engagement de Florence Ogutgen, conseillère des Français de l’étranger, qui n’a cessé d’alerter les parlementaires à ce sujet. Grâce à elle, dès le 18 février dernier, j’ai pu écrire à la directrice de l’AEFE. Deux semaines plus tard, on m’a expliqué qu’une solution serait apportée « avant la mi-mars » et que les versements surviendraient « dans les prochaines semaines ». Puis, plus rien. Le 16 avril suivant, j’ai relancé l’AEFE ; de même, le 26 mai : toujours rien…
Aujourd’hui, l’Agence accuse un retard de plus de neuf mois dans le versement des acomptes et de plus de trois mois dans le versement du solde des montants des bourses dues. Aucune communication, aucune information : l’incertitude est totale pour les établissements. Aujourd’hui, cette école envisage de licencier du personnel.
Tout cela n’a pourtant pas empêché un autre service de l’AEFE de réclamer le paiement de la participation aux frais de fonctionnement du réseau. Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, quand ces dysfonctionnements graves seront réglés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, chère Olivia Richard, la rapidité de la mise en paiement des aides à la scolarité reste une priorité pour l’AEFE, en dépit de la situation compliquée que vous décrivez. Pour ce qui concerne la campagne 2024-2025, l’Agence a rencontré, dès l’automne 2024, des difficultés pour la mise en paiement de certains premiers acomptes dus aux établissements scolaires.
La mise en paiement de ces aides à la scolarité reste en effet tributaire de la réactivité des établissements dans la transmission de bilans fiabilisés et d’éléments de paiement valides, ce qui a pu parfois ralentir les procédures.
En ce qui concerne le versement des premiers acomptes, les difficultés rencontrées n’ont concerné qu’une partie – heureusement – des établissements du réseau. Ainsi, sur les 30 millions d’euros dus au titre du premier acompte sur les bourses 2024-2025, plus de 19 millions d’euros ont pu être versés aux établissements dès l’automne 2024.
Pour ce qui est des établissements situés en Turquie, des difficultés se sont accumulées sur les paiements des premiers acomptes, en raison d’abord d’une turbulence dans l’organisation de l’AEFE, mais aussi de la réception tardive de certains bilans comptables émanant des établissements. Pour ce qui concerne plus particulièrement l’établissement La Petite École d’Istanbul, bien que le bilan ait été traité rapidement, il y a eu par la suite certaines difficultés dans les échanges entre l’Agence et l’établissement pour obtenir les documents comptables signés, nécessaires à la mise en paiement.
L’Agence a par ailleurs dû déployer la nouvelle plateforme Scolaide, à laquelle vous avez fait référence. Cet outil, qui doit répondre aux besoins de sept types d’utilisateurs, est particulièrement complexe et a présenté beaucoup d’anomalies techniques lors de son lancement. Le prestataire responsable a été mobilisé pour mettre en place des correctifs. L’Agence a également sollicité des renforts, notamment auprès du ministre des affaires étrangères, afin de l’assister dans cette période difficile. Le prestataire a, de son côté, renforcé son équipe.
Par ailleurs, les postes consulaires et les établissements scolaires ont pu bénéficier d’un accompagnement soutenu et individualisé. L’ensemble de l’AEFE, madame la sénatrice, est mobilisé pour répondre à ces questions, qui sont à la fois techniques et humaines, mais qui dépendent aussi de la réactivité des établissements.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée. En tout état de cause, cette situation fait l’objet d’une grande attention de notre part.
suppression du tarif « livres et brochures » de la poste
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, auteur de la question n° 336, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Christophe Chaillou. Madame la ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur la suppression, à compter du 1er juillet 2025, de la tarification « Livres et brochures » de La Poste.
Ce service est très prisé des maisons d’édition distribuant leurs ouvrages à l’international, car il permet d’expédier des livres et des brochures à un coût proportionnel au poids de l’envoi. Ce tarif a été initialement instauré pour renforcer l’influence culturelle de la France à l’étranger et promouvoir la francophonie.
Cette suppression porte un coup très dur aux libraires et aux éditeurs indépendants. Elle risque par ailleurs d’accentuer le déséquilibre existant avec les grandes plateformes, qui disposent de solutions pour limiter les effets de cette suppression.
En effet, cette disparition entraînerait, pour l’envoi postal d’un ouvrage de 400 pages, une hausse du prix, qui passerait de 1,74 à 37,30 euros, soit une augmentation de près de 2 000 %. Il deviendrait alors impossible à de nombreux éditeurs de maintenir cet envoi, d’où la préoccupation très forte des acteurs concernés.
Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement et les mesures envisagées pour soutenir les entreprises du secteur confrontées à la disparition de ce tarif et pour préserver l’influence de la culture française et de la francophonie au plan international.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, cher Christophe Chaillou, en octobre 2023, l’Union postale universelle a décidé de rendre facultative, à compter du 1er janvier 2025, la fourniture du service de sacs spéciaux contenant des documents imprimés. À la suite de cette annonce, La Poste a annoncé l’arrêt de la commercialisation de l’offre que vous venez de décrire.
Cette décision s’explique par plusieurs facteurs, au premier rang desquels figure la difficulté croissante d’assurer l’acheminement des envois, près de 90 % des opérateurs postaux dans le monde ayant déjà annoncé la suppression de cette offre et de sa prise en charge. La Poste n’était donc plus en mesure de garantir la distribution des colis, qui devenait techniquement irréalisable. À cela s’ajoute une diminution continue des volumes expédiés au titre de l’offre « Livres et brochures », de nature à compromettre la soutenabilité de celle-ci.
Le Gouvernement reste attentif à la situation du réseau des librairies francophones de l’étranger, qui concourt en effet au rayonnement de notre culture. C’est ainsi qu’il a développé une politique de soutien à la circulation des livres français à l’étranger. En passant par les librairies locales, l’acheminement des livres bénéficie de solutions de groupage de transport qui le rendent plus économique et, au passage, plus écologique.
Dans ce contexte, l’État concourt à réduire significativement les charges de transport pesant sur les librairies francophones dans plusieurs pays du monde, de façon à leur permettre de proposer sur place la diversité éditoriale française au plus grand nombre de nos ressortissants et des populations étrangères. Il agit également via les aides du Centre national du livre (CNL) au réseau des librairies francophones.
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.
M. Christophe Chaillou. Je vous remercie, madame la ministre, de ces éléments de réponse, mais tout cela ne permettra malheureusement pas de compenser la disparition de ce qui représentait un soutien apprécié et adapté à l’influence culturelle et à la francophonie.
Vous nous avez fait part de votre vigilance et de votre attention, mais je crains que ces mesures ne permettent pas de garantir pleinement ce que nous souhaitons tous : continuer de diffuser la culture française et la francophonie.
audiovisuel public
M. le président. La parole est à M. Alexandre Basquin, auteur de la question n° 568, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Alexandre Basquin. Madame la ministre, le Gouvernement ne cesse, hélas ! de diminuer les crédits affectés à l’audiovisuel public. Dans les entreprises concernées, les salariés éprouvent les plus grandes difficultés à atteindre les objectifs qui leur sont assignés. Partout, les moyens des rédactions de l’audiovisuel public régressent et leurs missions sont réduites, quand elles ne sont pas purement et simplement supprimées.
Le projet de holding que Mme la ministre de la culture a annoncé avec le regroupement de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) va au-delà de cette baisse constante de moyens : il remet purement et simplement en cause l’indépendance budgétaire et peut-être, à terme, éditoriale de chaque composante de l’audiovisuel public. En effet, cette holding n’est-elle pas, comme le craignent les syndicats, un premier pas vers des synergies éditoriales ?
Les représentants syndicaux s’interrogent également sur le risque d’ingérence du futur responsable de cette nouvelle structure, s’agissant d’une holding exécutive placée sous l’autorité d’un PDG aux commandes des différentes filiales.
Pourtant, nous pourrions emprunter une autre voie, avec un investissement beaucoup plus important dans l’audiovisuel public, comme le fait l’Allemagne. Alors que les fake news, la désinformation et les ingérences se multiplient, tout devrait être mis en œuvre pour renforcer les médias publics, seuls véritables garants d’une information fiable, précise, sourcée, vérifiée et indépendante des lobbys privés.
La bonne santé de ces médias est indispensable pour notre démocratie et pour notre République. Il est regrettable que le Gouvernement aborde la question à rebours de ce qu’il faudrait. Comment comprendre, par exemple, la disparition de la radio Mouv’, pourtant destinée à un jeune public ? Pourquoi déstabiliser la rédaction de France Inter, radio pourtant la plus écoutée de France ?
Nous ne pouvons continue d’aller dans ce sens. Le Gouvernement doit avoir conscience que la lutte contre la désinformation, si forte de nos jours, passe par un engagement massif en faveur de l’audiovisuel public.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Alexandre Basquin, dans la situation extrêmement contrainte de nos finances, il a été demandé aux entreprises audiovisuelles publiques, comme à l’ensemble des administrations et des opérateurs de l’État, de contribuer à l’effort de maîtrise de la dépense publique. Tous les pans de l’action publique sont concernés ; il n’y a pas de raison pour que l’audiovisuel public s’y soustraie.
Pour France Télévisions comme pour Radio France, ces efforts n’ont pas déstabilisé l’équilibre des comptes de 2024, grâce aux efforts d’économie de ces entreprises. Ces dernières ont pu poursuivre l’accomplissement de leur mission de service public et la mise en œuvre de leur stratégie. Pour ce qui concerne 2025, le dialogue continue entre les entreprises et les administrations de tutelle, afin de déterminer les modalités d’absorption de l’effort demandé cette année.
C’est la trajectoire budgétaire 2024-2028, arbitrée à l’automne 2023, qui doit en revanche être révisée, afin de tenir compte du nouveau contexte budgétaire. Des échanges ont été engagés en ce sens et ils conduiront, pour le PLF 2026, à une redéfinition du triennal de dépenses.
Au-delà du seul cadre budgétaire, nous sommes toujours persuadés de la nécessité de mener à bien la réforme de la gouvernance du secteur audiovisuel public. Vous semblez craindre que cette réforme n’affaiblisse le secteur ; or l’ambition du Gouvernement est exactement contraire : permettre à ce secteur de se renforcer en étoffant son offre éditoriale pour nos concitoyens et en organisant son action de manière plus efficiente. C’est tout particulièrement le cas, et vous l’avez souligné, en matière de lutte contre la désinformation, qui reste une priorité incontournable.
Vous évoquez enfin la disparition de Mouv’ du groupe Radio France. Il s’agit plus exactement d’une transformation de cette antenne, qui a vocation à devenir une offre musicale exclusivement disponible en numérique. Plus généralement, Radio France va enrichir ses offres destinées au jeune public, via ses podcasts pour la jeunesse, le renouvellement de ses formats et écritures et la recherche de nouvelles incarnations à l’écran. Ces évolutions stratégiques se feront bien sûr dans le respect du personnel actuellement en poste dans cette radio.