En cas de refus de contractualiser, de mise à jour ou de non-respect des engagements, l’organisme référent – notamment le conseil départemental – peut suspendre tout ou partie du RSA pour une durée déterminée. Or la lecture du décret instaurant ce nouveau barème fait naître un doute : celui-ci respecte-t-il réellement l’esprit de la loi votée par le Parlement ? ou traduit-il un infléchissement, voire un assouplissement des sanctions initialement prévues ?

La comparaison entre l’ancien et le nouveau barème montre un basculement d’une logique de suppression vers une logique de suspension.

En effet, si le nouveau barème prévoit une suspension de 30 % à 100 % pendant un à quatre mois, il permettrait au bénéficiaire de recouvrer rétroactivement son allocation s’il régularise sa situation. On voit ainsi s’instaurer une forme de droit au rattrapage, là où nous voulions affirmer des obligations claires, assorties de conséquences fermes.

Monsieur le ministre, ce décret ne risque-t-il pas de vider la loi de sa portée effective ? Plus largement, ne crée-t-il pas un décalage préoccupant entre l’intention du législateur et sa traduction réglementaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Madame la sénatrice, vous vous demandez si le décret du 30 mai 2025, qui rénove le barème de sanction des demandeurs d’emploi, est bien fidèle à l’esprit de la loi pour le plein emploi.

Vous vous interrogez notamment sur le nouveau mécanisme de suspension-remobilisation, qui permet la suspension de l’allocation en cas de manquement et prévoit le reversement des sommes dues en cas de remobilisation du demandeur d’emploi.

Je vous rappelle que la loi est particulièrement précise en matière de sanctions et que le décret en a surtout traduit les orientations.

Pour ce qui concerne les bénéficiaires du RSA, c’est bien la loi qui prescrit cette mécanique en cas de premier manquement, ainsi que le reversement des sommes dues en cas de remobilisation, dans la limite de trois mois. Les débats parlementaires, sur ce point, ont été nourris.

Le décret étend cette mécanique à tous les demandeurs d’emploi, qu’ils soient ou non bénéficiaires du RSA. Cette extension n’est pas prévue en tant que telle par la loi, mais elle est fidèle à son esprit : celui d’une équité entre tous les demandeurs d’emploi, ce qui implique d’harmoniser les barèmes.

Le décret fixe aussi les bornes dans lesquelles peut s’exercer cette possibilité, de 30 % à 100 %. Vous conviendrez que l’on peut difficilement aller au-delà de ce dernier taux…

De manière générale, nous avons travaillé étroitement sur ce barème avec les acteurs et opérateurs qui seront chargés de sa mise en œuvre, à savoir les départements, France Travail et les missions locales. Nous avons souhaité laisser de vraies marges de manœuvre aux acteurs pour adapter les décisions de sanction aux situations, qui sont diverses.

Par ailleurs, le conseiller qui aura décidé d’une suspension aura évidemment son mot à dire quant aux conditions qui permettent de reprendre le versement : ce peut être, par exemple, la présence à un rendez-vous ou la participation à une action précise d’insertion.

En réalité, le décret peut être perçu comme un assouplissement sur certains points et comme un durcissement sur d’autres. Mais, encore une fois, il ne fait que reprendre, sur de nombreux points, ce qu’a prescrit le législateur de manière assez précise.

Surtout, en prévoyant un barème harmonisé, en privilégiant toujours la remobilisation à la radiation, en laissant des marges de décision aux acteurs de terrain, nous pouvons dire qu’il est fidèle à l’esprit de la loi pour le plein emploi.

M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour la réplique.

Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, je connais bien la pathologie qui contamine les ministères, consistant à modifier la substance du remède. J’en appelle donc à votre vigilance.

coupe budgétaire sur le dispositif national d’accompagnement des projets et initiatives des coopératives d’utilisation en commun de matériel agricole

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la question n° 517, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Éric Kerrouche. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Elle concerne la coupe budgétaire intervenue sur le dispositif national d’accompagnement des projets et initiatives (DiNA) des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma).

Je rappelle, madame la ministre, que ce dispositif permet, au-delà du rôle premier des coopératives, qui est de partager les machines, le développement des projets collectifs des Cuma, au service de l’emploi rural, du renouvellement des générations en agriculture, de la réduction des produits phytosanitaires, ainsi que de l’adaptation au changement climatique et de la souveraineté alimentaire et énergétique.

Ayant fait l’objet d’un rapport, d’une concertation entre le réseau des Cuma et la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) en 2022-2023 et d’une nouvelle mouture en 2024, ce dispositif est articulé avec les enjeux de politique publique et permet de démultiplier l’impact des projets, via les collectifs d’agriculteurs.

Cette aide à l’accompagnement stratégique est unique en son genre dans l’agriculture. Elle est mobilisée par plus de 600 Cuma chaque année à l’échelle nationale et implique plus de 14 000 agricultrices et agriculteurs.

Comme vous le savez, madame la ministre, la mise à mal du déploiement du dispositif, pourtant récemment refondu avec votre administration, suscite l’inquiétude et l’incompréhension de l’ensemble du réseau Cuma.

Au vu de l’efficience du DiNA et compte tenu du montant de l’enveloppe, qui reste modeste au regard d’autres dispositifs de soutien alors que l’accompagnement des agricultrices et des agriculteurs est un sujet central, quelle ambition portez-vous pour ce dispositif, seule ligne budgétaire consacrée spécifiquement aux Cuma ?

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Éric Kerrouche, votre question atteste du fait que nous partageons la même préoccupation : celle de maintenir une capacité d’accompagnement des projets des Cuma.

Néanmoins, vous n’êtes pas sans connaître le contexte budgétaire de notre pays. Mon budget, comme celui de mes collègues, doit connaître une réduction sensible – mais, soyez-en assuré, maîtrisée par mes soins.

Malgré cette situation, nous poursuivons nos efforts et déployons des moyens importants pour soutenir l’agriculture en France. Ainsi, pour vous répondre en transparence, mon ministère prévoit évidemment de maintenir le dispositif DiNA-Cuma en 2025, mais avec des moyens nécessairement moindres. Pour rappel, mis en place en 2016 à la suite des aides à l’investissement matériel sous forme de prêts à moyen terme spéciaux, le DiNA-Cuma a permis d’accompagner environ 30 % des Cuma – parmi ceux qui ont réalisé un conseil stratégique, un quart en ont réalisé au moins deux et 6 % en ont réalisé au moins trois.

Certes, nous envisageons une réduction d’un tiers, par rapport au réalisé 2024, de l’enveloppe déléguée aux directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf), qui passerait de 1,2 million d’euros à 800 000 euros, soit une réduction très proche de celle qui a été votée pour le programme 149.

Malgré cette diminution des crédits alloués au DiNA-Cuma, le dispositif peut continuer d’accompagner les Cuma en priorisant les dossiers déposés, notamment pour accompagner les coopératives n’ayant jamais été financées par un conseil stratégique. À ce titre, une grille de priorisation a été rédigée lors de la révision de l’instruction technique en 2023, en étroite collaboration avec la Fédération nationale des Cuma.

Une solution consisterait à diminuer le taux d’aide publique de ce dispositif à 80 % ou 70 %, sachant qu’il est aujourd’hui de 90 %, ce qui permettrait de continuer d’accompagner un nombre important de Cuma sans critère de priorisation.

Quoi qu’il en soit, nous travaillons en étroite collaboration avec la Fédération, afin d’atterrir au mieux avec elle.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la réplique.

M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, vous connaissez la place des Cuma dans les réseaux agricoles et l’importance particulière de ces initiatives, notamment dans les départements ruraux.

J’entends les difficultés financières, mais elles ne sauraient remettre en cause la dynamique des Cuma. Je vous remercie d’y faire attention.

alerte sur les coupes budgétaires de la filière de l’agriculture biologique

M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la question n° 577, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Rémi Cardon. Madame la ministre, votre prédécesseur se vantait, lors d’une audition, que l’objectif était de tendre vers 18 % de bio d’ici à 2027, que l’on allait allouer 5 millions d’euros à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique (Agence Bio) pour mener des campagnes de communication et que le fonds Avenir Bio serait doté de 10 millions d’euros.

Force est de constater que, depuis cette audition de M. Fesneau, vous avez décidé de quasiment tout raboter !

Vous privez la filière bio de quelque 15 millions d’euros, en dépit des efforts de nos agriculteurs depuis quarante ans pour essayer de faire perdurer ce label.

Vous avez décidé de faire de la filière bio un bouc émissaire. Pourquoi pas, mais encore faut-il le justifier !

Je rappelle que la filière bio emploie 30 % de salariés de plus que l’agriculture conventionnelle et représente plus de 60 000 fermes. Pourtant, vous lui retirez 15 millions d’euros pour attribuer 30 millions à la filière de la noisette, qui ne compte que 365 exploitants. Je dois dire que la cohérence m’échappe…

Au reste, je ne vous cacherai pas que des projets, comme la fABrique à sucre, dans ma région, risquent de ne jamais voir le jour à cause de telles mesures.

Il convient d’y regarder de près tout en prenant un peu de hauteur.

À cet égard, l’Agence Bio dénonce une baisse de 39 % à 24 % en dix ans des aides de la politique agricole commune (PAC) à la filière. Cette évolution est très inquiétante.

Allez-vous, madame la ministre, revoir vos objectifs ? Allez-vous réviser votre stratégie ? Au-delà des coups de rabot, vous interrogez-vous ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, deux contre-vérités ne font pas une vérité.

Vous dites que nous allons supprimer tous les budgets du bio. Savez-vous que les montants fléchés sur le bio en 2025 représentent, au total, 700 millions d’euros ?

Vous dites que nous avons supprimé une aide exceptionnelle, mais il s’agissait d’une aide fléchée, pour deux ans, sur la planification écologique, avec des crédits dont mon ministère ne dispose plus.

Au demeurant, où avez-vous vu que nous donnions 30 millions d’euros à la filière noisette ?

Il faut être sérieux quand on énonce des chiffres, monsieur le sénateur !

La filière bio est une grande filière et il est hors de question pour moi d’y porter le moindre coup, le moindre préjudice. Du reste, c’est parce que la filière est importante que le crédit d’impôt est maintenu et revalorisé, à hauteur de 142 millions d’euros par an.

L’Agence Bio bénéficiera bien, en 2025, des 5 millions d’euros que vous avez évoqués pour déployer sa communication.

Je viens d’annoncer 10 millions pour les plans alimentaires territoriaux. Savez-vous que la part de 20 % d’alimentation biologique de ces plans représente 120 millions d’euros ?

En outre, les jeunes agriculteurs (JA) qui font du bio bénéficieront comme les autres des aides aux JA revalorisées sur le reliquat du plan stratégique national (PSN). La part européenne de leur revenu sera revalorisée de 25 %.

Nous avons obtenu que le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) puisse soutenir les mises aux normes des jeunes agriculteurs – dont ceux qui font du bio.

Il faut donc cesser de raconter des contre-vérités, monsieur le sénateur ! Non seulement je soutiens la filière bio, mais je compte continuer de la soutenir ardemment.

Certes, la diminution des budgets emporte des conséquences budgétaires, mais comment faire autrement ?

Je viens de répondre à une question sur les Cuma…

M. le président. Il va falloir conclure, madame la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Des fonds ont diminué dans de nombreux domaines. Je n’ai plus les fonds de la transition écologique. C’est une réalité !

suppressions de postes dans l’enseignement agricole public

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, auteur de la question n° 590, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, la loi d’orientation agricole (LOA) votée en début d’année visait à favoriser la transmission des exploitations agricoles. Dans le cadre de ce texte, le Parlement a voté l’objectif d’accueillir et de former 30 % d’actifs supplémentaires d’ici à cinq ans et d’accompagner ainsi la montée en compétence des professionnels des métiers du secteur agricole, un objectif essentiel pour répondre au renouvellement des générations, que le Gouvernement a soutenu.

Pour être atteignable, cet objectif requiert des moyens en personnel et un renforcement des formations dans l’enseignement agricole public. Cependant, en contradiction totale avec cet enjeu majeur, vous prévoyez la baisse de la dotation horaire globale, ce qui va entraîner la réduction de quarante-cinq postes d’enseignants équivalents temps plein (ETP), dont vingt-cinq rien que pour les établissements publics pour la rentrée 2025.

Ces mesures, prises sans concertation, menacent directement la bonne tenue des formations dans de nombreuses régions, notamment en Bretagne, et ont des conséquences concrètes et immédiates pour les élèves et leurs enseignements : fermetures ou fusions de classes, réduction de l’offre pédagogique, voire disparition de certains enseignements.

Alors que l’État devrait au contraire soutenir la formation publique pour former la bifurcation écologique du secteur, cette baisse de moyens est catastrophique – je pèse mes mots – pour l’enseignement agricole public. Elle altère sa capacité à assurer une formation de qualité pour les apprenants et compromet un projet pédagogique ambitieux en faveur de l’agroécologie.

Ma question est simple, madame la ministre. Comment comptez-vous assurer l’objectif de 30 % d’apprenants supplémentaires en coupant drastiquement les financements nécessaires ? Alors que l’on estime que deux tiers des établissements publics locaux sont en difficulté, vous engagez-vous à rectifier la trajectoire dans le cadre d’un prochain texte budgétaire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, la préparation de la rentrée scolaire 2025 s’organise dans un contexte où mon ministère, à l’instar de ceux de mes collègues, a dû contribuer à l’effort de la Nation pour la maîtrise des dépenses publiques.

Comme vous l’indiquez, cet effort se traduit par une diminution, au niveau national, de quarante-cinq équivalents temps plein, répartis entre le public et le privé, soit un demi-poste par département.

Mon ministère s’efforce de répartir les moyens de la dotation globale horaire sur des bases renouvelées, plus équitables entre les territoires, grâce à deux critères objectifs : l’évolution des effectifs dans chaque région au cours des dernières années et le taux d’encadrement, c’est-à-dire le nombre d’heures par élève dans chacune des régions.

Je vous rejoins : cette diminution de quarante-cinq ETP en 2025 n’est pas une bonne nouvelle. Cela n’empêche cependant pas de porter un objectif ambitieux pour l’avenir.

Cette année 2025 est celle de la mise en œuvre de la LOA. Pour former 30 % d’apprenants supplémentaires à l’horizon de 2030, nous allons développer plusieurs outils : un plan national de découverte des métiers agricoles, pour que chaque élève puisse bénéficier d’une sensibilisation dès l’école primaire et effectuer des stages en milieu agricole au collège et au lycée ; le volontariat agricole, dans le cadre du service civique, afin d’attirer de nouveaux profils vers nos formations et nos métiers ; un « bachelor agro », de niveau bac+3 ; les contrats territoriaux, pour mobiliser l’ensemble des acteurs dans chaque région, en vue d’objectiver les besoins en formation à l’horizon de 2030 et ouvrir de nouvelles classes ou renforcer celles à petits effectifs.

Sachez enfin que je me bats pleinement au sein du Gouvernement pour que l’enseignement agricole puisse être doté des effectifs adaptés aux besoins en 2026.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, se donner des objectifs et ne rien faire pour les atteindre devient une marque de fabrique de ce gouvernement.

Comment peut-on écrire dans la loi qu’il faut 30 % d’apprenants supplémentaires et ne pas s’en donner les moyens ? Nous sommes en train de fermer des filières en agroécologie, alors même que de nombreux jeunes sont en attente dans ce domaine !

difficultés des aviculteurs face à la salmonelle

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 545, adressée à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, je souhaite vous interpeller sur les fortes contraintes pesant sur les aviculteurs confrontés à un épisode de salmonelle et sur les importantes difficultés qui en découlent.

Je vous sais au fait de ce dossier et sensible à ces situations, mais je me permets de vous rappeler que, dès lors qu’une analyse sur l’exploitation se révèle positive à la salmonelle, l’ensemble du cheptel doit être abattu, ce qui est source d’une grande détresse pour les aviculteurs. Les conséquences financières sont lourdes en raison de règles d’indemnisation insuffisantes, auxquelles s’ajoutent un préjudice moral important et une perte d’exploitation considérable, qui peut mettre en péril leur activité.

Dans l’ensemble, les aviculteurs ne sont pas sereins dans l’exercice de leur métier, en particulier à cause de règles en matière d’abattage qui pourraient être aménagées.

En effet, lorsqu’un lot est déclaré contaminé, celui-ci peut partir à l’abattoir avant même qu’un second prélèvement confirmant la présence de salmonelle ne soit effectué, en vertu d’un arrêté d’août 2018 qui a supprimé les tests de confirmation systématiques.

Ce procédé est parfois tragique et surtout contre-productif lorsqu’un second prélèvement ne confirme pas la présence de salmonelle.

En outre, les aviculteurs font face à des difficultés liées à leur indemnisation. L’offre assurantielle est rare en la matière et parfois hors de la portée de certains aviculteurs. Quant à l’indemnisation par les pouvoirs publics des aviculteurs adhérents à la charte sanitaire, elle n’est pas toujours suffisante pour assurer la continuité de leur activité.

Madame la ministre, j’ai bien lu la réponse que vous avez adressée le 26 mars 2025 à mon collègue Christian Klinger. Où en est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur l’optimisation des méthodes actuelles de prélèvement ? Quand aurons-nous connaissance de ces travaux, qui rendront, je l’espère, un peu d’espoir à cette filière, l’une des rares où la France est en situation de souveraineté alimentaire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Frédérique Puissat, vous avez raison, la salmonellose, comme toute autre maladie animale, fait peser sur les éleveurs, en l’occurrence les aviculteurs, de fortes contraintes, avec pour conséquence un préjudice à la fois moral et économique.

Dans la situation que vous évoquez, on distingue deux vecteurs majeurs de ces contraintes : le dépistage de la maladie et l’abattage.

Tout d’abord, des difficultés liées au test de confirmation de la maladie sont en effet observées, notamment sur les méthodes de prélèvement.

Une volaille est un porteur sain de la bactérie, qui est excrétée de façon intermittente dans l’environnement par les fientes. Cette intermittence de l’excrétion rend difficile la détection des salmonelles.

C’est pour cette raison scientifique que la réglementation a supprimé les prélèvements de confirmation : un prélèvement positif suffit désormais à démontrer la présence de salmonelle.

Concernant les modalités de dépistage des salmonelles dans les élevages de poules pondeuses, une étude de l’Anses est en cours afin d’optimiser les méthodes de prélèvement. La restitution des travaux aura lieu au début de l’automne 2025.

Une fois les conclusions de ce rapport connues, les modalités de prélèvement pourront évoluer, afin que les aviculteurs français exercent leur activité de manière plus sereine et que l’État puisse garantir aux consommateurs la sécurité sanitaire qui leur est due.

Vient, ensuite, la question de l’abattage. Vous le savez, la lutte contre les maladies animales réglementées, en particulier les salmonelloses, impose, dans certains cas, l’abattage des animaux sur décision de l’administration.

L’abattage de ces animaux, au-delà du crève-cœur que vous évoquez, constitue une réelle perte pour leurs propriétaires. L’État prévoit donc qu’ils bénéficient d’une indemnisation. En 2024, le montant des indemnisations allouées aux éleveurs dans le cadre des abattages en raison de la présence de salmonelle s’élevait à près de 8 millions d’euros.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.

Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir diligenté cette enquête. Ses résultats sont attendus avec impatience, en particulier par les professionnels qui sont en demande de solution.

Vous l’avez dit, l’abattage est obligatoire. Pourtant, ce sont souvent les aviculteurs eux-mêmes qui doivent s’en charger, faute d’équarrissage.

polices municipales

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, auteur de la question n° 580, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, selon un récent sondage, 48 % des maires considèrent que la sécurité est un enjeu important et 56 % d’entre eux expriment un sentiment d’abandon par l’État sur ce sujet.

C’est pour ces raisons, et parce qu’ils sont en première ligne, confrontés à la montée de la délinquance au quotidien, que nombre de maires font le choix d’investir dans le domaine de la sécurité – policiers municipaux, équipements et, de plus en plus fréquemment, caméras de vidéoprotection et centres de supervision urbaine.

Or, du fait des limites juridiques des capacités d’intervention des polices municipales, les maires, élus locaux et policiers municipaux eux-mêmes constatent, avec regret, un manque d’efficacité sur le terrain et une déperdition des moyens affectés – au risque d’alimenter une forme de déception chez les citoyens.

Les lois qui encadrent la police municipale datent d’un quart de siècle. La France a beaucoup changé. À l’évidence, il y a urgence à remettre à plat ces lois afin de mieux adapter les missions des policiers municipaux à la réalité du terrain et de la délinquance.

Aussi, monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant l’accès à certaines données et la revendication du statut d’officier de police judiciaire (OPJ) – qui soulève assurément des enjeux juridiques complexes – émanant de nombreux maires ?

C’est à un véritable dépassement que les maires vous invitent : il s’agit d’augmenter leurs prérogatives sans entraîner un dessaisissement de leur autorité au profit du procureur de la République. Le Gouvernement prépare-t-il un projet de loi sur les polices municipales ? Quel en serait le calendrier ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Henno, je vous le confirme : le Gouvernement a préparé un texte, dont j’ai d’ailleurs relu la première version la semaine dernière. Nous avons procédé à quelques arbitrages et j’espère qu’il sera présenté en conseil des ministres au mois de juillet pour être débattu au Parlement à l’automne prochain.

Vous savez combien le Gouvernement est convaincu, comme vous, de l’importance du rôle des polices municipales en vertu du principe de continuum de sécurité. Les polices municipales représentent la deuxième force de sécurité intérieure, après la police nationale et les gendarmes.

Les concertations du Beauvau des polices municipales, qui avait été lancé en avril 2024, ont repris au mois de janvier, après une période de vicissitudes politiques. Nous avançons désormais clairement dans ce sens.

Il ressort de ces discussions un large consensus sur la nécessité de renforcer les moyens d’action de nos policiers municipaux, tout en préservant leur rôle de police de proximité, absolument essentiel, qui doit rester à la main du maire.

À ce titre, plutôt que d’envisager un statut d’officier de police judiciaire, le Gouvernement est partisan d’un élargissement des compétences judiciaires. Cette solution me paraît répondre davantage à la demande des maires de disposer de plus de prérogatives, sans entrer en concurrence avec les forces de sécurité intérieure. Nous éviterions ainsi de nous heurter à la question permanente du rôle du procureur de la République et de sa potentielle mainmise sur nos polices municipales.

Nous envisageons donc plutôt ce dispositif juridique, en vertu des dispositions de l’article 15 du code de procédure pénale, ce qui devrait être bien plus simple.

Si les compétences judiciaires des policiers municipaux sont élargies, la consultation de fichiers plus importants est également prévue. Je pense en particulier au système d’immatriculation des véhicules, au système national des permis de conduire, au système d’information des fourrières, au fichier national unique des cycles identifiés, ainsi qu’au fichier des objets et véhicules signalés, dans certaines limites, auxquels les policiers municipaux ont actuellement un accès restreint et qu’il leur sera désormais possible de consulter intégralement.

Nous voulons permettre rapidement ces avancées.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Elle ne m’a pas vraiment surpris, plusieurs articles de presse ayant laissé entendre récemment qu’un texte était en préparation. Je me satisfais cependant de vous entendre confirmer ces informations.

Ce projet de loi est incontestablement attendu. Beaucoup de communes consacrent des moyens très importants à la police municipale. Le cadre juridique doit donc être sinon changé, du moins adapté.

moyens dédiés à la sécurité publique dans le pas-de-calais

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 566, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le ministre, à compter de fin juillet 2025, le centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil accueillera un peu plus de 100 détenus impliqués dans le narcotrafic en France.

Le 14 mai dernier, le chef de l’État est venu en personne annoncer cette transformation de l’établissement, un an jour pour jour après l’assassinat d’Incarville, lors duquel deux surveillants pénitentiaires ont trouvé la mort à l’extérieur de la prison, tombés dans un guet-apens.

Cette annonce, monsieur le ministre, me conduit aujourd’hui à vous interroger sur la question de l’insécurité dans nos villes, à proximité de la prison où seront concentrés les chefs de réseau les plus dangereux, mais également ceux qui ont le plus de moyens financiers et humains.

Nous le savons, les trafiquants de drogue quittent les métropoles pour les villes moyennes. Par ailleurs, mon département dispose de deux ports, outre le grand port maritime de Dunkerque. Ajoutons que les axes routiers et autoroutiers denses concentrent les trafics légaux et illégaux. L’extérieur, c’est précisément là où nos concitoyens vivent ; or ils ont le droit à la tranquillité et à la sécurité.

Quels moyens supplémentaires seront affectés à la police nationale de l’arrondissement de Lens et aux alentours ? Quelles forces seront présentes lors du transfert de détenus s’il faut, par exemple, conduire l’un d’entre eux à l’hôpital un soir de match ou pendant une manifestation importante ?

Depuis des années, les effectifs de police et de gendarmerie restent insuffisants, que ce soit en milieu urbain ou rural. Quels moyens supplémentaires comptez-vous apporter aux forces de l’ordre du Pas-de-Calais ?

Insécurité, sentiment d’insécurité ? Je ne rentrerai pas dans le débat. Ce que je sais, en revanche, pour le constater au quotidien, c’est que les élus sont de plus en plus victimes de violences physiques, verbales et morales. Une part non négligeable des démissions enregistrées depuis 2020 s’explique par des situations d’agression des maires ou d’élus. Quels moyens le Gouvernement prévoit-il pour assurer la sécurité des citoyens et de leurs élus dans mon département ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, nous sommes tous conscients des attentes de nos compatriotes en matière de sécurité des biens et des personnes. L’actualité du jour nous le rappelle durement.

Concernant la situation dans votre département, au 31 mars 2025, la direction interdépartementale de la police nationale (DIPN) du Pas-de-Calais disposait de 3 247 agents. Fin 2016, à périmètre identique, cet effectif s’élevait à 2 923 agents. On constate donc une progression importante.

Il en va de même pour la zone de compétence de la gendarmerie. Les effectifs du groupement de gendarmerie départementale du Pas-de-Calais ont augmenté de trente-trois équivalents temps plein entre 2015 et 2024. Dans le cadre du plan 239 brigades, la création de cinq unités a été retenue pour le département entre 2024 et 2027. Ces unités densifient le maillage territorial de la gendarmerie et contribuent à renforcer la tranquillité publique.

Conformément aux objectifs de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), le nombre de réservistes opérationnels a doublé ces dernières années pour atteindre 780 en 2024.

Cette mobilisation déterminée des gendarmes d’active et de réserve a permis d’augmenter la présence de voie publique de 30 % entre 2023 et 2024 sur le département. Ces policiers et ces gendarmes sont sur le terrain chaque jour.

Enfin, madame la sénatrice, vous évoquez les atteintes aux élus. C’est un sujet d’extrême importance. Il est vrai que le Pas-de-Calais figure, avec le Nord et la région parisienne, parmi les territoires les plus touchés.

Là encore, nos forces se mobilisent. Outre la conduite des investigations et des procédures judiciaires, la gendarmerie propose des actions de formation. En lien avec la cellule négociation du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), ce sont ainsi 27 000 élus qui ont été formés à la gestion des incivilités et des conflits depuis 2021.