PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen de la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, l'assurabilité des collectivités territoriales est un objectif prioritaire pour le Premier ministre François Bayrou. C'est d'ailleurs l'un des premiers sujets que j'ai abordés avec lui lors de ma prise de fonctions.

Le chef du Gouvernement a réitéré cet engagement devant les élus, les assureurs et l'État. Nous avons ainsi annoncé une série de mesures lors du Roquelaure de l'assurabilité des territoires, le 14 avril dernier, que nous pouvons résumer avec la formule suivante : les collectivités qui le souhaitent doivent pouvoir souscrire une assurance.

Le sujet est fondamental non seulement pour le Gouvernement, mais également pour le Sénat, qui a eu la sagesse de s'en saisir très tôt. Je pense notamment à l'excellent rapport de M. le rapporteur général publié en 2024 sur les problèmes assurantiels des collectivités locales, intitulé Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales.

C'est en ce sens qu'à la fin de 2023, à la demande de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, les ministres de l'économie, de la cohésion sociale et des collectivités ont mandaté Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès, dont les travaux ont été mentionnés plus tôt par M. le rapporteur général.

Le gouvernement de François Bayrou s'est évidemment saisi de ce sujet. Le plan d'action présenté au Roquelaure a été construit en concertation avec les associations d'élus et les assureurs, qui se sont chacun engagés à prendre leur part de l'effort nécessaire au bon rétablissement de ce marché. Monsieur le rapporteur général, je n'oublie pas votre rôle dans la préparation de cette journée d'échanges.

Moins de deux mois après leur annonce, les engagements du Roquelaure sont tenus. Monsieur le rapporteur général, je tiens à vous le garantir, Collectiv'Assur, la cellule financée par les assureurs pour orienter les collectivités les plus en difficulté dans leur recherche d'assurance, sera opérationnelle dès la fin de ce mois-ci.

Un nouveau guide des bonnes pratiques pour la souscription d'assurance par les collectivités territoriales, préparé en concertation avec les collectivités, les intermédiaires d'assurance et les assureurs, sera publié également d'ici à la fin du mois. Je me suis d'ailleurs permis de suggérer aux assureurs de le diffuser lors du prochain congrès de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité.

La réforme de la franchise applicable pour les catastrophes naturelles entrera en vigueur dans les prochains jours. Elle sera particulièrement protectrice pour les petites communes de moins de 2 000 habitants.

Enfin, mes services travaillent actuellement avec les assureurs et les réassureurs pour proposer, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, une solution d'assurance en cas de dommages consécutifs aux émeutes. Je le sais, les troubles sociaux de grande ampleur peuvent particulièrement affecter nos territoires, ainsi que le passé récent l'a malheureusement démontré.

Sur ce sujet majeur, nous voulons explorer toutes les possibilités avant de proposer une solution au Parlement. Les échanges au sein du groupe de travail sont extrêmement riches, les grands équilibres de ce dispositif faisant notamment l'objet de débats de fond.

Nous travaillons également sur une extension du dispositif aux territoires ultra-marins, dans lesquels l'État n'est parfois pas compétent en matière d'assurance.

Naturellement, ces premières mesures pourront être étayées. Je sais la frustration que le législateur peut ressentir lorsque certaines mesures ne passent pas par la loi. Le Premier ministre l'a clairement rappelé : le Gouvernement sera prêt à étudier toutes les modalités d'intervention nécessaires, qu'elles soient législatives ou réglementaires.

À la lecture de la proposition de loi, je constate une très large convergence de vues entre l'esprit de ce texte et le sens des mesures annoncées jusqu'à présent par le Gouvernement.

Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de nouveau d'avoir contribué puissamment à la préparation du Roquelaure de l'assurance. Je remercie également Mme la rapporteure Marie-Carole Ciuntu de ses travaux préparatoires à l'examen de ce texte. Nous gagnerons à unir nos efforts. Le Gouvernement souhaite que nous puissions travailler dans cet esprit durant les prochains mois, puisque, comme vous l'avez souligné, madame la rapporteure, il reste plusieurs étapes à franchir.

Je profite de ce propos liminaire pour apporter quelques observations sur le contenu de la proposition de loi.

À l'article 1er, nous partageons l'objectif d'améliorer le suivi du marché de l'assurance des collectivités. Néanmoins, nous sommes réservés sur le fait de confier ce rôle à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dont la mission est non pas d'assurer le suivi particulier de certains marchés, mais de surveiller les équilibres techniques de chaque assureur.

Du reste, cette institution n'a pas les moyens nécessaires pour conduire cette nouvelle mission. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez l'attention que le Gouvernement porte à la stabilité de la dépense publique, objectif que nous partageons avec beaucoup d'entre vous.

Pour opérer ce suivi, qui nous apparaît également nécessaire – monsieur le rapporteur général, je partage votre préoccupation –, il serait peut-être plus pertinent de demander à France Assureurs de s'en charger.

À l'article 3, nous partageons la volonté d'inscrire dans la loi la possibilité pour les collectivités de saisir le médiateur de l'assurance. Par ailleurs, la cellule Collectiv'Assur sera opérationnelle dans les prochains jours pour épauler les collectivités dans leur recherche d'assurance. Confiants dans la responsabilité des assureurs qui financent et opèrent cette structure, nous préférons ne pas contraindre dès à présent son fonctionnement.

Vous proposez à l'article 4 d'exiger que les garanties souscrites par les collectivités soient assorties de franchises. Nous en avons discuté lors de la préparation de ce texte, la franchise a de nombreuses vertus sur le plan macroéconomique : elle responsabilise l'assuré dans sa gestion du risque et diminue également le coût de l'assurance. Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à cette initiative.

L'article 5 étend le champ de la DSECG en y rendant éligibles les dommages causés par les émeutes ou les mouvements populaires. Dans le contexte budgétaire, il est clair que ceci ne pourra se faire qu'au détriment de l'indemnisation des événements climatiques ou géologiques extrêmes, par vases communicants.

Nous préférons instaurer un mécanisme d'assurance privée, que nous étudions dans le cadre des travaux en cours sur le financement de cette garantie. Si cela était nécessaire, nous inscririons ensuite ces précisions dans la loi.

Enfin, l'article 6 introduit une extension de garantie obligatoire pour la couverture des troubles sociaux majeurs. J'ai déjà dit un mot de nos travaux à ce sujet et je souligne une nouvelle fois la convergence de vues entre le Gouvernement et le Sénat.

Je tiens toutefois à insister sur un point important pour le fonctionnement de ce dispositif. Si les assureurs étaient forcés d'assurer la couverture de ce risque sans pouvoir le céder aux réassureurs privés, il serait nécessaire d'accorder en contrepartie une nouvelle garantie de l'État à la Caisse centrale de réassurance, pour couvrir les événements extrêmes en dernier recours.

Madame la rapporteure, vous faisiez référence à ce point en mentionnant l'article 40 de la Constitution. Si une telle garantie n'était pas accordée, la restauration du marché de l'assurance des collectivités territoriales serait entravée, avec le risque de ruiner tous les efforts entrepris jusqu'à présent.

Pour cette raison, sur la base de ces travaux, le Gouvernement a l'objectif de présenter au Parlement l'octroi d'une garantie de l'État en ce sens lors du projet de loi de finances (PLF), qui permettrait de régler le problème soulevé par Mme la rapporteure.

Toutefois, je crains que la disposition proposée à ce stade ne préempte une partie des discussions techniques en cours et ne suscite des incompréhensions. Notre débat permettra d'éclairer ce sujet.

Je prends personnellement l'engagement, au nom du Gouvernement, de faire atterrir ces travaux d'ici à l'examen du prochain projet de loi de finances. Vous serez évidemment associés à toutes les discussions et aux réflexions nécessaires à la préparation du PLF. Je le reconnais bien volontiers, ces propos ne sont qu'une promesse, mais je formule celle-ci à la tribune du Sénat. Je sais que vous serez attentifs au respect de celle-ci, comme je le serai moi-même.

M. Laurent Burgoa. Nous verrons !

M. Éric Lombard, ministre. Ces quelques réserves n'altèrent en rien notre volonté d'avancer sur ce dossier essentiel, avec méthode et transparence, exercice auquel je m'astreins. Aussi nos débats seront-ils très utiles pour les travaux que nous conduisons à la suite du Roquelaure des assurances.

Puisque nous en sommes aux engagements, fixons-nous également un calendrier : nous avons l'ambition de présenter un dispositif d'assurabilité des collectivités complet avant l'examen du prochain projet de loi de finances. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous mettrons tous les moyens en œuvre pour tenir cet engagement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Indep. – Mme Isabelle Briquet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-François Husson applaudit également.)

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à garantir une solution d'assurance à l'ensemble des collectivités territoriales est le fruit de plusieurs mois de travail au sein de la commission des finances du Sénat et dans le débat public.

Cette réflexion était devenue nécessaire, car nos élus nous ont fait part de leurs difficultés à assurer leurs collectivités et d'augmentations subites de leurs primes d'assurance.

Depuis une dizaine d'années, en raison de la multiplication des aléas climatiques, nos collectivités font face à des risques accrus pesant sur les bâtiments publics et le mobilier urbain. Plus récemment, le mouvement des gilets jaunes, puis les émeutes de l'été 2023 et les mouvements sociaux ont occasionné de nouveaux dégâts sur les biens de nos collectivités.

Face à ces épisodes, de nombreux élus de toutes les strates dénoncent les difficultés grandissantes qu'ils rencontrent pour assurer leur collectivité.

Pour cette raison, la commission des finances a créé en son sein une mission d'information relative aux problèmes assurantiels des collectivités territoriales en janvier 2024. Jean-François Husson, notre rapporteur général, a remis ses travaux en seulement deux mois. Le texte qui nous est aujourd'hui présenté est inspiré des conclusions de son rapport.

Depuis, de nombreux travaux complémentaires ont été menés, comme l'excellent rapport qu'Alain Chrétien a remis en septembre dernier sur l'assurabilité des biens des collectivités locales et de leur groupement.

Enfin, s'il n'y a pas d'assurabilité des collectivités sans participation des assureurs, le marché de l'assurance des collectivités présente des dysfonctionnements et se révèle peu attirant pour les assureurs. Les règles de la commande publique sont très contraignantes, ce qui conduit souvent les assureurs à ne pas répondre aux appels d'offres.

Par ailleurs, les sinistres que je mentionnais accroissent le coût et fragilisent le modèle économique des contrats d'assurance couvrant les dommages aux biens. Les assureurs auraient pu essayer de se retirer de ce marché – une partie d'entre eux l'a d'ailleurs fait. Toutefois, face à la détermination du Gouvernement, des élus locaux et des sénateurs, ils se sont rendu compte qu'il valait mieux coopérer.

Le Gouvernement et France Assureurs, organisation représentant les assureurs, ont ainsi tenu en avril dernier le Roquelaure de l'assurabilité des territoires. Ils ont décidé de créer les conditions nécessaires pour améliorer le recours de toutes les collectivités à l'assurance privée, afin qu'aucune collectivité territoriale en France ne puisse se trouver involontairement en défaut d'assurance.

La proposition de loi permet plusieurs avancées notables. Le texte renforce l'implication des nombreuses structures publiques ou parapubliques telles que le médiateur de l'assurance dans les relations entre assureurs et collectivités territoriales.

Il étend également aux biens des collectivités endommagés à la suite d'émeutes ou de mouvements populaires violents le bénéfice de la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques.

Pour ce qui concerne les contrats d'assurance, la proposition de loi étend leur couverture aux dommages aux biens résultant d'émeutes et de mouvements populaires. Tous les contrats d'assurance seront concernés, y compris ceux qui couvrent les véhicules terrestres.

La création de ce nouveau risque relatif aux émeutes et aux mouvements populaires était nécessaire pour veiller à l'assurabilité de nos collectivités. Toutefois, nous devons nous interroger sur le fait que nous traitons les conséquences des émeutes et mouvements populaires. Peut-être, avant tout le reste, faudrait-il d'abord traiter les causes des dégradations et des émeutes.

La mutualisation de ce risque le rend assurable. Tant mieux, mais ne nous y trompons pas : la mutualisation veut dire que nous paierons collectivement les dégâts et dégradations.

Notre groupe appelle ainsi à une prise de conscience collective rapide. Les dégradations qui ont suivi la récente victoire du Paris Saint-Germain (PSG) doivent nous alerter. Il est intolérable de laisser une infime partie de la population dégrader régulièrement les biens d'autrui, qu'ils soient publics ou privés.

Mes chers collègues, les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront cette proposition de loi, qu'ils ont d'ailleurs largement cosignée, pour venir en aide aux collectivités et à leurs élus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Michel Masset et Laurent Burgoa applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Klinger. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Klinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes et après les émeutes de juin 2023, de nombreux élus locaux nous ont fait part des difficultés qu'ils rencontrent pour s'assurer auprès des compagnies – hausse du coût des contrats et des franchises, baisse des montants indemnisés, absence de réponse aux appels d'offres, etc.

L'année dernière, la commission des finances a décidé de lancer une mission d'information sur les difficultés assurantielles des collectivités pour dresser un état des lieux et proposer des solutions à même de garantir des conditions d'assurance tant acceptables pour toutes les collectivités que soutenables financièrement pour l'ensemble des acteurs concernés.

Nous avons mené une vingtaine d'auditions et effectué trois déplacements. Nous nous sommes en outre appuyés sur une consultation en ligne des élus locaux, en recueillant plus de 700 contributions.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 60 % des collectivités territoriales rencontrent des difficultés avec leurs assureurs. Ce taux grimpe à 90 % pour les communes de plus de 10 000 habitants. De plus, 94 % des collectivités ont été confrontées à une hausse de leurs primes, lesquelles ont augmenté de 40 % ces quatre dernières années, et 27 % des collectivités ont subi une hausse de leur franchise.

Dans le même temps, la France, toujours à la pointe du progrès social, se distingue avec brio : nous avons hébergé trois des dix mouvements sociaux les plus ruineux pour les assurances depuis 2018, dont deux rien que sur le territoire métropolitain.

Les causes des difficultés à s'assurer sont donc multiples : hausse des sinistres climatiques, judiciarisation croissante, durcissement des critères de souscription… En résultent des contrats plus coûteux, assortis de franchises élevées ou d'exclusions problématiques.

Cette situation menace la capacité des collectivités à protéger leur patrimoine et à remplir leurs missions de service public.

Ce texte, cosigné par près de 200 sénateurs, répond donc à une urgence républicaine : assurer la continuité des services publics locaux face à la montée des risques et aux tensions croissantes du marché de l'assurance.

L'un de nos problèmes majeurs réside dans le déséquilibre structurel de la tarification, accentué par un marché peu concurrentiel. Pour y remédier, la proposition de loi renforce le rôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et crée un observatoire national des tarifs assurantiels, chargé d'analyser les données du secteur, de garantir de la transparence sur les prix et de favoriser la concurrence. Notre objectif est clair : permettre à chaque collectivité, quelle que soit sa taille, d'accéder à une offre d'assurance équitable en mettant fin aux pratiques tarifaires opaques et à la surenchère des primes.

Autre point de tension : la question des franchises. Jusqu'à présent, l'existence et le montant de celles-ci étaient librement négociés, ce qui a conduit à des inégalités entre collectivités. Nous souhaitons systématiser l'inscription d'une franchise négociable dans les contrats d'assurance dommages aux biens. Cette mesure vise à responsabiliser les collectivités en encourageant la prévention, tout en centrant la couverture sur les sinistres les plus significatifs.

Enfin, ce texte innove en créant un fonds national de solidarité pour l'assurabilité des collectivités territoriales, afin de soutenir les collectivités qui, du fait de leur exposition accrue aux risques sociaux, ne trouvent aucune solution sur le marché. Il s'agit d'assurer ainsi la continuité du service public en garantissant qu'aucune commune ne soit laissée sans couverture, notamment en cas de risque majeur lié aux émeutes.

Ce mécanisme de solidarité est essentiel pour faire en sorte que les collectivités, en particulier les plus petites, ne soient pas pénalisées par des franchises élevées, qui pourraient compromettre leur fonctionnement.

Mes chers collègues, cette proposition de loi constitue une réponse pragmatique et ambitieuse à une crise silencieuse qui fragilise nos collectivités. En l'adoptant, nous ferons le choix de la justice, de la transparence et de la solidarité territoriale, afin que chaque collectivité puisse continuer d'assurer – au sens propre comme au sens figuré – le service public auquel nos concitoyens ont droit.

Mes chers collègues, je vous l'assure, cette proposition de loi rassure ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI, INDEP et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je devais retenir un texte illustrant parfaitement la mission principale du Sénat – protéger les collectivités et les élus locaux –, je choisirais celui-ci.

Je le choisirais d'abord parce qu'il est transpartisan et parce qu'il reprend les recommandations de la mission d'information créée par la commission des finances et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je le choisirais ensuite parce qu'il traite d'un sujet particulièrement complexe, qui inquiète de nombreux élus locaux de notre pays : les difficultés croissantes que ces derniers éprouvent pour obtenir des contrats d'assurance.

Depuis quelques années, les collectivités territoriales sont confrontées à la multiplication des risques pesant sur les biens municipaux, notamment sur les bâtiments publics.

D'une part, les dégâts provoqués par les phénomènes météorologiques s'intensifient à cause du dérèglement climatique. Selon les projections de plusieurs groupes d'assurance, les dommages liés à ces sinistres pourraient atteindre environ 134 milliards d'euros sur la période 2020-2050, soit près du double de ce que l'on a connu au cours des trois dernières décennies.

D'autre part, l'émergence de nouveaux mouvements sociaux violents entraîne de nombreuses dégradations, quand il ne s'agit pas de destructions. Par exemple, les dommages aux biens subis par les collectivités territoriales occasionnés par les émeutes urbaines de l'été 2023 se sont élevés à près de 187 millions d'euros.

Selon l'Association des petites villes de France (APVF), plus de 1 500 communes rencontrent des difficultés pour s'assurer, notamment lorsque leur contrat arrive à échéance. Je pense, par exemple, à la communauté de communes du Val de Drôme en Biovallée ou encore à la commune ardéchoise de Guilherand-Granges, dont les bâtiments sont restés sans assurance pendant cinq mois, au début de l'année 2024.

Pis encore, les collectivités subissent parfois la résiliation unilatérale de leurs contrats d'assurance. C'est exactement ce qui est arrivé à la commune de Nyons, dans le sud de la Drôme. En 2023, la société d'assurance de cette commune a résilié de façon unilatérale ses contrats d'assurance et les appels d'offres de la municipalité sont restés dans un premier temps infructueux, faute de proposition. Finalement, l'administration municipale a reçu deux réponses : un contrat avec une prime de 90 000 euros et des franchises importantes, et une proposition moins onéreuse, pour laquelle la commune de Nyons a opté. Ce contrat permettait d'assurer les bâtiments pour 50 000 euros par an, avec une franchise de 5 000 euros environ, soit des montants beaucoup plus élevés que le contrat précédent, qui représentait une dépense de 15 000 euros. La prime a donc été multipliée par plus de trois…

Cette véritable explosion des tarifs s'explique également par l'existence d'un duopole entre Groupama et Smalc Assurances, la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, qui bénéficient de l'atrophie du marché de l'assurance pour les collectivités.

N'oublions pas non plus la récente arnaque dont ont été victimes plusieurs communes de France, dont celle de Die. Selon France Bleu, pendant un mois et demi, les véhicules de cette commune ont circulé sans assurance valide. En effet, la mairie avait signé à la fin de l'année 2024 un contrat avec une assurance, par l'intermédiaire d'un courtier qui ne disposait pas des agréments nécessaires.

Au regard de toutes ces difficultés, je tiens à souligner l'importance de ce texte transpartisan, que j'ai cosigné, qui comporte des solutions utiles et adaptées aux collectivités : d'abord, il renforce la concurrence sur le marché de l'assurance ; ensuite, il rééquilibre les relations contractuelles entre assureurs et collectivités ; enfin, il crée une garantie obligatoire contre les émeutes et les mouvements populaires dans les contrats d'assurance destinés à couvrir les dommages subis par les biens.

L'objectif d'assurabilité des collectivités territoriales sera officiellement inscrit dans les missions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; c'est l'objet de l'article 1er. En outre, les collectivités pourront recourir à la médiation de l'assurance, y compris en l'absence de contrat, pour faciliter la recherche d'un assureur.

De plus, ce texte protégera davantage les collectivités en modifiant les règles relatives aux contrats d'assurance destinés à couvrir les dommages subis par les biens. Aux termes de l'article 4, tous les contrats souscrits par les collectivités devront obligatoirement comporter une franchise, dont les caractéristiques seront définies par décret.

Enfin, je tiens à m'arrêter quelques instants sur l'article 6, modifié en commission, qui instaure un mécanisme de garantie obligatoire contre les émeutes et les mouvements populaires. Si nous souhaitons protéger au mieux les collectivités, je crois que nous devons trouver la rédaction juridique la plus claire et la plus précise possible, afin d'éviter la multiplication des contentieux avec les compagnies d'assurance. Je défendrai donc un amendement au nom du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, afin de clarifier les notions d'émeute et de mouvement populaire.

Mes chers collègues, je suis convaincu que cette proposition de loi, particulièrement attendue des élus locaux, portera ses fruits. Le travail mené permet aujourd'hui de présenter un texte utile et protecteur. En ce sens, je me réjouis que les syndicats mixtes puissent entrer dans le champ d'application du texte, au travers de la notion de groupement de collectivités territoriales au sens de l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales.

Je conclus en soulignant de nouveau l'importance de ce texte, au regard des attentes qu'il suscite. Le groupe RDPI votera bien évidemment pour cette proposition de loi, en espérant son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, y compris, s'il le faut, monsieur le ministre, au cours d'une semaine gouvernementale.

M. Bernard Buis. Il y a urgence, car tous les risques que je mentionnais au début de mon propos vont malheureusement s'accentuer, peut-être même dès cet été, ce que je ne souhaite bien sûr pas. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trop longtemps, s'assurer est devenu un véritable casse-tête, voire un cauchemar, pour nos collectivités locales ; c'est ce que nous disent, avec colère et inquiétude, les maires et les élus que nous rencontrons sur le terrain.

Pourquoi cet état de fait ? Parce que le marché de l'assurance des collectivités est défaillant. Par conséquent, les tarifs explosent, de même que les franchises. Les procédures sont rigides et lourdes, et les assureurs se dérobent. Résultat : plus de 1 500 communes peinent aujourd'hui à trouver un assureur ou paient leur assurance au prix fort. En outre, les résiliations brutales se multiplient, mettant en péril le mutualisme et la prévoyance collective sur lesquels repose le système assurantiel.

Les risques climatiques ont accentué la pression sur les collectivités territoriales, avec les dépenses liées à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) et les importants dommages causés par les catastrophes naturelles. Je pense notamment aux conséquences du retrait-gonflement des argiles.

Je souhaite à ce propos mentionner un point méthodologique : chaque compétence transférée aux collectivités ou étendue, qui ne fait d'ailleurs pas toujours l'objet d'une compensation, devrait être assurable. Nos maires, qui sont déjà en première ligne sur tous les sujets, se retrouvent seuls et démunis en cas de dommage. Alors, oui, mes chers collègues, il est urgent d'agir.

Comment en est-on arrivé là ? Surtout, que faire pour améliorer les choses ?

À la première question, je répondrais que cette situation est la conséquence d'un marché dérégulé, fruit d'une myopie collective, qui nous a conduits à ne pas nous rendre compte que la baisse des franchises et des primes n'était pas cohérente avec l'élargissement du patrimoine des collectivités et avec l'accroissement des risques.

Que peut-on faire pour améliorer les choses ? En priorité, il faut reprendre la main. Il est temps que les collectivités ne soient plus à la merci des assureurs. Cela passe par une régulation plus ferme des pratiques commerciales. Si la rentabilité du marché est faible, elle demeure réelle. Les assureurs doivent prendre leurs responsabilités.

C'est pourquoi je suis favorable au renforcement des prérogatives du régulateur public et à la création d'un dispositif de suivi de l'évolution des tarifs des contrats appliqués à nos collectivités. Sur les relations entre les assureurs et les collectivités, le texte que nous examinons repose sur une vision équilibrée : en échange de la généralisation des franchises, il fixe un délai de préavis minimal de six mois en cas de résiliation unilatérale et renforce le rôle du médiateur de l'assurance.

Ensuite, j'estime que nous devons inciter les assureurs à couvrir les risques auxquels toutes nos collectivités sont aujourd'hui exposées. Ainsi, je soutiens la couverture des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires par les contrats d'assurance dommages aux biens. Je pense d'ailleurs que les définitions proposées par la commission des finances vont dans le bon sens, mais qu'elles doivent être encore précisées, afin de sécuriser juridiquement nos collectivités.

Cela étant, je pense que nous devons élargir cette garantie obligatoire aux dégâts provoqués par les cyberattaques. En effet, chaque mois, dix-huit cyberattaques touchent nos collectivités et ce nombre risque d'augmenter demain. Leurs conséquences sont lourdes : interruption d'activité et de service, destruction ou vol de données, perte financière ou encore atteinte à la réputation. J'avais d'ailleurs soutenu, lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, le renforcement des moyens de la transition numérique des collectivités.

En la matière, la prévention doit être renforcée. Il nous incombe, en tant que législateur, d'anticiper ces risques nouveaux et croissants, afin de protéger les élus. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen défendra des amendements visant à rendre obligatoires certaines garanties dans les contrats d'assurance dommages aux biens.

Ce texte nous paraît urgent pour nos collectivités locales. Il apporte une réponse pragmatique et de bon sens aux problèmes que celles-ci rencontrent, il traite un problème croissant, bien connu des élus. J'espère que ses dispositions seront efficaces, car il y a urgence.

Le groupe RDSE le votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)