Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre. Le Gouvernement ne souhaite pas retenir les propositions formulées au travers de ces amendements.
En effet, le droit commun offre déjà à la commune, si elle l’accepte, plusieurs outils permettant de faire évoluer les documents d’urbanisme dans le cadre d’un projet de création de carrière. Je pense notamment à la procédure de déclaration de projet, qui n’est ni plus longue ni plus difficile à mettre en œuvre que la procédure intégrée, puisque les étapes visant à mettre en compatibilité les documents d’urbanisme sont quasiment identiques. En outre, la durée des procédures de révision ou de modification des PLU peut être très largement réduite si les études préalables sont engagées bien en amont.
Il n’est donc nul besoin de complexifier la norme en recourant à la procédure intégrée pour une unique catégorie, dont les spécificités ne justifient aucunement un régime spécial, sans quoi cela conduirait à des demandes « reconventionnelles » de chaque domaine d’activité pour disposer de sa propre procédure.
De surcroît, la création d’une telle procédure aurait un effet contre-productif, car la procédure ad hoc ainsi créée donnerait lieu à des interrogations lors de ses premières applications, lesquelles interrogations conduiraient à des contentieux et seraient source d’incertitude pour les porteurs de projet, alors que, à l’inverse, l’utilisation de procédures de droit commun bien balisées les sécurise.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 octies est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 66 rectifié et 2 n’ont plus d’objet.
Après l’article 2 octies
Mme la présidente. L’amendement n° 88 rectifié, présenté par MM. Canévet et Kern, Mmes Guidez et Saint-Pé, M. Longeot, Mme Romagny, MM. Menonville et Delcros, Mme Patru et M. Haye, est ainsi libellé :
Après l’article 2 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 104-3 du code de l’urbanisme est complété un alinéa ainsi rédigé :
« Les procédures d’évolution des documents mentionnés aux articles L. 153-34 et L. 153-45 du code de l’urbanisme n’exigent pas d’évaluation environnementale nouvelle ou actualisée. »
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cet amendement et les suivants visent à alléger les contraintes, notamment économiques, relatives à la construction et à l’urbanisme.
En effet, nombre de projets se trouvent aujourd’hui bloqués par des normes et des contraintes administratives de toutes natures, qui retardent leur mise en œuvre. Cela est préjudiciable à notre économie, car, en empêchant ces projets de se réaliser, on engendre, plutôt que des points de croissance, de l’attente et de l’immobilisme…
Il est temps de prendre la mesure des choses et d’apporter de véritables simplifications à notre droit de l’urbanisme et de la construction.
Tel est le sens de cet amendement, qui vise à dispenser de la réalisation d’études environnementales les modifications simplifiées et les révisions dites allégées des documents d’urbanisme. Ces études environnementales font plaisir aux bureaux d’études, mais elles allongent les délais, alors qu’il s’agit souvent de sujets mineurs. Il n’est pas utile de faire durer le plaisir en la matière ; il faut au contraire être efficace, c’est-à-dire faire en sorte que les projets se concrétisent au plus vite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylviane Noël, rapporteure. La procédure de révision dite allégée est supprimée par l’article 1er A de cette proposition de loi. Quant à la modification simplifiée, elle ne saurait faire l’objet d’une exemption de principe et généralisée de l’évaluation environnementale. Je le répète, la directive européenne précitée du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, encadre fortement les possibilités de modifications sur ce point.
Je comprends votre sentiment, mais nous ne pouvons pas légiférer contre le droit européen : demande de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre. Cet amendement, monsieur le sénateur Canévet, est contraire aux dispositions de la directive européenne dite Plans-programmes, selon laquelle tout plan ou programme susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement doit être soumis à évaluation environnementale.
Ce n’est pas le type de procédure qui détermine l’existence d’incidences notables des documents d’urbanisme sur l’environnement. Le critère que vous proposez ne correspond donc pas au cadre européen, même si, pour ma part, je souhaite le faire évoluer sur ce point.
À titre d’exemple, la procédure de révision allégée permet la réduction d’un espace boisé classé et la procédure de modification simplifiée permet l’identification de zones d’accélération pour l’implantation d’installations de production d’énergie renouvelable. Supprimer l’évaluation environnementale de ces procédures fragiliserait les documents d’urbanisme sur le plan contentieux, donc les collectivités locales qui les ont rédigés.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Canévet, l’amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canévet. Non, je le retire, madame la présidente, mais je compte sur Mme la ministre pour faire évoluer le droit européen.
Mme la présidente. L’amendement n° 88 rectifié est retiré.
L’amendement n° 92 rectifié, présenté par M. Canévet, Mme Saint-Pé, MM. Kern et Longeot, Mme Romagny, MM. Menonville et Delcros, Mmes Patru et de La Provôté, M. Folliot et Mme Gacquerre, est ainsi libellé :
Après l’article 2 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Aux b et c du 1° de l’article L. 112-10, les mots : « secteurs déjà urbanisés » sont remplacés par les mots : « espaces urbanisés » ;
2° À la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 121-3, les mots : « et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l’article L. 121-8, » sont supprimés ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 121-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « secteurs déjà urbanisés » sont remplacés par les mots : « espaces urbanisés » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 141-13, les mots : « et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l’article L. 121-8 » sont supprimés ;
5° Au 2° de l’article L. 312-9, les mots : « des secteurs déjà urbanisés » sont remplacés par les mots : « d’espaces urbanisés » ;
6° À l’article L. 312-10, les mots : « secteurs déjà urbanisés » sont remplacés par les mots : « espaces urbanisés ».
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Il s’agit de mieux définir les espaces déjà urbanisés. En effet, il est difficile de faire évoluer les choses en la matière, en particulier dans les zones soumises à la loi Littoral.
Le bon sens exigerait que les secteurs déjà urbanisés puissent être densifiés ; or cela ne peut se faire aussi facilement qu’on le voudrait. Cet amendement vise donc à faire avancer les choses…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylviane Noël, rapporteure. Cet amendement a pour objet de supprimer la notion de secteur déjà urbanisé du code de l’urbanisme.
C’est la loi Élan qui a substitué cette notion à celle de « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement », qui aurait fait l’objet d’une jurisprudence restrictive.
Le fait de confier au Scot l’identification de ces secteurs déjà urbanisés a été introduit dans la loi sur l’initiative de la commission de affaires économiques du Sénat, sous l’impulsion de son actuelle présidente, qui était alors rapporteur de ce texte. La commission avait ainsi souhaité préciser le rôle du Scot dans l’identification des secteurs déjà urbanisés, dans le dessein de permettre une utilisation plus large des facultés d’urbanisation en dehors des agglomérations et villages existants.
Il ne paraît pas opportun de supprimer cette disposition, qui, au contraire, sécurise les porteurs de projet en prédéterminant les territoires constructibles sur le fondement d’un faisceau d’indices.
L’avis de la commission est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Canévet. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié est retiré.
L’amendement n° 150 rectifié, présenté par M. Haye, Mmes Guidez et Billon, MM. Kern et J.M. Arnaud, Mme Jacquemet et M. Menonville, est ainsi libellé :
Après l’article 2 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 212-1 du code de l’urbanisme, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une proposition de création de zone d’aménagement différé émane d’une commune, le représentant de l’État est tenu de rendre sa décision motivée dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande. À défaut de réponse dans ce délai, la demande est réputée rejetée.
« L’avis de l’établissement public de coopération intercommunale compétent, lorsqu’il est exigé, est réputé favorable s’il n’est pas rendu dans les deux mois suivant la saisine de l’établissement public de coopération intercommunale par le préfet. »
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. La modification de l’article L. 212-1 du code de l’urbanisme que je propose par cet amendement vise à renforcer l’efficacité et la réactivité de l’action publique locale en matière de stratégie foncière, dans le cadre du dispositif des zones d’aménagement différé (ZAD).
Instituées pour permettre aux collectivités et à l’État de constituer notamment des réserves foncières en prévision de projets d’aménagement d’intérêt général, les ZAD sont des outils cruciaux de planification de l’usage des sols, en particulier pour les communes ayant déjà défini leur stratégie de développement dans le cadre d’un PLU en cours d’élaboration mais non encore approuvé.
Or dans la pratique, de nombreuses communes et EPCI compétents en matière d’urbanisme se heurtent à des délais de réponse très longs de la part des services de l’État lorsqu’ils sollicitent la création d’une ZAD. Une telle situation nuit à la mise en œuvre effective des politiques locales d’aménagement et de logement.
Par le présent amendement, je vous propose donc d’introduire une disposition procédurale claire : lorsque la demande de création d’une ZAD émane d’une commune, le préfet est tenu de rendre une décision motivée dans un délai de six mois. À défaut, la demande est réputée rejetée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylviane Noël, rapporteure. Le code de l’urbanisme ne prévoit en effet pas de délai de réponse, ni du préfet lorsqu’une collectivité le sollicite pour la création d’une ZAD, ni des collectivités lorsqu’elles sont sollicitées par le préfet pour donner leur accord à une telle création.
Cependant, encadrer le délai de réponse du préfet, en prévoyant que le silence de ce dernier vaudra rejet au bout de six mois, aura probablement peu d’effets bénéfiques en pratique, puisque cela reviendra à bloquer le projet, alors même que dans certains cas, le préfet pourrait vouloir faire droit à la demande.
Le dialogue en amont entre collectivités et services déconcentrés devrait permettre de dépasser la difficulté évoquée.
Je demande donc le retrait de votre amendement, mon cher collègue. À défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre. Par votre amendement, vous proposez de créer une différence de traitement qui ne me paraît pas justifiée entre les communes, d’une part, et les EPCI et les établissements publics territoriaux (EPT), d’autre part.
Les dossiers de création de ZAD demandées par des communes feraient en effet l’objet d’une procédure d’instruction spécifique dès lors qu’ils seraient déposés par les communes, alors que les dossiers déposés par des EPCI ou des EPT feraient l’objet d’une procédure d’instruction ordinaire.
L’instruction dépend du niveau de complexité du dossier et du temps de traitement qu’il requiert. Au regard de ces contraintes, généraliser un traitement dans un délai plus réduit dont le non-respect emporterait le rejet du projet ne me paraît pas participer de la simplification visée.
Je préférerais donc également que vous retiriez votre amendement, monsieur Haye. À défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Ludovic Haye, pour explication de vote.
M. Ludovic Haye. J’entends bien les arguments de notre rapporteure et de Mme la ministre, mais le dispositif actuel, qui est censé améliorer et simplifier les choses pour nos élus, ne joue pas réellement son rôle. Je suis prêt à travailler avec vous à son amélioration, madame la ministre, mais, pour l’heure, je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Canévet, Kern et Longeot, Mme Romagny, MM. Menonville et Delcros, Mme Patru, M. Haye, Mme Gacquerre et M. Folliot, est ainsi libellé :
Après l’article 2 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au I de l’article L. 300-6-2 du code de l’urbanisme, après les mots : « transition écologique », sont insérés les mots : « , l’aménagement du territoire, ».
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cet amendement vise à prendre en compte les incidences d’un projet en termes d’aménagement du territoire dans son éventuelle qualification de projet d’intérêt national majeur (PINM).
Certains projets économiques sont en effet essentiels pour préserver la vitalité et maintenir la population de nombreux territoires. Il importe donc de ne pas concentrer les projets d’intérêt national majeur dans les seules grandes agglomérations, mais, au contraire, d’en favoriser l’implantation sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les zones les moins peuplées, qui peuvent notamment avoir besoin d’infrastructures.
À l’heure où de nombreux projets sont bloqués par des contraintes et des formalités administratives de toute nature, cette qualification joue un rôle essentiel, car elle permet d’accélérer la mise en œuvre des projets. Le temps économique n’étant pas le temps administratif, il nous faut donner aux entreprises la possibilité de mener les projets qui permettront d’assurer la prospérité future de notre pays.
Nous n’avons pas suffisamment conscience de ces enjeux, mes chers collègues. Dans le cadre des travaux menés par la délégation sénatoriale aux entreprises, on nous rapporte sans cesse les contraintes administratives et autres obstacles qui empêchent la croissance de notre pays et nous nous battons pour favoriser le développement des entreprises. Il est temps d’agir ! Pour que la France aille mieux, il faut que les projets se concrétisent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylviane Noël, rapporteure. Créée par la loi Industrie verte, la qualification de projets d’intérêt national majeur a instauré une nouvelle procédure de mise en compatibilité accélérée des documents d’urbanisme et des documents de planification régionale. Au Sénat, nous n’y étions d’ailleurs pas très favorables, car la procédure est menée par l’État : si le maire donne son avis au début de la procédure, il doit ensuite céder la main, notamment en ce qui concerne les évolutions concrètes affectant les documents d’urbanisme.
Cette qualification vise à promouvoir les projets industriels concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale.
Je peine à saisir quels seraient les critères permettant de déterminer qu’un projet industriel, dont ce n’est pas l’objet, concourt à l’aménagement du territoire.
S’agissant de projets structurants pour le territoire, les maires disposent déjà de la procédure de déclaration de projet, qui leur permet de rester maîtres de la procédure d’évolution.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre. Comme je l’ai indiqué précédemment, il ne me paraît pas pertinent de faire évoluer le périmètre des projets d’intérêt national majeur moins de deux ans après la création de ce dispositif, monsieur Canévet. En étendant trop celui-ci, nous risquerions en effet de remettre en cause le régime simplifié dont il bénéficie.
Nous avons par ailleurs d’ores et déjà débattu de l’opportunité d’étendre le périmètre des projets d’intérêt national majeur et des projets d’envergure nationale ou européenne lors de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique, dont l’objet recouvrait précisément ces enjeux.
Sur le fond, comme pour la clarté des débats, je vous prie donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Canévet et Kern, Mme Saint-Pé, MM. Longeot, Menonville et Delcros et Mmes Patru et Gacquerre, est ainsi libellé :
Après l’article 2 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 421-1 code de l’urbanisme, les mots : « d’un permis de construire » sont remplacés par les mots : « d’une déclaration préalable ».
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cet amendement vise, lui aussi, à simplifier significativement les procédures administratives dans notre pays.
Comme moi, mes chers collègues, vous entendez sans doute nos concitoyens se plaindre régulièrement des délais nécessaires à l’obtention d’un permis de construire. Or si nous voulons rétablir la situation des finances publiques, il importe d’encourager les projets.
Je me félicite de la présence dans l’hémicycle de la ministre chargée du logement, et, partant, de la construction et de l’urbanisation, dont j’appelle l’attention sur le blocage de nombreux projets du fait des délais administratifs.
Il existe une solution toute simple, que je vous propose par cet amendement, mes chers collègues : si nous supprimons les permis de construire, tous les dossiers relèveront du régime de la déclaration préalable. Le temps d’instruction sera très réduit et, en l’absence d’opposition de l’administration, les porteurs de projet pourront conduire leur chantier dans un délai conforme au temps de l’action.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. C’est sûr ! (Sourires.)
M. Michel Canévet. Nous sommes bien conscients des fortes difficultés que notre pays connaît en matière de logement. Or la construction est entravée par trop de contraintes. Le ZAN, notamment, emportera une raréfaction des terrains qui causera à son tour une hausse significative du prix de la construction, rendant encore plus difficile l’accès au logement pour les ménages et aux terrains constructibles pour les entreprises.
Je vous appelle donc à un sursaut, mes chers collègues. Prenons conscience de la situation et prenons les mesures nécessaires au déploiement des projets. (M. Jean-François Longeot applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sylviane Noël, rapporteure. La substitution de la déclaration préalable au permis de construire, telle que proposée par cet amendement, nécessiterait des coordinations juridiques d’une telle ampleur, tant dans la partie législative que dans la partie réglementaire du code de l’urbanisme, qu’elle conduirait à geler, pour probablement de nombreux mois, les délivrances d’autorisation d’urbanisme.
Le permis de construire permet dans de nombreux cas, notamment pour les projets les plus complexes, d’embarquer d’autres autorisations – les autorisations accordées par l’architecte des Bâtiments de France (ABF), ou portant autorisation d’exploitation commerciale, par exemple.
Soumettre l’ensemble des projets à une déclaration préalable, avec un délai d’instruction uniforme d’un mois, engorgerait les services instructeurs et serait l’assurance d’aboutir à de nombreuses décisions de non-opposition tacites illégales, qui pourraient néanmoins toujours être retirées ensuite par l’administration, ou bien faire l’objet de contentieux.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, ministre. Monsieur le sénateur Canévet, l’urbanisme se fonde sur un principe général qui associe toute construction à un permis de construire. La déclaration préalable est une formalité beaucoup plus légère qui est réservée aux constructions et travaux de faible ampleur.
Inverser ce principe n’est pas proportionné aux enjeux. Cela complexifierait considérablement le travail de contrôle et de police de l’urbanisme des collectivités, lesquelles disposeraient d’un nombre réduit de pièces et d’un temps très court pour instruire des projets de grande ampleur. Il serait notamment plus difficile de contrôler le respect des réglementations en matière de risques pour le grand public ou les habitants, notamment de risques naturels ou bâtimentaires. La disposition que vous proposez soulève donc un véritable enjeu de sécurité.
Par ailleurs, la suppression du permis de construire augmenterait fortement l’insécurité juridique des porteurs de projet, car l’autorisation délivrée par la collectivité serait plus fragile.
Enfin, pour être opérationnelle, la rédaction que vous proposez devrait être fortement revue.
Tout en comprenant votre volonté farouche de simplification, que l’on ne peut que partager, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, monsieur le sénateur. À défaut, je serai contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Je ne retirerai sûrement pas cet amendement, car il est temps que chacun prenne conscience de la réalité économique de notre pays et des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Or les explications que j’entendais à l’instant montrent que nous en sommes loin !
La complexité est telle qu’il ne se passe plus rien dans notre pays. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que nous ayons 5,4 % de déficit public ! La réalité, c’est qu’on empêche les projets qui produiraient de la croissance de se concrétiser. Il est temps de surmonter les obstacles et de provoquer le choc de simplification que nous appelons de nos vœux pour permettre à la France de se développer !
Voulons-nous continuer d’être le plus mauvais élève de l’Europe en termes de comptes publics ? Voulons-nous paupériser notre pays ? Voulons-nous que nos concitoyens ne puissent plus se loger, qu’ils ne puissent plus vivre décemment des revenus de leur travail parce que la croissance est en berne ? Prenez conscience de la réalité de la situation de notre pays, mes chers collègues !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 87 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – Le seizième alinéa du III de l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation est supprimé.
II. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 312-2-1 est abrogé ;
2° Après l’article L. 442-1-2, il est inséré un article L. 442-1-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 442-1-3. – Par dérogation à l’article L. 442-1, un permis d’aménager concernant un lotissement peut porter sur des unités foncières non contiguës s’il répond à l’ensemble des critères suivants :
« 1° (Supprimé)
« 2° Le projet constitue un ensemble cohérent ;
« 3° Le projet garantit l’unité architecturale et paysagère des sites concernés.
« Le seuil mentionné à l’article L. 441-4 s’apprécie à l’échelle de la totalité des surfaces de l’ensemble des unités foncières non contiguës concernées par le permis d’aménager. »
Mme la présidente. L’amendement n° 138, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
1° La demande est déposée par un demandeur unique
II. – Alinéa 7
Après le mot :
ensemble
insérer les mots :
unique et
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre. Le permis d’aménager multisites vise à faciliter l’instruction et l’équilibre d’opérations d’aménagement complexes portant sur plusieurs parcelles non contiguës. Pourraient notamment être autorisées simultanément la renaturation d’un terrain et la construction d’un autre terrain pour du logement.
Le porteur de projet peut ainsi présenter un projet cohérent d’ensemble, doté d’un équilibre économique et architectural intrinsèque.
Pour assurer cette cohérence, le régime du permis multisites prévoit, depuis ses débuts sous forme d’expérimentation, un critère de demandeur unique.
Ce critère permet en effet d’éviter des détournements par lesquels des projets n’ayant rien de commun et portés par plusieurs promoteurs seraient présentés simultanément pour gagner du temps d’instruction, au détriment des collectivités. De tels contournements seraient non seulement source d’une grande complexité pour ces dernières, mais ils pourraient nuire à la qualité de l’instruction. Des décisions peu sécurisées juridiquement pourraient même être prises. Les représentants d’associations d’élus avec lesquels je me suis entretenue s’en alarment.
Dans le droit existant, les porteurs de projet peuvent par ailleurs tout à fait se constituer en groupements momentanés pour présenter un projet via une personne morale unique. Ils rempliront ainsi le critère fixé par le texte initial.
Par le présent amendement, le Gouvernement vous propose donc de rétablir l’article 3 dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale et, partant, les dispositions qui prévalent actuellement dans le cadre de l’expérimentation en cours, qui a confirmé la pertinence de ce dispositif.