Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Buval.

M. Frédéric Buval. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques semaines après l'adoption par le Sénat de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, nous voici à nouveau réunis, cette fois-ci pour l'examen d'un texte de notre ancien collègue député, devenu ministre, consacré à la formation des professionnels de santé.

Le sujet nous est familier : le rapporteur a cité la mission d'information conduite par la commission des affaires sociales, qui remettra prochainement ses conclusions. Celles-ci s'appuieront notamment sur l'éclairant rapport que la Cour des comptes a consacré, en décembre dernier, à l'accès aux études de santé.

Par ailleurs, les initiatives parlementaires n'ont pas manqué depuis la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, laquelle a rénové en profondeur l'accès aux études de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique.

On peut ainsi citer la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, ou encore la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels. Ces textes ont ouvert la voie à des avancées importantes en matière d'accès aux soins dans les territoires, pour tenir compte d'une démographie médicale insuffisante.

Les chiffres, nous les connaissons : 6 millions de personnes sont sans médecin traitant ; 87 % du territoire est classé comme désert médical ; un tiers des Français y vivent.

Plus grave encore est le phénomène de renoncement aux soins : 1,6 million de personnes seraient concernées dans notre pays, ce qui est une situation dont nous ne pouvons nous satisfaire.

La loi du 24 juillet 2019, traduction de l'ambition du plan Ma santé 2022, a permis de supprimer le numerus clausus, qui déterminait, depuis les années 1970, le nombre d'étudiants admis en deuxième année de premier cycle. Cette mesure, attendue de longue date, a permis d'accroître les capacités d'accueil des filières de médecine, de maïeutique, d'odontologie et de pharmacie.

Ainsi, depuis 2017, le nombre d'étudiants admis chaque année dans ces quatre filières de santé a augmenté de 11 %, notamment de 18 % en médecine. Ces chiffres doivent toutefois être pris pour ce qu'ils sont : une moyenne. Ils masquent, en effet, de grandes inégalités entre les territoires, les universités et les filières.

Le numerus apertus, qui s'est substitué au numerus clausus en 2019, permet aux universités de fixer elles-mêmes leurs capacités d'accueil en deuxième et en troisième année du premier cycle d'études. Ces capacités sont déterminées au regard d'objectifs nationaux pluriannuels établis par l'État et des objectifs d'admission propres à l'établissement, déterminés sur avis conforme des ARS.

Ce dispositif demeure cependant trop restrictif si l'on considère les besoins exprimés dans les territoires. Cette proposition de loi, que vous avez défendue en décembre 2023 à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vise donc à en amplifier la portée.

L'article 1er tend ainsi à adapter le numerus apertus en permettant aux ARS et aux conseils territoriaux de santé, c'est-à-dire, en partie, aux élus, d'appeler une université à accroître ses capacités d'accueil. Il prévoit ainsi la primauté des besoins de santé du territoire sur les capacités d'accueil des universités. Nous en saluons l'esprit, bien que cet article pose la question des possibilités effectives de formation des universités.

La même interrogation est soulevée à la lecture de l'article 2, qui crée une procédure d'intégration en faculté de médecine des étudiants français inscrits dans un autre pays européen. Ils le sont principalement en Roumanie, en Belgique et en Espagne. Cette mesure, heureusement temporaire et dont on mesure mal le nombre de personnes qu'elle concernera, devra être suffisamment cadrée. Elle ne peut représenter qu'une solution de court terme. Prenons garde aux conséquences que pourrait avoir cette disposition au regard du principe d'égalité de traitement avec les étudiants engagés dans un cursus universitaire en France.

Enfin, je souhaite dire quelques mots, monsieur le ministre, de la situation des étudiants en Martinique. Les travaux de la faculté de médecine ne sont toujours pas terminés : depuis trois ans déjà, les étudiants de deuxième et de troisième année de médecine sont contraints de poursuivre leur cursus en Guadeloupe, faute de locaux pour les accueillir. Il n'est pas certain que la faculté puisse ouvrir à la rentrée universitaire prochaine. Les conséquences financières sont, vous pouvez le deviner, lourdes pour ces étudiants.

Améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation, c'est donc aussi répondre à des besoins très concrets. Dans mon territoire, la Martinique, cela passe par la livraison des infrastructures les plus élémentaires.

Notre groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants s'associe à la volonté de la commission de permettre l'entrée en vigueur rapide du texte et votera, en conséquence, sans chercher à la modifier, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fracture sanitaire qui frappe notre pays ne cesse de nous faire nous interroger sur notre capacité à garantir l'accès aux soins pour tous, principe pourtant fondateur de notre modèle social.

La proposition de loi que nous examinons s'inscrit dans une longue série d'initiatives parlementaires et gouvernementales. Toutes poursuivent le même objectif : répondre aux difficultés d'accès aux soins de millions de nos concitoyens.

Ce problème est profond. Il s'étend, se généralise et mine la confiance dans notre système de santé. Les chiffres sont connus : 30 % des Français vivent dans un désert médical et 6 millions d'entre eux n'ont pas de médecin traitant. Cette réalité, nous la connaissons tous, nous la vivons au quotidien. En Nouvelle-Aquitaine, le Lot-et-Garonne est le deuxième département le plus touché par les déserts médicaux. Ainsi, entre 2008 et 2024, le nombre de généralistes y a chuté de 293 à 208, dont 68 continuent d'exercer alors qu'ils ont atteint l'âge de la retraite.

C'est pourquoi ce texte va dans le bon sens. Qu'y est-il proposé ?

Tout d'abord, il s'agit de mieux articuler la formation des professionnels de santé avec les besoins exprimés localement. En effet, pendant trop longtemps, ces formations ont été définies selon les seules contraintes universitaires, sans lien réel avec les besoins démographiques et sanitaires des territoires.

Sur ce point, l'ambition est claire : réintroduire du dialogue entre universités et territoires, renforcer le rôle des conseils territoriaux de santé et inciter les facultés à ouvrir davantage de places là où les besoins sont les plus criants.

Ensuite, nous nous réjouissons de la volonté de faciliter le retour en France des étudiants partis se former à la médecine dans un autre pays européen. Le nombre de ces départs est loin d'être anecdotique : ainsi, chaque année, 1 600 jeunes Français quittent notre pays pour étudier en Espagne, en Roumanie, en Belgique ou ailleurs. En cause : une forte sélectivité de l'accès au premier cycle des études de médecine.

Certes, le retour de ces étudiants est déjà possible, mais il est difficile et tardif. Seuls 8 % des étudiants formés à l'étranger réussissent à intégrer le troisième cycle de médecine. Permettre une réintégration précoce, avant l'internat, pour faciliter l'ancrage dans le système de formation français est donc une mesure pragmatique.

Nous saluons également la volonté de développer les passerelles pour les professionnels paramédicaux qui souhaitent reprendre des études de médecine. Ce dispositif existe, mais reste peu utilisé. Là encore, il s'agit d'une démarche pragmatique, que nous soutenons pleinement.

Mes chers collègues, notre soutien à ce texte ne doit toutefois pas nous empêcher d'exprimer deux menues réserves.

La première tient à la volonté d'une adoption conforme, justifiée par la nécessité d'une entrée en vigueur rapide. Je précise qu'elle aurait lieu, tout de même, un an et demi après l'adoption du texte par l'Assemblée nationale !

Nous regrettons ce choix, d'autant plus que notre groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a déposé un amendement qui, ne remettant nullement en cause l'économie générale du texte, permettrait de compléter son dispositif.

Il est inspiré d'une proposition de loi transpartisane adoptée par l'Assemblée nationale, sur l'initiative de Guillaume Garot. Celle-ci tend à obliger les unités de formation et de recherche de médecine à offrir, dans chaque département et en particulier dans les zones sous-dotées, des formations équivalentes à la première année d'études de santé. Créer des antennes universitaires dans les territoires en tension, c'est encourager les jeunes à s'installer dans ces derniers.

Notre second regret est plus général. Il tient à l'accumulation de textes, tous issus de bonnes intentions mais dont les effets restent limités. Depuis plusieurs années, nous légiférons régulièrement pour lutter contre les déserts médicaux. Pourtant, sur le terrain, les tensions persistent, les difficultés s'aggravent, et les inégalités d'accès aux soins se creusent.

Monsieur le ministre, nos concitoyens réclament une réforme d'ampleur, structurelle et ambitieuse. Toujours est-il que nous nous réjouissons de l'examen de ce texte. Notre groupe le votera à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je tiens à saluer le travail accompli par Yannick Neuder, qui est à la fois l'auteur du texte, le rapporteur en première lecture à l'Assemblée nationale et, désormais, le ministre chargé de ce sujet, ainsi que celui de notre rapporteur, Khalifé Khalifé, dont l'analyse éclaire utilement nos débats.

La proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation s'inscrit pleinement dans la continuité des combats que nous menons depuis longtemps pour garantir l'égalité d'accès aux soins, assurer la solidarité territoriale et renforcer la cohérence de notre politique de formation en santé.

Nous faisons face à une fracture sanitaire majeure. Partout, les déserts médicaux s'étendent. La pénurie de généralistes, de spécialistes, de dentistes, de kinésithérapeutes, de pharmaciens, d'infirmiers ou encore de sages-femmes mine le droit fondamental à la santé, fragilise nos services publics, décourage l'installation et affaiblit la cohésion nationale.

La réforme de 2019, qui a marqué la fin du numerus clausus, a fait naître de grands espoirs. Cependant, le numerus apertus, qui lui a succédé, ne tient pas ses promesses – il faut bien le reconnaître. Sa gouvernance reste déconnectée des réalités des territoires, dont les besoins ne sont pas homogènes. Le dispositif ne permet pas de rétablir l'équilibre entre le besoin de temps médical d'une population vieillissante et l'offre que propose une jeune génération de soignants, dont le mode de vie n'est pas celui de la précédente.

En zone rurale, plus particulièrement, on en paie chaque jour le prix : patients en errance, fermetures de cabinets, transports médicaux au temps de trajet interminable et plus coûteux, diminution de l'attractivité et de l'activité économique et, surtout, pertes de chances avérées.

C'est dans ce contexte que cette proposition de loi intervient, avec pour objet de réorienter l'offre de formation en santé vers une logique profondément territoriale, moins comptable, moins descendante et plus efficiente.

Deux leviers sont au cœur du texte : augmenter les capacités de formation et adapter leur répartition aux besoins des territoires. Enfin !

Face à une demande vitale qui se fait chaque jour plus pressante, ne cherchons plus les responsabilités, n'affichons pas la contrainte comme seule solution, alors qu'elle ne règle rien. Au contraire, desserrons, enfin, le collet de la formation, ce carcan devenu incompréhensible. Actionnons vraiment le levier d'une formation anticipée et bien calibrée.

L'article 1er autorise les ARS et les conseils territoriaux de santé à demander une hausse des capacités de recrutement quand les objectifs pluriannuels ne sont pas atteints. Il impose que ces derniers garantissent une répartition optimale des professionnels sur le territoire, sous réserve d'un avis conforme des CTS.

C'est une rupture : on sort enfin d'une gestion purement technocratique. Les élus locaux, les professionnels, les acteurs de terrain entrent dans la boucle. Ce sont eux qui pointeront les tensions, les manques et les urgences. Il y a là une forme de démocratie sanitaire territoriale, que nous soutenons avec conviction.

À ce stade, je souligne qu'une meilleure répartition territoriale passe par le recrutement des étudiants en santé, y compris dans les territoires les plus ruraux, où ils retourneront d'autant plus volontiers qu'ils en seront originaires. Voilà ce qu'est la territorialisation de la formation.

Je sais, monsieur le ministre, que vous faites la même analyse et que le brillant exemple du campus connecté de Nevers, qui a permis à de nouvelles cohortes d'étudiants ruraux d'entamer leur cursus, a été remarqué. Ce dispositif doit être répliqué et généralisé. Surtout, je profite de l'occasion pour préciser qu'un tel campus doit voir ses crédits pérennisés – j'y insiste !

Nos tristement célèbres déserts médicaux sont sans nul doute, comme nous pouvons le constater avec le recul, des déserts de formation.

Ainsi, le dispositif de cette proposition de loi est structurant. Il encourage les universités à avoir une dynamique pérenne, à adapter les pédagogies, les stages et les internats et à nouer des partenariats en dehors des grands pôles urbains. Il reste à s'assurer que les moyens humains seront à la hauteur de cette ambition. Je crains que, au contraire, les effectifs des professeurs de médecine et des encadrants de formation n'aillent décroissant. Il faut renforcer l'attractivité de ces postes : c'est une condition essentielle du succès de la démarche.

Cette proposition de loi est bien à la croisée des missions de deux ministères, ceux de la santé et de l'enseignement supérieur, sur un sujet essentiel : celui des étudiants en santé partis se former à l'étranger.

Ainsi, chaque année, environ 1 600 étudiants français franchissent les frontières et se rendent en Espagne, en Roumanie ou en Belgique, faute de places pour eux en France. Mais très peu d'entre eux parviennent à réintégrer le système français. Les barrières sont nombreuses : équivalences floues, diplômes mal reconnus, ou encore parcours non harmonisés.

Certains États saisissent cette opportunité de leur faire des offres intéressantes, car les soignants ne manquent pas qu'en France. Et c'est ainsi que, partis de notre pays, ayant étudié en Roumanie, d'aucuns finissent par s'installer en Allemagne, où on leur tend les bras.

Le texte tend à simplifier leur retour, soit au cours de leur formation, soit après leur diplôme. Ces étudiants sont souvent motivés, parfois déjà en exercice et, pour certains, ont de fortes attaches territoriales. Si nous avons la volonté de les y encourager, ils pourront rapidement renforcer l'offre de soins. Leur orientation vers des territoires sous-dotés pourra faire l'objet d'une forme de négociation, à mener aussi rapidement que possible. Une fois de plus, je dis : enfin !

Au travers de ce texte, nous ouvrons aussi les portes à d'autres profils.

Soignants de toutes filières ou personnes en reconversion : tous doivent pouvoir accéder aux études de santé grâce à la valorisation de leur expérience. Cet assouplissement bienvenu permettra d'intégrer de nouveaux profils sociaux et géographiques.

Mais une telle ambition exige, bien évidemment, des moyens concrets.

Territorialiser, cela veut dire adapter les contenus pédagogiques aux spécificités locales : médecine rurale, télémédecine, ou encore santé communautaire.

Cela veut dire créer des pôles de recherche sur la santé locale, favoriser le travail pluridisciplinaire et renforcer les partenariats entre filières.

Cela veut dire, encore, susciter des vocations, les soutenir et les encourager, partout en France et pas seulement dans les villes universitaires.

Cela suppose, dernièrement, une évaluation rigoureuse, basée sur des indicateurs précis et utiles. Il s'agit de connaître enfin le pourcentage d'étudiants en santé issus de zones rurales ou de l'aide sociale à l'enfance (ASE), le taux de réintégration d'étudiants français formés à l'étranger, ou encore la proportion d'installations post-stage en zones sous-dotées. Une évaluation quinquennale permettrait d'ajuster les quotas et d'améliorer l'efficacité du dispositif.

Mes chers collègues, ce texte est clair, courageux et nécessaire. Il trace un lien essentiel entre vocation, formation, orientation, répartition et installation. Le groupe Union Centriste le votera avec détermination, mais aussi avec exigence. La territorialisation doit se traduire par des moyens différenciés, une gouvernance partagée et une évaluation continue.

Ce texte donne un cap : celui de soutenir et encourager les parcours professionnels en santé et de favoriser leur aboutissement, au bénéfice de tous les patients du territoire national.

Ce texte tend à remédier à des déficits désormais chroniques, incontestables et insupportables. Il le fait en activant le seul levier réellement efficace : celui de la formation. Ce travail devra être mené avec tous, étudiants et formateurs, dans l'écoute et le soutien réciproque et dans le respect des limites et des besoins de chacun des acteurs de ce chantier devenu vital.

Ce texte pourra, si nous le votons collectivement aujourd'hui, apporter de premières perspectives à court terme. En effet, plus personne – ni nous, ni vous, ni Bercy – ne peut plus décemment demander aux patients, une fois de plus, d'attendre encore dix ans. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Laurent Burgoa et Michel Masset applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme Patricia Demas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte maintes fois évoqué dans cet hémicycle de l'évolution incontournable de notre système de santé, la mise en place d'un numerus apertus territorialisé illustre parfaitement notre rôle de dirigeants politiques.

Les Français nous délèguent la responsabilité de dessiner le futur de leur bien-être commun. Les dispositions de la réforme des études de médecine, au même titre que la proposition de loi de Philippe Mouiller et les objectifs du pacte gouvernemental de lutte contre les déserts médicaux, montrent qu'il est possible de corriger le tir.

Je salue votre volonté, monsieur le ministre, celle du Gouvernement, ainsi que l'implication du Sénat.

En 2024, pour la première fois, le nombre d'étudiants en médecine formés en France a cessé de baisser. Néanmoins, une décennie sera encore nécessaire pour rééquilibrer le système.

Pour maintenir le cap, les universités devront accueillir plus d'étudiants. J'insiste sur la nécessité d'accorder une large autonomie aux unités de formation et de recherche (UFR) et aux centres hospitaliers dans la gestion de leurs ressources existantes.

L'intitulé du présent texte comporte le terme de « territorialisation ». L'intégration des spécificités locales dans la détermination du mode de calcul du nombre de médecins à former selon les territoires – et, au-delà, de l'ensemble des professionnels de santé – constitue un sujet majeur.

Actuellement, ce calcul se base sur le nombre de professionnels de santé inscrits aux ordres, sans véritablement prendre en compte les réalités locales.

Les statistiques et les répartitions se font à l'échelle de la commune, ce qui, pour des villes d'importance, laisse de côté les disparités infracommunales et peut se révéler contre-productif.

Plus que la territorialisation, le calibrage des zones de maillage des territoires pose question. Nous devons agir sur le nombre de professionnels formés, notamment les internes, et le type de formation.

Le bon sens nous oblige à reconnaître qu'il est pertinent d'augmenter le nombre de médecins formés là où le taux de médicalisation est élevé. Pour autant, anticiper l'exercice avec un maximum de réalisme invite à une évolution de la méthode d'estimation des besoins, en intégrant plusieurs indicateurs, comme l'âge moyen des médecins en exercice, les perspectives de départ en retraite, ou leur type d'activité.

Il serait également souhaitable d'évaluer les conséquences du manque d'internes formés sur le fonctionnement des hôpitaux. À cet égard, j'attire votre bienveillante attention, monsieur le ministre, sur le cas particulier de la ville de Nice. Alors qu'elle est la cinquième ville de France, elle se trouve à la vingt-sixième position en ce qui concerne le nombre d'internes formés.

L'évaluation des besoins, on le comprend bien, pose problème. D'une part, on observe un phénomène de concentration des internes dans certains hôpitaux ; d'autre part, trop peu de spécialistes sont formés sur place, ce qui oblige à recourir à du personnel faisant fonction d'interne ou à des consultations transfrontalières plus coûteuses.

Enfin, nous devons veiller à ce que les étudiants ayant suivi une formation médicale hors de l'Union européenne respectent les standards de connaissances et de compétences nécessaires pour exercer en France. Une évaluation rigoureuse est attendue, surtout au moment où de nombreux étudiants se tournent vers l'étranger.

J'ai l'intime conviction que la territorialisation de notre système de santé doit être synonyme de décentralisation et s'appuyer à la fois sur l'expertise des élus locaux et la connaissance des acteurs de santé.

Monsieur le ministre, ce n'est qu'en reconnaissant cette autonomie locale que votre proposition de loi pourra déployer sa pleine et entière efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Sol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation, déposée à l'Assemblée nationale en octobre 2023 par le député Yannick Neuder, qui est depuis devenu ministre, va dans le bon sens.

En effet, comme l'a rappelé le rapporteur, et je l'en remercie, ce texte répond en partie aux besoins de santé de nos territoires et vise à augmenter le nombre des étudiants dans les filières MMOP.

Compte tenu de la situation hétérogène et inédite à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés en matière d'accessibilité aux soins, la commission des affaires sociales de notre Haute Assemblée a adopté ce dispositif législatif sans modification.

Nous le savons, nos concitoyens attendent des réponses rapides à leurs préoccupations concernant l'accès aux soins. Aujourd'hui, un trop grand nombre d'entre eux ne bénéficient toujours pas d'une prise en charge convenable – 6,7 millions de Français, soit 11 % de la population, n'ont pas de médecin traitant –, ce qui représente chaque jour des pertes de chances et crée un climat anxiogène et délétère.

Premièrement, cette proposition de loi va améliorer la prise en compte des besoins de nos concitoyens, en permettant notamment aux agences régionales de santé et aux conseils territoriaux de santé de demander aux universités d'accroître leurs capacités d'accueil, si ces dernières s'écartent des objectifs pluriannuels.

Comme les besoins de chaque territoire sont différents, ce texte précise que les objectifs pluriannuels visent à garantir une répartition équitable et optimale des futurs professionnels de santé sur tout le territoire, avec un avis conforme des CTS. Cela devrait favoriser une plus grande implication des élus locaux, qui sont fortement sollicités.

Deuxièmement, le texte prévoit d'augmenter le nombre d'étudiants en filière MMOP en favorisant notamment le retour de ceux qui sont partis étudier dans d'autres pays d'Europe. Selon la Cour des comptes, 1 600 étudiants sont concernés chaque année : c'est assez significatif, vu le contexte de pénurie de professionnels de santé.

Cette situation devrait nous interroger davantage et nous inciter, éventuellement, à être plus offensifs sur le sujet.

Enfin, il est aussi question, au travers du même objectif d'adaptation du numerus apertus, de développer les passerelles vers les études de médecine pour les professionnels paramédicaux en reconversion et de favoriser la diversité des parcours.

C'est une mesure de bon sens, car trop d'obstacles existent à la reprise d'études, ce qui décourage un certain nombre d'étudiants pourtant motivés.

J'avais appelé de mes vœux une meilleure reconnaissance des Padhue. Aussi, je salue les avancées notables qui sont intervenues en ce domaine, grâce à la publication de deux décrets.

En 2024, 4 000 postes ont été ouverts dans notre pays pour les médecins détenteurs d'un diplôme étranger. Les nouvelles modalités d'accès semblent ainsi davantage clarifiées et simplifiées.

Je profite de mon temps de parole pour évoquer certains sujets fondamentaux.

La territorialisation de la formation et de la recherche, soit l'universitarisation territoriale, doit être prise à bras-le-corps, en l'expérimentant dans les départements volontaires, avant sa généralisation.

Dans le département dont je suis élu, les Pyrénées-Orientales, ce processus est sur le point d'arriver à maturité, sous l'impulsion du centre hospitalier de Perpignan et des équipes soignantes. Nous avons également pu compter sur l'appui de la doyenne de la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes et de l'ARS d'Occitanie.

Cette démarche semble être une voie d'avenir puisqu'elle attire les étudiants dans les départements sous-dotés, grâce à l'encadrement de spécialistes détachés par les CHU. Les étudiants peuvent ainsi prendre connaissance des atouts de ces territoires, qui paraissent plus attractifs.

Il est bien question de renforcer l'attractivité des territoires, mais aussi d'assurer une répartition harmonieuse des médecins sur ces derniers et de garantir l'égal accès aux soins.

Certains sujets semblent cependant en suspens, comme la diminution de la charge administrative pesant sur nos équipes médicales et paramédicales, l'éternel serpent de mer que constitue le dossier médical partagé (DMP), lequel devrait être utilisé depuis longtemps, ou encore la proposition de la Cour des comptes de supprimer le Pass-LAS pour revenir à une voie unique de formation.

Nous devrions profiter de l'opportunité que représente la discussion de ce texte pour nous interroger sur les milliers de praticiens partis exercer à l'étranger.

J'espère, monsieur le ministre, mes chers collègues, que tous ces éléments feront l'objet de propositions législatives ou réglementaires. (M. le ministre opine.) En attendant, cette proposition de loi apportera sa pierre à l'édifice ; nous la voterons donc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation

Chapitre Ier

Améliorer l'accueil et la formation des étudiants en santé par la transparence et la territorialisation des besoins

Article 1er

(Non modifié)

Le deuxième alinéa du I de l'article L. 631-1 du code de l'éducation est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

1° bis La deuxième phrase est complétée par les mots : « afin de garantir la répartition optimale des futurs professionnels de santé sur le territoire au regard des besoins de santé » ;

2° La troisième phrase est ainsi modifiée :

a) Les mots : « capacités de formation et des besoins de santé du territoire » sont remplacés par les mots : « besoins de santé du territoire puis, à titre subsidiaire, des capacités de formation » ;

b) Après le mot : « conforme », sont insérés les mots : « des conseils territoriaux de santé concernés et » ;

3° Après la même troisième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les besoins de santé du territoire mentionnés à la troisième phrase sont déterminés notamment au regard des départs en retraite récents et des estimations des départs en retraite à venir des médecins exerçant sur ledit territoire. » ;

3° bis À la dernière phrase, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « et sociales » ;

4° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Si l'agence régionale de santé ou les agences régionales de santé concernées et les conseils territoriaux de santé concernés considèrent que les capacités d'accueil des formations en deuxième et troisième années du premier cycle d'une université ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels arrêtés par l'université, cette dernière peut être appelée à mettre en œuvre des mesures visant à accroître ses capacités d'accueil. Les modalités d'accroissement de ces capacités et d'information des conseils territoriaux de santé concernés et de l'agence régionale de santé ou des agences régionales de santé concernées relative aux mesures prises ou envisagées, notamment en matière de moyens financiers et humains dégagés notamment par l'État, sont précisées par décret. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.