M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d'aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l'ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Mme Laure Darcos. « Des jeunes gens antisémites, ça existe donc, cela ? Il y a donc des cerveaux neufs, des âmes neuves, que cet imbécile poison a déjà déséquilibrés ? Quelle tristesse, quelle inquiétude, pour le vingtième siècle qui va s'ouvrir ! » Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces propos d'Émile Zola, dans sa Lettre à la jeunesse, datent de 1897. Près de cent trente ans plus tard, ils sont encore d'actualité.

Malgré la monstruosité qu'a été la Shoah, l'antisémitisme est bien vivace et même profondément enraciné dans notre pays. Il s'est fait une place de premier plan dans de nombreuses universités occidentales, qui sont devenues le théâtre d'actes ignobles contre nos compatriotes de confession juive.

À l'évidence, le pogrom perpétré par les terroristes du Hamas le 7 octobre 2023 a donné à l'antisémitisme une dimension nouvelle, en ravivant l'instrumentalisation du conflit israélo-palestinien. Au sein de l'université, neuf étudiants de confession juive sur dix ont été confrontés à des actes antisémites.

La réalité est glaçante : les agressions physiques, le harcèlement, les messages insultants sur les réseaux sociaux, le refus d'accueillir des étudiants juifs dans des groupes de travail, voire de les côtoyer dans les amphithéâtres, et les bousculades dans les couloirs sont une bien cruelle réalité.

Or ni la violence ni les discriminations n'ont leur place dans l'enseignement supérieur. L'université doit demeurer un lieu de débat et d'échanges, où la raison l'emporte sur toute autre considération.

Bien entendu, rien ne doit nous empêcher de critiquer la politique menée par Benyamin Netanyahou, qui a fait de Gaza un champ de ruines et un tombeau à ciel ouvert. Les souffrances des Gazaouis, affamés et régulièrement déplacés à l'intérieur de leur propre territoire, nous émeuvent profondément.

Dans ce contexte de guerre au Moyen-Orient, désormais élargie à l'Iran, La France insoumise et ses relais d'extrême gauche dans le milieu étudiant emploient sans complexe la pire rhétorique antisémite. C'est pourquoi la proposition de loi examinée aujourd'hui n'est pas seulement un texte important : c'est une nécessité et une urgence absolues.

Permettez-moi tout d'abord de saluer nos collègues Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, dont le travail rigoureux dans le cadre de la mission d'information sur la multiplication des actes antisémites dans les universités a été décisif pour l'inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour.

Je souligne aussi la qualité des échanges approfondis que nous avons eus au sein de la commission mixte paritaire dont le Sénat examine aujourd'hui les conclusions. Malgré les manœuvres dilatoires de certains, visant à dénaturer le texte en gommant les spécificités liées à l'antisémitisme, nous sommes parvenus à un accord fidèle à l'esprit qui avait guidé les travaux du Sénat.

La commission mixte paritaire a ainsi conservé les mesures emblématiques adoptées par notre chambre pour prévenir, détecter et poursuivre les actes d'antisémitisme.

Néanmoins, ne soyons pas dupes. Le problème de l'antisémitisme « d'atmosphère », pour reprendre une expression du rapport de MM. Levi et Fialaire, ne se réglera pas au travers d'une simple proposition de loi, aussi ambitieuse et juste soit-elle. Il faudra une prise de conscience collective. Tout doit être fait pour lutter contre les préjugés et les représentations faussées de nos compatriotes juifs. En aucun cas nos étudiants ne doivent être les victimes expiatoires de la fuite en avant organisée par l'extrême gauche, qui n'hésite pas à flatter les plus bas instincts dans une perspective de mobilisation électorale, pour les prochaines élections locales et nationales.

Ensemble, agissons pour fortifier les valeurs républicaines et conforter le pacte social ! La France sera toujours plus forte que les tentatives de déstabilisation et de fracturation organisées par certains mouvements s'inscrivant dans une logique de rupture et de confrontation. La France sera toujours plus forte que l'antisémitisme et la division.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir sans réserve le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, comme le fera le groupe Les Indépendants que j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui à cette tribune. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. Max Brisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, notre vieux pays ne fut pas épargné par l'antisémitisme au cours de sa longue histoire. Il n'en demeure pas moins qu'il fut également, dans le passé, érigé en modèle pour les juifs dispersés dans le monde : « Heureux comme Dieu en France », disait-on dans les ghettos du Yiddishland.

Désormais, ce modèle est malmené, au nom d'un relativisme venu d'outre-Atlantique, au nom aussi de ressorts nouveaux qui ont, sinon supplantés, du moins dépassé un antisémitisme ancien, et ce au cœur même de l'université.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 91 % des étudiants juifs se disent victimes d'actes antisémites, 45 % ont subi des injures et 7 % ont été physiquement agressés en raison de leur confession. Quelque 91 % de ces jeunes Français craignent d'aller à l'université ou s'y rendent la boule au ventre, constamment sur le qui-vive.

Ils s'interrogent in fine sur leur place dans la Nation, car, au-delà même des actes recensés, se propage également un antisémitisme d'atmosphère qui s'installe sur de nombreux campus. Il est fait de harcèlement insidieux, de blagues répétées et de tags anonymes.

Il fallait réagir, et réagir fermement.

Avec cette proposition de loi, sur laquelle un accord a été trouvé en commission mixte paritaire, la première pierre de l'édifice d'une action plus globale et plus forte est posée. J'en remercie, du fond du cœur, Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire.

Au vu de la gravité des faits rapportés, nous aurions pu croire, après l'adoption de ce texte à l'unanimité par le Sénat en première lecture, que son parcours législatif serait une formalité. Il n'en fut rien ! À l'Assemblée nationale, il n'y eut pas de consensus, mais des débats clivants ; pas de consensus, mais la volonté méthodique de noyer la lutte contre l'antisémitisme parmi toutes les formes de discrimination et de racisme ! Cette méthode indécente se fonde sur une rhétorique finement rodée, dont nous avons pu être témoins en commission mixte paritaire.

C'est pourquoi je tiens à le réaffirmer à cette tribune : oui, il existe une spécificité intrinsèque à l'antisémitisme ; non, nous ne pouvons mettre sur le même plan la lutte contre les discriminations ou les violences sexuelles, aussi légitime soit-elle, et la lutte contre l'antisémitisme, tout simplement parce que cela n'est pas du même ordre. L'antisémitisme est pour une société la pire des alertes, le signal qui annonce le triomphe de l'obscurantisme.

Nous devons donc mettre des mots sur les actes. Oui, l'antisémitisme est étroitement lié, aujourd'hui, à la montée de l'islamisme dans notre pays ! Oui, il existe un lien entre wokisme, islamisme et antisémitisme ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Oui, l'antisémitisme est alimenté par des forces politiques qui foulent aux pieds les principes républicains et font régner la terreur sur certains campus ! Oui, si la politique de l'État d'Israël peut et doit être critiquée, comme son gouvernement, l'État juif est bien le seul au monde dont on revendique la disparition ! Là se trouve le nouveau visage de l'antisémitisme : derrière la haine d'Israël se cache bien la haine des juifs !

Il est impératif de mettre fin à cet engrenage et, s'il y a un lieu où il faut le faire, c'est bien l'université.

Là est tout le sens de cette utile proposition de loi : établir une nouvelle définition des motifs justifiant des poursuites disciplinaires ; inciter à sanctionner systématiquement les auteurs d'actes antisémites ; renforcer les relations entre directions et parquets ; créer une section disciplinaire commune aux établissements d'une région académique, conformément à l'amendement adopté sur l'initiative de notre collègue Stéphane Piednoir. Autant de mesures qui devraient permettre de rompre avec l'impuissance, que nous n'avons que trop ressentie lors de nos auditions, des autorités universitaires, lesquelles se contentent trop souvent de renvoyer vers les instances judiciaires, sans sanction interne.

Mes chers collègues, je me réjouis donc de l'issue positive qui se dessine pour cette utile proposition de loi. Si elle marque une étape, elle ne doit en rien être une finalité. Elle doit être le point de départ d'une action plus globale et plus forte, que seul le ministère pourra diligenter.

Vous pouvez compter sur notre soutien, monsieur le ministre. C'est ensemble qu'il faut combattre le poison de l'antisémitisme, qui n'est autre que le pire des cancers pour notre République.

Du fond du cœur, je souhaite ne plus jamais avoir à entendre, comme nous l'avons vécu pendant les auditions, des étudiants juifs, la boule au ventre et les larmes aux yeux, nous dire qu'ils se sentent mal dans notre pays, au cœur de notre République.

Les étudiants juifs, comme tous les juifs de France, ont pourtant toute leur place dans la République et dans nos universités. Ce sont des Français à part entière, qui ont autant que les autres le droit de vivre, d'étudier et de travailler ; voilà ce qu'il faut apprendre à l'université. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour ne jamais plus revoir de tels visages d'étudiants en larmes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques semaines après la réunion, au Sénat, de la commission mixte paritaire et l'accord qui y a été trouvé, je me réjouis de voir aboutir ce texte important, dont les dispositions pourront ainsi être effectives dès la prochaine rentrée universitaire.

Notre pays connaît depuis quelques années, en particulier depuis les attaques terroristes du 7 octobre 2023, une nouvelle vague d'actes antisémites, qui est particulièrement visible dans l'enseignement supérieur.

Le Sénat a souhaité envoyer un signal clair et sans appel aux étudiants juifs comme aux auteurs de ces actes. Il l'a fait en reconnaissant la place particulière qu'occupe l'antisémitisme parmi l'ensemble des formes de racisme, de discrimination, de violence et de haine. Il l'a fait en témoignant de la peur bien réelle qui accompagne ces étudiants.

Il nous faut prendre collectivement conscience de la gravité de la situation. En 2024, le ministère de l'intérieur comptabilisait 1 570 plaintes pour des actes antisémites, alors qu'en 2022 elles étaient au nombre de 436. Nous savons que ces chiffres sont très probablement sous-estimés : les actes antisémites sont peu déclarés et les dispositifs de signalement ne sont pas assez performants. J'en veux pour preuve le fait que neuf étudiants juifs sur dix se déclarent victimes d'actes antisémites.

Aussi, il est nécessaire d'avancer sur cette question. Nos étudiants doivent pouvoir se sentir en sécurité à l'université.

À cette fin, cette proposition de loi donne aux établissements d'enseignement supérieur de nouveaux outils pour protéger leurs étudiants, sans toutefois porter atteinte à leur indépendance ; elle constitue en ce sens une avancée. Le groupe RDPI salue les travaux de la commission mixte paritaire, qui ont permis de maintenir les équilibres et les avancées salutaires proposées dans ce texte.

Pour conclure, je veux à nouveau remercier les auteurs de cette proposition de loi importante et saluer le travail de la commission mixte paritaire. Le groupe RDPI votera évidemment en faveur de ses conclusions, afin de protéger davantage nos étudiants, afin que l'enseignement supérieur soit un lieu d'ouverture, de débats et de lumières, et afin que chacun puisse apprendre et grandir intellectuellement dans un espace sûr. Ne baissons pas les bras face à l'obscurantisme ! (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre soutien. Je salue l'implication de tous ceux qui ont suivi, depuis le début, les travaux de la mission d'information sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, confiés à Pierre-Antoine Levi et moi-même, puis les nouvelles auditions auxquelles nous avons procédé au cours de l'élaboration de cette proposition de loi. Je vous remercie enfin, monsieur le ministre, de votre coopération et du soutien que vous apportez à ce texte.

La commission mixte paritaire a été conclusive, grâce à l'accord trouvé avec Constance Le Grip, présente aujourd'hui dans nos tribunes – je la salue – et Pierre Henriet, rapporteurs pour l'Assemblée nationale. Après l'adoption unanime de notre rapport d'information, puis, dans cet hémicycle, de la proposition de loi qui en était issue, il n'aura manqué qu'une seule voix en commission mixte paritaire. Cette voix manquante, comme les oppositions qui s'étaient fait jour à l'Assemblée nationale, confirme la nécessité de ce texte qu'ensemble nous avons défendu.

M. Laurent Lafon. Absolument.

M. Bernard Fialaire. Ce texte n'est pas une loi qui « réprime les étudiants mobilisés pour la Palestine », comme ont pu l'écrire ceux qui jouent un jeu dangereux, détournant le soutien légitime au peuple palestinien, d'abord par leurs propos ambigus, puis par des comportements qui confinent à l'antisémitisme.

Certaines réactions aux représailles de l'État d'Israël à la barbarie du 7 octobre ont dérapé vers des propos violents, des insultes et des intimidations envers les étudiants juifs ou supposés tels sur le simple fondement de leur nom. C'est précisément pourquoi notre commission, sur l'initiative de son président Laurent Lafon, a demandé un rapport d'information sur ce phénomène. Ce rapport est édifiant sur la situation que subissent les étudiants juifs.

Si la liberté d'expression, comme la liberté académique, doit être défendue sans faiblesse, il est des limites qui ne peuvent être franchies. Tous les racismes, discriminations, violences ou haines doivent être combattus, comme il est rappelé dans ce texte. Aussi, l'antisémitisme ne doit pas être exclu ou oublié parce qu'on le croirait, à tort, révolu, particulièrement à l'université, où l'on attendrait que des esprits éduqués et éclairés soient particulièrement sensibles à ce problème.

Nous ne devons pas céder à l'injonction de choisir entre la mémoire de la Shoah et celle du colonialisme, ou celle de l'esclavage et de ses crimes contre l'humanité. Il n'y a pas de hiérarchie dans l'horreur ; aussi, rien ne peut excuser les dérives antisionistes, lesquelles vont jusqu'à se confondre avec un antisémitisme nouveau. Celui-ci, à distinguer de l'antisémitisme primaire, réactionnaire et violent de l'extrême droite traditionnelle, est exploité à présent par une extrême gauche inconséquente, pour tenter de se rallier une frange radicalisée de la population.

M. Laurent Lafon. Très bien !

M. Bernard Fialaire. Notre texte, que je vous invite bien entendu à voter, se veut une réponse claire et mesurée aux besoins de sensibilisation à la lutte contre l'antisémitisme tout au long du parcours éducatif, de prévention, de détection et de signalement des actes antisémites, et d'adaptation de la procédure disciplinaire à la poursuite des faits d'antisémitisme, de racisme, de violence et de discrimination. L'actualité nous en rappelle encore chaque jour, hélas ! l'intolérable gravité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. Laurent Lafon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par un hasard du calendrier, le Sénat est appelé à se prononcer sur la version définitive de cette proposition de loi le lendemain de la parution du rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), qui dresse un bilan particulièrement sévère de l'action des récents gouvernements en matière de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

Dans ce document, la CNCDH écrit : « alors que les actes racistes et antisémites n'ont jamais été aussi élevés, la réponse politique paraît inexistante ». Elle souligne en particulier l'absence de pilotage du plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine jusqu'en avril 2024, ainsi que la récente vacance de six mois à la tête de la Dilcrah, tout cela au lendemain des attaques du 7 octobre 2023 et de la recrudescence des actes antisémites qu'elles ont suscités.

Le Sénat, notamment sa commission de la culture, a quant à lui pris la mesure de la situation en lançant dès le premier trimestre 2024 la mission d'information relative à l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur, puis en inscrivant à l'ordre du jour la proposition de loi qui en est issue.

Je tiens à remercier les deux auteurs et rapporteurs de cette proposition de loi ; tout au long de cette année de travail, ils ont fait preuve de sérieux dans leur démarche et de détermination à parvenir à l'adoption de ce texte.

Nous avons ainsi mis en évidence l'inquiétant développement, dans les lieux de transmission du savoir, d'un « antisémitisme d'atmosphère », notion qui me paraît très bien décrire le phénomène diffus et difficile à combattre auquel nous faisons face.

Nous avons également préconisé d'organiser la lutte en trois volets – éducation, prévention et sanction – qui sont déclinés au fil des articles de la proposition de loi.

Au cours de la navette, des ajustements ont été proposés sur chacun de ces trois volets. À cet égard, je voudrais à mon tour saluer Constance Le Grip, corapporteure du texte à l'Assemblée nationale, et la remercier du travail qu'elle a mené dans un contexte beaucoup plus difficile qu'ici.

Certains de ces ajustements ont été retenus avec profit, notamment en ce qui concerne la rénovation du cadre disciplinaire.

Les enrichissements apportés au texte initial par le Sénat, sur l'initiative des rapporteurs, en commission, puis de Stéphane Piednoir, en séance, ont été complétés à l'Assemblée nationale par les rapporteurs et le Gouvernement.

Grâce à ce travail conjoint, la procédure disciplinaire et les mesures conservatoires qui seront à la main des présidents sont désormais définies et encadrées avec précision au niveau législatif.

Les victimes d'actes antisémites ou racistes, ou de violences sexistes et sexuelles, pourront par ailleurs voir leur dossier instruit avec la sérénité et le professionnalisme nécessaires, sous le contrôle d'un magistrat, dans le cadre des sections disciplinaires communes introduites par le Sénat.

Sur d'autres points, la position du Sénat, soutenue par les rapporteurs de l'Assemblée nationale, a prévalu ; je pense notamment au refus d'inscrire dans la loi la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), ou encore à l'intitulé de la proposition de loi.

Des travaux récents ont d'ailleurs confirmé notre diagnostic sur deux aspects. Le rapport des Assises de lutte contre l'antisémitisme a souligné l'irréductible singularité de l'antisémitisme, qui ne peut être entièrement rapproché des autres formes de racisme. Il préconise par ailleurs un usage strictement opérationnel et pédagogique de la définition de l'IHRA.

Nous n'oublions pas, monsieur le ministre, les autres recommandations de la mission d'information, celles qui relèvent de votre pouvoir réglementaire ou de la compétence des établissements dans le cadre de leur autonomie.

Je pense notamment à la mise en place d'une structure publique de recherche et de formation interuniversitaire dédiée à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme – vous y avez fait référence tout à l'heure –, que les rédacteurs du rapport des Assises appellent également de leurs vœux, ou encore à la désignation systématique au sein des universités de vice-présidents chargés de la lutte contre ces dérives, mesure qui fait ses preuves, semble-t-il, partout où elle est mise en place.

Mes chers collègues, nous faisons œuvre utile avec cette proposition de loi, qui aura des effets concrets sur l'organisation et la vie des établissements dès la rentrée universitaire prochaine.

En outre, la qualité et la sérénité des débats conduits dans cet hémicycle, ainsi que l'accord finalement trouvé entre les deux chambres du Parlement, permettent d'envoyer aux étudiants victimes et à nos concitoyens dans leur ensemble un indispensable message d'unité et de mobilisation des pouvoirs publics. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDSE, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Colombe Brossel et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous prononçons aujourd'hui sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.

Le constat est alarmant : notre pays fait face à une montée des paroles et des actes racistes et antisémites, créant un climat de haine et de rejet qui affecte directement le vivre-ensemble.

L'enseignement supérieur n'étant pas extérieur à la société, les universités ne sont pas épargnées par cette résurgence des violences antisémites et racistes, qui doit nous alerter toutes et tous. L'université, lieu d'apprentissage et d'ouverture, ne saurait devenir un espace de peur et d'exclusion.

Comme j'ai pu le dire lors de l'examen de ce texte en première lecture, nous sommes toutes et tous bien conscients du contexte dans lequel nous légiférons. Je le répète : lutter contre les amalgames, c'est lutter contre la montée de l'antisémitisme et du racisme.

Nous ne pouvons accepter que les juifs de France soient assimilés aux crimes de Benyamin Netanyahou. Relativiser les crimes commis envers des juifs, des Israéliens, c'est ne pas reconnaître aux juifs le statut de victimes.

Mettre les mots sur le génocide en cours à Gaza, se battre pour un État palestinien, demander des sanctions françaises et européennes face aux crimes commis par le gouvernement israélien, tout en reconnaissant le droit à la sécurité et à la souveraineté d'Israël dans le cadre des résolutions adoptées par l'ONU, ce n'est pas être antisémite.

Les mots ont un sens.

Cette proposition de loi permet des avancées. Comme en première lecture, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient une partie des mesures proposées.

Nous soutenons les outils mis en place pour prévenir, détecter et sanctionner les actes antisémites et racistes dans l'enseignement supérieur.

Nous soutenons l'inscription dans ce texte de références à la lutte contre « l'antisémitisme et le racisme, les discriminations, les violences et la haine », phénomènes qui – je le rappelle à mon tour, comme l'ont fait de nombreuses personnes lors des auditions que nous avons menées – doivent être abordés de manière non pas séparée, mais bien conjointe, pour être combattus le plus efficacement possible.

Cependant, à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, certains points suscitent des questions, voire nous alertent.

Premièrement, l'incompréhension demeure quant au refus de la majorité sénatoriale, en commission mixte paritaire, de maintenir la référence au racisme dans l'intitulé du texte. En conservant cette référence, dans un objectif de clarté, de transparence et de cohérence avec le contenu du dispositif, nous aurions évité une certaine instrumentalisation des débats. Ce refus est un mauvais signe envoyé, alors même que ces derniers mois ont été marqués par une résurgence d'actes racistes et islamophobes – j'ai notamment une pensée pour Aboubakar Cissé et Hichem Miraoui, ainsi que pour leurs proches.

Deuxièmement, nous nous opposons fermement à l'ajout d'un alinéa sur les interdictions d'accès aux locaux universitaires. Ce point nous inquiète, bien qu'il soit passé relativement inaperçu dans le débat public. L'alinéa en question instaure un régime spécifique d'interdiction d'accès aux locaux, qui permettrait aux chefs d'établissement de frapper d'une telle mesure des étudiants faisant l'objet d'une simple procédure disciplinaire pour trouble à l'ordre public.

Ce glissement est préoccupant : il pourrait affaiblir les droits des étudiantes et étudiants, y compris ceux qui se sont simplement engagés dans des actions de mobilisation, des manifestations ou des blocages pacifiques, soit des formes d'expression politique et syndicale tout à fait légitimes dans le cadre universitaire.

Ce dispositif a été ajouté en commission mixte paritaire et nous n'avons à aucun moment eu l'occasion d'en débattre, ce qui est problématique ; nous nous inquiétons, en particulier, des raisons d'un tel ajout.

Enfin, nous déplorons la façon dont se sont tenus certains débats et la posture du Gouvernement vis-à-vis de ce texte. Je rappelle quelle fut notre indignation devant les propos entendus et les postures adoptées lors de l'audition de responsables d'université par notre commission, dans le cadre des travaux de la mission d'information dont ce texte est issu. Le débat dans notre hémicycle a néanmoins été constructif et les interventions des groupes politiques en séance se sont avérées mesurées. Je regrette qu'il n'en ait pas été de même à l'Assemblée nationale et dans certaines prises de position de membres du Gouvernement.

Plusieurs tentatives ont vu le jour pour intégrer dans la loi la définition de l'antisémitisme de l'IHRA, notamment via l'amendement défendu par Mme la députée Caroline Yadan ; or cette définition est rejetée par de nombreux organismes comme l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne et la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Ces différents points suscitent une inquiétude légitime quant à la mise en œuvre de ce dispositif dans le monde universitaire, notamment chez les étudiantes et les étudiants, ainsi que chez les chercheurs engagés sur les questions internationales.

Au regard de ces éléments, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a fait le choix de s'abstenir sur les conclusions de cette proposition de loi. Nous y invitent à la fois le parcours parlementaire de ce texte, certaines de ses dispositions et la manière dont le débat a été conduit.

La lutte contre l'antisémitisme, le racisme et les discours de haine doit se poursuivre avec détermination dans toutes les sphères de notre société. Le combat continue ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. David Ros, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Ros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 20 février dernier, le Sénat adoptait à l'unanimité la proposition de loi visant à lutter contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. Puis, après l'examen du texte par l'Assemblée nationale en séance publique, le 7 mai dernier, au regard des nombreuses modifications adoptées par nos collègues députés, une commission mixte paritaire s'imposait.

Aussi ai-je participé à cette CMP, le 27 mai dernier, avec mon collègue Yan Chantrel, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ; grâce au travail préparatoire des rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi que des présidents de commission – je salue Laurent Lafon –, elle s'est avérée conclusive. Le travail consensuel des deux chambres a permis de revenir globalement au texte voté au Sénat, non dénaturé de ses intentions initiales.

Le texte final qui nous est soumis ce matin est donc le fruit d'un long travail mené par les rapporteurs Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, que je salue. Au nom de mon groupe et à titre personnel, je tiens à les remercier : dans la foulée de leur mission flash, ils ont travaillé sur cette proposition de loi avec la volonté d'auditionner toutes celles et tous ceux qui avaient été entendus au cours de leurs travaux d'information. Ils ont pris le temps nécessaire pour que les débats et les échanges puissent être libres et non faussés, en annonçant au préalable que le texte discuté serait amendable, si nécessaire. Et le même état d'esprit a prévalu durant la commission mixte paritaire : merci à tous les deux pour ce travail essentiel et exemplaire !

Essentiel, il l'est sans aucun doute, car le monde de l'éducation – en l'occurrence, celui de l'enseignement supérieur en général et de l'université en particulier – est un symbole universel : lieu du combat de la lumière face aux obscurantismes, il incarne la connaissance et la transmission. Cette valeur de symbole a rendu d'autant plus choquant le constat de l'explosion des actes antisémites au sein de l'enseignement supérieur ces derniers mois.

Ainsi, en 2024, 1 570 actes antisémites ont été recensés en France, contre 436 pour l'année 2022. En 2024, 192 actes antisémites ont été relevés dans le milieu scolaire et, en 2023, on comptait 78 signalements dans le seul enseignement supérieur.

Ces chiffres sont d'autant plus inacceptables, monsieur le ministre, que le plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine, dit plan Prado, fut lancé en janvier 2023 par des actions éducatives et préventives menées auprès du public scolaire et étudiant pour réduire les faits constatés.

Mais les attentats terroristes commis par le Hamas le 7 octobre 2023 ont démontré à quel point l'antisémitisme reste tapi dans l'ombre. Il ressurgit mécaniquement, nourri des ressorts de la haine, de la jalousie, de la bêtise humaine et de l'ignorance. Plus grave encore, il est alimenté par certains, qui occupent pourtant des fonctions publiques de premier plan, à des fins partisanes et électoralistes. Il y a là une plaie insupportable et un risque majeur pour notre République. La non-unanimité au sein de la commission mixte paritaire en est une triste illustration – une de plus. Comme le disait à juste titre Frantz Fanon, « quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous ».

Le texte vise, en trois articles, à mettre à la disposition des chefs d'établissement un arsenal législatif comprenant la formation à la lutte contre l'antisémitisme, à l'article 1er, la prévention, la détection et le signalement des actes antisémites, à l'article 2, et un encadrement juridique des procédures disciplinaires, à l'article 3.

Signalons par ailleurs que l'atmosphère des auditions, constructive et objective, a permis de retisser un lien de confiance avec des chefs d'établissement universitaire qui, malgré leur engagement quotidien – je tiens à le souligner –, avaient le sentiment d'avoir été injustement accusés de passivité, à tout le moins par certains.

Le travail législatif de l'Assemblée nationale a apporté au texte des changements tout à fait louables, notamment une modification de l'intitulé et l'ajout de mentions inscrites dans le code de l'éducation. Oui, l'objectif de cette proposition de loi est bien de lutter contre l'antisémitisme, le racisme ainsi que les diverses discriminations et la haine. Cependant, le titre retenu in fine, qui renvoie exclusivement à la lutte contre l'antisémitisme, est utile pour insister sur l'objet principal et spécifique de ce texte.

Mes chers collègues, l'adoption de cette proposition de loi permettra la création d'une section disciplinaire commune aux établissements d'une région académique et le prononcé d'une sanction disciplinaire pour les faits susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ou au bon fonctionnement de l'établissement, tout en garantissant – c'est important – la continuité pédagogique aux étudiants concernés. Nous serons par ailleurs vigilants à ce que les autres manifestations universitaires étudiantes puissent continuer d'avoir lieu et défendrons sans relâche les libertés académiques.

La mise en œuvre de ce texte permettra enfin le renforcement de la prévention et du signalement, via l'obligation pour chaque établissement de nommer un référent spécifiquement chargé de la lutte contre l'antisémitisme et le racisme.

Je conclurai en levant tout suspense : le groupe socialiste, que j'ai l'honneur de représenter, votera les conclusions de la commission mixte paritaire et ainsi se prononcera pour l'adoption de cette proposition de loi. Nous veillerons par ailleurs à ce que les moyens alloués aux universités, au-delà de leur dotation propre, permettent de rendre cette loi pleinement efficiente. (Applaudissements.)