M. le président. La parole est à M. David Ros, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Ros. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 20 février dernier, le Sénat adoptait à l’unanimité la proposition de loi visant à lutter contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Puis, après l’examen du texte par l’Assemblée nationale en séance publique, le 7 mai dernier, au regard des nombreuses modifications adoptées par nos collègues députés, une commission mixte paritaire s’imposait.
Aussi ai-je participé à cette CMP, le 27 mai dernier, avec mon collègue Yan Chantrel, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ; grâce au travail préparatoire des rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi que des présidents de commission – je salue Laurent Lafon –, elle s’est avérée conclusive. Le travail consensuel des deux chambres a permis de revenir globalement au texte voté au Sénat, non dénaturé de ses intentions initiales.
Le texte final qui nous est soumis ce matin est donc le fruit d’un long travail mené par les rapporteurs Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire, que je salue. Au nom de mon groupe et à titre personnel, je tiens à les remercier : dans la foulée de leur mission flash, ils ont travaillé sur cette proposition de loi avec la volonté d’auditionner toutes celles et tous ceux qui avaient été entendus au cours de leurs travaux d’information. Ils ont pris le temps nécessaire pour que les débats et les échanges puissent être libres et non faussés, en annonçant au préalable que le texte discuté serait amendable, si nécessaire. Et le même état d’esprit a prévalu durant la commission mixte paritaire : merci à tous les deux pour ce travail essentiel et exemplaire !
Essentiel, il l’est sans aucun doute, car le monde de l’éducation – en l’occurrence, celui de l’enseignement supérieur en général et de l’université en particulier – est un symbole universel : lieu du combat de la lumière face aux obscurantismes, il incarne la connaissance et la transmission. Cette valeur de symbole a rendu d’autant plus choquant le constat de l’explosion des actes antisémites au sein de l’enseignement supérieur ces derniers mois.
Ainsi, en 2024, 1 570 actes antisémites ont été recensés en France, contre 436 pour l’année 2022. En 2024, 192 actes antisémites ont été relevés dans le milieu scolaire et, en 2023, on comptait 78 signalements dans le seul enseignement supérieur.
Ces chiffres sont d’autant plus inacceptables, monsieur le ministre, que le plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine, dit plan Prado, fut lancé en janvier 2023 par des actions éducatives et préventives menées auprès du public scolaire et étudiant pour réduire les faits constatés.
Mais les attentats terroristes commis par le Hamas le 7 octobre 2023 ont démontré à quel point l’antisémitisme reste tapi dans l’ombre. Il ressurgit mécaniquement, nourri des ressorts de la haine, de la jalousie, de la bêtise humaine et de l’ignorance. Plus grave encore, il est alimenté par certains, qui occupent pourtant des fonctions publiques de premier plan, à des fins partisanes et électoralistes. Il y a là une plaie insupportable et un risque majeur pour notre République. La non-unanimité au sein de la commission mixte paritaire en est une triste illustration – une de plus. Comme le disait à juste titre Frantz Fanon, « quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous ».
Le texte vise à mettre à la disposition des chefs d’établissement un arsenal législatif comprenant la formation à la lutte contre l’antisémitisme, à l’article 1er, la prévention, la détection et le signalement des actes antisémites, à l’article 2, et un encadrement juridique des procédures disciplinaires, à l’article 3.
Signalons par ailleurs que l’atmosphère des auditions, constructive et objective, a permis de retisser un lien de confiance avec des chefs d’établissement universitaire qui, malgré leur engagement quotidien – je tiens à le souligner –, avaient le sentiment d’avoir été injustement accusés de passivité, à tout le moins par certains.
Le travail législatif de l’Assemblée nationale a apporté au texte des changements tout à fait louables, notamment une modification de l’intitulé et l’ajout de mentions inscrites dans le code de l’éducation. Oui, l’objectif de cette proposition de loi est bien de lutter contre l’antisémitisme, le racisme ainsi que les diverses discriminations et la haine. Cependant, le titre retenu in fine, qui renvoie exclusivement à la lutte contre l’antisémitisme, est utile pour insister sur l’objet principal et spécifique de ce texte.
Mes chers collègues, l’adoption de cette proposition de loi permettra la création d’une section disciplinaire commune aux établissements d’une région académique et le prononcé d’une sanction disciplinaire pour les faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ou au bon fonctionnement de l’établissement, tout en garantissant – c’est important – la continuité pédagogique aux étudiants concernés. Nous serons par ailleurs vigilants à ce que les autres manifestations universitaires étudiantes puissent continuer d’avoir lieu et défendrons sans relâche les libertés académiques.
La mise en œuvre de ce texte permettra enfin le renforcement de la prévention et du signalement, via l’obligation pour chaque établissement de nommer un référent spécifiquement chargé de la lutte contre l’antisémitisme et le racisme.
Je conclurai en levant tout suspense : le groupe socialiste, que j’ai l’honneur de représenter, votera les conclusions de la commission mixte paritaire et ainsi se prononcera pour l’adoption de cette proposition de loi. Nous veillerons par ailleurs à ce que les moyens alloués aux universités, au-delà de leur dotation propre, permettent de rendre cette loi pleinement efficiente. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Être juif en France aujourd’hui, c’est être seul » : ainsi s’exprimait M. Paul Bernard dans une tribune récemment publiée par un grand quotidien du soir. Il y déplorait que son mal de vivre fasse écho, plus d’un siècle plus tard, au constat accablant de Charles Péguy, qui écrivait, dans Notre jeunesse : « C’est pas facile d’être juif », ajoutant : « Quand ils demeurent insensibles aux appels de leurs frères, aux cris des persécutés, aux plaintes, aux lamentations de leurs frères meurtris dans tout le monde, vous dites : C’est des mauvais juifs. Et s’ils ouvrent seulement l’oreille aux lamentations qui montent du Danube et du Dniepr vous dites : Ils nous trahissent. C’est des mauvais Français. »
Péguy écrivait ces lignes en 1910, quatre ans après la réhabilitation du capitaine Dreyfus et deux ans après la tentative d’assassinat dont ce dernier fut victime lors de la cérémonie du transfert des cendres d’Émile Zola au Panthéon. L’auteur des coups de feu, le journaliste antisémite et nationaliste Louis Grégori, reçut le soutien de l’Action française, qui estimait légitime de « punir deux traîtres ». Inculpé de tentative d’homicide volontaire avec préméditation, il fut acquitté.
Vinrent ensuite les lois antisémites de Vichy, la Shoah et, il y a bientôt vingt mois, les pogroms du 7 octobre. Aujourd’hui, M. Paul Bernard affirme qu’en France la haine antisémite « tranquille » devient une « pensée dominante » partout, et malheureusement aussi dans les amphithéâtres des universités. Dénonçant l’isolement croissant des juifs en France, il lance cet appel : « Il ne dépend que des autres, de tous les Français, de leur main tendue ou refusée, que cette solitude soit abolie. »
Avec le présent texte, nous répondons avec humilité à cet appel. Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité d’une mission d’information qui a établi, de manière incontestable, l’accroissement sans précédent des actes antisémites, manifestes ou latents, dans les universités.
La reconnaissance de cette situation insupportable s’incarne dans le titre même du texte, où le Sénat a tenu à conserver seul le terme « antisémitisme » lors de l’examen en commission mixte paritaire. Ce choix, certes symbolique, est une marque de respect que nous devons aux étudiants juifs : une distinction à la fois compassionnelle, réparatrice et mobilisatrice.
Dans les trois principaux articles du texte, la lutte contre l’antisémitisme est systématiquement associée à celle contre le racisme, les discriminations, les violences et la haine.
J’ai lu avec consternation que ce texte serait une « criminalisation des voix de la paix » ou que son article 3 ouvrirait la voie à des « sanctions arbitraires contre les étudiants mobilisés pour la Palestine ». Comment peut-on confondre ces deux sujets, lutte contre l’antisémitisme et engagement pour la Palestine, sinon en supposant que chaque étudiant juif est forcément complice des crimes commis par le gouvernement de Benyamin Netanyahou à Gaza ? Déduire les opinions d’un individu de sa confession supposée, c’est une forme de racisme et une forme d’antisémitisme. (Très bien ! au banc des commissions. – M. le ministre hoche la tête en signe d’approbation.)
Il n’existe pas de définition de l’antisémitisme dans le droit français, et ce texte n’en propose pas. Seule la loi du 13 juillet 1990, dite loi Gayssot, tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, en donne un contenu indirect, en sanctionnant notamment la négation des crimes contre l’humanité tels que définis à l’article 6 du statut du tribunal international militaire annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945, dit statut de Nuremberg, en particulier la Shoah et les lois antisémites du régime de Vichy. Le Front national a toujours réclamé l’abrogation de cette loi, et un candidat à l’élection présidentielle, Éric Zemmour, a considéré qu’elle portait atteinte à la liberté d’expression.
Cette proposition de loi ne changera pas les mentalités. Mais je suis intimement persuadé qu’il est possible de lutter contre les préjugés antisémites par une meilleure connaissance de leurs ressorts et par un effort accru en faveur des études sur les cultures juives, qui constituent une part essentielle de l’histoire de notre nation. Je regrette qu’en 2023, monsieur le ministre, lesdites études juives ne soient plus représentées que dans trois centres de recherche en France. Seules six thèses ont été soutenues dans ce champ cette année-là, contre seize en 2010.
Monsieur le ministre, pour prolonger l’esprit de cette loi, il serait utile de mettre en œuvre une politique nationale ambitieuse en faveur des études juives. (Applaudissements.)
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Union Centriste et, l’autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 327 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 326 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
2
Renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers (proposition n° 571, texte de la commission n° 726, rapport n° 725).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, madame la ministre chargée de l’autonomie et du handicap, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le parcours des élèves en situation de handicap et, plus généralement, des élèves à besoins éducatifs particuliers est un sujet majeur.
Tout commence à l’école : c’est là que se jouent l’avenir de tous les enfants, leur accès au savoir, à l’autonomie, à l’épanouissement.
Le Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République, est engagé avec détermination, depuis 2017, en faveur de l’inclusion des élèves en situation de handicap.
En 2017, nous accueillions 320 000 élèves. Ils sont 520 000 aujourd’hui.
En 2017, 2 milliards d’euros étaient consacrés à l’école inclusive. Aujourd’hui, ce sont 4,5 milliards d’euros, soit plus du double, qui sont investis pour accompagner la progression du nombre d’élèves à besoins particuliers scolarisés.
Cet engagement massif a permis d’étendre le maillage des unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) : on compte plus de 11 000 de ces dispositifs aujourd’hui, répartis de façon équilibrée entre premier et second degrés, au bénéfice de plus de 124 000 élèves.
Cet effort se poursuit, avec la création de 300 Ulis supplémentaires chaque année, en veillant à renforcer leur présence notamment dans les lycées professionnels, pour garantir à chaque jeune une formation et une insertion adaptées.
Dans le cadre de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, nous avons également mis en place des unités d’enseignement maternelle et élémentaire autisme (UEMA et UEEA), en lien étroit avec le secteur médico-social. Ces unités sont désormais présentes dans chaque département.
Nous menons aussi un effort constant pour soutenir nos élèves, grâce à un recrutement massif d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), dont le nombre est passé de 93 000 en 2017 à 143 000 en 2024.
Cette politique repose sur une action résolue, associant mise en place de dispositifs ciblés, outils de suivi personnalisés et attention renforcée à la formation et aux conditions de travail des personnels éducatifs. Elle repose également sur une collaboration étroite avec les familles et sur une coordination renforcée entre temps scolaire et périscolaire, pour assurer la continuité des parcours.
Cette proposition de loi est utile. Elle vise à répondre aux défis persistants soulignés dans le rapport de la Cour des comptes intitulé L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, publié en septembre 2024.
Parmi ces défis, nous pouvons citer : des démarches administratives complexes pour les familles ; des coordinations encore insuffisantes entre l’éducation nationale et le secteur médico-social ; un besoin d’outils renforcés pour les enseignants et les accompagnants ; enfin, une accessibilité des locaux et des supports pédagogiques encore inégale.
Nous partageons ces constats. C’est pourquoi nous travaillons étroitement avec le ministère chargé de l’autonomie et du handicap.
Si les dispositions de la proposition de loi sont, pour certaines, de nature réglementaire, ce texte peut nous permettre des avancées structurantes. Je pense notamment aux pôles d’appui à la scolarité (PAS).
L’article 1er vise à renforcer le suivi individualisé, par la généralisation du livret de parcours inclusif (LPI). Des progrès notables ont été réalisés depuis le dépôt de la proposition de loi, en octobre 2024 : le nombre de ces livrets est passé de 309 000 à 450 000.
Le livret de parcours inclusif, application numérique dédiée, centralise toutes les informations sur le parcours de l’élève, ses besoins et les aménagements mis en œuvre. Il propose plusieurs plans adaptés à la nature des besoins, allant de difficultés passagères à des troubles reconnus par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
En élargissant le livret à tous les élèves rencontrant des difficultés, nous évitons toute stigmatisation et assurons un suivi fluide d’une classe à l’autre, d’un établissement à un autre.
Aujourd’hui, 70 % des livrets ouverts concernent le premier degré. Les familles peuvent désormais accéder au livret via un système d’information spécifique, tandis que les MDPH peuvent y déposer les projets personnalisés de scolarisation.
Cette dynamique de déploiement témoigne d’une forte appropriation de l’outil par les équipes éducatives et les partenaires, ce dont je me réjouis.
Toutefois, pour garantir l’équité territoriale, assurer la continuité des parcours et inscrire durablement le LPI dans le fonctionnement de l’école inclusive, sa généralisation doit être confortée par une base législative claire.
Voter cet article, c’est donner un ancrage juridique à un outil déjà largement éprouvé, en sécurisant son usage, en affirmant son caractère structurant dans l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers et en permettant une montée en charge cohérente et progressive à l’échelle nationale.
Nous répondrions ainsi à un impératif d’efficacité, de simplification pour les familles et de coordination entre les acteurs.
L’article 1er garantit également la pleine reconnaissance des AESH comme membres à part entière de l’équipe pédagogique. De fait, ces 140 000 personnels jouent un rôle essentiel pour les 330 000 élèves qu’ils accompagnent avec beaucoup d’engagement.
L’article 3 crée les pôles d’appui à la scolarité, expérimentés, cette année scolaire, dans quatre départements préfigurateurs.
Les premières évaluations réalisées par la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) sont très encourageantes.
Ainsi, 3 300 élèves ont bénéficié d’un appui par le PAS, principalement dans le premier degré, qui concentre les trois quarts des demandes, avec un délai de traitement moyen d’une douzaine de jours.
Qualitativement, le partenariat entre l’éducation nationale et le secteur médico-social est jugé fonctionnel. Les familles expriment globalement leur satisfaction et les PAS apportent des solutions concrètes pour éviter des ruptures de parcours, grâce à des réponses coordonnées en amont des notifications MDPH.
L’objectif est de garantir à chaque élève concerné un accompagnement adapté, lisible et mis en œuvre dans des délais compatibles avec les exigences de la scolarité, dans le respect du principe d’égalité d’accès à l’école pour tous.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce texte nous permettra d’aller plus loin ensemble, au service d’une école véritablement inclusive et fidèle à notre exigence républicaine d’égalité et de fraternité.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l’autonomie et du handicap. Monsieur le président, madame la ministre d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers.
Avant toute chose, je tiens à remercier votre rapporteure, Mme Catherine Belrhiti, et l’ensemble des membres de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport pour le travail qu’ils ont réalisé sur cette initiative de la députée Julie Delpech.
Je veux saisir cette occasion pour redire devant vous mon soutien et celui de l’ensemble du Gouvernement aux familles et leur réaffirmer que notre objectif commun est avant tout l’épanouissement de tous les enfants et adolescents.
Je veux également remercier les acteurs de terrain, les élus, les associations, mais aussi les professionnels de l’éducation nationale et du secteur médico-social, ainsi que les services de l’État, de leur expertise, leur détermination et leur engagement quotidien.
Les enjeux de l’inclusion, d’autant plus lorsqu’ils concernent nos enfants, doivent dépasser les clivages politiques. C’est en ce sens que j’ai organisé, en mai dernier, une première réunion de travail législatif transpartisan sur le handicap, réunissant l’ensemble des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je réunirai de nouveau tous les groupes au début du mois de juillet, car c’est tous ensemble que nous pourrons continuer à avancer en faveur d’une société pleinement inclusive.
Depuis la loi fondatrice du 11 février 2005, qui a établi le droit de chaque élève à être scolarisé en milieu ordinaire, notre pays a accompli des avancées importantes en matière d’école inclusive. À l’époque, 150 000 élèves en situation de handicap étaient accueillis dans les établissements scolaires classiques ; aujourd’hui, ce chiffre atteint près de 520 000 élèves. Cette évolution illustre une transformation majeure dans notre manière de considérer le handicap et marque une réelle progression de l’école inclusive.
L’approche que nous défendons n’oppose en rien l’école au secteur médico-social. En revanche, elle place l’école en première ligne, avec un accompagnement progressif des professionnels du médico-social en fonction des besoins spécifiques de chaque enfant.
Avec la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, Élisabeth Borne, je partage la conviction que réussir l’inclusion scolaire exige un appui fort et structuré du médico-social au sein même de l’école.
Aussi, à chaque rentrée, nous consolidons les dispositifs communs, mobilisons davantage de ressources humaines et renforçons les appuis médico-sociaux pour mieux articuler et conjuguer les gestes professionnels des personnels de l’éducation nationale avec ceux du médico-social.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes ; ils traduisent des avancées concrètes pour les enfants et leurs familles, conformément aux engagements formulés par le Président de la République lors de la dernière Conférence nationale du handicap, laquelle est venue confirmer ces investissements, en accordant 400 millions d’euros supplémentaires à l’école inclusive, autant pour les enfants et 110 millions d’euros pour le repérage et l’intervention précoce.
Depuis 2017, ces efforts importants ont permis de renforcer les dispositifs et d’augmenter le nombre de solutions pour les élèves à besoins particuliers.
Ainsi, le nombre de dispositifs Ulis est passé de 8 620 en 2017 à plus de 11 000 aujourd’hui.
Quant aux AESH, acteurs essentiels de l’inclusion, leur nombre est passé de 55 000 équivalents temps plein (ETP) en 2017 à 85 000 aujourd’hui ; ils sont au total 140 000 professionnels.
Grâce à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (TND), 326 UEMA et 158 UEEA – il s’agit des unités externalisées d’appui aux enfants en situation d’autisme –, ainsi que plus de 100 professeurs ressources spécialisés dans les TND sont répartis entre les académies.
En outre, dans le cadre du plan « 50 000 solutions » annoncé par le Président de la République, nous poursuivons également la création de places en instituts médico-éducatifs (IME) et développons de nouvelles solutions pour accompagner les jeunes adultes qui sortent de ces derniers. D’ici à la fin de l’année 2025, 15 000 solutions nouvelles auront vu le jour, pour un investissement de 270 millions d’euros, dont près de 8 700 solutions à destination de nos enfants.
Cependant, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler, le chemin reste exigeant. En effet, inclure un élève ne signifie pas seulement le scolariser : il faut aussi bien l’accueillir, l’accompagner, adapter les pratiques ! C’est tout le sens du plan de transformation de l’offre médico-sociale, qui permet à des professionnels d’intervenir directement dans les établissements scolaires et d’assurer une meilleure coordination des parcours.
C’est également dans cet esprit que s’inscrivent les pôles d’appui à la scolarité, qui illustrent cette coopération nouvelle entre l’éducation nationale et le secteur médico-social. Actuellement, 100 PAS ont commencé à fonctionner, et leur extension est en cours dans plusieurs territoires, comme La Réunion, la Meuse, le Vaucluse ou la Communauté européenne d’Alsace ; l’objectif est d’en déployer près de 500 à la prochaine rentrée. Chaque académie et chaque agence régionale de santé (ARS) en disposeront.
Les 100 pôles d’appui à la scolarité qui existent aujourd’hui correspondent à 100 ETP d’enseignants supplémentaires et à 200 ETP du médico-social auprès des enfants et des enseignants.
Les 400 PAS supplémentaires qui seront mis en œuvre à la prochaine rentrée scolaire représenteront 400 nouveaux ETP d’enseignants et 800 ETP du médico-social.
Pour la rentrée scolaire de 2026, 400 millions d’euros sont prévus pour le médico-social, au service des quelque 3 000 PAS qui seront répartis sur l’ensemble du territoire.
Dans la phase de préfiguration, afin d’évaluer la pertinence des pôles d’appui à la scolarité, plusieurs évaluations ont été conduites. Des données quantitatives ont été récoltées et de nombreux entretiens avec les différents protagonistes ont été réalisés, qui ont démontré tout l’intérêt des PAS, qui permettent de mieux articuler les métiers.
La présente proposition de loi vient compléter ces dispositifs pour l’école inclusive.
L’inscription dans la loi du livret de parcours inclusif pour chaque enfant à besoins éducatifs particuliers, qui figure à l’article 1er, permettra ainsi de faciliter le suivi des besoins de l’enfant tout au long de sa scolarité.
Pour former davantage nos professionnels aux besoins éducatifs particuliers, l’article 3 prévoit, par ailleurs, que la formation initiale et continue des enseignants et des personnels administratifs et techniques porte également sur les adaptations pédagogiques aux besoins des élèves.
Enfin, l’article 3 bis B généralise les pôles d’appui à la scolarité pour accompagner les enfants et leurs familles dans la définition et la mise en œuvre d’aménagements spécifiques, pour mieux soutenir les enseignants et les accompagnants, pour aider à la formulation des demandes de compensation auprès des MDPH et pour mobiliser et coordonner les moyens matériels et humains de l’éducation nationale comme du médico-social.
Vous l’aurez compris, les dispositions qui figurent dans cette proposition de loi vont dans le bon sens. Elles nous engagent à continuer, à mieux faire, à aller plus loin, pour que chaque enfant ait pleinement sa place à l’école. (M. Laurent Burgoa applaudit.)