M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à exprimer mon désarroi face à cette proposition de loi en provenance de l’Assemblée nationale.

L’accueil des élèves en situation de handicap est une cause juste et noble. Il est certain qu’un grand nombre d’entre eux ont tout à gagner à suivre un cursus pédagogique traditionnel, à la condition expresse de bénéficier de l’aide nécessaire à leur pleine intégration. Ce droit leur est garanti par la loi de février 2005.

Plus de vingt ans après sa promulgation, le constat est amer. Les 513 000 enfants en situation de handicap scolarisés sont encore loin de bénéficier de l’accompagnement qui leur permettrait de profiter pleinement de cette inclusion. Ce décalage entre l’ambition généreuse des objectifs et la faiblesse relative des moyens disponibles engendre beaucoup de déception, voire de la souffrance.

Reconnaissons-le collectivement, mes chers collègues : sans l’extrême dévouement des accompagnants des élèves en situation de handicap et des enseignants eux-mêmes, la situation serait encore bien plus difficile. À ce titre, je les remercie chaleureusement pour leur investissement.

Cependant, les enseignants de nos départements nous alertent fréquemment sur des situations très complexes, qui les placent dans l’impossibilité, faute de moyens, d’apporter à leurs élèves en situation de handicap l’accompagnement nécessaire. Ils se retrouvent souvent en grande difficulté, tant sur le plan pédagogique que physique, confrontés à des situations extrêmes qu’ils doivent gérer sans formation adéquate ni soutien suffisant.

Face à l’ampleur et à la complexité des défis, cette proposition de loi semble dérisoire. Après sa réécriture par notre collègue Catherine Belrhiti, dont je salue la tentative désespérée de sauvetage (Sourires.), ce texte reste quasiment vide de toute disposition normative et de solution pragmatique, à l’exception de l’article 3 bis B introduit par le Gouvernement. Les autres dispositions relèvent, selon moi, du domaine infra-législatif, voire de la simple circulaire.

M. Max Brisson. Absolument !

M. Pierre Ouzoulias. Je me permets à ce titre de rappeler à nos collègues de l’Assemblée nationale que le Parlement, conformément à l’article 24 de la Constitution, « contrôle l’action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ». Il n’a donc nul besoin de lui demander des rapports pour exercer cette mission constitutionnelle.

M. Max Brisson. Il faut le rappeler !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !

M. Pierre Ouzoulias. Il ne reste donc de ce texte que l’article 3 bis B. Je regrette qu’il n’ait pas donné lieu à un projet de loi en bonne et due forme, précédé d’un bilan approfondi de la mise en œuvre des dispositions relatives à l’école inclusive.

On ne peut qu’adhérer à la volonté de renforcer les liens entre éducation nationale et secteur médico-social, mais il faut toutefois rester vigilant : dans un contexte marqué par une grave pénurie de soins en santé mentale, cette volonté de collaboration ne doit pas masquer un transfert de charges vers les collectivités, en pleine période de restrictions budgétaires.

M. Max Brisson. Vigilance !

M. Pierre Ouzoulias. Je le répète, cette disposition aurait mérité une concertation approfondie avec les collectivités concernées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, INDEP, RDSE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis la loi pour l’égalité des droits et des chances du 11 février 2005, l’école inclusive est un principe inscrit dans la loi. Malheureusement, cette promesse républicaine n’est pas totalement respectée.

En 2024, 23 % des enfants en situation de handicap ne sont toujours pas scolarisés. Environ 11 000 d’entre eux attendent une place en institut médico-éducatif et 450 000 enfants doivent se partager 127 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap.

Voilà le point de départ.

La présente proposition de loi partait d’un constat juste et d’une intention que nous partageons : rendre l’école plus inclusive, mieux organisée et plus lisible pour les familles et les personnels associés. Pourtant, le contenu du texte initial n’avançait aucune réponse structurelle à la hauteur des besoins. Il s’appuyait essentiellement sur des outils de suivi, comme le livret de parcours inclusif, un rapport annuel ou encore quelques obligations de formation.

Vraiment, mes chers collègues, je me le demande : avons-nous besoin d’une proposition de loi pour généraliser le livret de parcours inclusif ?

Par ailleurs, un trou dans la raquette est rapidement apparu : comment, lorsque l’on évoque le parcours des enfants à besoins éducatifs particuliers, pouvons-nous mettre sous le tapis la question des AESH ? Il est inadmissible que ces derniers soient encore traités, en 2025, comme des variables d’ajustement du système éducatif. Ces personnels, pourtant essentiels à l’inclusion scolaire, cumulent contrats précaires, salaires indécents et absence totale de reconnaissance professionnelle et institutionnelle.

On leur confie des missions fondamentales, tout en les maintenant dans une précarité honteuse. Ce mépris organisé n’est pas une négligence : c’est un choix politique.

Il est grand temps que l’État propose aux AESH un véritable statut, une formation digne et une rémunération à la hauteur de leurs missions.

À la suite de son examen à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi a été relativement renforcée. Nous avons soutenu les avancées obtenues à cette occasion et nous continuerons de les défendre. Toutefois, un problème demeure sur la méthode comme sur le fond : il s’agit de la généralisation précipitée des pôles d’appui à la scolarité.

Nous n’avons pas de recul suffisant sur ce dispositif ; introduit par un amendement gouvernemental, il n’a pas fait l’objet d’un bilan préalable. Ces pôles, chargés de définir et d’élaborer des réponses aux besoins des élèves, sont en cours d’expérimentation, et ce depuis moins d’un an, puisqu’ils ont été lancés à la rentrée 2024 dans quatre départements. Comment peut-on justifier leur généralisation sans étude ni rapport solide sur leur efficacité ? Quelles seraient les conséquences budgétaires et structurelles de la mise en place de ce dispositif ?

On nous parle de 500 PAS à la prochaine rentrée, mais avec quelles ressources humaines et au détriment de quoi ? De l’accompagnement du quotidien effectué par les personnels des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) qui géreraient désormais les PAS ?

Rappelons-le : 500 PAS, c’est 500 personnels de l’éducation nationale. Nous nous battons chaque année pendant des semaines pour obtenir 500 postes supplémentaires lors de l’examen des projets de loi de finances et vous, d’un claquement de doigts, vous en réallouez 500 dans des structures non éprouvées !

Les implications sur le budget et les postes de l’éducation nationale restent floues. Tout cela n’est pas sérieux. Nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi insuffisante, qui manque d’ambition et qui introduit un dispositif aux effets organisationnels et budgétaires incertains.

Ce texte ne traite pas du cœur de l’enjeu de l’école inclusive : des AESH mieux reconnus, moins d’enfants par classe avec plus de temps à consacrer aux élèves, des réseaux d’aide avec des enseignants spécialisés et des psychologues scolaires suffisamment dotés pour accompagner professeurs, parents et enfants dans la prise en compte des besoins particuliers ou du handicap, et des professionnels de santé – infirmières et médecins – permettant un véritable accompagnement au sein de l’éducation nationale.

Nous sommes tous prêts à nous emparer de ces sujets, mais ce texte est malheureusement une occasion manquée. Mon groupe s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi est la troisième en moins de trois ans à porter sur l’inclusion scolaire.

Elle vient après la loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation et la loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne.

Par chacune de nos initiatives, nous nous efforçons, à notre échelle de parlementaires, d’améliorer la situation, brique par brique, en restant conscients que les ajustements que nous proposons ne sont pas à la hauteur devant l’ampleur des défis qui persistent.

Nous restons aussi conscients que, même s’ils sont votés, la mise en œuvre de ces textes relève parfois du parcours du combattant. L’exemple de la loi sur l’accompagnement des élèves sur le temps méridien, dont la note de service associée a récemment été abrogée, est à cet égard édifiant. Vingt ans après cette si belle loi de 2005, je regrette que nous soyons réduits à un tel bricolage, alors même que les signaux d’alerte se multiplient.

Je pense bien évidemment au manque de personnels dédiés – enseignants spécialisés, accompagnants d’élèves en situation de handicap, personnel médico-social –, aux délais d’attente douloureux pour les familles, que ce soit en matière de prise de décisions des MDPH ou d’application des notifications, ou encore à l’augmentation des risques psychosociaux des personnels éducatifs.

Il nous faut sans cesse le répéter : pour répondre aux enjeux de l’inclusion scolaire, notre école a besoin de moyens financiers et humains à la hauteur, d’un pilotage national renforcé associant les écosystèmes et de l’éducation nationale et du médico-social, en tenant compte des besoins exprimés au plus près du terrain, et, enfin, d’indicateurs solides, qui ne s’inscrivent pas uniquement dans une approche quantitative.

Disons-le clairement : ce n’est avec cette proposition de loi que nous apporterons une réponse suffisante. Il est d’ailleurs révélateur que la disposition phare que nous en retiendrons soit la généralisation des pôles d’appui à la scolarité, introduite subrepticement par le Gouvernement à la faveur d’un amendement, plutôt que par un véhicule législatif dédié – nous aurons l’occasion d’y revenir.

J’en viens aux principales mesures qui figurent dans ce texte.

La généralisation du livret de parcours inclusif et son inscription dans la loi, à l’article 1er, répond sur le papier à l’impératif d’une meilleure coordination des publics qui accompagnent les élèves au quotidien. Je tiens cependant à vous alerter sur les difficultés de prise en main de l’outil qui nous ont été signalées sur le terrain.

Nous défendrons pour notre part plusieurs amendements visant à préciser les modalités d’accès de différents publics qu’il nous paraît essentiel d’associer à cette démarche.

Nous saluons l’introduction, au fil de la navette, de l’article 1er ter. Ce dernier précise que l’affectation d’un AESH intervient dans un délai d’un mois suivant la notification de la décision d’attribution. Cette mesure concrète enverra un signal clair à l’heure où les affectations mettent des mois, voire des années à se concrétiser, suscitant détresse et incompréhension.

Nous regrettons la disparition de l’Observatoire national de la scolarisation de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, dont l’instauration était initialement prévue à l’article 2.

Dans un contexte où les acteurs de terrain pointent le manque de données qualitatives et quantitatives et où le rapport de la Cour des comptes de septembre 2024 met en lumière les lacunes en matière de suivi statistique, ce recul est regrettable. Nous défendrons à cet égard un amendement tendant à le réintroduire.

Plusieurs articles visent à améliorer la formation initiale ou continue des personnels. Cette approche va dans le bon sens, tant ce besoin est fortement identifié. Nous le réaffirmons : pour encourager cette dynamique, il est nécessaire que la formation continue soit effectuée pendant le temps de service. Nous proposerons également de réintroduire une disposition soutenue par le Gouvernement, qui prévoyait que les enseignants et professionnels intervenant auprès des élèves à besoins éducatifs particuliers puissent bénéficier d’une formation pluricatégorielle. C’est par de tels moments, vecteurs de partage de bonnes pratiques, que nous pourrons créer concrètement une culture commune de l’accessibilité.

La question des AESH, chevilles ouvrières de l’école inclusive, dont nous avons souvent parlé au sein de ces murs, est insuffisamment abordée dans ce texte. Parce qu’il y a urgence à enfin sécuriser et professionnaliser les conditions de recrutement et d’exercice de ces personnels, nous soutiendrons une demande de rapport sur leur intégration dans la fonction publique d’État. Il s’agit certes d’une mesure forte, mais cette idée progresse au sein de notre hémicycle.

Enfin, je veux évoquer les pôles d’appui à la scolarité. Cette réorganisation profonde de l’organisation de l’école inclusive survient en catimini, alors même que les bilans des expérimentations menées dans les quatre départements préfigurateurs font état de retours de terrain très hétérogènes.

Si nous prenons bonne note des aménagements et précisions introduits par la rapporteure, il nous paraît dangereux, à ce stade, de procéder dans la précipitation, sans étude d’impact ni garantie sur les moyens qui y seront consacrés, à une telle évolution systémique.

Mes chers collègues, ayons toujours en tête que derrière les décisions que nous prendrons aujourd’hui se trouvent les attentes et les destins des premiers concernés, à savoir les élèves et leurs familles. Ayons pour eux une main tremblante.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sera attentif aux modifications qui seront apportées au texte au cours de nos débats ; pour l’heure, il réserve son vote. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il y a vingt ans, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a posé le principe fondateur du droit à la scolarisation en milieu ordinaire pour les enfants en situation de handicap.

Cette réforme a constitué une véritable révolution. En l’espace de deux décennies, le nombre d’élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire a triplé. Aujourd’hui, 513 000 élèves peuvent suivre les mêmes enseignements et accéder aux mêmes apprentissages que leurs condisciples.

Tout n’est pas parfait, loin de là. L’accessibilité reste un objectif encore lointain et les moyens matériels et humains mobilisés sont largement insuffisants. Toutefois, chaque pierre apportée à l’édifice permet de construire une société plus humaine et solidaire.

La proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers revêt une importance décisive. Je tiens à cet égard à saluer le travail de notre rapporteure, Catherine Belrhiti, mais aussi celui de notre collègue députée, Julie Delpech, à l’origine de cette initiative parlementaire.

Le développement du livret de parcours inclusif fait partie des mesures emblématiques du texte. L’objectif est de renforcer le partage d’informations entre les professionnels du secteur médico-social, l’équipe pédagogique, les AESH et les familles, afin de fluidifier le parcours scolaire des enfants concernés et surtout d’en garantir la continuité.

Pour autant, la présente proposition de loi appelle plusieurs observations, car elle ne traite pas certaines problématiques récurrentes. Je pense en particulier à la situation de nos accompagnants d’élèves en situation de handicap. Chevilles ouvrières de l’école inclusive, ils sont devenus absolument indispensables. Leur nombre a d’ailleurs augmenté de 90 % depuis 2013.

Cependant, leur salaire est beaucoup trop faible, pour ne pas dire indécent au regard de leur engagement professionnel. Les formations proposées sont sommaires et les conditions de travail difficiles, notamment quand ils doivent intervenir dans plusieurs établissements éloignés les uns des autres.

Ainsi que le Défenseur des droits l’a rappelé à plusieurs reprises, notre pays n’est pas tout à fait à la hauteur des enjeux. Il est impératif de revaloriser ce métier essentiel et de poser les questions de fond, notamment la création d’un corps spécifique, revendication ancienne qui n’a toujours pas abouti malgré des années de mobilisation.

Un autre aspect majeur de cette proposition de loi est le remplacement des pôles inclusifs d’accompagnement localisés par les pôles d’appui à la scolarité.

Cette mesure d’origine gouvernementale pose question. La création des Pial est relativement récente : cinq années ne suffisent pas, me semble-t-il, pour mesurer tout l’apport d’un dispositif et en évaluer la pertinence.

Les Pial ne concernaient que les élèves en situation de handicap. N’aurait-il pas été plus judicieux de les ouvrir plus largement, notamment aux élèves à besoins éducatifs particuliers, plutôt que de créer ex nihilo un nouveau dispositif ?

Je ne voudrais pas conclure sans évoquer la situation des jeunes sourds. Comme tous les enfants présentant un handicap, ils doivent pouvoir accéder à une scolarité aussi normale que possible, avec des moyens adaptés. Nombre d’entre eux accèdent à la langue française parlée grâce à la langue française parlée complétée, un code manuel syllabique utilisé depuis plus de quarante ans, qui rend totalement intelligible la parole lue sur les lèvres.

Or l’absence de mention explicite de la langue française parlée complétée dans le code de l’éducation empêche le ministère de l’éducation nationale de déployer les ressources nécessaires dans l’environnement scolaire ordinaire. Entendons-nous bien, il s’agit non pas de matériel technique, mais bien d’une personne ayant reçu une formation professionnelle de codeur, de niveau bac+3.

J’avais déposé un amendement pour mettre fin à cette inégalité de traitement, les familles concernées étant contraintes de mobiliser des ressources associatives ou de recourir à un financement personnel. Celui-ci a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, au motif qu’il implique pour l’éducation nationale l’obligation de prévoir l’accessibilité à des matériels spécifiques dans ce langage. Cette décision absurde malmène tout simplement le principe d’égalité auquel nous sommes tous attachés.

Mesdames les ministres, j’en appelle à votre intervention pour que notre école s’ouvre bien à tous les enfants, notamment aux jeunes sourds, dans une logique inclusive.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra néanmoins ce texte, qui porte des avancées indéniables pour les enfants à besoins éducatifs particuliers. Nous resterons vigilants sur les points que j’ai évoqués. À nous, législateurs, d’être au rendez-vous pour que l’école inclusive soit non pas un vœu pieux, mais une réalité tangible. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE-K. – M. Laurent Somon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Vial. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’intitulé du texte que nous examinons, « proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins particuliers », est une promesse ambitieuse, à la hauteur des attentes des familles, mais aussi du défi républicain de l’égalité des chances.

Je salue tout particulièrement le travail de notre rapporteure, Catherine Belrhiti, et celui de la commission, qui a su transformer un texte aux objectifs modestes en un texte utile qui sera, je l’espère, un véritable levier pour atteindre nos objectifs communs.

Cependant, nous avons le devoir de l’amender encore pour qu’il réponde pleinement à son objet. Mesdames les ministres, en matière d’école inclusive, oui, nous avons mis des moyens, beaucoup de moyens, et pourtant les résultats ne sont pas à la hauteur de nos attentes. Pis, les tensions s’accroissent dans les classes.

M. Cédric Vial. Les enseignants sont en souffrance. Les AESH sont démunis et les enfants bénéficient trop souvent d’un accompagnement inadapté.

Notre boussole doit nous orienter vers les besoins des élèves, qui doivent être au centre de notre politique d’accompagnement, malgré la tentation d’une politique de répartition des moyens qui vient parfois s’imposer inopportunément.

N’oublions jamais que l’accompagnement doit poursuivre deux objectifs : favoriser les apprentissages et l’autonomie de l’élève.

Si un enfant perd du temps d’accompagnement par un AESH en raison d’un manque de moyens, alors c’est un échec, celui de notre système. Si un enfant perd du temps d’accompagnement par un AESH, parce qu’il n’en a plus besoin ou moins besoin, c’est un succès.

Le texte crée un nouveau dispositif, les pôles d’appui à la scolarité, au lieu et place des Pial. Cette transformation élargit leur mission à tous les enfants à besoins éducatifs particuliers. Alors que nous avions déjà les plus grandes difficultés à assurer un accompagnement adapté aux 513 000 enfants en situation de handicap, il est permis d’être dubitatif quant à la possibilité d’y arriver mieux en augmentant significativement le nombre d’enfants à prendre en charge, d’autant plus dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Nous y reviendrons, mais cela me fait penser à la fameuse histoire, bien connue dans nos montagnes alpines, de la marmotte qui met le chocolat dans le papier-alu… (Sourires.)

Je suis également inquiet de voir l’éducation nationale devenir à la fois prescriptrice et payeuse. Peut-on vraiment espérer une évaluation objective des besoins quand l’institution elle-même doit aussi équilibrer son budget ? Ce mélange des rôles présente un biais structurel potentiellement délétère. L’important travail réalisé par la commission permet de limiter ce risque sans pouvoir complètement l’éviter pour autant.

Notre responsabilité, ne l’oublions jamais, est de redonner du sens à ce que l’on appelle « l’école inclusive », en rappelant que chacun doit être à sa place selon ses besoins réels – c’est la clef –, en exigeant une accessibilité physique, matérielle et pédagogique, et en s’assurant que la compensation, notamment humaine, soit uniquement un levier et non un palliatif.

Cela passe par la formation des AESH avant leur prise de poste, par leur reconnaissance statutaire dans l’équipe pédagogique – ce texte leur accorde enfin cette avancée importante – et par une meilleure évaluation des besoins avec des référentiels communs, notamment pour les MDPH.

Oui, nous avons besoin d’un pilotage renforcé ; oui, nous devons accompagner les enfants avec humanité et discernement. Ce texte, si nous l’améliorons ensemble, peut représenter un pas utile, mais le travail n’est pas fini. Madame la ministre, j’attends que le ministère de l’éducation nationale reprenne la main pour mieux organiser, mieux former, mieux évaluer et surtout mieux accompagner.

C’est à la manière dont une société traite ses enfants, notamment les plus fragiles d’entre eux, que l’on peut juger de son humanité. (Applaudissements.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers
Article 1er (suite)

Article 1er

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 112-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le respect du secret professionnel et médical, il est instauré un outil numérique de partage des informations entre les professionnels intervenant auprès d’un enfant à besoins éducatifs particuliers ou en situation de handicap, le personnel chargé du temps périscolaire lorsque la situation de l’enfant le nécessite, ainsi que ses représentants légaux afin de lui garantir la continuité de son suivi tout au long de sa scolarité.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’accès à cet outil, les informations qu’il contient ainsi que leur délai de conservation. » ;

2° La neuvième ligne du tableau du second alinéa du I de l’article L. 165-1 est ainsi rédigée :

 

«

L. 112-2

Résultant de la loi n° … du … visant à renforcer le parcours inclusif des enfants à besoins éducatifs particuliers

» ;

3° (nouveau) Après le troisième alinéa de l’article L. 917-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont membres de l’équipe pédagogique. »

M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.

M. Yan Chantrel. La France s’est engagée à garantir l’égalité des droits et des chances des personnes en situation de handicap, conformément à la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies, qu’elle a ratifiée en 2010. Cet engagement doit s’appliquer à l’ensemble de ses ressortissants, y compris ceux qui résident à l’étranger.

Plusieurs des amendements que j’avais déposés sur ce texte ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution ; or les familles françaises vivant hors de France rencontrent des obstacles majeurs lorsqu’elles souhaitent assurer la scolarisation de leurs enfants en situation de handicap dans un établissement du réseau de l’enseignement français à l’étranger.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Tout à fait !

M. Yan Chantrel. L’absence de personnels formés, le coût parfois prohibitif de l’accompagnement qu’elles doivent assurer elles-mêmes et le vide juridique entourant la reconnaissance du handicap à l’étranger créent de profondes différences.

Il est urgent de mettre fin à une inégalité systémique entre les enfants en situation de handicap, selon qu’ils résident en France ou à l’étranger, et d’assurer la continuité du service public pour celles et ceux qui passent de l’un à l’autre.

J’avais déposé deux amendements en ce sens, l’un visant à inscrire dans le code de l’éducation l’obligation de recrutement d’AESH dans les établissements directement gérés par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’autre visant à confier à l’AEFE une mission de formation, de coordination et de gestion de ces AESH. Malheureusement, ces deux amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

Madame la ministre, au nom de toutes les familles et de tous les enfants établis hors de France, qui attendent de pouvoir suivre une scolarité égale à celle de tous les autres, je vous demande de vous engager à créer un cadre juridique clair pour assurer le recrutement, le financement, la formation et la reconnaissance des accompagnants d’élèves en situation de handicap dans les établissements scolaires français à l’étranger, en vous appuyant sur l’expertise de l’AEFE.

J’aurai tout de même l’occasion de défendre un amendement sur ce sujet dans la suite de la discussion. (Mme Colombe Brossel applaudit.)