M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, déposée par l’ancienne ministre Prisca Thevenot, visait à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail.
Certainement en écho aux injonctions au réarmement démographique du président Emmanuel Macron, ce texte a souhaité s’attaquer à un sujet sérieux, dans un contexte de baisse de la natalité.
De fait, on constate un écart entre le nombre d’enfants désirés, qui s’établit à plus de 2 enfants par couple, et l’indicateur conjoncturel de fécondité, qui est de 1,62 enfant par femme. Cet écart témoigne des obstacles que rencontrent les couples pour concrétiser leur projet parental.
Cette situation conduit de nombreux couples à se tourner vers les techniques d’assistance médicale à la procréation ou à entrer dans un parcours d’adoption.
Or ces démarches constituent des parcours complexes, longs, physiquement et émotionnellement éprouvants et difficilement conciliables avec les exigences du monde professionnel.
Elles induisent des absences ou des retards au travail et entraînent une fatigue et des douleurs qui affectent les capacités, donc la productivité du salarié.
Dans ce contexte, l’ancienne ministre chargée du renouveau démocratique a déposé une proposition de loi qui prévoyait d’étendre la protection contre les discriminations au motif du « projet parental » et ajoutait explicitement celui-ci à la liste des motifs interdits de discrimination.
En commission, l’auteure a dû réécrire intégralement son texte, puisque, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, non seulement le code du travail prévoit déjà l’application des dispositions protectrices spécifiques à la grossesse aux femmes bénéficiant d’un parcours de PMA, mais la rédaction d’origine était moins protectrice que la jurisprudence en la matière.
Elle a donc transformé la proposition de loi en étendant le bénéfice des dispositions protectrices aux conjoints.
L’extension aux conjoints de la protection des salariés contre les discriminations est en soi une bonne chose. Cette protection permet aux salariés de bénéficier des autorisations d’absence, donc d’améliorer l’implication des partenaires dans le projet parental.
Cependant, elle est déjà reconnue par la jurisprudence ! Au final, le texte ne crée donc pas de droits nouveaux pour les conjoints.
En réalité, cette proposition de loi a une portée essentiellement symbolique : elle inscrit dans le droit du travail une protection, en espérant que cela fera évoluer les mentalités plus rapidement dans les entreprises.
Toutefois, je tiens à préciser que cette protection ne sera effective que si elle s’accompagne d’un renforcement des capacités de contrôle de l’inspection du travail, ce qui, à ma connaissance, n’est pas prévu à ce jour.
En conclusion, le groupe CRCE-K votera, sans illusion et sans passion, en faveur de ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à mieux protéger des discriminations au travail les personnes engagées dans un parcours d’adoption ou de procréation médicalement assistée.
Le texte prévoit d’étendre aux hommes engagés dans un projet parental dans le cadre d’une AMP et aux personnes qui adoptent les dispositions protectrices qui existent dans le code du travail pour les femmes enceintes et les femmes en parcours AMP.
Nous approuvons surtout l’article 2, qui permettra aux hommes salariés suivant des traitements de bénéficier d’autorisations d’absence, aux femmes salariées d’accompagner leur conjoint recevant de tels traitements et aux personnes en parcours d’adoption de prendre part aux entretiens obligatoires à l’obtention de l’agrément.
Dans une perspective féministe, rappelons que l’infertilité est autant féminine que masculine, mais que ce sont les femmes qui doivent principalement assumer ses conséquences…
Cet article, en donnant une valeur législative aux autorisations d’absence des agents publics prévue par la circulaire du 24 mars 2017 relative aux autorisations d’absence dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, permettra un alignement des droits des agents publics sur ceux des salariés du secteur privé.
À cet égard, nous partageons la remarque que nous avons entendue lorsque nous avons auditionné la direction générale de l’administration et de la fonction publique, à savoir que ces dispositions qui enrichissent le code du travail doivent trouver leurs modalités d’inclusion dans le code de la fonction publique.
En effet, dans le code du travail, ces dispositions s’appuient déjà sur le principe que toute décision en matière de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation ne peut être prise sur le fondement du sexe, de la grossesse ou de la situation de famille.
Nous voterons cette proposition de loi. Notons néanmoins l’absence de contentieux qui l’aurait rendue nécessaire ! Nous devons encore et toujours veiller à ne pas rendre la loi bavarde. Notre rôle de législateur est d’éviter des lois peu pertinentes, car non justifiées par une nécessité législative.
Le texte présenté a d’ailleurs fait l’objet d’une réécriture complète à l’Assemblée nationale à la suite des auditions de la direction générale du travail et de la Défenseure des droits, qui ont fait valoir que la création d’un critère spécifique de discrimination était inutile et pourrait même s’avérer contre-productive.
De fait, on compte déjà vingt-cinq critères de discrimination interdits par la loi, dont plusieurs couvrent le projet parental. Par exemple, la cour d’appel de Douai a reconnu une discrimination liée à l’état de santé à une salariée inscrite dans un parcours d’AMP qui s’était vu reprocher ses absences par son employeur – la cour a condamné la société employeuse pour ce motif.
Attention à ne pas multiplier inutilement les motifs de discrimination, lesquels peuvent déjà être inclus dans une discrimination déjà énoncée – et jugée comme telle, à l’instar de la discrimination spécifique qui nous réunit aujourd’hui.
Bien que l’air du temps soit au « réarmement démographique », la motivation de cette proposition de loi doit rester de permettre aux personnes qui le souhaitent de mener à bien un projet parental.
À cet égard, ce texte s’insère implicitement dans ce que le Président de la République a nommé le « tabou du siècle » : l’infertilité masculine et féminine.
Je tiens d’ailleurs à dire que le tabou entoure aussi certaines des causes de ce mal ! En effet, il y a parmi celles-ci des facteurs environnementaux, à l’image de l’exposition aux perturbateurs endocriniens, à la pollution atmosphérique, aux métaux lourds, aux solvants et aux pesticides.
Dans un contexte de régression environnementale et sanitaire et de libération des règles encadrant l’usage des pesticides, au mépris des avis des agences de sécurité sanitaire française et européenne, qui alertent sur les conséquences de ces décisions sur la fertilité, la suppression des zones à faibles émissions, qui limitaient la pollution atmosphérique, nous semble, de ce point de vue, devoir être dénoncée.
Cela étant rappelé, nous voterons évidemment cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n’ai toujours pas compris si cette proposition de loi créait réellement quelque chose de nouveau.
J’ai entendu nombre de mes collègues dire qu’elle était avant tout symbolique. Si j’ai bien saisi, elle permettra tout de même aux conjoints de bénéficier d’autorisations d’absence.
J’ai entendu plusieurs fois qu’elle allait bénéficier aux hommes qui accompagnent une compagne ou une épouse en parcours d’AMP, mais je tiens à rappeler qu’elle profitera aussi aux femmes qui se trouvent dans cette situation d’accompagnement – « les salariés » peuvent aussi bien être des hommes que des femmes.
Je précise, du reste, que les dispositions du texte ne concernent pas les personnes en parcours de gestation pour autrui (GPA), dont je rappelle qu’elle est illicite dans ce pays. J’en profite pour dire une nouvelle fois que nous sommes hostiles à l’exploitation reproductive du corps des femmes.
Cela étant dit, cette proposition de loi est assez symptomatique de ce que fait le Parlement depuis quelques mois : examiner des propositions de loi en attendant que le Gouvernement lui soumette des projets de loi.
Nous allons bien entendu voter celle qui nous est présentée ce soir. Nous, socialistes, sommes toujours favorables à tout ce qui vise à protéger et à conforter les droits des salariés !
Mais, aux députés qui ne sont pas à court d’initiatives pour protéger les femmes, en particulier les mères, au travail, je voudrais rappeler que la maternité nuit encore aujourd’hui à 74 % des femmes au travail, et particulièrement aux femmes ouvrières, puisque seulement 54 % de celles qui ont un enfant travaillent, contre 74 % pour celles qui n’en ont pas.
Faire progresser l’environnement de la maternité, ce n’est pas de faire de la cosmétique avec le code du travail ! C’est garantir des horaires adaptés aux deux parents ; c’est développer des modes de garde ; c’est protéger les crèches, contrairement à ce qui se passe, par exemple, dans mon département du Val-de-Marne, où le conseil départemental ferme des crèches départementales dans de nombreuses communes. J’en profite pour dire au Gouvernement que les élus sont très préoccupés par ces fermetures de crèche, qui vont impacter les femmes et les couples qui travaillent !
Le Gouvernement a été saisi de ce sujet par les maires. Nous espérons qu’il réagira et viendra au secours de ces communes, qui souhaitent développer le meilleur environnement pour les parents et pour les mères qui travaillent.
S’intéresser au travail des femmes, c’est aussi, bien sûr, s’intéresser au travail des femmes cadres, qui sont plus de 40 % à avoir indiqué qu’elles avaient réduit leur temps de travail une fois devenues mères, et s’intéresser à la situation et à la condition sociale des femmes ouvrières, préoccupation qui me paraît souvent absente des nombreuses propositions de loi cosmétiques que nous voyons arriver ici.
Je souhaitais interpeller le Gouvernement à ce sujet. Madame la ministre, préoccupez-vous de l’accueil des jeunes enfants ! Préoccupez-vous des crèches, notamment de celles du Val-de-Marne !
Bien entendu, nous voterons cette proposition de loi. En réalité, je ne vois vraiment pas comment nous pourrions voter contre…
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bourcier.
Mme Corinne Bourcier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en principe, je ne suis pas particulièrement favorable à l’idée d’étendre sans cesse les motifs de discrimination possibles dans la loi. Si toutes les formes de discrimination doivent être activement et fermement combattues dans toutes les sphères de la vie, y compris la sphère professionnelle, je pense que les formulations prévues par le code du travail devraient rester suffisamment larges pour couvrir un maximum de cas.
Vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, vingt-sept motifs de discrimination sont aujourd’hui listés dans l’article du code du travail concerné. Pourtant, il en manque encore certainement ! Les motifs de discrimination possibles au travail sont si nombreux qu’ils ne pourront jamais tous figurer dans la loi.
Celle-ci prévoit déjà, par exemple, que la situation familiale, la grossesse ou l’état de santé ne peuvent faire l’objet de discriminations au travail.
Néanmoins, il est des cas particuliers qui nécessitent un traitement particulier. Je pense notamment à la grossesse, qui fait légitimement l’objet de dispositions spécifiques, mais aussi aux procédures d’AMP et d’adoption.
Ces deux procédures sont l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
La particularité de ces procédures, qui sont de vrais parcours du combattant pour ceux et celles qui s’y engagent, est qu’elles nécessitent de nombreux rendez-vous tout au long du processus. Ainsi, qui dit AMP dit examens, traitements, interventions, attente entre chaque étape de la procédure, qui, au total, peut durer deux ans, voire plus. Comme certaines femmes ont pu en témoigner, « l’AMP prend toute la place ».
Si ces procédures empiètent pleinement sur la vie personnelle, elles prennent aussi de la place dans la vie professionnelle : tous les rendez-vous médicaux ne peuvent pas toujours être organisés en dehors du temps de travail. C’est une réalité.
Il existe un régime d’autorisations d’absence des salariés qui leur permet de se rendre à ce type de rendez-vous médicaux sur leur temps de travail, mais le faire jouer est de nature à rendre le projet de parentalité du salarié ou de la salariée décelable par l’employeur.
C’est pourquoi la présente proposition de loi prévoit de protéger contre les discriminations les salariés ayant un projet parental d’AMP ou d’adoption de la même manière que les femmes enceintes.
À mon sens, la protection contre les discriminations liées à la situation familiale pourrait s’appliquer aux situations d’adoption ou d’AMP. À cet égard, si nous soutenons le dispositif de l’article 1er, ce n’est cependant pas dans celui-ci que réside, à nos yeux, le véritable intérêt du texte.
Ce dernier présente surtout l’intérêt d’étendre aux hommes le bénéfice des autorisations d’absence pour leur permettre de se rendre à des rendez-vous médicaux dans le cadre d’une AMP, et non plus seulement à titre d’accompagnant de leur partenaire.
Je rappelle que, dans le cadre d’une procédure d’AMP, les hommes aussi peuvent avoir à subir des examens ! C’est donc une question d’équité entre les femmes et les hommes que de reconnaître aux salariés des deux sexes cette possibilité d’absence.
La proposition de loi étend aussi ces autorisations d’absence pour les rendez-vous organisés dans le cadre d’une procédure d’adoption.
Par ailleurs, elle étend aux agents publics le système d’autorisations d’absence, dans le cadre d’une adoption comme d’une AMP, prévu pour les salariés du privé.
Notre groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra évidemment ces dispositifs.
Plus largement, je souhaite, pour terminer, rappeler qu’il est toujours difficile aujourd’hui pour une femme, dans certains milieux professionnels et dans certaines entreprises, d’être enceinte ou en congé de maternité. Cela aussi est une réalité !
Pour certaines d’entre elles, cette situation se traduit encore par une mise en retrait au sein de l’entreprise. D’autres, avant même de subir une éventuelle discrimination, ressentent une appréhension, voire une crainte profonde à l’idée d’annoncer leur grossesse à leur employeur et de partir en congé.
Pourtant, la loi les protège. Au-delà de modifications législatives, c’est donc encore sur les mentalités et les pratiques qu’il faut agir.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre Richer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus de 3 millions de Français et de Françaises sont directement touchés par l’infertilité dans notre pays. Un couple sur quatre en désir d’enfant ne parvient pas à concevoir après douze mois d’essai, selon les données de l’Institut national d’études démographiques (Ined) et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
S’il relève de l’intime, ce sujet est aussi un enjeu de société et de santé publique majeur, qui a des conséquences certes individuelles, mais aussi collectives, économiques, sociales et démographiques.
L’infertilité touche autant les hommes que les femmes. Ses causes sont multiples et en partie méconnues. L’âge est un facteur important pour les deux partenaires, et on peut regretter un réel manque d’information sur ce point. Les couples n’ont pas forcément le sentiment d’une urgence, alors que l’horloge biologique réduit rapidement leur possibilité d’avoir un enfant. Sont également mis en cause les modes de vie moderne, le tabagisme, la pollution de l’environnement et les perturbateurs endocriniens, ce qui pourrait expliquer que les personnes concernées soient de plus en plus jeunes.
Cette situation conduit de nombreux couples à se tourner vers les techniques d’assistance médicale à la procréation ou à entrer dans un parcours d’adoption.
Depuis la naissance d’Amandine, en 1982, premier « bébé-éprouvette » né en France par fécondation in vitro (FIV), la procréation médicalement assistée s’est largement développée grâce à la recherche médicale : 10 % à 15 % des couples y ont recours, et près d’un bébé sur trente naît aujourd’hui grâce à la cette technique.
Ces chiffres illustrent des chemins de vie souvent douloureux. Une tentative d’AMP ne conduit à une grossesse que dans 20 % des cas. Les parcours durent souvent plusieurs années. La plupart du temps, ils s’achèvent lorsque le nombre de tentatives prises en charge par la sécurité sociale est épuisé, soit six inséminations et quatre FIV.
Le sujet reste tabou et, derrière ces chiffres, la réalité vécue par les couples est toujours largement méconnue.
Le couple entre généralement dans une démarche d’AMP après une série d’examens concluant à une infertilité, dont l’annonce représente une première épreuve.
La procédure d’AMP est ensuite particulièrement lourde, surtout pour la femme, aussi bien physiquement que psychologiquement. Une fois la démarche engagée, il lui faut subir une série d’examens invasifs et de traitements hormonaux très contraignants, dont des piqûres quotidiennes, afin de procéder à une stimulation ovarienne, dans le but de prélever des ovocytes, puis une implantation d’un ou plusieurs embryons, quand il s’agit d’une FIV.
Tout au long du parcours, qui dure parfois de nombreuses années, des difficultés peuvent survenir, éprouvant le couple et le soumettant au doute et au découragement.
Ce parcours demande une grande disponibilité et entraîne une fatigue physique et psychique que la femme doit parvenir à concilier avec sa vie professionnelle, sans que son entourage, bien souvent, le sache.
Aussi notre droit a-t-il évolué afin de protéger ces femmes dans le cadre de leur travail. Le texte que nous examinons aujourd’hui représente une étape de cette évolution. Il comporte peu de mesures, le droit français étant déjà très protecteur.
Toutefois, il apparaît nécessaire de préciser plusieurs points, ce que le texte présenté par la députée Prisca Thevenot rend possible. Il a été réécrit en ce sens par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.
Actuellement, un ensemble de protections est garanti par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé pour toute femme engagée dans un parcours d’AMP.
Au même titre que la femme enceinte, cette dernière ne peut pas subir de discrimination à l’embauche et ne saurait être ni licenciée ni mutée. En cas de litige sur ces points, il appartient à l’employeur de communiquer les éléments qui justifient sa décision : il a la charge de la preuve.
L’article 1er de la proposition de loi, d’une part, étend le champ des discriminations à la rémunération, la formation, l’affectation, la qualification, la classification ou la promotion professionnelle. D’autre part, il élargit le bénéfice de cette protection aux hommes amenés à bénéficier de traitements médicaux dans le cadre d’une AMP ainsi qu’aux parents engagés dans un parcours d’adoption, puisqu’ils forment un projet parental ponctué de nombreuses démarches administratives.
Ces avancées consacrent à mon sens une approche véritablement égalitaire de la parentalité.
Cette préoccupation se retrouve également dans le régime des absences des salariés concernés.
Le code du travail prévoit déjà qu’une femme peut se rendre aux examens médicaux obligatoires liés à l’assistance médicale à la procréation. Son conjoint, partenaire de Pacs ou concubin bénéficie, afin de l’accompagner, de trois autorisations d’absence par protocole engagé.
Cependant, là encore, ces droits ne visent pas les hommes en cours de traitement. L’article 2 prévoit donc explicitement qu’un homme pourra bénéficier des mêmes absences rémunérées. Et, fait également nouveau, il pourra être accompagné de son épouse, de sa partenaire de Pacs ou de sa concubine.
De même, à l’article 1er, le texte étend le périmètre de l’autorisation d’absence aux couples en voie d’adoption, lorsque ceux-ci doivent prendre part aux entretiens obligatoires nécessaires à l’obtention d’un agrément.
L’article 2, enfin, permet aux agents publics de bénéficier du même régime de protection que les salariés du secteur privé.
Ces dispositions semblent aller de soi, mais il ne faudrait pas minimiser leur importance. Par peur d’évoquer un sujet tabou, de nombreux couples choisissent le silence et se trouvent en difficulté pour justifier leurs absences dans leur milieu professionnel. Le présent texte, au-delà de sa portée juridique, vise à libérer la parole.
Je tiens à saluer l’écoute et le travail de la rapporteure, dont il s’agit du premier rapport, qui laisse le texte inchangé afin de faciliter son adoption rapide.
Cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. J’espère, sans en douter réellement, après avoir entendu les précédentes interventions, qu’il suivra la même voie ce soir, traduisant ainsi notre volonté de permettre à chacun de réaliser son projet de parentalité dans des conditions sereines et favorables à la natalité.
Notre groupe apportera bien évidemment son soutien à ce texte qui s’inscrit pleinement dans notre vision d’une société plus humaine et, comme vous l’avez rappelé, chère madame Petrus, plus juste. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi visant à lutter contre les discriminations dont peuvent être victimes les personnes engagées dans un projet parental, que ce soit par un parcours de procréation médicalement assistée ou dans le cadre d’une procédure d’adoption.
Je tiens à saluer d’abord le travail de ma collègue députée, Prisca Thevenot, à l’origine de ce texte qui répond à une réalité sociale souvent invisibilisée.
Il me semble opportun de le rappeler ici : notre société connaît un véritable bouleversement des schémas familiaux dits traditionnels. Or ces évolutions sont à la fois positives et porteuses de défis en matière de politique familiale.
Il n’existe plus aujourd’hui un seul modèle, mais bien une pluralité de schémas, incluant par exemple des familles recomposées ou monoparentales, qui présentent chacun des besoins propres.
Mon collègue Xavier Iacovelli a exprimé plusieurs fois sa volonté de lancer un grand plan national des familles, afin de remettre en question la pertinence de nos politiques publiques, encore trop souvent calquées sur un modèle unique et qui ne tiennent pas suffisamment compte des réalités et des besoins spécifiques de ces nouvelles configurations familiales.
Notre pays connaît un déclin démographique, incontestable. En 1973, la France enregistrait 888 000 naissances, contre seulement 663 000 en 2024, soit une baisse de 25 % en cinquante ans.
Le Président de la République a parlé d’un besoin de « réarmement démographique ». Et il a raison : il est temps d’agir, et nous pensons que ce texte s’inscrit pleinement dans cette logique. Derrière cette baisse, en effet, il y a aussi une réalité médicale souvent tue : celle de l’infertilité.
Aujourd’hui, un couple sur six consulte pour des difficultés à concevoir. En 2022, 158 000 tentatives d’assistance médicale à la procréation ont été réalisées, aboutissant à près de 28 000 naissances. Autrement dit, presque un enfant sur trente en France est aujourd’hui issu d’un parcours d’AMP.
Soyons clairs : les femmes sont majoritairement concernées par ce processus de projet parental.
Non seulement ce sont elles qui, pour l’essentiel, subissent les injections, les rendez-vous médicaux à répétition, les effets secondaires, mais elles sont aussi les plus touchées en matière de discriminations professionnelles. Or c’est précisément ce problème que nous touchons du doigt par ce texte.
L’article 1er inscrit dans la loi l’interdiction de toute discrimination fondée sur l’existence d’un tel projet, envers tant les hommes que les femmes.
C’est une disposition que le droit actuel couvre déjà, en pratique, mais il nous paraît bienvenu à tous, au regard des discussions en commission et de l’absence d’amendements en séance, de l’affirmer clairement dans la loi.
Ce geste législatif, en effet, même s’il est symbolique, envoie un signal fort aux employeurs : celui du respect de tous les parcours parentaux, sans exception.
L’article 2, quant à lui, étend le bénéfice des autorisations d’absence aux hommes, et non plus seulement aux femmes, lorsqu’ils sont engagés dans une procédure d’adoption.
C’est un ajustement simple, qui va dans le sens de l’égalité entre les sexes, du partage des responsabilités parentales et d’une prise en compte réaliste des évolutions familiales.
En effet, si notre code du travail protège aujourd’hui les femmes enceintes, il reste encore des zones grises pour celles et ceux qui suivent un protocole d’AMP ou un processus d’adoption.
Quelques jours d’absence sont parfois autorisés, mais il n’existe aucune garantie contre un licenciement déguisé, une mutation subie ou une promotion qui s’éloigne.
Cette proposition de loi est également un impératif d’égalité entre les femmes et les hommes, car ce sont une fois encore les femmes qui paient le prix fort dans leur corps, dans leur emploi et dans leur avenir professionnel.
C’est aussi un enjeu d’émancipation, parce que le travail reste un levier d’indépendance, de liberté et de dignité. Or il est inacceptable que le choix de devenir parent, surtout par des voies aussi exigeantes, soit un frein à l’épanouissement professionnel.
Mes chers collègues, par l’adoption de cette proposition de loi, protégeons celles et ceux dont le projet parental passe par un parcours long, incertain et médicalisé, en leur évitant cette double peine, à savoir subir en outre de possibles discriminations à l’emploi. (Mme la rapporteure applaudit.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail
Article 1er
(Non modifié)
I. – (Supprimé)
II. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° L’article L. 1225-3-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1225-3-1. – Les articles L. 1225-1 à L. 1225-3 et L. 1142-1 sont applicables aux salariés engagés dans un projet parental dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation définie à l’article L. 2141-1 du code de la santé publique ou d’une adoption au sens du titre VIII du livre Ier du code civil. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – À la première phrase de l’article L. 622-1 du code général de la fonction publique, après le mot : « parentalité », sont insérés les mots : « , notamment les autorisations d’absence prévues à l’article L. 1225-16 du code du travail, ».
II. – L’article L. 1225-16 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, au début, les mots : « La salariée » sont remplacés par les mots : « Les salariés » et le mot : « bénéficie » est remplacé par le mot : « bénéficient » ;
2° Au troisième alinéa, après la première occurrence du mot : « ou », sont insérés les mots : « de la personne » ;
3° Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés engagés dans une procédure d’adoption, au sens du titre VIII du livre Ier du code civil, bénéficient d’autorisations d’absence pour se présenter aux entretiens obligatoires nécessaires à l’obtention de l’agrément prévu à l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles. Le nombre maximal d’autorisations d’absence est défini par décret. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble