PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme
Article 2

Article 1er

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 132-19 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;

b) Les deuxième à dernier alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine inférieure ou égale à deux ans d’emprisonnement, elle peut décider, dans les conditions mentionnées à l’article 132-25, que cette peine fera l’objet de l’une des mesures d’aménagement prévues aux sous-sections 1 et 2 de la section 2 du présent chapitre. » ;

c et d) (Supprimés)

2° Après le mot : « loi », la fin de l’article 711-1 est ainsi rédigée : « n° … du … visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Par le présent amendement, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose au rétablissement des courtes peines de prison.

Le « tout carcéral » promu dans cette loi est un non-sens total, en particulier dans les conditions de détention actuelles. Selon les chiffres donnés ce matin par le ministère de la justice, le nombre de détenus dans les prisons françaises au 1er juin dernier s’élevait à 84 447, pour 62 539 places opérationnelles. La densité carcérale globale est donc de 135 %, alors qu’elle était de 124 % au 1er mars 2024. Elle dépasse même les 200 % dans quinze établissements ou quartiers pénitentiaires.

Or les personnes incarcérées pour de courtes peines le sont dans des maisons d’arrêt, où la surpopulation est la plus critique.

Cette vision va également à rebours de toutes les études scientifiques démontrant que les courtes incarcérations sont inefficaces : 62 % des détenus condamnés à moins de six mois de prison récidivent dans les cinq ans. Cette politique est contre-productive.

Les courtes peines de prison désocialisent, fragilisant la situation des condamnés : perte d’emploi, de logement ou de liens familiaux. Elles alimentent en ce sens la machine à récidive.

Pour ces raisons, mon groupe propose la suppression de l’article 1er.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Madame la sénatrice, vous voulez supprimer l’article 1er. La majorité d’entre nous part du constat que le « bloc peine », issu de la réforme de 2019, a été l’un des facteurs de la surpopulation carcérale, que vous déplorez à juste titre. Revenir sur cette mesure permettrait justement d’éviter d’aggraver le phénomène.

En effet, si nous analysons bien les quanta, nous nous rendons compte que l’augmentation des peines prononcées depuis l’entrée en vigueur de la loi de programmation a été assez significative, conséquence directe du « bloc peine ». Certaines peines de plus de six mois mériteraient peut-être d’être ramenées en dessous de ce seuil, étant donné que le juge prononce des peines lourdes pour contourner le dispositif de 2019 et éviter ainsi d’éventuels aménagements. Cette situation est source de surpopulation carcérale.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la présidente de la commission des lois, j’ai bien entendu vos propos et je puis comprendre votre étonnement. Je ne manquerai pas de transmettre le message non pas au conseil des ministres – n’allons pas si loin ! –, mais au ministre chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement veillera à ce que les choses se fassent dans l’ordre.

En ce qui concerne le présent amendement, mon avis se fondera sur la même justification que celle de M. le rapporteur.

À la tribune tout à l’heure, le garde des sceaux a annoncé qu’il lançait une réforme, absolument nécessaire, portant sur les peines – Dieu sait que nous attendons un texte en ce sens depuis longtemps ! –, sachant qu’une modification du code de procédure pénale est déjà engagée, à droit constant. La démarche du ministre est la bienvenue.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je m’étonne que le Sénat valide le contournement par les juges de la loi de 2019 ! À partir du moment où le Parlement a décidé de ce dispositif, augmenter les peines pour refuser, en tout état de cause, leur aménagement me semble quelque peu pervers. Mais peut-être les moyens manquent-ils ?

Il n’est pas normal que ce constat soit votre argument principal, monsieur le rapporteur, pour refuser la suppression de l’article. Ma foi, je comprends que l’on rejette l’amendement en raison de divergences d’ordre philosophique, mais je ne puis certainement pas entendre une motivation fondée sur des contournements. Cette explication me paraît non recevable.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Peut-être me suis-je mal exprimé : le juge ne contourne pas la loi. Celle-ci est simplement mal faite !

Si, en fonction de la gravité des faits et de la personnalité de leur auteur, le juge estime qu’une peine d’emprisonnement ferme de trois ou de quatre mois est plus adaptée qu’un aménagement, alors rendons-lui, grâce à ce texte, la liberté de le décider ! À l’heure actuelle, il est dans l’impossibilité de le faire, d’où le fait non pas qu’il contourne la loi, mais qu’il prononce des peines plus fortes pour avoir la certitude que le justiciable ira directement en prison.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement de Guy Benarroche et du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vise à maintenir l’interdiction des peines de prison ferme inférieures à un mois, telle qu’elle est prévue à l’article 132-19 du code pénal.

L’emprisonnement de courte durée ne permet pas de mettre en place un suivi structuré des condamnés et la surpopulation carcérale actuelle réduit totalement leurs opportunités de travail, de formation et de soutien social. Les personnes détenues se retrouvent donc en situation de sortie sèche après leur libération, ce qui est le plus grave des facteurs de récidive et de retour vers l’environnement délinquant.

J’y insiste, une peine d’un mois exécutée en maison d’arrêt n’a aucun effet dissuasif ni éducatif. Elle ne permet ni suivi, ni accompagnement, ni préparation à la sortie. Ces peines très courtes sont contre-productives, coûteuses et ne favorisent en rien la réinsertion. Leur exécution dans des conditions dégradées – je pense à la surpopulation carcérale – renforce même les risques de récidive.

La courte peine de prison ferme va aussi à rebours du principe de l’individualisation de la sanction. Le Gouvernement avait lui-même validé ce constat dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dans laquelle il était réaffirmé que la privation de liberté devait rester l’exception et les mesures alternatives la norme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Entendons-nous bien : la commission vise non pas à rendre systématique l’application de courtes peines, mais à lever l’interdiction de prison ferme qui a été intégrée à la loi en 2019.

Je vous rejoins sur un autre point, madame la sénatrice : pour certaines personnes, les courtes peines peuvent être désocialisantes. Le constat est clair.

Par conséquent, il faut examiner le profil, la gravité des faits et le parcours de vie du justiciable : dans quel contexte la sanction intervient-elle ? Le juge de fond doit apprécier tous ces critères. Lui laisser la liberté de prononcer une peine de prison ferme de quinze jours ou de trois semaines, parce qu’il considère que cette sanction sera suffisante et que la réinsertion sera ensuite garantie, le justiciable ayant compris le message, me paraît utile.

Avant d’être ministre, vous étiez, monsieur Buffet, président de la commission des lois du Sénat. Je cite le rapport législatif sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, que vous aviez rendu : « Des condamnations à des peines d’emprisonnement effectives, courtes, intervenant plus tôt dans le parcours des délinquants, peuvent être efficaces si elles sont exécutées dans des établissements présentant un degré moindre de sécurisation et donc de coût. » Votre analyse de 2019 me semble toujours valable.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Sur le fond, je ne changerai pas un mot à la phrase de mon rapport ! (Sourires.)

Tel est l’état d’esprit du garde des sceaux : laisser au magistrat la liberté totale d’adapter la peine à la personne qui se trouve en face de lui. Une peine extrêmement courte, voire exécutée en semi-liberté, ne serait-ce que huit jours, peut être beaucoup plus efficace, selon le public concerné, qu’une peine de quatre mois ou de longue durée. Ne privons pas nos magistrats de cette possibilité !

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, vous ne devez pas ignorer la situation de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, qui se trouve dans la circonscription où nous avons été élus. La surpopulation y est telle que les personnes détenues restent presque un mois, au lieu de huit à dix jours, dans le quartier des arrivants. (M. le ministre acquiesce.)

Les condamnés à des peines d’emprisonnement de courte durée seraient envoyés là. Même si le juge devrait analyser le profil du justiciable et sa capacité à subir le choc de l’incarcération, ce dernier ne saurait être évité : il est vécu dès le quartier des arrivants. En effet, au lieu d’être seuls dans leur cellule, les condamnés s’y retrouvent à deux ou à trois.

Surtout, à Lyon-Corbas comme dans de nombreux centres de détention, les condamnés à des peines de moins d’un mois d’emprisonnement stationneraient dans ce quartier avant d’en ressortir illico. Voulez-vous d’une telle situation ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre. Sans vouloir m’exprimer sur des sujets qui excèdent mes prérogatives, permettre de courtes peines d’emprisonnement est une question de principe. Le magistrat en décidera avec une grande liberté.

Rendre possibles de telles peines se fera à une condition : la diversification des lieux privatifs de liberté. Le garde des sceaux en est parfaitement conscient. Il a annoncé il y a plusieurs semaines déjà cet objectif. Le Gouvernement développe une stratégie en ce sens, car il faut prendre la question dans sa globalité.

Cette manière de procéder me semble la bonne. Je l’affirme non pas pour des raisons circonstancielles, mais par conviction.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

L’article 132-25 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 132-25. – Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine inférieure ou égale à deux ans d’emprisonnement, elle peut décider que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur, lorsque le condamné justifie :

« 1° Soit de l’exercice d’une activité professionnelle, même temporaire, du suivi d’un stage ou de son assiduité à une formation ou à la recherche d’un emploi ;

« 2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de l’existence d’efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

« Le présent article est également applicable aux peines d’emprisonnement partiellement assorties d’un sursis ou d’un sursis probatoire, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans.

« Dans les cas prévus au présent article, la juridiction de jugement peut ordonner le placement ou le maintien en détention du condamné dans les conditions prévues aux articles 397-4 et 465-1 du code de procédure pénale dès lors qu’elle assortit sa décision de l’exécution provisoire. Le juge de l’application des peines fixe les modalités d’exécution de la mesure dans un délai de cinq jours ouvrables, dans les conditions prévues à l’article 723-7-1 du même code. »

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Par cet amendement, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vise à supprimer l’article 2. Celui-ci porte atteinte au principe de subsidiarité lors du prononcé d’une courte peine d’emprisonnement ferme, en limitant la possibilité d’avoir recours à un aménagement aux conditions mentionnées.

Par cet amendement, nous nous opposons à la vision démagogique selon laquelle les magistrats seraient laxistes. Nous demandons qu’ils puissent conserver leur libre arbitre lors de la décision de recours à un aménagement de peine. L’aménagement est non pas une atténuation de la peine ou une faveur faite aux personnes condamnées sous couvert de laxisme judiciaire ; c’est une autre modalité d’exécution de la peine.

Les substituts à l’incarcération sont plus efficaces en matière de réinsertion et de prévention de la récidive que les courtes peines d’emprisonnement. Même si un vent de contestation de la science souffle actuellement, plusieurs études ont montré que des mesures comme la détention à domicile sous surveillance électronique ou la semi-liberté réduisaient le risque de récidive.

Ainsi, une étude réalisée en 2017 par Anaïs Henneguelle et Benjamin Monnery a prouvé que le placement sous surveillance électronique, bien qu’il soit imparfait, réduit de 10 % à 12 % le risque de récidive dans les cinq ans. Les sanctions alternatives et les peines en milieu ouvert sont aussi jugées plus efficaces pour prévenir la réitération des infractions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Cet article vise à réintroduire dans la loi les critères d’aménagement de peine qui étaient en vigueur avant 2019. Il n’a pas pour objet les aménagements ab initio.

Il me paraît tout à fait surprenant que quelqu’un qui ne fait pas l’effort de comparaître à son audience peut aujourd’hui bénéficier d’un aménagement de peine systématique. Il me semble également tout à fait regrettable que le juge de fond soit obligé de prononcer des aménagements de peine alors même qu’il est engorgé par les dossiers.

Il me semble que la césure temporelle entre la détermination de la culpabilité de l’individu, l’exécution de la peine et son éventuel aménagement peut être bénéfique. Le juge d’application des peines a cinq jours après la condamnation pour se prononcer sur l’aménagement : un choc carcéral d’une durée équivalente suffit parfois à faire comprendre à un individu qu’il ne doit pas récidiver.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Mon analyse est exactement la même. En outre, en l’absence d’étude d’impact, il est impossible de mesurer les conséquences d’une telle modification législative. Dans un domaine aussi sensible que celui de la sanction pénale, nous avons besoin de disposer d’un peu de recul.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 132-25 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les trois occurrences des mots : « six mois » sont remplacées par les mots : « un an » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « six mois » sont remplacés par les mots : « un an » ;

b) Les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans ».

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019, de nombreux juristes ont souligné l’existence d’un décalage entre les mécanismes d’aménagement ab initio et post-sentenciel.

Actuellement, une peine de plus d’un an d’emprisonnement, mais de moins de deux ans, n’est pas aménageable directement par le tribunal correctionnel. En revanche, elle le devient dès l’entrée en détention, car le juge de l’application des peines peut accorder un aménagement pour les peines inférieures à deux ans. Cette situation multiplie les procédures inutiles et retarde l’aménagement et l’exécution des peines.

Cet amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vise donc à rehausser les seuils d’aménagement des peines d’emprisonnement ab initio, en les portant à un an pour un aménagement obligatoire et à deux ans pour un aménagement quasi obligatoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Sur le fond, vous allez, par cet amendement, totalement à l’encontre de l’article 1er que le Sénat vient d’adopter.

Au-delà, la commission est partie du constat du véritable échec du « bloc peine » de 2019 : les aménagements, rendus quasi systématiquement obligatoires pour les peines de moins d’un an, aggravent la surpopulation carcérale. Pourtant, vous souhaitez faire passer le seuil d’un an à deux ans !

L’effet sera le même. Peut-être sera-t-il même démultiplié : le juge souhaitera, tout compte fait, condamner un justiciable non pas à deux ans d’emprisonnement, mais à deux ans et un mois, pour s’assurer de l’exécution de la peine de prison ferme. L’adoption de cet amendement aurait donc un effet délétère sur la surpopulation carcérale ;

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, MM. Bilhac, Daubet, Fialaire, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset et Mme Pantel, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer le mot :

essentielle

par le mot :

utile

La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.

Mme Sophie Briante Guillemont. L’alinéa 4 donne la possibilité au juge, lorsque celui-ci prononce des peines de prison inférieures ou égales à deux ans, d’aménager la peine, dès lors que le condamné justifie d’une participation « essentielle » à la vie de la famille. Ce terme nous semble trop restrictif. Nous proposons de le remplacer par « utile ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Au-delà du débat sémantique, ce terme a servi de référence aux magistrats de 2009 à 2019. Il donnait alors pleine satisfaction, le juge y trouvant une certaine liberté pour prononcer, ou non, l’aménagement de peine en fonction de la situation familiale de l’individu.

Par ailleurs, la Cour de cassation pourrait faire de votre amendement une interprétation différente ; les effets seraient alors contraires à votre intention.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Là encore, une analyse plus approfondie, singulièrement une étude d’impact, serait la bienvenue.

Il faudrait mesurer davantage les conséquences d’une telle modification. De prime abord, elle paraît sympathique, mais en réalité, elle ouvre complètement le dispositif avec tous les risques, d’effets de bord ou de changements de jurisprudence que cela entraîne, comme le soulignait M. le rapporteur.

Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Briante Guillemont, M. Fialaire, Mmes Pantel et Jouve et MM. Masset, Laouedj, Guiol, Daubet, Bilhac et Grosvalet, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° Soit de tout autre élément permettant d’apprécier ses efforts d’insertion ou de réinsertion.

La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont.

Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le ministre, nous aurions bien aimé disposer d’une étude d’impact sur l’ensemble du texte ! Il est peu incohérent de votre part de formuler une telle remarque…

L’amendement n° 1 rectifié a pour objet la liste des éléments permettant de justifier l’aménagement de peine. Dans la rédaction actuelle, les efforts de réadaptation doivent être « sérieux » et la réadaptation elle-même doit résulter « d’une implication durable dans un projet caractérisé d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive ».

Cette formulation nous paraît là encore trop restrictive. Nous proposons une rédaction qui laisserait une plus grande marge de manœuvre aux magistrats.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Madame la sénatrice, la rédaction que vous proposez est imprécise. Elle encourt, selon moi, deux critiques.

Premièrement, elle ne respecte pas le principe constitutionnel de légalité : vous donnez aux juges une liberté excessive, qu’eux-mêmes ne revendiquent pas. Ils attendent au contraire de la part du législateur de la clarté et, surtout, de la stabilité.

Deuxièmement, le flou de votre formule risque malheureusement d’entraîner une inflation de recours et de pourvois à n’en plus finir, notamment auprès de la Cour de cassation : un condamné pourra toujours soutenir qu’il a donné à la juridiction des éléments qui, à ses yeux, sont totalement satisfaisants pour témoigner de ses efforts d’insertion ou de réinsertion.

Même si telle n’est pas votre volonté, je crains fort que l’adoption de votre amendement ne conduise à l’embolie des juridictions.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Même avis défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

I. – L’article 464-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » et le mot : « doit » est remplacé par le mot : « peut » ;

a bis) (nouveau) Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Soit, s’il ne dispose pas des éléments lui permettant de se prononcer sur un aménagement de la peine au regard des critères mentionnés aux articles 132-19 et 132-25 du code pénal ou en cas de non-comparution du prévenu, ordonner que le condamné soit convoqué devant le juge de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation conformément aux articles 474 et 723-15 du présent code, sans préjudice de la possibilité pour le juge de l’application des peines de décider d’une libération conditionnelle ou d’une conversion, d’un fractionnement ou d’une suspension de la peine ; »

b) À la première phrase du 3°, les mots : « , si l’emprisonnement est d’au moins six mois, » sont supprimés ;

c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le tribunal motive sa décision au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que par référence aux justifications mentionnées à l’article 132-25 du code pénal. » ;

2° Le II est abrogé ;

3° À la fin du III, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;

(Supprimé)

bis (nouveau). – À la première phrase du premier alinéa des articles 474 et 723-15 du code de procédure pénale, après le mot : « tribunal », sont insérés les mots : « a fait application du 2° du I de l’article 464-2 ou s’il ».

II. – (Non modifié) Le début du premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme, en Nouvelle-Calédonie… (le reste sans changement). »