M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille (proposition n° 829, résultat des travaux de la commission n° 837, rapport n° 836).
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre de cette nouvelle lecture, l'objectif pour le Gouvernement est toujours de rapprocher l'élection des maires de Paris, Lyon et Marseille du droit commun, afin d'améliorer la vie démocratique dans notre pays – en l'occurrence, celle de près de 3 millions de nos concitoyens.
Avant d'entrer dans la discussion, je veux saluer les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale, Lauriane Josende et Jean-Paul Mattei, pour le travail mené sur ce texte et pour la sérénité dont ils ont fait preuve. (Mme Valérie Boyer et M. Guy Benarroche s'exclament.)
Je souhaite également remercier les forces politiques de Paris, Lyon et Marseille, qui ont accepté le dialogue, même si le résultat de ces échanges a été inégalement constructif.
Certains débats, que les intervenants soient pour ou contre la réforme,…
M. Guy Benarroche. Il y avait des gens pour ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué. … furent très utiles. D'autres furent plus fermés et parfois polémiques.
La responsabilité du Gouvernement est de faire fonctionner les institutions… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Francis Szpiner. Quel humour !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. … et de permettre l'examen et le vote, par la représentation nationale, des textes dont elle est saisie. C'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui.
Sur le fond, le Gouvernement, à l'écoute des débats à l'Assemblée nationale et au Sénat, a cherché à faire progresser le rôle des maires d'arrondissement, dans l'hypothèse, assez théorique, où ils ne siégeraient pas en mairie centrale. Il a aussi répondu précisément aux préoccupations sur la stabilité du corps électoral sénatorial.
M. Guy Benarroche. On ne s'en est pas rendu compte !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Cette réflexion itérative nous a conduits à prendre deux engagements.
Premièrement, nous avons lancé une mission flash sur la définition des compétences des mairies d'arrondissement. La demande formulée en ce domaine est légitime, dans la mesure où, depuis 1982, aucun texte législatif ne fixe ce cadre de travail.
M. Guy Benarroche. Nous voilà rassurés…
M. Patrick Mignola, ministre délégué. Par ailleurs, nous proposerons un projet de loi organique sur le mode d'élection des sénateurs, visant à adapter les règles de désignation du corps électoral. Nous veillerons à ce que ce dispositif soit effectif dès les élections sénatoriales de 2026.
Notre volonté constante reste bien de proposer aux habitants de Paris, Lyon et Marseille un mode de scrutin plus clair et lisible, en leur laissant un double choix : celui de leur maire d'arrondissement, soit le maire de la proximité, et celui de la mairie centrale, soit l'incarnation politique et stratégique de la ville.
Nous assurons ainsi plus de clarté… (Exclamations ironiques sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Guy Benarroche. Pour être clair, c'est clair !
M. Patrick Mignola, ministre délégué. … et laissons aux citoyens une liberté de choix supplémentaire.
Si 90 % des habitants sont en faveur de cette réforme,…
M. Francis Szpiner. C'est faux !
M. Guy Benarroche. Vous avez fait un sondage ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué. … je perçois bien que l'adhésion à ce projet est moins forte du côté des élus en place.
Dans ces conditions, il incombe au Gouvernement d'accompagner ce mouvement, dans le respect des convictions et des opinions de chacun, dans l'esprit de nos institutions et de l'essence du débat parlementaire. (Exclamations.)
M. Guy Benarroche. Au moins, c'était court !
Mme Catherine Di Folco. Ce fut bref : deux minutes !
Mme Valérie Boyer. Le service minimum !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Lauriane Josende, rapporteure de commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà de nouveau réunis pour l'examen, en nouvelle lecture, de la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille.
Il y a un peu plus d'un mois de cela, le Sénat rejetait massivement ce que certains ont qualifié de réforme « ni faite ni à faire », élaborée sans la moindre concertation avec les élus locaux concernés, par 218 voix contre et seulement 97 voix pour.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses difficultés soulevées par cette proposition de loi. Je les ai déjà longuement exposées : entrée en vigueur tardive, risques juridiques, coût financier ou encore quasi-suppression des arrondissements, alors que les citoyens sont attachés à cet échelon de proximité.
À la suite du rejet du texte pourtant très net au Sénat, le Gouvernement a annoncé son souhait de convoquer une commission mixte paritaire (CMP), dans l'espoir que les deux chambres parviennent à un accord.
Aussi, j'ai échangé avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, Jean-Paul Mattei, dans un esprit constructif – voilà qui dément les propos qui ont pu être formulés dans cet hémicycle.
Mme Valérie Boyer. Très bien !
Mme Lauriane Josende, rapporteure. Certains ont en effet sous-entendu que ces échanges n'étaient pas de bonne foi et que les propositions n'avaient pas été examinées très longtemps.
Face aux nombreuses difficultés mises en lumière par le Sénat durant l'examen du texte en première lecture, le rapporteur de l'Assemblée nationale a formulé plusieurs propositions d'évolution, que j'ai considérées avec attention.
Il a ainsi suggéré, avant d'y renoncer, d'écarter Lyon du champ de la réforme, compte tenu des difficultés particulièrement importantes qu'y poserait son application en raison de l'organisation de trois scrutins simultanés pour les élections métropolitaines.
Surtout, il proposait de désigner les maires d'arrondissement comme membres de droit des conseils centraux, afin d'éviter que certains arrondissements ne soient pas représentés au sein du conseil municipal et soient donc privés de la possibilité de relayer les difficultés rencontrées sur leur territoire auprès de l'instance décisionnaire de la collectivité.
Ces propositions ne m'ont toutefois pas parues de nature à emporter l'adhésion du Sénat.
D'une part, elles ne résolvaient pas l'ensemble des difficultés soulevées par la proposition de loi, tant s'en faut : rupture d'égalité avec les autres communes, en raison de l'application d'une prime majoritaire dérogatoire de 25 % ; risque d'atteinte à la lisibilité du scrutin ; coût financier ; problèmes pratiques d'organisation de plusieurs élections.
D'autre part, ces propositions me semblaient particulièrement fragiles sur le plan juridique, notamment en ce qui concerne l'intégration de droit des maires d'arrondissement au sein des conseils municipaux.
Cette proposition avait un but louable, à savoir éviter une déconnexion entre la mairie centrale et les arrondissements. Toutefois, elle aurait conduit à faire coexister, au sein de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale, des membres élus à l'échelle des communes et des membres désignés, bien qu'ils soient élus à l'échelle de leur arrondissement.
Une telle évolution me semble particulièrement sensible eu égard au principe de libre administration des collectivités territoriales. Les conflits de légitimité qui auraient pu découler de la coexistence de deux catégories de membres auraient également créé de nouvelles difficultés.
En raison de la persistance de nombreuses difficultés, il ne nous a pas été possible de proposer un texte de compromis aux membres de la CMP, laquelle n'a donc pu trouver d'accord.
Contrairement à ce que certains ont pu dire, cette CMP n'a en aucun cas été torpillée par le Sénat. Une fois constatée l'absence d'accord entre mon homologue de l'Assemblée nationale et moi-même, aucun autre membre de la commission n'a souhaité prendre la parole. Cela nous a conduits à clore la réunion, alors même que la présidente, Muriel Jourda, continuait à inviter les uns et les autres à s'exprimer.
À la suite de cette CMP non conclusive, le Gouvernement annonçait son souhait de poursuivre la navette parlementaire et d'inscrire le texte en nouvelle lecture avant la fin de la session extraordinaire. Puis, nous avons appris que l'examen du texte en lecture définitive, à l'Assemblée nationale, aurait lieu demain matin, en dépit d'un rejet plus que massif par la Chambre des territoires.
Je regrette donc profondément ce passage en force du Gouvernement, alors que celui-ci s'était engagé à ne pas persévérer en cas de désaccord entre les deux assemblées. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, GEST et RDSE. – M. Ian Brossat applaudit également.)
Interrogé à ce sujet par Mathieu Darnaud le 19 février dernier, le Premier ministre s'était en effet engagé à ne pas passer outre l'avis de la chambre des territoires, en déclarant : « Seul le Parlement sera souverain – pas le Gouvernement ! Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'un accord soit trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat. »
Cet engagement a par la suite été réitéré par vous-même, monsieur le ministre, lors de l'examen en première lecture de la présente proposition de loi au Sénat. Interrogé sur la question d'une éventuelle poursuite de la navette parlementaire, vous aviez déclaré : « Le Gouvernement va prendre une décision en concertation avec les deux assemblées et les groupes parlementaires qui les composent. Ce sera forcément une décision collective. »
Force est de constater qu'aucun de ces engagements n'a été tenu, puisque le Gouvernement a décidé d'aller jusqu'au bout et de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale, passant outre la position du Sénat.
Au vu de ces éléments, mes chers collègues, la commission des lois ne peut que vous inviter à rejeter, une nouvelle fois, cette proposition de loi.
Comme je vous l'ai indiqué précédemment, aucune des difficultés évoquées dans mon rapport n'a été résolue depuis la première lecture et la réforme demeure toujours contestable à tout point de vue.
Seul un amendement substantiel a été adopté à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à aligner la prime majoritaire pour l'élection des conseillers communautaires sur celle qui est prévue pour l'élection des conseillers municipaux. Il n'empêche que tous les autres problèmes évoqués sont restés sans réponse.
De plus, les élus locaux concernés, presque unanimement opposés à la réforme envisagée, n'ont, en dépit de mon alerte, toujours pas été consultés par ceux qui soutiennent cette proposition de loi et qui veulent passer outre le rejet massif du Sénat.
La chambre des territoires ne peut toujours pas accepter une réforme touchant aux collectivités territoriales qui a été construite sans consultation ni prise en compte des attentes exprimées par les élus locaux.
Pour l'ensemble de ces raisons, mes chers collègues, la commission des lois vous invite à rejeter de nouveau ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SER, GEST et CRCE-K. – Mme la présidente de la commission des lois applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mise en place dans le cadre des lois de décentralisation, la loi de 1982 dite PLM – Paris, Lyon, Marseille – était défendue par Gaston Defferre, alors ministre de l'intérieur.
Elle visait à adopter une organisation électorale spécifique pour les élections municipales des trois plus grandes villes françaises. L'idée était de rapprocher les élus des citoyens en créant des mairies d'arrondissement ou de secteur : les électeurs votent pour les membres du conseil d'arrondissement, qui élisent ensuite les membres du conseil municipal.
Dans toute loi, il y a le fond et la forme. Sur la forme, ce texte devait prospérer à la condition qu'il soit adopté par les deux chambres. C'était même l'engagement quasi solennel du Premier ministre. Cependant, malgré le rejet du Sénat, le Gouvernement souhaite poursuivre l'adoption d'un texte qui ne fait pas consensus, loin de là, surtout parmi les élus concernés.
Le 24 juin dernier, la commission mixte paritaire n'a pas été conclusive. Le texte finira donc sa course – puisqu'il s'agit bien d'une course ! – par une dernière lecture à l'Assemblée nationale. Ainsi, le Gouvernement n'aura pas tenu compte du vote du Sénat, qui représente pourtant les collectivités territoriales.
Ce texte n'est pas un projet de loi. Il n'est donc assorti d'aucune étude d'impact sérieuse de nature à éclairer le débat, qui aurait sans doute permis de se mettre d'accord sur un constat.
En outre, nous ne disposons d'aucune visibilité financière sur les conséquences de cette réforme.
Enfin, ce texte arrive trop tard. Chacun observe et reconnaît une forme de précipitation, à quelques mois des municipales.
Mme Valérie Boyer. Eh oui !
M. Pierre-Jean Verzelen. Sur le fond, si chacun peut approuver le principe selon lequel les citoyens ont tous une voix de même valeur, nombre de questions restent en suspens.
Pendant des décennies, la vie locale de Paris, Lyon et Marseille s'est structurée autour des arrondissements. Ces derniers sont devenus, au fil des années, des échelons de proximité privilégiés et identifiés par les habitants.
La présente proposition de loi va modifier en profondeur un mode de scrutin qui s'applique depuis plus de quarante ans et remettre en cause des organisations et des mécaniques de travail entre les arrondissements et les conseils municipaux.
Ce texte ne dit rien de l'avenir des maires d'arrondissement. Pourtant, ces derniers doivent être représentés au sein du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille. On pourrait donc se retrouver dans des situations contre-productives, voire ubuesques, où des maires d'arrondissement pourraient ne même pas siéger au sein du conseil municipal de la ville.
Mme Valérie Boyer. En effet, c'est n'importe quoi !
M. Pierre-Jean Verzelen. Nous sommes bien évidemment opposés à cette évolution, qui n'assurerait plus de représentation systématique.
En créant une rupture nette entre conseil d'arrondissement et conseil de mairie centrale, le texte déconnecte les mairies de Paris, de Lyon et de Marseille de leurs relais locaux.
Par ailleurs, le texte, prétendument motivé par un retour au droit commun, prévoit une prime aux vainqueurs de 25 %, contre 50 % pour toutes les autres communes de France.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. C'est pour le RN et LFI !
M. Pierre-Jean Verzelen. Quid de l'égalité devant la loi électorale et de l'objectif de simplification affiché lorsque l'on propose un double scrutin pour les Parisiens et les Marseillais, et même un triple scrutin pour les Lyonnais ?
Je ne puis m'empêcher de faire le parallèle entre cette proposition de loi et la modification du mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants : tout cela a été réalisé dans la précipitation, sans tenir compte des habitudes, des spécificités et du mode d'organisation dans les communes rurales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, GEST et SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Alors que notre pays traverse une phase d'instabilité politique et budgétaire, nous considérons que, en l'absence de consensus – celui-ci paraît très loin –, cette réforme n'est pas urgente et mériterait plus de concertation avec les acteurs concernés.
Comme tout le monde, nous aurions aimé une réforme d'ampleur ambitieuse, partagée et concertée, qui repense le mode de scrutin et les compétences, pour assurer plus de proximité. Nous en sommes bien loin !
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la quasi-intégralité du groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer la mémoire d'Olivier Marleix. De nombreux hommages sont venus de toutes les travées de cet hémicycle, ce qui est bien normal, compte tenu de son parcours.
Olivier Marleix était un profond humaniste, un homme de conviction, avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler ces dernières années, notamment lorsque j'étais députée. Je tenais à le dire à son frère, à son père et à sa famille, dans l'enceinte du Parlement qu'il aimait tant. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous sommes de nouveau rassemblés aujourd'hui pour examiner, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, après un large rejet du Sénat et l'échec de la CMP.
En février dernier, le Premier ministre avait déclaré : « Je n'imagine pas qu'un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu'un accord soit trouvé entre l'Assemblée nationale et le Sénat. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Comme l'a justement rappelé le président Larcher, il nous semble que les conditions d'un accord ne sont pas aujourd'hui réunies. Il serait préférable de prendre le temps de poursuivre le dialogue avec les parlementaires et les élus locaux.
Pourtant, le Gouvernement veut de nouveau passer en force, faisant fi de la position de la chambre haute et de son président.
Comme je l'avais déjà précisé en première lecture, nous partageons tous ici l'intérêt démocratique de faire évoluer la loi de 1982. En revanche, nous n'approuvons pas le contenu du présent texte et, surtout, le calendrier incertain concernant sa mise en œuvre, moins d'un an avant les municipales. Nous déplorons également les méthodes non consensuelles qui ont été employées.
L'objectif de cette proposition de loi serait de rendre l'élection du maire plus lisible et démocratique. De grâce, cessons de vouloir faire croire que le maire sera directement élu par les Français : cela n'a jamais été le cas ! D'ailleurs, le scrutin électoral à Paris, Lyon et Marseille est doublement démocratique, puisque l'on vote pour le maire de secteur et le maire de la mairie centrale, en toute transparence.
J'ajoute que, si Benoît Payan est devenu maire de Marseille, c'est uniquement à la suite d'accords ou de pressions électorales avec l'écologiste Michèle Rubirola,…
M. Éric Kerrouche. Allez !
Mme Marie-Arlette Carlotti. Mais non !
Mme Valérie Boyer. … qu'il a évincée, et non par la volonté directe des Marseillais, avec ou sans loi PLM.
Plus grave encore, la présente réforme va rendre le processus impossible à organiser et à comprendre. À ce stade, il n'existe aucun consensus politique, dans aucune des trois villes, métropoles et départements concernés.
Ainsi, même si je crois qu'une réforme est possible, nous avons clairement un problème de méthode. Nous déplorons notamment le caractère précipité du calendrier : nous sommes maintenant tout proches des élections municipales.
Pis encore, alors que nous réclamons depuis des années un renforcement des compétences des mairies de secteur, notamment à Marseille, ce texte va les dévitaliser. Je rappelle que, à Marseille, les maires de secteur sont largement sollicités. Ils jouent un rôle central de proximité et gèrent une partie de l'état civil, de l'animation et des équipements de proximité.
Marseille est une ville immense. Ainsi, le secteur dont j'ai été maire, actuellement géré par Sylvain Souvestre, au demeurant élu démocratiquement et de façon transparente, possède un nombre d'habitants équivalent à la ville de Perpignan.
Une telle réforme ne peut se faire de manière précipitée. De grâce, ouvrons un grand chantier après les municipales de 2026, afin d'aboutir à un consensus.
Enfin, cessons de vouloir faire croire que les Parisiens, les Marseillais et les Lyonnais font de ce sujet une urgence ou une priorité. Mis à part la proximité, ils ne sont pas d'accord avec le texte que nous examinons.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Boyer. Les Français attendent que nous trouvions des solutions face aux difficultés, dans de nombreux domaines – économie, sécurité, immigration, pouvoir d'achat –, sans faire de tripatouillage électoral au moyen d'un texte mal ficelé, qui, en plus de susciter discorde et incompréhension, supprime la proximité tant réclamée par les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions. – Mme Colombe Brossel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille.
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, maintenue par le Gouvernement à l'agenda parlementaire en dépit de l'échec de la commission mixte paritaire.
Cette réforme n'est ni une nouveauté idéologique ni un caprice politique. Elle répond à un constat simple : le système électoral actuel, hérité de la loi PLM de 1982, a produit des effets démocratiquement discutables,…
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Lesquels ?
Mme Solanges Nadille. … et cela dès l'origine. À Paris, comme à Marseille, l'histoire électorale montre que l'on peut devenir maire sans majorité des voix exprimées à l'échelle de la ville. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, GEST et SER.)
Mme Catherine Di Folco. C'est faux !
M. Francis Szpiner. Surtout à Paris !
Mme Colombe Brossel. Cessez de mentir !
Mme Solanges Nadille. À Lyon, comme dans d'autres communes où s'applique ce système dérogatoire, la lisibilité du scrutin reste difficilement accessible à la plupart des électeurs.
Dans une grande commune, un maire ne peut durablement tirer sa légitimité d'un cumul d'arrondissements ; il faut un vote clair des citoyens.
Cette proposition de loi rétablit une règle simple : un électeur, une voix. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle permet à chacun de voter distinctement pour son maire d'arrondissement ou de secteur, ainsi que pour l'équipe municipale candidate à la mairie centrale.
Mme Valérie Boyer. Et alors ?
Mme Solanges Nadille. Ce n'est pas une recentralisation, c'est une clarification.
Mme Valérie Boyer. Pas du tout ! C'est la fin de la proximité.
Mme Solanges Nadille. Ce n'est pas une atteinte à la démocratie locale, c'est une exigence de lisibilité et d'égalité.
Mme Colombe Brossel. Quelle blague !
Mme Solanges Nadille. En supprimant le fléchage automatique, en ajustant la prime majoritaire et en modernisant les tableaux de répartition des sièges, ce texte aligne les trois plus grandes villes françaises sur le droit commun applicable à toutes les autres communes.
M. Mathieu Darnaud. Non, ce n'est pas le droit commun !
Mme Solanges Nadille. Les critiques d'ordre calendaire sont nombreuses, mais elles ne peuvent constituer un point bloquant ou une remise en cause de la pratique républicaine. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)
En effet, aucune règle constitutionnelle ou légale n'interdit d'adopter une réforme dans le délai envisagé, comme l'ont prouvé d'autres textes récents, y compris en matière électorale, adoptés dans cet hémicycle et promulgués dans l'année précédant un scrutin. Ce qui compte, c'est de définir des règles claires, appliquées de façon transparente. Le moment de la réforme n'est pas trop tardif : le vrai risque, c'est de ne rien faire.
Les levées de boucliers face à cette réforme sont aussi parfois nourries de divergences locales ou d'intérêts tactiques.
Mme Valérie Boyer. C'est faux !
Mme Solanges Nadille. Mais comment justifier le maintien d'un système électoral inégalitaire et confus, uniquement parce qu'il sert temporairement certaines configurations politiques ?
Mme Colombe Brossel. C'est l'hommage du vice à la vertu !
Mme Solanges Nadille. Comment expliquer que l'on se réclame de la proximité et du suffrage universel tout en refusant de donner à chaque citoyen la possibilité de désigner clairement le maire de sa ville ?
Le groupe RDPI soutient cette réforme depuis le début. Elle est attendue, équilibrée et démocratiquement fondée.
La stabilité ne peut être un prétexte à l'immobilisme. Nous sommes favorables à cette évolution et sommes par ailleurs attachés à l'idée de renforcer, à terme, le rôle et les moyens des mairies d'arrondissement, dans le cadre d'un travail approfondi sur les compétences locales.
Ce travail devra bel et bien être entrepris. Toutefois, il ne saurait être un préalable ou, pire, un prétexte pour avancer sur ce premier pilier démocratique. (Mme Valérie Boyer s'exclame.)
Ce texte, qui concerne directement près de 3,5 millions de nos concitoyens, mérite un débat à la hauteur de l'enjeu démocratique qu'il représente.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, il m'appartient de m'exprimer au nom du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) sur cette nouvelle lecture de la proposition de loi Maillard.
Je l'avoue sans ambages, au regard du contexte de son examen, cet exercice est peu enthousiasmant : quatre minutes pour une intervention en séance publique, c'est très court, même si cela peut parfois sembler une éternité. (Sourires.)
J'ai été tentée de reprendre in extenso l'intervention que j'avais prononcée le 3 juin dernier. Si j'ai renoncé à cette solution de facilité, je ne retirerai pas pour autant un mot des critiques que j'avais alors formulées à l'encontre de ce texte bâclé et juridiquement fragile.
Je confirme derechef ma surprise de le voir inscrit à l'ordre du jour de manière pour le moins cavalière. J'y insiste : cette proposition de loi porte atteinte à la stabilité du droit électoral dans l'année qui précède un scrutin.
Bien que le Conseil constitutionnel se soit toujours refusé à ériger cette règle en principe fondamental reconnu par les lois de la République, je me plais à rêver d'une évolution jurisprudentielle qui permettrait de mettre un terme à ces changements de mode de scrutin au gré d'intérêts inavouables. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée et M. Francis Szpiner applaudissent.)
Et diable, n'invoquez pas l'argument de l'anomalie démocratique d'un mode de scrutin qui n'a pourtant pas empêché les alternances politiques à Paris, en 2001, à Marseille, en 1995 et en 2020, et à Lyon en 1995, en 2001 et en 2020 !
Au-delà de ces critiques, permettez-moi d'exprimer ma déception, voire mon courroux. La détermination est une qualité en politique, mais il n'en va pas de même de l'entêtement.
Je dénonce l'entêtement du Gouvernement, alors même que le Premier ministre, pourtant reconnu pour son sens du compromis et de la conciliation, s'était engagé à ne pas poursuivre l'examen de ce texte sans l'aval de la chambre haute, laquelle représente, dois-je le rappeler, à la fois la Nation et les territoires.
D'aucuns se cacheraient-ils derrière la volonté du peuple pour légiférer ? Alors que l'inflation galope toujours, que les Français s'inquiètent à juste titre de la situation internationale alarmante, des droits de douane aux incidences considérables pour l'Union européenne et des économies auxquelles nous serons tous contraints de contribuer, grosses fortunes, retraités, salariés ou élus, afin de redresser les comptes publics, on voudrait nous laisser croire que nos concitoyens s'intéressent au changement de mode de scrutin à Paris, à Lyon et à Marseille. Et un 9 juillet ! Mais de qui se moque-t-on ?
Avant d'invoquer la parole des Français, encore faudrait-il commencer par respecter la volonté de leurs représentants (Mmes Valérie Boyer et Marie-Claire Carrère-Gée applaudissent.). Il conviendrait également de ne pas faire preuve de mépris envers tous ceux qui vous ont alertés sur les lacunes de ce texte et envers tous ceux qui auront à mettre en œuvre ce changement, monsieur le ministre.
Le 3 juin dernier, en guise de conclusion, je regrettais que le général de Gaulle n'ait pas, en son temps, suivi Michel Debré, qui défendait la constitutionnalisation du mode de scrutin.
Aujourd'hui, qu'en est-il des comptes de campagne ? Qu'en est-il des trois scrutins qui se dérouleront dans la métropole de Lyon ? Comment seront gérés les rapports entre les conseils d'arrondissement et les conseils municipaux ?
Autant de zones de flou qui m'incitent, avec un zeste de provocation, mais un réalisme cruel, à citer Martine Aubry. Celle-ci aimait à rappeler que, selon sa grand-mère, « quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup ».
Si les promoteurs de ce texte comptent sur le Conseil constitutionnel pour clarifier la situation, ils ajoutent la désinvolture à l'amateurisme, au détriment de la représentation nationale et des électeurs.
Dans ces conditions, je voterai contre ce texte. Mes collègues du RDSE, en revanche, useront de leur liberté de vote. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER et Les Républicains.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté ce soir en nouvelle lecture fait l'objet d'une réelle opposition au sein de notre assemblée.
Mérite-t-il une telle dramaturgie, marquée par l'échec de la CMP qui en a débattu le 24 juin dernier et par son rejet en commission des lois hier ? Il ne me semble pas.
Peut-être est-ce là le sort de tout texte législatif ayant pour objet le mode d'élection municipale à Paris, Lyon et Marseille ? Après tout, nous débattons d'une proposition de loi visant à modifier la loi du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale. Souvenons-nous que, à l'époque, celle-ci avait déjà été adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale, après une CMP non conclusive et un rejet par le Sénat.
Ce qui nourrit le plus ma perplexité est la composition de la coalition qui s'oppose à ce texte : celle-ci réunit, d'une part, les héritiers de parlementaires qui, opposés dès 1982 au mode de scrutin actuel, avaient même formé un recours infructueux devant le Conseil constitutionnel, tout en revendiquant un système tel que celui qui nous est proposé aujourd'hui ; et, d'autre part, les descendants de ceux qui, en 1999, réclamaient une modification de cette même loi de 1982, afin d'obtenir une déconcentration des pouvoirs.