M. le président. La parole est à M. Jean Bacci, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié ter.
M. Jean Bacci. Mon amendement est quasi identique, dans son objet, à l’amendement n° 26 rectifié quinquies de ma collègue Sylviane Noël et qui a été adopté avant la suspension.
Il vise à ce que le temps d’absence légal d’un élu municipal soit assimilé à une durée de travail effective pour la détermination du droit aux prestations sociales « et des avantages sociaux tels que définis par voie réglementaire ».
Il serait souhaitable que ce principe soit inscrit dans le CGCT, en complément de l’article L. 2123-8 du même code.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 46 rectifié quinquies.
M. Loïc Hervé. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 214 et 237 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Comme le rappelle l’objet même de ces amendements, l’article L. 2123-8 du CGCT interdit à tout employeur de prendre en considération les absences des salariés titulaires d’un mandat local pour arrêter ses décisions en ce qui concerne l’octroi des avantages sociaux.
Il n’est donc pas utile de mentionner à nouveau, dans un article du même chapitre de ce code, que les salariés élus locaux ne peuvent pas, au regard de la loi, être pénalisés pour l’octroi d’avantages sociaux du fait de leurs absences au travail pour l’exercice de leur mandat local.
Je sais, chers collègues, que j’ai dit la même chose tout à l’heure et que vous ne m’avez pas cru ! Néanmoins, je le répète encore une fois : il n’est pas nécessaire d’ajouter cette disposition.
Ces amendements étant déjà satisfaits, j’en sollicite le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Même avis : retrait, sinon avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 rectifié quater, 38 rectifié ter et 46 rectifié quinquies.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 9 bis, modifié.
(L’article 9 bis est adopté.)
Après l’article 9 bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 rectifié bis est présenté par Mme Romagny, M. J.B. Blanc, Mme Herzog, MM. Henno, Cambier et Genet, Mme Guidez, M. Duffourg, Mme Billon, MM. Menonville, Milon et Parigi, Mme Morin-Desailly, M. Courtial, Mme Saint-Pé, MM. Delcros, Lemoyne et Bruyen et Mmes Jacquemet et Antoine.
L’amendement n° 234 est présenté par Mme Demas.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 9 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le titre II du livre Ier de la première partie du code du travail, il est inséré un titre … ainsi rédigé :
« Titre…
« Garanties accordées aux salariés titulaires d’un mandat municipal
« Chapitre unique
« Art. L. …. – Dans l’exercice de leur activité professionnelle, les salariés titulaires d’un mandat municipal bénéficient des dispositions de la section 1 du chapitre III du titre II du livre premier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié bis.
Mme Anne-Sophie Romagny. Le présent amendement vise à rendre plus lisibles auprès des directions des ressources humaines les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives aux garanties accordées aux titulaires de mandats municipaux en créant un article de renvoi au sein du code du travail.
Cet amendement est rédigé de manière que la référence ainsi créée ne soit pas exclusive d’autres dispositions ou droits dont peuvent bénéficier les élus municipaux.
M. Éric Kerrouche, rapporteur. Madame Romagny, la commission comprend votre souci. Néanmoins, votre amendement a exactement le même objet que la création d’un renvoi au sein du code du travail vers les dispositions du CGCT pour mettre en avant les garanties des salariés élus locaux, notamment en ce qui concerne leur droit à absences et les garanties qui y sont liées, qui vient d’être adoptée à l’article 9 bis.
Votre amendement est donc redondant avec ces dispositions que nous venons de voter.
De plus, il tend à insérer ces dispositions à un autre endroit du code, ce que nous estimons moins favorable et moins lisible – il n’est pas utile de créer un titre entier pour un seul article.
Nous partageons votre préoccupation, mais, dès lors que votre demande est satisfaite, nous sollicitons le retrait de votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre. Madame la sénatrice, comme M. le rapporteur, nous comprenons très bien le souci qui est le vôtre de viser juste et de viser simplement.
Dans le même temps, nous souhaitons que la rédaction des codes soit aussi simple que possible, et la demande que vous formulez est d’ores et déjà satisfaite.
Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement.
M. le président. Madame Romagny, l’amendement n° 7 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Anne-Sophie Romagny. J’entends les arguments de lisibilité ; ils m’importent. Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié bis est retiré.
Article 10
I. – La première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Le chapitre unique du titre II du livre VI est complété par un article L. 1621-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 1621-6. – I. – L’employeur privé ou public d’un élu local, les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et non salariées qui sont titulaires d’un mandat d’élu local peuvent conclure avec la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont l’élu est membre une convention qui précise les mesures destinées à faciliter, au-delà des obligations prévues par le présent code, l’exercice du mandat local.
« L’employeur ayant conclu cette convention peut se voir attribuer le label “employeur partenaire de la démocratie locale”, dans des conditions prévues par décret. Ce décret détermine notamment les critères d’attribution du label, qui tiennent compte du taux de présence des élus locaux dans l’entreprise ou l’organisme public ou privé, du nombre d’heures d’autorisation d’absence avec maintien de la rémunération et des conditions de disponibilité pour formation.
« La collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont l’élu est membre adresse à l’employeur qui s’est vu attribuer ce label toute information utile à la mise en œuvre de la réduction d’impôt prévue à l’article 238 bis du code général des impôts.
« II. – (Supprimé)
« III. – L’employeur titulaire du label mentionné au I du présent article peut utiliser le logo de ce label, notamment dans ses supports de communication. Son utilisation ne doit toutefois pas nuire à l’image des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des élus concernés. » ;
2° (Supprimé)
II. – (Supprimé)
III. – L’article L. 22-10-35 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les actions visant à promouvoir l’engagement des citoyens dans la démocratie locale et, le cas échéant, le bénéfice du label “employeur partenaire de la démocratie locale” mentionné à l’article L. 1621-6 du code général des collectivités territoriales. » ;
2° À l’avant-dernier alinéa, après la référence : « L. 233-26 », sont insérés les mots : « du présent code » et les mots : « et 2° » sont remplacés par les mots : « à 3° du présent article ».
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l’article.
M. Simon Uzenat. Cet article crée un label « employeur partenaire de la démocratie locale ». Nous souscrivons évidemment à cet objectif. Cependant, et nous avons déjà eu l’occasion de débattre lors de la première lecture, il faut que la fonction publique au sens large soit pleinement mobilisée.
J’espère que vous m’écoutez, madame la ministre, car le message vous est directement destiné…
À cet égard, nous avons interpellé plusieurs de vos prédécesseurs. En effet, lorsque l’on regarde ce qui se passe dans l’éducation nationale, dans un certain nombre d’établissements de santé ainsi que dans les directions des finances publiques, on se rend compte que l’État est très, très loin d’être exemplaire dans la façon dont il traite ses agents qui sont par ailleurs élus locaux.
Nous avons recueilli de nombreux témoignages d’élus dont on peut dire qu’ils sont non pas seulement incorrectement traités en raison de leur engagement électif, mais véritablement maltraités.
Cette situation, madame la ministre, n’est absolument pas acceptable.
Sur la possibilité de libérer des créneaux, mais aussi, évidemment, sur la rémunération – facultative – des heures d’absence, qui fait également l’objet du label en question, il faut que l’État soit au rendez-vous.
J’espère donc pouvoir compter sur vous pour bien faire passer le message à vos collègues et pour que celui-ci redescende jusqu’aux niveaux les plus locaux.
Entre méconnaissance et, parfois, maltraitance – honnêtement, nous en sommes là –, des élus nous ont rapporté qu’ils vivaient des situations personnelles particulièrement éprouvantes dans le cadre de leur activité professionnelle.
Il est temps de prendre la mesure de la situation et de prendre les dispositions qui s’imposent. J’espère pouvoir compter sur vous, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Je salue le travail de la commission des lois sur ce texte important. Le rapport est de qualité, et je mesure le travail qu’a représenté la rédaction de ses 170 pages.
J’irai dans le même sens que mon collègue concernant l’article 10, relatif à la création du label « employeur partenaire de la démocratie locale ».
S’exprimant sur les articles précédents, de nombreux collègues ont rappelé que l’engagement, le dévouement, le fait d’être tourné vers les autres, de ne pas compter son temps sont des qualités humaines que doivent avoir les élus de proximité, dont l’engagement est bénévole ou quasi bénévole.
Cette valorisation de l’engagement au niveau des employeurs qui emploient des élus locaux est aussi une marque de confiance à l’égard de ces derniers.
On peut établir un parallèle avec les sapeurs-pompiers salariés, car c’est en soutenant ce très grand engagement que l’on peut susciter des vocations. De fait, le partenariat avec les entreprises est essentiel pour que les sapeurs-pompiers puissent dégager du temps et de la disponibilité. Les collectivités territoriales le proposent également.
La commission des lois a introduit un dispositif pour ces conventions entre employeurs publics et privés et associations représentatives d’élus. Ce nouveau label s’inscrit dans le même esprit.
Notre groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, sur l’article.
M. Jean-Marie Mizzon. Nous savons tous que l’exercice d’un mandat local est très difficile, singulièrement lorsque l’on est salarié, qui plus est salarié du privé, et plus encore salarié d’une petite entreprise. Imagine-t-on la difficulté que représente, pour celui qui travaille chez un boulanger, le fait de demander une autorisation d’absence à son patron ?
Mais je voudrais, ce soir, madame la ministre, insister sur une situation qui n’est pas souvent évoquée ici, parce que nous n’avons pas le pouvoir de lui trouver une solution – seul l’exécutif l’a – : celle des salariés transfrontaliers. De fait, les Français salariés au Luxembourg ou en Allemagne – pour ce qui concerne mon département – ou en Italie ou en Espagne n’ont aucun droit.
Que des entreprises soient partenaires de la démocratie locale est une excellente chose. Mais il faut bien se rendre compte que, dans les départements frontaliers, un tel label n’a pas de sens ! Cela ne parle à personne. Je l’ai dit maintes fois ici et à mes préfets successifs, mais je ne vois la situation avancer en rien.
Dans certaines communes de mon département, par exemple, 90 % à 95 % de la population travaille de l’autre côté de la frontière, en Allemagne, au Luxembourg, voire en Belgique. Or ces salariés n’ont aucun droit !
Le risque est grand qu’il n’y ait, demain, aucun candidat à l’exercice des mandats locaux dans ces communes, parce que l’on ne peut pas être au four et au moulin.
Je sais que vous m’avez entendu, madame la ministre. Surtout, je sais que vous m’avez compris et que vous agirez, et je vous en remercie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jean Bacci et Olivier Paccaud applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.
M. Ronan Dantec. La question est importante.
Il se trouve que les maires de l’ouest de la Loire-Atlantique étaient réunis en assemblée générale samedi dernier – je salue mes collègues ici présents qui y ont participé. Notre collègue Jean-Marie Mizzon a évoqué les petites entreprises, mais, dans ce grand bassin industriel, les maires sont plutôt employés de grandes entreprises. Ils ont témoigné de l’ampleur de la dégradation, dans ces entreprises, de l’acceptation de l’action de l’élu local.
Longtemps, les très grandes entreprises ont globalement été assez favorables à compter quelques élus locaux en leur sein, ces derniers leur servant parfois à faire passer des messages sur le territoire. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Ces maires nous parlent de la dégradation de leur situation dans les grandes entreprises. Outre qu’il doit participer à des événements qui sont prévus – typiquement, aux réunions du conseil municipal –, un maire peut être obligé de partir précipitamment à l’occasion d’un décès, d’un accident, etc. Or certaines entreprises rechignent aujourd’hui à laisser les élus partir et à se montrer souples.
Il faut trouver une solution. Sans vouloir du tout faire injure à ceux qui ont proposé le label, nous voyons bien que nous bricolons un peu pour que ces grandes entreprises prennent conscience de la dégradation de la prise en compte du travail de l’élu local.
Je me demande, en complément, si le rapport RSE des entreprises ne devrait pas comporter un paragraphe sur la manière dont elles gèrent ceux qui, dans l’entreprise, sont aussi élus locaux.
Quoi qu’il en soit, cette dégradation de l’acceptation de l’action de l’élu local dans les entreprises est un enjeu dont nous entendons énormément parler sur le terrain.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre. Le sujet que nous abordons est tout aussi important que les autres points du texte.
Je souhaite faire écho à ce que les uns et les autres ont pu dire.
Nous savons tous qu’une grande majorité de maires sont des retraités, parce que c’est un moment de leur vie où ils ont envie de donner, de servir, de se sentir utiles. Pour ma part, je m’en réjouis.
Cependant, nous devons aussi permettre de faciliter l’engagement des personnes qui travaillent et même des étudiants – tel est précisément l’objectif de ce texte.
Pour autant, il ne faut pas ignorer la réalité des entreprises. Je prendrai un exemple. Comme beaucoup d’entre nous ici, j’ai été maire, et je vous avoue que, lorsque les trois pompiers volontaires de l’équipe des espaces verts de ma commune devaient lâcher les tondeuses le vendredi après-midi, mes concitoyens avaient du mal à admettre que la pelouse ne fût pas correctement tondue… La réalité est donc compliquée.
J’entends, monsieur le sénateur Uzenat, que l’État doit être exemplaire et qu’il doit mettre en œuvre les adaptations nécessaires pour permettre à un fonctionnaire d’exercer son mandat.
Pour ma part, je n’ai pas le sentiment que les fonctionnaires élus sont maltraités. Je connais beaucoup de maires qui sont fonctionnaires. Certains sont dans des situations particulièrement difficiles, comme les enseignants, les médecins et les infirmières, que vous avez évoqués, monsieur le sénateur. Il faut avouer qu’il est un peu compliqué, pour un proviseur, de gérer, la veille pour le lendemain, la demande d’absence d’un enseignant qui ne pourra pas assurer le face-à-face pédagogique que les élèves et les parents attendent… De même, il est compliqué, pour une infirmière, d’expliquer qu’elle ne reviendra s’occuper des malades que le lundi parce qu’elle a besoin de s’absenter.
J’ai déjà échangé sur la situation dans l’éducation nationale avec Élisabeth Borne, et je reprendrai la conversation avec son successeur. On m’a déjà dit que l’on essaierait d’y être attentif. Pour ma part, je le suis, mais il faut prendre en compte la spécificité des situations.
Pour ce qui concerne les transfrontaliers, cher monsieur Mizzon, je vous ai entendu ! Je dirais même que je vous ai compris… (Sourires.) Laissez-moi vous répondre.
M. Jean-Marie Mizzon. Je vous écoute ! (Mêmes mouvements.)
Mme Françoise Gatel, ministre. Je pense que vous et moi serons d’accord pour dire que, si la loi française s’applique aux entreprises françaises, le Sénat ne peut, malgré tout son pouvoir, obliger les entreprises suisses ou allemandes à suivre des consignes que nous aurions – nous, et non l’Europe – décidées. C’est la limite de l’exercice.
Je sais très bien que vous m’avez entendue, que vous m’avez écoutée et que vous m’avez comprise. (Sourires sur les travées du groupe UC.)
J’entends que la situation des petites entreprises constitue une particularité. Quand vous êtes employé chez un boulanger, quand vous êtes vous-même boulanger, vous êtes confronté au même problème que l’enseignant ou l’infirmière : vous ne pouvez pas quitter votre fournil pour vous rendre à la mairie.
Ces situations resteront compliquées. Je pense que le travail que nous sommes en train de faire ici ne réglera pas tout, compte tenu de la diversité de situations. Cependant, nous devons continuer à progresser, pour améliorer les choses.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Bien dit, madame la ministre !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Cet article est lui aussi essentiel : il doit à permettre à celles et à ceux qui ont une activité professionnelle de rendre celle-ci compatible avec leur mandat d’élu.
Mes propos surprendront peut-être, mais je pense que l’on ne peut pas tout mettre sur le même plan. Je suis sincèrement désolée, mais la situation d’un enseignant n’est pas comparable à celle d’un salarié de la boulangerie !
De fait, nous sommes d’abord les héritiers d’un certain nombre de lois qui ne sont pas satisfaisantes.
Mme Cécile Cukierman. Pour y avoir été confrontée en tant qu’enseignante, je pourrais vous en retracer l’histoire et notamment vous expliquer pourquoi, après qu’un ministre qui avait des comptes à l’étranger eut déclaré le contraire, « les yeux dans les yeux », devant l’Assemblée nationale, on a refait une loi qui a fragilisé la fonction publique dans le statut de l’élu qui lui est propre.
Cependant, quand vous êtes fonctionnaire, vous pouvez demander un temps partiel et, une fois le mandat terminé, vous pouvez demander à reprendre votre activité à temps complet. Autrement dit, tout va bien !
Quand vous êtes salarié du privé, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, ce n’est pas la même histoire.
Mme Cécile Cukierman. Il faut donc que nous arrêtions de faire croire que des labels régleront le problème.
Oui, nous pouvons créer des labels. Pourquoi pas ? Chacun fait ce qu’il veut. Mais il me semble que, au-delà de nos discussions de ce soir, dont la qualité m’inquiète, nous avons besoin d’un véritable débat de société.
Est-ce que, oui ou non, recruter un élu qui, de temps en temps, est susceptible de s’absenter pour donner du temps à la collectivité et servir l’intérêt général constitue un handicap pour une entreprise ? La plupart des gens, spontanément, vont répondre oui, alors même qu’ils trouvent formidable qu’un pompier volontaire puisse sauver des vies.
Il faut que nous arrivions à inverser la logique et à contrer la tendance. Mais nous devons le faire sereinement et cheminer ensemble, pour les fonctionnaires, pour les salariés du privé, pour les indépendants, en acceptant les différences.
M. le président. L’amendement n° 161, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre unique du titre II du livre VI de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 1621-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1621-… – L’employeur privé ou public d’un élu local, les travailleurs indépendants, les membres des professions libérales et non salariées qui ont la qualité d’élu local peuvent conclure avec les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale une convention afin de préciser les modalités de la disponibilité des élus locaux.
« Les employeurs privés ou publics ayant conclu cette convention se voient attribuer le label “employeur partenaire de la démocratie locale”, dans des conditions fixées par décret. La collectivité adresse à l’employeur qui s’est vu attribuer ce label toute information utile à la mise en œuvre de la réduction d’impôt prévue à l’article 238 bis du code général des impôts. »
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. L’article 10 crée un label « employeur partenaire de la démocratie locale », ce qui constitue incontestablement une avancée positive.
Certes, comme cela a été dit, ce label ne résout pas tous les problèmes, notamment la discrimination réelle que subissent les élus locaux exerçant parallèlement une activité professionnelle.
C’est pourquoi nous proposons d’automatiser l’attribution de ce label si l’employeur conclut une convention avec son salarié élu local : il n’y a alors aucune raison de différer la délivrance du label ni le bénéfice de la réduction d’impôt prévue par l’article.
Il est de notre devoir de simplifier autant que possible le droit. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. Monsieur le sénateur, votre amendement ne tourne pas !
D’une part, il y est proposé une rédaction complète de l’article qui écrase l’ensemble des précisions utiles introduites au cours de la navette sur les objectifs du label.
D’autre part, comme pour les sapeurs-pompiers volontaires, il appartiendra à un décret de fixer les modalités précises d’attribution du label, qui ne relèvent pas du domaine de la loi.
Voilà pourquoi nous émettons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 208, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, avec un minimum de trente heures par an d’autorisation d’absence exceptionnelles rémunérées pour les élus ayant des délégations ou étant adjoint dans une commune, et un minimum de vingt heures par an pour les autres élus.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet de conditionner l’obtention du label au fait que les élus locaux puissent dégager un minimum de temps pour exercer leurs fonctions électives.
L’objectif du label est de mettre en avant un certain nombre d’entreprises et de faciliter le changement de culture qu’a évoqué Cécile Cukierman.
Il nous semble, dans cette perspective, que l’on ne peut pas parvenir à un engagement des élus locaux sans un aménagement de leur activité professionnelle.
Nous pensons également que le maire ne peut pas être le seul élu qui puisse voir son engagement pris en compte : il est essentiel que les adjoints ayant une délégation et d’autres élus puissent également bénéficier de temps, car leur engagement compte beaucoup pour leur commune.
Nous pensons même qu’il est logique que les minorités municipales puissent aussi avoir les moyens de travailler à tous les niveaux, y compris en disposant d’un peu de temps.
Afin de favoriser la diversité des profils des élus et de permettre au plus grand nombre d’assister aux réunions, aux commissions et aux différents travaux du conseil municipal, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose que les conventions mentionnées à l’article 10 fassent figurer un nombre minimal d’heures d’absence accordées à l’élu pour l’exercice de son mandat.
Notre dispositif prévoit une autorisation d’absences exceptionnelles d’au minimum trente heures par an pour les élus bénéficiaires de délégations ou pour les adjoints dans une commune, et d’au minimum vingt heures par an pour tous les autres élus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. Cet amendement vise à obliger les entreprises qui souhaitent bénéficier du nouveau label « employeur partenaire de la démocratie locale » à accorder des absences exceptionnelles supplémentaires aux élus qu’elles emploient en tant que salariés.
Comme en première lecture, nous sommes défavorables à cet amendement, car ce label est conçu comme un outil visant à reconnaître l’engagement des entreprises et à le valoriser. Imposer de nouvelles obligations aux entreprises irait à l’encontre de l’esprit du dispositif, qui serait vidé de sa substance s’il devenait facteur de contraintes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Françoise Gatel, ministre. Monsieur le président, permettez-moi de développer à nouveau le sujet.
Je souscris à ce qu’a dit Mme Cukierman : l’entreprise est citoyenne. Je le dis avec beaucoup de conviction, puisque l’entreprise, par sa fonction, participe à la production de richesses, qui permet ensuite de la redistribution. Elle permet également à chacun de ses collaborateurs de s’émanciper et d’acquérir son indépendance.
Je veux être très précise sur ce point. Je vous ai donné l’exemple d’une commune dont certains des agents techniques sont sapeurs-pompiers volontaires, mais, aujourd’hui, il faut le dire, l’entreprise, comme la mairie, l’hôpital ou l’éducation nationale, est perturbée par de telles situations, puisqu’elle est « condamnée » – j’emploie le mot dans un sens positif – à produire un service en temps et en heure.
Vous imaginez comme moi les remarques que ne manqueront pas de faire les parents si un personnel de cantine, parce qu’il est sapeur-pompier, s’en va au moment du déjeuner : s’ils adhèrent au fait que les pompiers aillent éteindre un feu, ils veulent aussi que leurs enfants mangent à l’heure…
Je pense que notre société doit retrouver aujourd’hui la notion d’engagement. C’est ce à quoi vise ce texte, par lequel nous voulons donner à tout citoyen l’envie et la capacité de consacrer à la société un temps de sa vie.
De la même manière, il faut que nous parlions du civisme des entreprises, de celles qui s’engagent dans la RSE, qui sont exemplaires. On voit bien comment les entreprises sont aujourd’hui très sensibles aux « labels vertueux », les clients-citoyens faisant attention à leurs achats, à leur conduite et s’orientant vers les entreprises « positives », celles qui agissent dans le sens du développement durable.
En créant ce label, qui est une reconnaissance de l’engagement citoyen, vous affirmerez que tout le monde participe à la fabrique de la Nation. C’est pourquoi nous défendons cette idée. Je pense que nous devons la porter ensemble.
Cela dit, je reprends l’exemple de nos collègues : si l’on commence par dire à un boulanger qu’il doit libérer tel nombre d’heures à un ouvrier élu qu’il recruterait, ce dernier sera empêché d’entrer sur le marché du travail, parce que cela représente trop de contraintes pour l’entreprise…
C’est pourquoi je pense, comme les rapporteurs, qu’il faut que nous avancions, mais sans mettre trop de contraintes, pour ne pas desservir l’élu que nous voulons servir.


