M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement, qui tend lui aussi à assurer la remise d'un rapport, cette fois sur le coût des médicaments outre-mer, reçoit également un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Les médicaments sont évidemment des produits essentiels. Nos concitoyens doivent pouvoir y accéder de manière équitable, où qu'ils se trouvent.

La majoration de prix de vente des médicaments par les officines ultramarines se justifie par le coût structurellement plus élevé d'approvisionnement en de tels produits, notamment dû à l'éloignement des territoires considérés – ce critère vaut dans de nombreux domaines.

Néanmoins, la remise d'un rapport paraît opportune pour objectiver ces coûts et justifier l'ordre de grandeur des majorations dont il s'agit, dans le contexte de cherté que connaissent ces territoires. On sait, en outre, que la question de la santé est capitale pour tous nos concitoyens.

En conséquence, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Mes chers collègues, attention à l'effet boomerang…

En ce moment, les pharmacies font l'objet de nombreux débats chez nous. Beaucoup d'entre elles risquent la liquidation judiciaire : la parapharmacie subit une concurrence féroce, réduisant dangereusement les marges, si bien que beaucoup de pharmacies sont menacées de fermeture.

Il y a quinze jours de cela, j'ai reçu les représentants d'un syndicat de pharmaciens, qui, pour certains, sont littéralement au bord de la faillite. Dans ces domaines, il faut faire très attention.

Je le dis depuis le début de cette discussion : je conçois que l'on veuille réduire les prix dans tel ou tel secteur, mais prenons garde de faire s'écrouler le système tout entier.

Il faut dépasser les a priori : un pharmacien n'est pas forcément riche. Figurez-vous que j'ai eu l'occasion de rencontrer des pharmaciens qui ne se versent pas de salaire tous les mois, alors même que, pour sauver leur activité, ils avaient accepté d'être au Smic.

Je le répète, attention ! Nous parlons d'un secteur qui emploie énormément de personnes, qui traite de très nombreuses questions de stockage et assume énormément de coûts à ce titre. Ne déshabillons pas saint Paul pour habiller saint Pierre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre II

Réduction des coûts d'acheminement et logistiques

Après l'article 3
Dossier législatif : projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer
Après l'article 4

Article 4

I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la date d'effet du contrat, il est institué sous forme de concession en Martinique un service public de gestion logistique.

bis (nouveau). – Le service public mentionné au I bénéficie en priorité aux entreprises établies en Martinique, tant pour leurs activités d'importation que d'exportation.

ter (nouveau). – Seules peuvent avoir recours au service public de gestion logistique mentionné au I les entreprises qui respectent les normes sociales et environnementales déterminées par décret.

II. – Au terme de l'expérimentation, et au plus tard six mois avant son achèvement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur les effets économiques, sociaux et environnementaux du dispositif, en vue de décider de sa pérennisation ou de sa cessation.

III (nouveau). – Deux ans après la promulgation de la présente loi, les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution à l'exception de la Martinique, les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna peuvent demander à l'État la mise en place d'un service public de gestion logistique à titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la date d'effet du contrat qui est sous forme de concession.

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par Mme Conconne et MM. Lurel, Omar Oili et P. Joly, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Conconne.

Mme Catherine Conconne. Nous proposons simplement de supprimer cet article !

Je l'ai dit lors de la discussion générale, ce projet de loi a été rédigé de manière hâtive, sur la base d'arguments qui ne sont pas tous fondés. Or un tel travail exigeait du temps et de la concertation. En effet, certains systèmes et certains contextes devaient être appréhendés plus finement.

Mes chers collègues, je suis bien placée pour vous parler de ces problèmes : je vis là-bas ! Les personnes dont nous parlons, je les côtoie tout le temps, qu'il s'agisse des acteurs économiques, petits, moyens ou gros, ou des services de l'État, notamment les OPMR. À l'évidence, un certain nombre d'éléments font défaut et, sans eux, ce projet de loi ne peut pas viser juste.

C'est particulièrement vrai pour l'article 4, qui institue en Martinique « un service public de gestion logistique », « sous forme de concession ».

Des entreprises privées se sont déjà organisées pour exercer cette mission. Elles ont investi en conséquence. Que leur dira-t-on, demain, quand cette concession de l'État aura été créée ? On leur imposera de fermer, en licenciant tout leur personnel ?

D'ailleurs, si l'État veut créer une telle concession, il ne compte pas pour autant débourser un kopeck ! On nous laisse entendre que l'on va trouver du foncier… S'il y a du foncier de l'État disponible autour du port ou de l'aéroport de Fort-de-France, par exemple pour créer une zone franche ou déployer des moyens logistiques internes, nous sommes évidemment preneurs ; pour ma part, je ne vois pas où trouver de tels terrains dans nos territoires.

Une fois de plus, on invente un « truc » en faisant croire que l'État ne peut rien faire, qu'il ne peut rien mettre sur la table pour assurer la continuité territoriale. Voilà pourquoi je demande la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le développement du e-commerce est entravé en Martinique par des difficultés structurelles – marché local restreint, coûts logistiques élevés, contraintes douanières, et j'en passe – qui le rendent peu attractif pour les investisseurs, engendrant une forme de carence de l'initiative privée.

La création d'un e-hub doit permettre aux entreprises martiniquaises, en particulier les TPE et les PME, de commander ou d'expédier des volumes importants de produits pour lesquels aucune gestion logistique n'est jusqu'à présent disponible. Une telle formule permettrait de susciter de nouveaux flux commerciaux.

Afin de conforter cette orientation, la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les entreprises établies en Martinique bénéficient en priorité du e-hub pour leurs activités, tant à l'importation qu'à l'exportation.

Elle a également adopté un amendement tendant à ajouter que les entreprises utilisant le e-hub doivent respecter des critères de responsabilité sociale et environnementale définis par décret.

Assortie de tels garde-fous, cette expérimentation mérite d'être tentée pour améliorer la disponibilité et la rapidité de livraison des produits les plus demandés par les Martiniquais tout en renforçant la concurrence, afin de lutter contre les situations oligopolistiques.

Dès lors, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Avant tout, je rappelle que l'article 4 ouvre la voie à une simple expérimentation, destinée à tester la faisabilité d'une logistique pensée comme étant mutualisée, dans un contexte marqué – on le sait – par une grave défaillance du marché.

Madame la sénatrice, vous pointez un certain nombre d'imprécisions, qu'il s'agisse de la procédure d'attribution de concession, des conditions d'accès ou de la tarification, imprécisions que vous détaillez dans l'objet de votre amendement. Mais, en réalité, tous ces éléments relèvent du cahier des charges à venir.

Les difficultés identifiées sont d'ores et déjà prises en compte : un encadrement précis sera assuré lors de la mise en œuvre du dispositif. Tous ces points sont évidemment suivis de près lors du déploiement opérationnel.

L'objectif n'est en aucun cas de venir concurrencer les opérateurs martiniquais actuels, mais bien de les associer pleinement pour réduire les coûts logistiques et favoriser le développement de l'offre en ligne locale. (Mme Catherine Conconne manifeste sa circonspection.) En réalité, ce dispositif a vocation à compléter les initiatives existantes, dans une logique de coopération économique et territoriale.

C'est exact, la dynamique actuelle du petit import constitue une véritable avancée. Elle permet aux consommateurs ultramarins, et notamment martiniquais, d'accéder à une offre élargie de produits en ligne : cette évolution traduit une demande légitime d'égalité d'accès au e-commerce par rapport à l'Hexagone. Vous savez comme moi que cette demande est très forte de la part de nos concitoyens ultramarins.

Le système actuel est souvent fondé sur des initiatives individuelles plus ou moins informelles, plus ou moins bien encadrées. Dans bien des cas, il repose sur l'envoi par des particuliers. De plus – je le rappelle –, il emprunte des circuits parallèles de réexpédition.

Ce système ne présente ni la pérennité…

Mme Naïma Moutchou, ministre. … ni la sécurité nécessaires à une structuration durable du commerce en ligne outre-mer. Non seulement il engendre une opacité tarifaire et des risques juridiques majeurs, mais encore il ne garantit ni la traçabilité ni la conformité des produits.

L'expérimentation du e-hub vise précisément à remédier à cette fragmentation, en proposant une solution logistique collective et suffisamment encadrée, donc solide juridiquement et transparente.

En procédant ainsi, l'on agira au bénéfice conjoint des acteurs économiques locaux, qui pourront trouver leur place dans la chaîne du e-commerce et développer leurs services, et des plateformes situées en Europe, notamment dans l'Hexagone.

Ces plateformes disposeront de conditions logistiques et douanières maîtrisées pour livrer les territoires ultramarins, au bénéfice, bien sûr, des consommateurs, lesquels pourront accéder à divers produits dans un cadre sécurisé. En somme, on aura la certitude qu'ils ne se feront pas avoir. Le cadre retenu sera conforme aux règles de la concurrence et de protection des droits des consommateurs.

Enfin, cette expérimentation ne trahit aucun des engagements de l'État. Au contraire, elle relève d'une approche pragmatique : nous cherchons à identifier des solutions opérationnelles avant un éventuel déploiement pérenne, y compris dans d'autres territoires ultramarins. Je le sais, certains de ces territoires y aspirent d'ores et déjà.

Cette initiative s'inscrit pleinement dans une logique d'intérêt général, orientée vers la cohésion économique et sociale des territoires.

C'est pourquoi je suis particulièrement défavorable à la suppression de l'article 4. À la fin de l'expérimentation, nous pourrons réexaminer les différents sujets abordés dans le cadre de ce débat ; et, s'il le faut, nous nous en tiendrons au statu quo.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Madame la ministre, je suis tentée de vous dire que cette expérimentation est déjà lancée. (Mme la ministre proteste.) En effet, trois ou quatre plateformes ont été créées, et elles font ce que vous venez de décrire.

Dites-moi comment le coût des marchandises va baisser. Vous entendez faire supporter les coûts logistiques par ce concessionnaire : en quoi les droits de douane et les coûts de fret vont-ils diminuer ? Quelle est la valeur ajoutée d'un tel système, inventé par l'État ? Il n'y en a aucune !

Vous nous dites que les consommateurs ne se feront pas avoir : cette phrase est révélatrice de l'état d'esprit qui a présidé à l'élaboration du présent texte. « Se faire avoir »… Vous partez du principe qu'il y a des loups partout, des escrocs partout (Mme la ministre manifeste son désaccord.), que c'est précisément ce qui caractérise nos territoires. Et donc, il faut doubler le nombre des loups… pour éviter qu'ils ne mangent toute la bergerie !...

Madame la ministre, cette concession de l'État ne présente absolument aucun intérêt. Aujourd'hui, l'expérimentation que vous proposez est déjà à l'œuvre. Plusieurs plateformes existent. Elles assurent un véritable service de transport, et les gens ne se font pas avoir. Elles sont dirigées par des chefs d'entreprise sérieux, qui ont pignon sur rue, qui sont connus en Martinique. Ils ont commencé ce travail et tout se passe très bien. Je pense par exemple à Dom Export et à Shopîles, et je pourrais citer d'autres noms. Il existe des plateformes similaires à La Réunion.

Que leur apportez-vous ? Quand ces entrepreneurs vous demanderont de les aider à construire un bâtiment, vous leur répondrez non ; vous leur opposerez que l'État ne peut rien faire. L'État va donc créer une concession pour assurer un service qui existe déjà ? Il va mener ce travail sans aucune valeur ajoutée ? Mais on marche sur la tête, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.

M. Dominique Théophile. Si l'article était supprimé, mon amendement deviendrait-il sans objet ? Dans l'affirmative, pourquoi n'est-il pas intégré à une discussion commune ?

M. le président. Les amendements de suppression sont toujours examinés en premier, mon cher collègue.

La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Je n'ai pas la chance de vivre en Martinique, mais je n'en soutiens pas moins cet amendement, dont je comprends le sens.

Mes chers collègues, nous débattons de mesures destinées à lutter contre la vie chère outre-mer, dans le prolongement du bouclier qualité prix, dont on a pu constater les insuffisances. Or cet article crée un hub de e-commerce chargé d'acheminer je ne sais quels produits au détriment des commerçants locaux. Il s'agit bel et bien d'une concurrence déloyale.

S'il y a un hub à faire, c'est un hub inspiré du marché de Rungis et destiné aux produits régionaux. Ne perdons pas le sens des réalités et des priorités. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. J'ai cosigné cet amendement, avec mes collègues Catherine Conconne, Saïd Omar Oili et Patrice Joly, car, à mon sens, l'article 4 pose bel et bien problème. J'approuve en particulier ce que Mme Conconne vient de dire de la philosophie générale de cet article.

Non seulement l'État ne met rien sur la table, mais encore il refuse purement et simplement de modifier l'encadrement juridique ou de renforcer le droit de la concurrence outre-mer. Dans le cas d'espèce, l'État est à la manœuvre : il sera autorité délégante et choisira souverainement les plateformes numériques bénéficiaires de la concession.

Le Gouvernement veut procéder, grosso modo, par privatisation. J'ai connu une situation comparable avec le câble « Guadeloupe numérique », traversant toute la Caraïbe : nous avons dû nous battre comme des fous pour faire baisser les tarifs de la bande passante et de la fibre noire.

En l'occurrence, nous devrons donc composer avec un acteur privé soucieux de rentabiliser son investissement. L'État n'aura pas barre sur lui.

Ensuite, l'État invoque une défaillance du secteur privé. Pourtant, et Catherine Conconne vient de le rappeler, des initiatives ont été prises dans les îles dans ce domaine. Je ne suis donc pas certain qu'une telle défaillance puisse être reconnue à l'avenir, par exemple à l'occasion d'un recours devant le Conseil constitutionnel, voire de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). C'est pourtant ce qu'affirme le rapport !

L'État se défausse et concentre les moyens sur la Martinique. Je n'y vois, au demeurant, pas de problème, mais pourquoi ne pas autoriser chacune des collectivités à agir dans le cadre de ses compétences ? Une loi n'est d'ailleurs pas nécessaire pour cela : je défendrai dans la suite de la discussion un amendement tendant à la remise par le Gouvernement d'un rapport portant sur les modalités de création de centrales d'approvisionnement et de stockage régionales. Je l'avais d'ailleurs fait moi-même, mais j'ai perdu l'élection suivante et mon successeur a enterré le dispositif.

L'État prend ici une initiative sans y consacrer un kopeck, sans un sou vaillant ; cela me gêne. Nous demandons plus de responsabilités et plus d'autonomie.

N'adoptez pas cette disposition ; pour ma part, je voterai pour la suppression de cet article et j'incite mes collègues, puisqu'ils sont libéraux, à faire de même. (Mme Catherine Conconne applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je reprends la parole pour tenter de convaincre Mme la sénatrice Conconne du bien-fondé du dispositif ou, à tout le moins, d'introduire un peu de doute dans son esprit, en m'adressant à l'ensemble de l'hémicycle.

Êtes-vous satisfaits de la situation actuelle du commerce en ligne en Martinique ? Les Martiniquais, à l'évidence, ne le sont pas, la délégation sénatoriale aux outre-mer non plus, dont le rapport souligne un problème en la matière.

Mme Catherine Conconne. Prétendez-vous connaître les Martiniquais mieux que moi ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. Je ne parle pas en théorie, madame la sénatrice, nous échangeons simplement des points de vue et je verse au débat des éléments factuels, qui ne sont pas de simples vues de l'esprit. Si ces constats contredisaient ma position, je l'admettrais sans difficulté.

Les échanges menés par les équipes de la direction générale des entreprises (DGE) à Bercy avec les acteurs locaux aboutissent à un constat commun : le e-commerce est très peu développé dans les territoires ultramarins par rapport à l'Hexagone. Selon le Sénat, le commerce en ligne dans les outre-mer est de dix à cinquante fois plus faible que dans l'Hexagone. Les grandes enseignes, comme Amazon ou Cdiscount, ne livrent pas les DOM,…

Mme Naïma Moutchou, ministre.… ce qui contraint les consommateurs à recourir à des réexpéditeurs, comme ColisExpat, ou à des plateformes émergentes, comme Dommarket ou Isleden.

Ce contournement renforce les inégalités d'accès au numérique marchand et constitue, c'est évident, une rupture d'égalité devant l'accès aux biens de consommation. Parallèlement, on observe une explosion des flux en provenance d'Asie, ce qui atteste l'existence d'une demande.

Il en résulte des surcoûts considérables pour les consommateurs ultramarins : le seul fret peut représenter pour eux jusqu'à 50 % du prix d'un panier moyen, soit en moyenne 68 euros, ce qui est énorme.

Mme Catherine Conconne. C'est pourquoi il importe de garantir la continuité territoriale !

Mme Naïma Moutchou, ministre. S'agissant de la question foncière, vous avez évoqué des bâtiments construits, mais le projet porte sur une friche à réhabiliter et la DGE a déjà identifié plusieurs terrains. Un travail est donc engagé et des réponses seront apportées à cette situation, nous aurons l'occasion d'en parler à nouveau.

J'ai entendu parler de concurrence déloyale. Ce n'est pas exact : le projet vise à renforcer le tissu commercial ultramarin en offrant aux acteurs locaux un canal logistique commun et structuré.

L'e-hub offrira un soutien logistique essentiel aux commerçants physiques locaux, qui, contrairement aux grandes entreprises dominantes, ne disposent pas de leurs propres entrepôts. Il leur permettra de simplifier la gestion de leurs commandes et d'optimiser les opérations de stockage et de livraison.

Je forme le vœu que ces éléments factuels vous rassurent sur l'intérêt de cette expérimentation.

Mme Catherine Conconne. Non, tout cela est faux !

Mme Naïma Moutchou, ministre. Monsieur Lurel, on ne peut demander à la fois la suppression du dispositif et son extension à l'ensemble des collectivités. Il y a là un non-sens : s'il faut l'étendre, c'est donc qu'il y a un intérêt, à tout le moins, à l'expérimenter.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, on parle beaucoup de décentralisation en ce moment. Or je vous livre une information qui me paraît importante : l'assemblée de Martinique est opposée à la création de ce hub.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Mais non !

Mme Catherine Conconne. J'en suis membre !

M. Daniel Salmon. Peut-être pourrions-nous écouter les assemblées locales, qui ont une vision claire du sujet ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à ramener de cinq à trois ans la durée de l'expérimentation du service public de gestion logistique institué en Martinique.

Afin de mettre tout le monde d'accord, et à la suite du rejet de l'amendement précédent, nous proposons donc d'accorder au dispositif une période de trois ans, qui paraît suffisante pour évaluer son efficacité, comme son impact sur la réduction des coûts d'acheminement et sur la fluidité logistique des territoires concernés.

Cette durée plus courte permettra également de dresser un bilan plus rapidement, de généraliser possiblement la mesure à d'autres territoires demandeurs, comme Mayotte, ou de l'ajuster en fonction des résultats observés, tout en garantissant une utilisation efficiente des moyens publics.

Cet amendement me semble être de bon sens et il est susceptible, je le répète, de mettre tout le monde d'accord.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Frédéric Buval, rapporteur. Le recours à une expérimentation pour la mise en place de l'e-hub vise à ménager la possibilité de mettre fin à ce service public de gestion logistique si celui-ci n'atteignait pas les objectifs qui lui sont assignés ou rencontrait des difficultés financières compromettant sa viabilité.

En cas de succès, cette expérimentation pourrait, a contrario, être pérennisée, voire étendue à d'autres territoires ultramarins.

La durée de cinq ans se justifie par la nécessité d'amortir les investissements logistiques et le système d'information requis pour la mise en œuvre du dispositif ; elle apparaît également nécessaire pour en tirer des enseignements exploitables et permettre une évolution durable des comportements d'achat des entreprises et des consommateurs martiniquais.

Une durée de trois ans serait, en revanche, trop brève et rendrait vraisemblablement infructueuse la recherche de l'opérateur chargé d'assurer ce service public.

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Naïma Moutchou, ministre. J'aimerais, moi aussi, pouvoir accélérer le temps, mais la réduction de la durée d'expérimentation de cinq à trois ans poserait problème : nous disposons d'un calendrier opérationnel et réaliste, qui est le gage d'une évaluation finale fiable. Permettez-moi de vous en présenter le déroulement.

Les six à douze premiers mois sont nécessaires au montage du projet, à la passation du contrat, à la mise en conformité des infrastructures et des systèmes d'information, ainsi qu'aux recrutements. S'ensuit une phase de montée en charge, évaluée entre douze et dix-huit mois, pour atteindre la pleine exploitation.

Sur un horizon de trois ans seulement, il ne resterait donc que six à douze mois d'exploitation mature et solide, ce qui serait insuffisant pour tirer des conclusions suffisamment robustes.

Une durée de cinq ans, au contraire, permettra d'observer l'expérimentation sur une période de deux ans à deux ans et demi d'exploitation stabilisée. Une telle durée est nécessaire pour identifier la courbe d'apprentissage, constater les gains d'efficacité, amortir les investissements engagés et atténuer l'impact d'aléas saisonniers ou exceptionnels.

Je crains, en effet, qu'accélérer le calendrier ne nous permette pas de prendre le recul suffisant pour mesurer précisément les impacts de cette expérimentation et ainsi en tirer toutes les conséquences.

L'avis du Gouvernement est donc malheureusement défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. Quel que soit le délai choisi, je m'élève contre ce dispositif, qui n'est pas souhaité par l'essentiel des Martiniquais et qui a provoqué une levée de boucliers parmi les opérateurs déjà à l'œuvre.

L'un d'entre eux a d'ailleurs été contacté par Amazon à la suite d'une audition au Sénat. Il est aujourd'hui le bras armé du géant du e-commerce sur le territoire : quand j'ai quitté la Martinique, on installait des panneaux publicitaires annonçant que les produits Amazon seraient livrés par cet acteur. Je ne comprends donc pas l'utilité de ce dispositif supplémentaire.

Qui va payer ? On aurait trouvé des friches disponibles… Très humblement, qu'il me soit permis de dire à certains orateurs que je connais mon pays un peu mieux que d'autres, et je puis donc vous assurer que ce dispositif ne verra pas le jour : je m'en occupe personnellement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Salama Ramia, pour explication de vote.

Mme Salama Ramia. Je veux dire à notre collègue que tous les territoires ne sont pas identiques. Pour ce qui concerne Mayotte, le monde économique m'avait saisie précisément parce qu'il souhaitait bénéficier de cette expérimentation.

J'ai entendu évoquer les plateformes qui existent à La Réunion ou dans d'autres territoires, mais elles sont absentes à Mayotte. J'ai déposé un amendement en ce sens, qui a malheureusement été jugé irrecevable.

Cette expérimentation était pourtant demandée, en raison des difficultés foncières et des problèmes de logistique que connaît Mayotte, alors que la situation est devenue plus difficile encore depuis le cyclone. Dans le bassin de l'océan Indien, nous étions donc preneurs !

Mme Catherine Conconne. Eh bien, changeons d'océan !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Madame la ministre, je souhaite apporter une précision. Vous avez indiqué que la délégation sénatoriale aux outre-mer avait présenté ce dispositif.

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Or ce n'est pas ce qui ressort de son rapport, lequel n'évoque nullement la mise en place d'une plateforme semi-publique. Dans le cadre de nos travaux sur la vie chère, nous avons auditionné plusieurs plateformes de e-commerce, comme toutes les personnes concernées, notamment des représentants de la collectivité territoriale de Martinique. Ceux-ci avaient laissé entendre qu'il s'agissait d'une demande soutenue par le territoire et que la collectivité mettrait même à la disposition de l'opérateur un hangar de 1 200 mètres carrés.

Je vous avoue que je suis très confuse, car j'ai pour habitude de ne pas prendre d'initiatives concernant des territoires qui ne sont pas le mien.

Je tenais donc à indiquer que cette démarche ne vise nullement à imposer quoi que ce soit et qu'elle a été menée en étroite collaboration avec notre collègue Frédéric Buval, qui représente également la Martinique.

Mme Catherine Conconne. J'ai la chance d'être élue à l'assemblée territoriale, et nous n'avons rien proposé de tel !

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous avions également déposé un amendement visant à étendre ce service public de logistique maritime à d'autres territoires ultramarins, notamment à La Réunion, car, mes chers collègues de Mayotte, nous en avons également besoin. Cet amendement a toutefois été déclaré irrecevable.

Son objectif était de s'attaquer à la dépendance structurelle de nos territoires vis-à-vis des importations en provenance de la métropole.

La solution serait de mettre en place un programme de diversification des approvisionnements dans tous les océans qui permette l'importation de produits de consommation courante à partir de nos voisins géographiques des Caraïbes, d'Amérique latine, d'Afrique et de l'océan Indien. Le manque d'autonomie logistique régionale constitue un verrou, et nous déplorons que ce projet de loi ne renforce pas l'insertion de nos territoires ultramarins dans leur environnement régional.

Une étude de la Banque mondiale de 2023 montre que la diversification des approvisionnements pourrait réduire les coûts logistiques de 15 % à 25 %. Il s'agit là de chiffres concrets ! De plus, la réduction des trajets maritimes divise par deux l'empreinte carbone des importations, ce qui rejoint une directive européenne sur l'impact environnemental des importations massives vers nos territoires.

Enfin, les accords régionaux, par exemple dans les Caraïbes, sont sous-exploités. Ils permettraient pourtant de sécuriser les approvisionnements et de soutenir les économies locales, notamment face aux risques cycloniques, qui ont été évoqués.

Le récent rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la coopération et l'intégration régionales des outre-mer le confirme : « Il apparaît donc urgent d'engager les investissements nécessaires, sans lesquels il est inenvisageable de concevoir une stratégie économique crédible vis-à-vis des partenaires régionaux. »

Tout est dit. (M. Pascal Savoldelli applaudit.)