M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Madame la ministre, il n'y a aucune incohérence dans la position que j'ai défendue en demandant la suppression de cet article. Mes convictions m'inclinent à réclamer plus de responsabilités et plus d'autonomie pour les collectivités. La décentralisation est un fait : nos collectivités sont majeures et aptes à décider. Vous avez choisi de l'ignorer et d'imposer votre décision depuis le sommet. Soit.
Je m'interroge toutefois sur un point : aucune étude d'impact sur la production locale n'a été réalisée. Dont acte. Comment, dès lors, choisirez-vous le délégataire ? Ce service pourrait ainsi être confié à Amazon, à de très grands groupes ou à de grandes plateformes numériques.
Il vous faudra donc caviarder quelque peu le règlement de la consultation – permettez-moi d'être cash. Comment procéderez-vous ? Si vous réservez ce marché à des initiatives locales – plusieurs d'entre elles ont été citées –, il vous faudra justifier votre choix en toute transparence, objectivité et efficacité.
J'avais préparé quelques amendements de repli avec mon groupe, au cas où la proposition principale – le respect de la décentralisation et de l'autonomie des collectivités – ne serait pas adoptée, ce qui fut le cas. J'aimerais donc comprendre votre méthode. Pour le reste, ce projet est votre affaire.
M. le président. L'amendement n° 148, présenté par Mme Jacques et M. Buval, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
I bis. – Afin de préserver la finalité du service public de gestion logistique mentionné au I, le dispositif est prioritairement destiné aux entreprises qui ne relèvent pas de la catégorie des très grandes plateformes en ligne au sens de l'article 33 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE. Les modalités de cette priorisation sont précisées par décret, et, le cas échéant, par voie contractuelle.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Frédéric Buval, rapporteur. Cet amendement vise à garantir que l'e-hub ne soit pas un cheval de Troie qui ouvre le marché martiniquais à Shein, Temu ou Amazon, mais qu'il soit destiné en priorité aux entreprises martiniquaises.
Nous avons introduit une disposition en ce sens en commission, et nous avons travaillé pour aboutir à une rédaction plus satisfaisante et juridiquement plus sûre.
Mme Naïma Moutchou, ministre. Cet amendement vise à réserver prioritairement le dispositif de gestion logistique aux entreprises qui ne relèvent pas de la catégorie des très grandes plateformes en ligne.
L'article 4, tel qu'il a été adopté par la commission des affaires économiques, prévoit que les entreprises établies en Martinique bénéficient en priorité de ce dispositif, pour leurs activités d'importation comme d'exportation.
Si l'objectif de le réserver aux entreprises martiniquaises est louable, il soulève une difficulté d'ordre juridique : une telle mention crée une distinction de traitement entre les opérateurs, ce qui ouvre la voie à des contestations pour rupture d'égalité entre les acteurs économiques et risque d'être incompatible avec le droit européen. (Mme Catherine Conconne ironise.)
Sur le plan opérationnel, le dispositif envisagé se veut ouvert à tous, mais il bénéficiera, dans les faits, avant tout aux acteurs locaux.
L'amendement que vous présentez retient une rédaction plus solide sur le plan juridique, puisqu'elle se fonde sur un critère objectif issu du droit de l'Union européenne, visant à exclure de fait les grandes entreprises du numérique.
L'avis est donc favorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. J'épuiserai l'ensemble des voies et moyens, même si je connais la finalité de cet article !
Nous commençons à toucher aux limites du système. Si l'on écarte les grandes plateformes – Temu, Shein, Amazon et les autres –, qui inclura-t-on ? Quelle sera l'alternative ?
Je rappelle, pour ceux qui l'ignoreraient, que je suis également élue de la collectivité territoriale de Martinique. On m'accordera donc que je sais tant soit peu ce qui s'y passe ! La proposition de la collectivité était de s'appuyer sur des infrastructures existantes pour permettre des importations en zone franche, d'où la mise à disposition d'un hangar de 1 200 mètres carrés, qui n'a rien à voir avec le présent dispositif.
J'ai été reçue il y a trois semaines par le président du conseil exécutif, M. Serge Letchimy. Et que m'a-t-il dit ? « Vous, les parlementaires, vous voulez nous imposer un dispositif concédé par l'État qui ouvrirait la porte à tout ce qui se fait dans le monde ? Si cela ne tient qu'à moi, il n'en sera rien ! » Connaissant ma philosophie politique, il m'a indiqué qu'il comptait sur moi pour éviter cela.
Vous le voyez, le discours selon lequel nous serions demandeurs d'une telle mesure ne tient pas la route. Quand je m'exprime dans cet hémicycle, je sais de quoi je parle ; quand je ne le sais pas, je me tais. Si je me permets d'insister et d'apporter des précisions sur ce sujet, c'est que je l'ai exploré en profondeur.
Je termine en évoquant l'esprit qui a présidé au dernier congrès des élus de Martinique, le 8 octobre dernier. Comme le rappelle souvent ici Victorin Lurel, en off, nous souhaitons disposer d'un pouvoir normatif autonome qui nous permettrait de décider par nous-mêmes de ce genre de dispositifs.
Qu'apporte la concession de l'État ? Rien. Pas un kopeck ! On nous propose de chercher une friche… Mais quelle est la valeur ajoutée de l'État en la matière ?
Laissez-nous mener nos affaires ! (MM. Saïd Omar Oili et Philippe Grosvalet applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je n'avais pas connaissance de cet amendement déposé au nom de la commission des affaires économiques. Son exposé des motifs indique que l'objectif n'est pas d'exclure certaines entreprises, mais l'effet sera identique : des entreprises seront exclues.
J'avais évoqué le sujet, vous me répondez par un ou deux amendements, que je découvre, et qui s'appuient sur les règlements relatifs aux très grandes plateformes en ligne, les very large online platforms, ou VLOP. Vous vous heurterez là à un problème juridique.
Je ne m'oppose pas à la protection de notre économie, bien au contraire. J'ai moi-même évoqué les circuits que nous pourrions mettre en place. Pour autant, vous décidez de nous imposer d'en haut un dispositif. Vous serez contraints de caviarder le règlement et d'organiser une fausse mise en concurrence pour effectuer votre choix. Nous construisons là une véritable usine à gaz !
Ensuite, un point que l'on semble vouloir éviter : Mme la ministre a mentionné la possibilité d'exporter nos productions, mais en matière d'importation, de concurrence, de promotion de la compétitivité, l'État est défaillant. Il prend une initiative qu'il ne finance pas.
Dans ces conditions, je m'abstiendrai, car je souhaite être agréable à notre rapporteure.
M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par M. Lurel, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Cozic, P. Joly et M. Weber et Mmes Conway-Mouret, G. Jourda, Le Houerou et Matray, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les modalités de mise en œuvre par l'État, les collectivités territoriales d'outre-mer, les chambres consulaires et les professionnels locaux de centrales d'approvisionnement et de stockage régionales en vue d'une mutualisation des moyens, d'une réduction des coûts et frais d'approvisionnement et d'une réduction des prix de consommation courante.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Cet amendement vise à obtenir un rapport du Gouvernement afin d'inciter à la création de centrales régionales d'approvisionnement. Madame la ministre, vos prédécesseurs, MM. Carenco et Valls, étaient d'accord pour s'engager dans une telle démarche.
Je reconnais que les centrales d'achat existantes avaient fort mal accueilli cette perspective ; elles acceptaient toutefois, sportivement, l'émulation et la compétition.
Cet amendement d'appel vise donc à inviter le Gouvernement à réfléchir à l'intensification du paysage concurrentiel en outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Outre le fait que le Sénat est traditionnellement opposé aux demandes de rapport au Gouvernement, les centrales régionales d'approvisionnement et de stockage évoquées par les auteurs de cet amendement verraient leur mission recouper largement celle des e-hubs tels que celui que l'article 4 prévoit d'expérimenter en Martinique.
L'avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Lurel, Mmes Bélim et Conconne, M. Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution et à Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, lorsque les pouvoirs publics décident d'une baisse de la fiscalité pesant sur les opérateurs économiques aux fins de lutter contre la hausse ou le niveau des prix de détail, les opérateurs bénéficiant directement ou indirectement de cette baisse sont tenus d'apporter aux administrations concernées tout élément utile permettant d'établir la répercussion effective de cette baisse sur les prix. Le bilan de contrôle de cette répercussion est adressé aux présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus territorialement compétents.
Un décret précise les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il s'agit de contrôler l'effectivité de la répercussion des baisses de la fiscalité sur le niveau des prix de détail afin d'éviter toute captation de marge, telle celle que l'on observe peut-être déjà en Martinique, à l'occasion de la baisse de la TVA ou de celle de l'octroi de mer.
Comment, dès lors, contrôler l'effectivité d'une telle répercussion sur les prix ? Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. Cet amendement vise à contrôler la répercussion des baisses de fiscalité sur le niveau des prix de détail.
Son adoption imposerait à chaque opérateur économique bénéficiant, directement ou indirectement, de ces baisses de fournir aux administrations concernées des bilans relatifs à leurs conséquences sur les prix au détail.
Ce dispositif apparaît lourd et contraignant, alors que la relation entre la fiscalité et la baisse des prix au détail n'obéit à aucune mécanique directe.
L'avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements et de deux sous-amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 140, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, il est institué un organisme de péréquation des frais d'approche, par l'ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation des produits, comprenant les entreprises du secteur du commerce de détail, leurs fournisseurs, qu'ils soient producteurs, grossistes ou importateurs, ainsi que les entreprises de fret maritime et les transitaires, afin de réduire ces frais sur des produits de grande consommation vendus dans ces collectivités.
II. – L'organisme est chargé de collecter les contributions volontaires versées par les entreprises mentionnées au I, dont la charge est affectée aux autres produits de ces entreprises que ceux identifiés comme étant des produits de grande consommation et dont la liste est fixée par arrêté du représentant de l'État. Les contributions versées sont exclusivement destinées à réduire les frais d'approche desdits produits de grande consommation.
III. – L'organisme est géré par un comité de gestion composé de représentants des entreprises mentionnées au I qui fixe les modalités de son fonctionnement et les modalités de financement des mesures visant à réduire les frais d'approche des produits de grande consommation mentionnés au II, dans des conditions objectives, transparentes, efficaces et non discriminatoires.
IV. – Pour l'application du I, les frais d'approche s'entendent de l'ensemble des frais de logistique et d'acheminement facturés aux importateurs, grossistes ou distributeurs établis dans les collectivités concernées.
V. – Les modalités d'application des I à IV sont précisées par décret en Conseil d'État.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Naïma Moutchou, ministre. L'article 5 du texte initial était important : il habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d'un an, toute mesure législative visant à réduire les frais d'approche sur les produits de première nécessité importés en outre-mer.
Ce dispositif reposait sur un système de péréquation entre les frais d'approche des produits de première nécessité et ceux des produits à plus forte valeur ajoutée.
Vous connaissez les chiffres, mais je souhaite en rappeler deux, issus de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Martinique : les frais d'approche représentent à eux seuls 12 % du prix de vente au consommateur et 67 % du différentiel de prix avec l'Hexagone.
Cette mesure est issue des réflexions qui ont suivi le protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère signé en Martinique le 16 octobre 2024 par l'État, la collectivité territoriale de Martinique et les principaux acteurs économiques de l'île, dans le contexte d'un important mouvement de contestation des prix pratiqués sur l'île.
La commission des affaires économiques a supprimé cet article d'habilitation, préférant que ces dispositions soient directement inscrites dans la loi.
La régularité des scénarios étudiés avec les acteurs martiniquais devait être consolidée au regard du droit européen, notamment dans la perspective d'établir un mécanisme pérenne et élargi aux autres territoires ultramarins, avant d'inscrire précisément la mesure dans le projet de loi. C'est la raison pour laquelle l'article prévoyait initialement une habilitation à légiférer par voie d'ordonnance.
Depuis lors, nous avons poursuivi ce travail afin de vous présenter une disposition législative qui puisse être directement inscrite en dur dans la loi. Tel est l'objet de l'amendement que je vous soumets.
Celui-ci vise à instaurer un mécanisme de péréquation des frais d'approche que mettront en place l'ensemble des acteurs de la chaîne de commercialisation dans chacun des territoires concernés – entreprises du secteur du commerce de détail, fournisseurs, qu'ils soient producteurs, grossistes ou importateurs, entreprises de fret maritime et transitaires –, afin de faire baisser les prix de vente des produits de grande consommation.
La liste des produits concernés sera fixée par arrêté du représentant de l'État, afin de tenir compte, comme il se doit, des spécificités et des habitudes de consommation de chaque territoire ultramarin concerné.
Ce mécanisme sera non pas limité à la Martinique, mais étendu à l'ensemble des collectivités qui relèvent de l'article 73 de la Constitution ainsi qu'à Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.
Un organisme dédié sera créé par les acteurs de la chaîne de commercialisation, qui aura la charge de percevoir leurs contributions, puis d'opérer les restitutions aux distributeurs, grossistes et importateurs, destinées à réduire le prix des produits de grande consommation concernés, selon des modalités qui seront, in fine, fixées par décret en Conseil d'État.
Comme le protocole le prévoyait en son point 12, ce mécanisme fera donc appel à des contributions volontaires et privées, notamment, comme je l'ai précédemment indiqué, de CMA CGM, laquelle ne pourra toutefois pas être la seule à participer, faute de quoi le dispositif ne pourra pas légitimement tenir.
Comme prévu au point 13, l'État accompagne ce projet par l'expertise de ses services, mais les « modalités juridiques retenues » ne prévoient pas sa participation financière, car celle-ci serait contraire au droit de l'Union européenne concernant les aides d'État.
Telle est la raison pour laquelle je serai défavorable aux sous-amendements et à l'amendement visant à introduire une participation de l'État, laquelle non seulement n'était pas prévue, mais encore mettrait en danger tout le dispositif sur le plan juridique.
Comme vous, je veux un dispositif qui fonctionne, mesdames, messieurs les sénateurs. Je vous invite donc à voter cet amendement. L'engagement et la responsabilité des acteurs sont au fondement même de la mise en œuvre du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère, qui, en moins d'un an – je le rappelai précédemment –, a d'ores et déjà permis une baisse des prix de 10 % en moyenne en Martinique.
M. le président. Le sous-amendement n° 146, présenté par MM. Salmon et Mellouli, est ainsi libellé :
Amendement n° 140, alinéas 2, 3 (deux fois) et 4
Remplacer les mots :
grande consommation
par les mots :
première nécessité
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Le présent sous-amendement vise à recentrer le mécanisme de péréquation des frais d'approche proposé par le Gouvernement sur les produits de première nécessité.
Le périmètre de l'amendement n° 140, qui englobe tous les produits de grande consommation, est en effet très large, si bien qu'il inclut des produits non indispensables, tels que les aliments ou boissons trop sucrés, alors que nous savons combien les problématiques liées à l'obésité sont prégnantes dans les outre-mer, mes chers collègues.
Par ce sous-amendement, il est donc proposé de cibler les produits essentiels du quotidien – autrement dit, ceux de première nécessité, pour reprendre les mots que vous avez utilisés tout à l'heure et qui me paraissent, en effet, plus appropriés, madame la ministre – : les aliments de base, les fruits et légumes, la viande et les produits laitiers, les boissons non transformées, les produits d'hygiène et d'entretien. Le dispositif profitera ainsi à celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Il s'agit là d'un impératif de lutte contre la vie chère autant que de santé publique.
M. le président. Le sous-amendement n° 147, présenté par MM. Salmon et Mellouli, est ainsi libellé :
Amendement n° 140, alinéa 4
Après les mots :
au I
insérer les mots :
, de représentants des collectivités territoriales, d'associations de consommateurs et de personnalités qualifiées en matière de consommation et de protection des consommateurs,
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Le présent sous-amendement vise, lui, à préciser la composition du comité de gestion chargé de fixer les modalités de fonctionnement du mécanisme de péréquation des frais d'approche, lesquelles ne sont pas assez précisément définies dans la rédaction proposée par le Gouvernement.
Pour que ce mécanisme de péréquation des frais d'approche soit un véritable outil au service du pouvoir de vivre des citoyens ultramarins, son fonctionnement doit être transparent et associer des acteurs garants de l'intérêt général.
Dans la rédaction proposée par l'amendement n° 140, seules les entreprises concernées sont gestionnaires du dispositif, ce qui ne suffit pas à garantir que le mécanisme sera au service du pouvoir d'achat non pas des distributeurs, mais bien des citoyens.
Cet amendement vise donc à intégrer des représentants des collectivités territoriales et des acteurs locaux reconnus pour leur expertise dans les domaines de la consommation et de la protection des consommateurs, de sorte que le mécanisme ne soit pas détourné au profit exclusif des entreprises.
M. le président. L'amendement n° 138, présenté par MM. Patriat, Buval, Théophile, Rohfritsch et Fouassin, Mmes Ramia, Nadille et Phinera-Horth, MM. Patient, Kulimoetoke et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, il peut être institué un organisme de péréquation des frais d'approche, par l'ensemble des acteurs publics ou privés intervenant dans la chaîne d'approvisionnement et de commercialisation d'une liste de produits de grande consommation dits de première nécessité vendus dans les collectivités concernées, basé sur le volontariat et pouvant le cas échéant passer par l'institution d'un prélèvement spécifique, destiné à réduire les frais d'approche sur des produits dits de première nécessité vendus dans les collectivités concernées.
Les frais d'approche concernés par ce mécanisme s'entendent de l'ensemble des frais de logistique et d'acheminement facturés aux importateurs, grossistes ou distributeurs établis dans les collectivités concernées.
II. – Les modalités d'application du I sont précisées par décret en Conseil d'État.
III. – Au terme de l'expérimentation, et au plus tard six mois avant son achèvement, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation portant sur les effets économiques, sociaux et environnementaux du dispositif, en vue de décider de sa pérennisation ou de sa cessation.
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Nous avons un véritable désaccord, madame la ministre.
Le protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère conclu le 16 octobre 2024 en Martinique entre l'État et les acteurs locaux prévoit que l'État prenne sa part au mécanisme de péréquation et précise les conditions de sa participation « selon les modalités juridiques retenues ».
Le mécanisme de compensation dont nous débattons est la traduction concrète de ces engagements : il s'agit d'un levier conçu pour réduire les frais d'approche, et, partant, le coût des produits de première nécessité en Martinique comme dans d'autres territoires ultramarins, qui sont tous confrontés à la même difficulté.
Ces frais d'approche, qui incluent le transport maritime, la logistique et le stockage, constituent une part majeure – nos compatriotes et nos collègues ultramarins ne le savent que trop bien – du surcoût de la vie dans les territoires d'outre-mer.
Les accords de Martinique ont eu le mérite de poser un cadre et de fixer une méthode, en tentant d'inclure l'ensemble des parties prenantes. Or la rédaction proposée par le Gouvernement ne traduit qu'imparfaitement cet engagement : elle affirme une intention, mais omet d'inscrire le rôle de l'État dans le mécanisme.
Sans remettre en cause votre volonté d'avancer, madame la ministre, nous demandons que la parole donnée soit respectée.
Mme Catherine Conconne. Très bien !
M. François Patriat. Si le Gouvernement ne rectifie pas son amendement pour y faire mention de sa participation, il nous faudra donc adopter la rédaction que nous proposons, laquelle est conforme au protocole qui a permis l'arrêt des émeutes et le retour au calme en Martinique, mes chers collègues.
L'État doit en effet apporter son aide en contribuant, au même titre que les collectivités locales et les acteurs privés, au financement de ce mécanisme. C'est à ce prix que la péréquation des frais d'approche pourra réellement contribuer à la baisse des prix à la consommation et à la lutte contre la vie chère.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce débat dépasse la technique : il touche à la confiance entre l'État et les territoires ultramarins. Les engagements doivent être honorés tant dans leurs intentions que dans leur mise en œuvre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Frédéric Buval, rapporteur. L'amendement n° 140 vise à inscrire dans la loi le mécanisme de péréquation des frais d'approche prévu par le protocole d'accord conclu en Martinique en octobre 2024. Je rappelle que ces frais expliquent à eux seuls jusqu'à deux tiers de l'écart de prix constaté entre les outre-mer et l'Hexagone pour les produits de grande consommation.
S'il peut paraître complexe, le mécanisme de péréquation des frais d'approche au profit desdits produits qu'il est proposé d'instituer est le seul qui soit conforme au droit européen.
Ce mécanisme doit toutefois être conforme aux engagements pris par l'État dans le cadre du protocole d'objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère signé le 16 octobre 2024 en Martinique.
Celui-ci stipule bien, en son paragraphe 13, que l'État « accompagnera ce projet par l'expertise de ses services », et, surtout, qu'il devra préciser « les conditions de sa participation financière ».
La commission a donc demandé au Gouvernement de rectifier son amendement afin de renvoyer à un décret les modalités de participation financière de l'État au dispositif. Cette demande étant restée lettre morte, l'avis est défavorable.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 146, qui n'a pu être examiné par la commission en raison de son dépôt tardif, il me paraît préférable de conserver le périmètre qui est déjà celui du bouclier qualité prix, qui inclut les produits de grande consommation. L'avis est donc défavorable.
Sur le sous-amendement n° 147, qui a lui aussi été déposé tardivement et n'a donc pas pu être examiné par la commission, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Si, en l'absence de précision sur la participation de l'État à la péréquation des frais d'approche, l'amendement du Gouvernement ne peut être adopté, la solution proposée par l'amendement de repli n° 138, qui tend à associer les acteurs publics à cette péréquation dans un cadre expérimental, me paraît constituer un compromis acceptable. Sur cet amendement, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Naïma Moutchou, ministre. Je souhaite pour ma part que nous nous en tenions à la rédaction proposée par le Gouvernement. Je suis donc défavorable aux sous-amendements nos 146 et 147, ainsi qu'à l'amendement n° 138.
Vous évoquez avec raison l'importance de la parole donnée, monsieur Patriat. Ce n'est pas moi, qui porte la parole du Gouvernement, qui vous contredirai.
En réponse aux questions soulevées par plusieurs orateurs sur la participation financière de l'État, permettez-moi donc de citer le protocole, qui précise en son point 12 que celui-ci « contribuera à la mise en place d'un mécanisme de compensation », en faisant appel « à des contributions volontaires et privées », puis, en son point 13, qu'il « accompagnera ce projet par l'expertise de ses services et précisera, selon les modalités juridiques retenues, les conditions de sa participation financière ».
Cette dernière expression ne constitue pas un engagement ferme de l'État à participer financièrement au mécanisme visé. Tel n'est pas le sens de ce qui est écrit noir sur blanc.
Si, parce que vous tenez à la participation financière de l'État, vous n'adoptez pas le dispositif que je vous propose d'instaurer, il n'y aura aucun mécanisme de péréquation, et le protocole ne sera pas mis en œuvre.
Le dispositif proposé est le seul qui soit conforme au droit européen. J'aurais pu vous proposer un mécanisme plus lisse, mais celui-ci aurait été retoqué au niveau européen, ce qui aurait été un échec pour nous tous.
À l'issue d'un travail qui nous a conduits à étudier absolument tous les scénarios, je puis vous affirmer que ce dispositif est le plus solide sur le plan juridique et le seul qui nous permette d'avancer.
Après la suppression de l'article 1er par votre commission, suppression sur laquelle je n'ai pas souhaité revenir, si l'amendement n° 140 n'est pas adopté et que l'article 5 demeure supprimé, le présent projet de loi sera pour ainsi dire vidé de sa substance.
 
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                            

