M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Voilà une parfaite illustration de la méthode du Gouvernement, madame la ministre : pas de financement, budget constant, compensation, péréquation. Vous avez eu le courage de nous donner lecture du protocole, dont vous faites une interprétation quelque peu jésuitique. (Sourires.)
Quelles que soient les circonvolutions auxquelles vous vous prêtez pour nous convaincre que vous respectez le protocole, il reste que votre proposition est une trahison de la signature de celui-ci. (Mme Catherine Conconne applaudit.) Je suis sans doute excessif dans mon expression, mais ce que je dis est vrai. D'autres solutions existent.
En outre-mer, notre expérience des structures interprofessionnelles telles que l'Association réunionnaise interprofessionnelle du bétail, de la viande et du lait (Aribev) à La Réunion, ou l'Association martiniquaise interprofessionnelle de la viande et du bétail (Amiv) à la Martinique, montre qu'un mécanisme fondé sur des contributions volontaires fonctionne petitement, car beaucoup d'entreprises ne contribuent pas. De fait, ce sont bien souvent les grands groupes qui financent les mécanismes de péréquation.
Comment un État régalien tel que la France, cinquième puissance mondiale, peut-il se satisfaire que, dans les outre-mer, la solidarité nationale ne s'applique pas ? Je rappelle du reste que le financement de la continuité territoriale ne pose aucune difficulté en Corse, madame la ministre, non plus que dans les outre-mer, pour un budget – qu'il faudrait certes renforcer – de 46 millions d'euros, au bénéfice des personnes, mais aussi des biens, en particulier agricoles, via le régime spécifique d'approvisionnement (RSA) et les mesures en faveur des productions agricoles (MFPA).
Depuis la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite loi Lodéom, ces dispositifs sont financés par l'Europe et par votre ministère, madame la ministre, qui dispose d'une ligne budgétaire visant spécifiquement à soutenir le fret – vous disposez même d'une ligne budgétaire dédiée à financer l'infléchissement à la baisse des taux d'intérêt bancaires.
Puisque vous avez donc la possibilité de contribuer financièrement, je vous demande de respecter le protocole signé en Martinique et de tenir les engagements pris. Mon excellent collègue François Patriat lui-même, président du groupe RDPI et soutien du Gouvernement, expliquait à l'instant en présentant son amendement que la parole donnée n'est pas respectée.
Au regard de nos présents échanges, vous comprendrez qu'en dépit de mon souhait de vous accompagner, je demeure sceptique, madame la ministre.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. Pour plagier feu un homme politique français, je dirai que ce que j'entends est un scandale ! Je dis bien : un scandale ! Cela vous parle sans doute, monsieur le président… (Sourires.)
Puisque cela s'est passé dans le pays dont je suis élue, la Martinique, permettez-moi de rappeler le contexte dans lequel ce protocole a été signé. Ne disposant d'aucune marge financière, le préfet de l'époque, qui a signé ce protocole au nom de l'État, a pris soin de le rédiger de telle sorte que l'accord de financement et de compensation des coûts d'éloignement soit renvoyé au projet de loi de finances. En aucun cas les protagonistes n'ont demandé que les coûts soient portés par des contributions volontaires des entreprises.
Vous évoquez des écueils juridiques, madame la ministre, mais depuis 1975 – cela fait donc cinquante ans –, le transport des passagers et des marchandises vers l'île de Beauté fait l'objet d'un dispositif de continuité territoriale, alors même que la Corse ne se trouve qu'à quelques kilomètres du continent ! Or cela ne pose aucun problème juridique, y compris au regard du droit européen. Le dispositif est renouvelé chaque année, et, sous la houlette de Mme Vautrin, il a même été abondé l'année dernière à hauteur de 30 millions d'euros pour compenser les surcoûts liés à l'évolution du prix du carburant.
Pour les éloignés de la République que sont les Ultramarins, en revanche, il y a une difficulté au regard du droit européen. Je le répète, madame la ministre : ce que vous proposez par votre amendement est un scandale !
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.
Mme Audrey Bélim. J'ajouterai qu'il n'existe pas, à ce stade, de simulation chiffrée publique permettant d'évaluer précisément la perte de parts de marché qui résulterait, pour la production locale, d'une péréquation qui ferait baisser le prix de l'intégralité des produits importés.
A-t-on par ailleurs identifié les difficultés pratiques et juridiques que la mise en œuvre d'un tel dispositif occasionnera nécessairement ?
Au-delà des intentions, trop de flou demeure quant à la mise en œuvre opérationnelle de ce dispositif, qui emporte une intervention sur le marché et un empiétement sur la gestion privée dont la portée est peut-être excessive.
Pour toutes ces raisons, j'estime qu'il serait préférable d'entendre les arguments de nos collègues qui étaient en première ligne lors de l'élaboration du protocole en Martinique.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. Il est exact que je m'oppose rarement au Gouvernement, mon cher collègue Lurel. Certains me le reprochent, d'autres m'en félicitent. Il reste que mon présent désaccord de fond est réel.
Nos amis ultramarins ont compris que le protocole signé en Martinique engageait l'État à une participation, dont le montant n'était d'ailleurs pas précisé. Ils ont le sentiment que l'État a donné sa parole. Sans critiquer l'interprétation juridique que Mme la ministre fait de ce protocole, je constate que ce qu'elle propose ne correspond pas à ce que nos amis ultramarins, notamment de Martinique, s'estiment en droit d'attendre.
Si votre amendement n'est pas adopté, madame la ministre, l'article ne demeurera toutefois supprimé que si celui que j'ai proposé au nom de mon groupe n'est pas voté. Si l'amendement n° 138 est adopté, il y aura bien un article 5 dans la rédaction que je propose, et celui-ci pourra être débattu par l'Assemblée nationale.
Laissons-nous donc le temps de la négociation, en adoptant, pour l'heure, cette rédaction qui donne satisfaction à nos collègues d'outre-mer, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour explication de vote.
Mme Annick Girardin. Vous avez indiqué à juste titre que si le présent article demeure supprimé, il ne restera pas grand-chose de ce projet de loi, madame la ministre. Pour autant, on ne peut pas trahir ceux qui ont participé aux négociations – je sais combien mes collègues parlementaires, notamment de la Martinique, se sont mobilisés.
Il convient donc de sortir de cet entre-deux, car nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réponse sur la péréquation. Cela suppose à mon sens de nous donner du temps et de continuer à débattre, mes chers collègues, pour trouver une solution pour l'ensemble des Drom, ou du moins des régions ultrapériphériques (RUP), puisque la difficulté n'est pas la même pour les pays et territoires d'outre-mer (PTOM). Ces derniers n'étant pas soumis aux mêmes contraintes au regard du droit européen, nous pourrions y expérimenter le dispositif, mais ce serait injuste, car même si l'ensemble des territoires d'outre-mer sont affectés par la cherté de la vie, ce sont d'abord les Antilles, notamment la Martinique et la Guadeloupe, mais aussi la Guyane qui attendent des résultats.
S'il est compréhensible que nos débats se soient enflammés, j'estime donc qu'il nous faut trouver une voie d'apaisement et d'entente, en particulier pour la Martinique, qui est au centre de nos échanges puisque c'est dans cette collectivité qu'un préfet s'est engagé, ce qu'il n'a pas pu faire sans avoir obtenu au préalable quelques garanties.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Il me paraît très dommageable que ni les collectivités locales, ni des experts, ni des représentants des associations de consommateurs ne siègent au sein du comité de gestion de l'organisme de péréquation des frais d'approche.
Si tel devait être le cas, le fonctionnement de cette instance ne saurait être optimal. J'estime donc fondamental d'adopter le sous-amendement n° 147, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Naïma Moutchou, ministre. La continuité territoriale avec la Corse est assurée au travers d'une délégation de service public (DSP), dont le modèle est du reste fragile, au regard notamment du droit européen. Or je ne sache pas qu'il y ait de candidats à la DSP en outre-mer. En particulier, CMA CGM ne me paraît pas se positionner de la sorte, et, de fait, la situation corse n'a rien d'enviable.
J'estime par ailleurs ne me livrer ni à une interprétation, ni à une extrapolation, ni à une herméneutique des termes du protocole, dont je vous ai donné lecture ; je m'en tiens, de manière objective, à son texte, lequel stipule que la participation financière doit être précisée « selon les modalités juridiques retenues ». En l'occurrence, aucune modalité juridique n'a été retenue.
Chacun conviendra qu'un dispositif permettant de réduire les frais d'approche est très attendu dans les territoires visés. Plus encore qu'au principe, madame Girardin, je suis donc particulièrement attachée au message que nous enverrons aux outre-mer en adoptant l'amendement n° 140.
Je sollicite donc une suspension de séance de quelques minutes, afin de m'entretenir avec les rapporteurs et les différents orateurs qui sont intervenus, monsieur le président.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures trente.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, à l'issue de cette courte suspension de séance, il ressort de nos échanges que l'ensemble des groupes politiques n'est pas favorable à l'amendement présenté par le Gouvernement, au regard de la présentation que vous en avez faite.
Dans la mesure où le dispositif prévu à l'amendement de M. Patriat ne semble pas sécurisé, comme vous l'avez dit, madame la ministre, nous proposons d'en rester au texte de la commission, qui a décidé de supprimer l'article 5.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mmes Bélim et Conconne, MM. Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Kanner, Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 294 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« 4. Les colis postaux contenant des marchandises destinées à la consommation personnelle, échangés entre particuliers à destination ou au départ des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ainsi que des collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au titre du dédouanement ou du transit postal, lorsque la marchandise a déjà été soumise à la TVA au moment de son acquisition initiale.
« Cette dérogation s'applique lorsque :
« 1° Le colis est adressé par un particulier à un autre particulier, sans caractère commercial ;
« 2° La marchandise contenue dans le colis a déjà supporté la TVA, soit au moment de son achat auprès d'un prestataire assujetti à la TVA, soit au moment de son importation initiale dans le territoire fiscal français ;
« 3° La marchandise n'est pas soumise à des droits d'accise ou à des restrictions particulières en raison de sa nature.
« Les modalités d'application du présent paragraphe, notamment les seuils de valeur, les documents à produire pour justifier du paiement antérieur de la TVA, et les procédures de contrôle, sont fixées par décret en Conseil d'État, pris après consultation de la direction générale des douanes et droits indirects et de la direction générale des finances publiques.
« Un arrêté du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé des finances précise les modalités de suivi et d'évaluation des pertes de recettes fiscales résultant de l'application du présent paragraphe. »
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Audrey Bélim.
Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à supprimer le mécanisme de double taxation à la TVA applicable aux colis postaux échangés entre particuliers, à destination et au départ des outre-mer, ce qui constitue une discrimination fiscale injustifiée entre les territoires, frappant ainsi de manière disproportionnée les populations ultramarines.
Je rappelle, en effet, qu'une première TVA intervient au moment de l'achat initial, puis qu'une seconde TVA intervient sur le même bien lors du dédouanement du colis postal en outre-mer.
De fait, sur le plan douanier, les outre-mer font partie du territoire européen pour l'application de l'article 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Mais, sur le plan fiscal, ils restent malheureusement exclus du territoire de l'Union européenne et sont considérés comme des pays tiers non membres, d'où l'application de la TVA aux importations. C'est incohérent !
La délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, dans le cadre d'une mission flash sur l'augmentation des prix des colis postaux, en juin 2025, a identifié et documenté le mécanisme fiscal problématique que constitue la double taxation à la TVA, qui n'existe pas pour les colis échangés dans l'Hexagone.
Cet amendement est cohérent avec l'article 73 de la Constitution, qui permet l'adaptation des mesures législatives aux caractéristiques des outre-mer. Son adoption corrigerait cette anomalie fiscale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Micheline Jacques, rapporteur. S'ils font partie du territoire douanier européen, les départements et régions d'outre-mer ne font en revanche pas partie du territoire fiscal de l'Union européenne. Ils sont ainsi assimilés, sur le plan fiscal, à des États non membres de l'Union, y compris dans leurs relations avec l'Hexagone.
Les colis postaux envoyés depuis ou vers les outre-mer sont donc considérés comme des importations ou des exportations et sont soumis à taxation au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'octroi de mer. Dès lors que ces colis contiennent autre chose que des documents, il est obligatoire d'y joindre une déclaration en douane, y compris s'ils sont envoyés entre particuliers et à titre gratuit.
Afin de ne pas renchérir excessivement le coût de ces échanges lorsqu'ils se font entre particuliers – par opposition à une transaction commerciale –, des franchises existent néanmoins, en deçà desquelles les taxes ne sont pas dues. De l'Hexagone vers les Drom, les ventes commerciales sont exonérées jusqu'à 22 euros inclus ; des Drom vers l'Hexagone, et en cas d'absence de transaction commerciale, cette franchise s'applique jusqu'à 45 euros inclus. Enfin, quand il s'agit d'un envoi non commercial de l'Hexagone vers les Drom, cette franchise s'élève à 400 euros.
Les flux des Drom vers l'Hexagone font effectivement l'objet d'une franchise très basse. Néanmoins, ils ne peuvent pas, en l'état, faire l'objet d'un rehaussement similaire de la franchise prévue pour les envois de l'Hexagone vers les Drom, désormais fixée, je le rappelle, à 400 euros. En effet, les envois considérés comme des importations dans l'Union européenne depuis des pays tiers relèvent de la compétence du législateur européen en matière de TVA. Celui-ci détermine une franchise uniforme pour l'ensemble des États, sans exception pour les outre-mer.
Pour avancer sur ce dossier, il est donc nécessaire d'inviter le Gouvernement à soutenir auprès des instances de l'Union européenne une initiative ayant pour objet de rehausser la franchise de TVA applicable aux envois sans caractère commercial depuis les outre-mer.
En l'état, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. En réalité, et pour le résumer ainsi, nos outre-mer sont considérés comme des territoires d'exportation. Du point de vue fiscal – Mme la rapporteure a eu raison de faire un rappel –, les achats effectués dans l'Hexagone échappaient à la TVA, un taux de 8,5 % leur étant appliqués à leur entrée en outre-mer contre 20 % en métropole.
Cela était vrai, il y a quelques longues années : lorsqu'un particulier allait acheter un costume dans les grands magasins d'une ville de France hexagonale et qu'il disait venir des outre-mer, on ne lui faisait pas payer la TVA. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas et il devra payer deux fois la TVA. Les commerçants considèrent que nous sommes français et ne veulent rien savoir de nos histoires de territorialité fiscale ni de la sixième directive TVA par laquelle l'Union européenne nous a exclus.
Il ne faut pas croire qu'il s'agissait là d'une discrimination ; c'était au contraire une faveur. Mais cela ne fonctionne plus et nous nous retrouvons à payer deux fois la TVA.
Ensuite, il y a la question des colis. Sur l'initiative de notre collègue Théophile, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, nous avions adopté un amendement visant à ce que les colis postaux dont la valeur ne dépasse pas 400 euros ne soient pas taxés à l'octroi de mer. Je crois que cela fonctionne. Mais la double taxation à la TVA s'applique, à laquelle viennent s'ajouter les frais que demande La Poste.
Je terminerai par une anecdote. Il y a environ quinze jours, au Moule, en Guadeloupe, quelqu'un a reçu un colis par le biais d'un service de type Chronopost. Or les frais demandés étaient plus importants que la valeur du colis. Cela a fini en bagarre : l'histoire était rapportée dans la rubrique « faits divers » du journal local. Les gens ne comprennent pas.
Madame la ministre, je vous invite à réfléchir à cette double tarification. Ericka Bareigts, alors secrétaire d'État, avait soulevé cette question, en 2016, alors que nous présentions le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. Elle avait alors parlé de « continuité postale ». Ce principe existe dans une certaine mesure pour la Polynésie française – de sorte qu'il faudrait éviter de légiférer à la place de la Polynésie –, mais il n'existe pas pour nous.
Il faut une grande loi, plus globale, voire polysémique, pour répondre aux attentes des outre-mer.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 8 :
| Nombre de votants | 341 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 341 | 
| Pour l'adoption | 134 | 
| Contre | 207 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
TITRE II
RENFORCER LA TRANSPARENCE SUR LES AVANTAGES COMMERCIAUX CONSENTIS AUX DISTRIBUTEURS ET DES SANCTIONS
Article 6
L'article L. 410-6 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 410-6. – Les personnes exploitant, dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, ainsi que dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, un ou plusieurs établissements de commerce de détail à prédominance alimentaire d'une surface supérieure à 400 m², transmettent, à la demande de l'autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État, les informations nécessaires à la mise en œuvre des dispositions des articles L. 410-2 à L. 410-5 relatives aux prix et aux quantités des produits de grande consommation mentionnés au I de l'article L. 441-4 vendus par ces établissements. Ces informations incluent notamment les taux de marge en valeur pratiqués sur les produits commercialisés, les taux de marge pratiqués tout au long de la chaîne d'approvisionnement, de livraison et de commercialisation des produits, les prix d'achat et de vente des produits alimentaires et non alimentaires et, le cas échéant, pour les filiales des entreprises détenues à plus de 25 % par leur société mère, les prix de cession interne.
« Les manquements au présent article sont passibles d'une amende administrative, prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 470-2, dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.
« Les manquements constatés et les amendes prononcées en application du deuxième alinéa du présent article font l'objet d'une mesure de publicité. La publicité est effectuée aux frais du professionnel destinataire de l'amende. »
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, sur l'article.
Mme Annick Girardin. J'interviendrai assez rapidement, car j'ai déjà pris la parole plusieurs fois.
Le texte que nous examinons a pour objet de répondre aux enjeux spécifiques des collectivités d'outre-mer, en particulier celles des Antilles. Le problème est qu'il a été érigé non seulement comme une urgence, mais aussi comme une priorité par le Gouvernement, et que certains y voient l'alpha et l'oméga de la lutte contre la vie chère dans les territoires ultramarins. Or nous mesurons depuis le début du débat combien nous devrons être prudents dans les commentaires que nous ferons à l'issue de son examen. En effet, les dispositions que nous voterons ce soir laisseront obligatoirement, dans nos territoires ultramarins et pour ceux qui y vivent, un sentiment de frustration, puisqu'elles ne pourront être à la hauteur des difficultés. Il faudra donc que nous fassions comprendre à nos concitoyens que nous avons souhaité améliorer l'ensemble des dispositifs que nous avons examinés ou sur lesquels nous avions travaillé, mais que ce texte ne peut en aucun cas être considéré comme une solution à tous les problèmes.
Concernant l'article 6, évitons de soumettre certains territoires, notamment Saint-Pierre-et-Miquelon, à un surcroît de contrôle et de rigidité, car ces contraintes risquent de rendre leur situation plus complexe. Encore une fois, les grandes surfaces à Saint-Pierre-et-Miquelon, c'est une seule structure. Par conséquent, à chaque fois que l'on ajoute des contraintes dans ce territoire suradministré, on entretient ce qui est vécu comme une pression permanente.
Veillons donc, dans le cadre de nos amendements, à différencier la manière dont nous traitons la situation selon les territoires. Si la problématique est globale, les solutions doivent être imaginées territoire par territoire, et donc par les préfets.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l'article.
M. Fabien Gay. La vie chère – nous le disons depuis le début – est un sujet qui agrège de nombreuses questions : celle des salaires, celle de l'accès au logement et de son coût, celle des accords bilatéraux et bien d'autres encore.
Toutefois, la question de la vie chère est intimement liée à celle de la transparence des coûts des grands groupes. Elle l'est d'abord parce que nous avons un système qui est issu de la colonisation, ou de la « profitation » : ainsi, quelques grandes familles détiennent près de 80 % des marchés, de la supérette à la location de voitures, jusqu'à l'hôtellerie. Or ces grands groupes, notamment le groupe Bernard Hayot, dit GBH, ne publient pas leurs comptes. Il a d'ailleurs fallu que quatre lanceurs d'alerte conduisent ledit groupe devant le tribunal pour qu'il publie enfin ses comptes, après des dizaines d'années de combat.
La vie chère, ce sont des prix de 4 % à 19 % plus élevés, notamment sur les produits de première nécessité ; aux Antilles et en Guyane, c'est plus de 40 %. Le problème fondamental reste que nous ne pourrons pas attaquer le sujet si nous ne connaissons pas la réalité des marges arrière de ces grands groupes. Bien sûr, il y a l'éloignement, bien sûr, il y a l'octroi de mer, mais quelle sont les marges arrière de ces groupes ? Il faut gagner en transparence, et cela ne concerne pas seulement les grandes surfaces. En effet, je le redis, ces groupes détiennent à peu près tous les commerces et quatre familles se partagent le gâteau.
Il faut donc travailler absolument sur la question de la transparence. Quand nous aurons gagné en transparence, alors nous pourrons définir ce qu'il faut faire : faut-il bloquer les prix, réduire la TVA, etc. ?
Tel est le véritable enjeu du débat. Je vous le dis, madame la ministre, ne le bloquez pas, car cela devient une absolue nécessité pour l'ensemble des populations d'outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l'article.
Mme Catherine Conconne. Premièrement, il faut être transparent sur la transparence et donner des éléments qui soient tangibles. La demande que mon collègue vient de faire est satisfaite. Je m'en remets à l'OPMR : aujourd'hui, et plus encore depuis les événements de l'année dernière, tout est transmis à la DGCCRF. Absolument tout ! Trois personnes sont affectées à ces contrôles et les effectuent en prenant en compte les éléments de caisse, les factures d'achat et tous les documents nécessaires. (M. Victorin Lurel manifeste son scepticisme.) Les comptes des distributeurs sont épluchés régulièrement.
Deuxièmement, certains parlent de la concentration des acteurs, mais je rappelle – ce sont des faits, c'est vérifiable, ce n'est pas une estimation au doigt mouillé ni une impression – qu'il y a sept groupes de distribution à la Martinique – je prends le cas de la Martinique, puisque tout est parti de là –, le même nombre qu'en France, alors que l'on compte 68 millions d'habitants d'un côté et 350 000 de l'autre.
Par conséquent, tous ceux qui ont voulu s'implanter en Martinique ont fait machine arrière, car le marché est devenu tellement étroit qu'il a perdu toute attractivité : on se marche sur les pieds. Il faut donc bien connaître la situation et bien s'en imprégner.
Encore une fois, soyons transparents avec la transparence.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l'article.
M. Victorin Lurel. Je répète, sans vouloir m'opposer à tel ou tel, qu'il y a des monopoles et des oligopoles en outre-mer. Cinq à sept acteurs, c'est déjà un oligopole, et c'est même une cartellisation dans certains cas.
Le pire, toutefois, ce ne sont pas les monopoles, les duopoles ou les monopsones ; le pire, c'est l'intégration verticale impliquant les maillons d'une chaîne qui n'est pas transparente, mais parfaitement opaque, avec des prix d'intermédiation et des prix de cession interne, ainsi que des remontées de dividendes dans des sociétés, dans des holdings, etc. C'est cela qui gangrène le paysage concurrentiel. (M. Fabien Gay acquiesce.)
J'ai bien voulu accepter – je suis un homme de gauche – le dogme de la concurrence, selon lequel le marché règle tout et qu'il faut tout laisser faire : le renard libre dans le poulailler libre ! Nous avons donc accepté cela et, depuis l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, dite ordonnance Balladur, nous avons décidé que c'était le marché libre et que nous n'encadrions plus les prix. Nous nous sommes donc engagés dans la régulation. Cette régulation est toutefois tellement modérée, pour respecter ce dogme, que nous ne réglons rien depuis cinquante ans dans nos territoires.
Nous interpellons le Gouvernement et la ministre qui est au banc – certes, elle vient d'être nommée et elle découvre certains sujets –, mais la consigne qui est donnée est la suivante : nous ne finançons rien. Quels que soient les dysfonctionnements et les distorsions, ce n'est pas notre affaire, on s'en bat l'œil ! Voilà ce que signifie en réalité la « régulation modérée ».
Ce que vient de dire Fabien Gay est juste. Il existe une béance statistique qui fait que nous ne pouvons même pas avoir accès aux informations. Or, devant la cour d'appel, seule compétente pour le droit de la concurrence, il faut pouvoir présenter une chronique d'informations concernant les prix ou les marges sur cinq ans pour ne pas être débouté, car les lobbies ont recours à de grands avocats. C'est le rôle du Gouvernement de nous transmettre ces informations, qu'elles relèvent de la microéconomie, de la mésoéconomie ou de la macroéconomie. Mais pour l'instant, la DGCCRF garde tous ces documents secrets, par-devers elle, de sorte qu'ils ne sont pas exposés. Même cela, vous nous le refusez : c'est désespérant.
 
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                            

