Mme Catherine Belrhiti. Changez d'hémicycle, chers collègues de gauche !
M. Laurent Burgoa. Nous avons des différences, cela s'appelle la démocratie. Mais si l'on affirme que certains d'entre nous, dans cet hémicycle, sont des faux-culs,… (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cécile Cukierman. Nous n'avons pas dit cela !
M. Alexandre Basquin. C'est une expression !
M. Laurent Burgoa. … il ne faut pas s'étonner ensuite que certains de nos concitoyens en viennent à la violence à l'égard des élus municipaux.
Mes chers collègues, nos débats sont retransmis à la télévision depuis cet hémicycle, et nous nous devons de renvoyer l'image d'élus responsables. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer vos propos.
Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat, pour un rappel au règlement.
M. Ian Brossat. Je souhaite revenir sur les leçons de maintien qui nous sont dispensées depuis quelques minutes, à la suite de l'expression utilisée par mon collègue et camarade Alexandre Basquin.
Je veux bien que nous nous livrions, de part et d'autre de cet hémicycle, à des leçons de politesse. Mais si vous souhaitez jouer à ce jeu, allons jusqu'au bout.
Vous disiez, par exemple, qu'il y a des mots que l'on n'a pas le droit d'employer. J'ai, quant à moi, encore en travers de la gorge la séance de questions d'actualité au Gouvernement d'hier, au cours de laquelle l'une de vos collègues du groupe Les Républicains s'est permis de citer Maurice Barrès, auteur notoirement antisémite, comme une référence.
J'ai également à l'esprit une question posée, toujours lors de cette séance, par l'un de nos collègues socialistes au sujet de Zyed et Bouna, morts à 15 ans et 17 ans, coupables de rien. Il a suffi de prononcer leurs prénoms pour que s'élèvent des murmures de protestation sur vos travées.
Mme Catherine Belrhiti. Nous n'insultons personne en murmurant !
M. Ian Brossat. Lisez donc le compte rendu de la séance d'hier !
Mme Catherine Belrhiti. C'était hier, nous sommes aujourd'hui !
M. Ian Brossat. Livrons-nous donc à des leçons de maintien. Mais votre attitude d'hier, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement et vos références idéologiques me choquent bien plus que l'expression populaire utilisée tout à l'heure par Alexandre Basquin. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l'article.
M. Pascal Savoldelli. Je veux bien qu'une expression suscite une vive émotion, mais est-il nécessaire d'en rajouter ? Il faut affronter la question telle qu'elle se pose. Nul n'a, dans cet hémicycle, le monopole du sujet des ordures ménagères. Chacun sait ici que la taxation et la redevance divisent nos concitoyens.
Je ne comprends pas que l'on ne cherche pas à résoudre le problème, car le sentiment d'hypocrisie que nous exprimons porte sur une seule question : la libre administration des collectivités territoriales. Il faut l'assumer, c'est cela, le débat politique !
Favorise-t-on, par un tel dispositif, la libre administration des collectivités ? En effet, si la taxation et la redevance divisent, le rôle d'un ministre, d'un gouvernement, et celui des sénateurs, c'est de trouver l'harmonie entre une réponse universelle, républicaine, et la singularité de l'exercice de la libre administration des collectivités territoriales. C'est cela que prônent par ce texte notre groupe et Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Voilà !
Mme Catherine Belrhiti. Mais enfin, où va-t-on ?
M. Pascal Savoldelli. Je suis quant à moi tout à fait étonné, monsieur le ministre, que ni vous-même ni le rapporteur n'ayez considéré cette proposition de loi comme un texte d'appel. Nous avions pourtant aujourd'hui l'occasion d'ouvrir le débat.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Cécile Cukierman. Absolument !
M. Pascal Savoldelli. Or l'attitude et les arguments que j'ai entendus n'élèvent pas le rôle du Parlement. Il ne s'agit pas de lancer une polémique : c'est de la politique. Le Parlement doit être capable de se saisir d'un projet d'appel et, en dépit des réserves exprimées par les uns ou les autres, d'encourager la démarche qui a présidé à sa présentation.
Nous avons l'occasion de renforcer l'autorité des collectivités territoriales sur un sujet qui divise nos concitoyens. Au-delà des mots employés par les uns ou les autres, j'estime donc qu'il convient de ne pas dévoyer la nature de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Paccaud, rapporteur. J'espère que c'est ma dernière intervention…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous avons le temps !
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Je suis heureux de vous entendre parler de littérature, mon cher collègue Ian Brossat, car je sais – je le dis sans ironie – que vous savez de quoi vous parlez. Maurice Barrès est un très grand auteur – La Colline inspirée est loin d'être un mauvais livre –, qui, comme d'autres auteurs bien plus célèbres que lui – Voltaire, par exemple –, a pu écrire ou tenir des propos regrettables, notamment antisémites.
Mme Colombe Brossel. Regrettables ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. En démocratie, il faut accepter d'être minoritaire, madame Varaillas. Vous vous émouvez d'avoir trouvé sur les tables de la commission des finances, devant laquelle vous avez eu le loisir de vous exprimer, le document intitulé L'essentiel, qui présente la position du rapporteur.
Mme Marie-Claude Varaillas. La position de la commission !
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Je vous rappelle toutefois, puisque, si vous paraissez l'avoir découvert à la commission des finances, tel est le fonctionnement démocratique de notre assemblée, que les commissaires, qui ne sont en aucun cas à mes ordres, se sont ensuite prononcés sur cette proposition, qu'en l'occurrence, ils ont adoptée. Il est donc malhonnête de dire que les dés étaient pipés d'entrée de jeu. (Mme Marie-Claude Varaillas le conteste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, sur l'article.
M. Jacques Fernique. Je ne voudrais pas que nos débats se grippent, sur fond d'énervement quelque peu surjoué, autour d'une expression, mes chers collègues.
Je me suis donc amusé – cela est très rapide – à rechercher dans les comptes rendus intégraux de séance publique, et il se trouve que lors des questions d'actualité au Gouvernement du 24 janvier 2024, votre collègue Kristina Pluchet – largement applaudie sur les travées du groupe Les Républicains, indique le compte rendu – avait affirmé que les agriculteurs en avaient « ras le bol du bal des faux culs », monsieur le rapporteur. L'emploi de cette expression n'avait pas alors donné lieu à une crispation. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K et SER. – Mme Catherine Belrhiti proteste.)
M. Ian Brossat. Et voilà !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, sur l'article.
M. Vincent Louault. Étant en quelque sorte spécialiste des déchets (Sourires.), j'ai couru pour revenir en séance publique, car le sujet est important – je vous remercie de l'avoir mis sur la table, mes chers collègues.
Loin de vouloir polémiquer, je souhaite rappeler quelques faits simples. Les collectivités sont déjà très embêtées pour appliquer les règles sans cesse plus complexes de gestion des déchets. Celles-ci entraînent des augmentations exponentielles, de 30 %, 40 %, 50 % et parfois jusqu'à 60 % de la facture pour nos habitants, sachant que dans la prochaine loi de finances, la TGAP devrait de plus être portée de 65 à 135 euros. La vache à lait des poubelles produit à plein régime !
Les collectivités ont aujourd'hui le choix entre deux systèmes : la taxe ou la redevance incitative. Constatant que 25 % des administrés arrêtaient de payer leurs factures, de nombreuses collectivités qui avaient mis en place la redevance incitative sont revenues en arrière. La taxe, qui est incorporée aux impôts locaux, est de plus de gestion bien plus facile, sans compter que la redevance incitative supposant déjà la mise à jour des dossiers des familles, l'ajout de paramètres emportera d'autant plus de complexité.
Pourquoi, par ailleurs, ne pas appliquer aux poubelles la solidarité qui vous est chère, mes chers collègues ? Les retraités, qui ne produisent quasiment pas de déchets, ne devraient-ils pas être solidaires des familles nombreuses, qui jettent des kilogrammes et des kilogrammes de couches et verront le montant de leur redevance incitative augmenter en proportion ?
Le système que vous nous proposez de créer aura pour effet de creuser l'écart entre les Français qui n'ont pas d'autre choix que de consommer et ceux qui, disposant d'un grand logement, peuvent bio-composter une grande partie de leurs déchets, si bien qu'ils finiront par ne plus rien payer.
Je suis donc très défavorable à cet article, que mon groupe ne votera pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, sur l'article.
Mme Colombe Brossel. Je tiens à revenir sur les propos de M. Paccaud, qui indiquait que Maurice Barrès avait pu écrire ou tenir des propos antisémites « regrettables ». Vous auriez dû dire, mon cher collègue, que Maurice Barrès a écrit ou tenu des propos antisémites, car à la différence d'une opinion, qui peut être regrettable, l'antisémitisme est un délit, et il est à ce titre condamnable. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky et, l'autre, du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 12 :
| Nombre de votants | 342 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 335 | 
| Pour l'adoption | 109 | 
| Contre | 226 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 2
Le cinquième alinéa de l'article L. 2224-16 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les déchets mentionnés au 1° du présent article, lorsque la collecte s'appuie sur des points d'apport volontaire, le nombre de points est au moins égal à un pour deux cents habitants. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Malhonnêteté ou incompétence ? Puisque les mots ont un sens, vous choisirez le vôtre et celui de tous ceux qui ont repris vos propos, monsieur le rapporteur.
Si vous le permettez, je commencerai par vous donner lecture du dispositif de l'article 2, mes chers collègues : « Pour les déchets mentionnés au 1° du présent article, lorsque la collecte s'appuie sur des points d'apport volontaire, le nombre de points est au moins égal à un pour deux cents habitants. »
La ville de Paris n'étant – sauf erreur de ma part – pas soumise à la collecte par apport volontaire, la comparaison avec des points de collecte tous les deux cents mètres rue de Vaugirard relève soit de l'incompétence, puisque vous n'auriez pas lu correctement l'article 2, soit de la malhonnêteté, aux fins de discréditer la proposition de loi présentée par ma collègue Marie-Claude Varaillas, monsieur le rapporteur. Je ne vois pas d'autre explication.
Il n'est par ailleurs pas précisé que le dispositif doit s'appliquer à l'EPCI tout entier. Nous connaissons tous des EPCI qui ont mis en place l'apport volontaire ou la collecte en bac seulement dans certaines communes, ou qui adaptent le nombre de points de collecte par habitant en fonction de la densité de la zone, par exemple, en zone de montagne ou en zone très peu dense, pour desservir les hameaux.
Telle est la réalité de notre pays, monsieur le rapporteur, que, dans une volonté de contester a priori cette proposition de loi, vous avez occultée.
Vous nous reprochez de ne pas avoir déposé d'amendements, mais je vous répondrai que si nous n'en avons rien fait, c'est parce que, lorsque le rapporteur décide de faire preuve d'ouverture sur une proposition d'appel, lui-même élabore, avec l'appui des services de la commission, des amendements tendant à rectifier le texte dans le sens qui lui paraît le bon. Or tel n'est pas le choix que vous avez fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques, sur l'article.
Mme Micheline Jacques. La délégation sénatoriale aux outre-mer, que j'ai l'honneur de présider, a beaucoup travaillé sur la problématique des déchets, dont la gestion est très difficile dans nos outre-mer.
Je soutiendrai donc les amendements déposés par notre collègue Gisèle Jourda, rapporteure de la mission d'information menée par la délégation sur ce sujet en 2022. Dans le droit fil des recommandations formulées dans le rapport alors produit, ces propositions contribueront à adapter la gestion des déchets aux spécificités ultramarines.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. Cet article introduit un nouveau critère, celui d'un point d'apport volontaire pour deux cents habitants.
Je rappelle que – dernière cerise sur le gâteau de l'organisation du ramassage des ordures ménagères – les factures augmentent de manière exponentielle, alors qu'il est de plus en plus rare que le camion de ramassage passe au domicile des usagers, qui, dans les plus petites communes, doivent dans ce cas apporter leurs déchets au centre du village, à 100 mètres, 200 mètres, 2 kilomètres ou 3 kilomètres de chez eux.
Mme Cécile Cukierman. Ils n'ont qu'à payer la redevance !
M. Vincent Louault. Dans un contexte où tout est fait pour réduire le coût du ramassage, qui augmente de manière exponentielle, telle est la réalité, mes chers collègues.
Le résultat, c'est que les maires doivent organiser le ramassage des immondices qui ne rentrent pas dans les conteneurs automatiques installés aux points d'apport volontaire. Croyez-vous que cela amuse les maires, mes chers collègues ?
Ils sont au contraire fatigués de tout cela. Bien qu'ils n'aient pas la responsabilité du ramassage des ordures ménagères, ils doivent faire le service après-vente des coûts qui explosent et du service qui se dégrade pour les habitants.
Les habitants paient toujours plus cher, alors qu'ils trient de plus en plus. Comment voulez-vous qu'ils comprennent qu'on leur demande de faire un effort de tri alors que les factures explosent ? Comment leur expliquer cette augmentation, alors que des déchets triés sont censés être valorisés ?
Le critère consistant à instaurer un point d'apport volontaire pour deux cents habitants ne veut strictement rien dire.
Mme Cécile Cukierman. C'est un minimum !
M. Vincent Louault. Entre la Touraine, territoire dont je suis élu, où la population est dense, et les Ardennes où je me suis rendu ce week-end, où il faudra faire 10 kilomètres pour trouver un point d'apport volontaire, il n'y a rien de commun !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 13 :
| Nombre de votants | 342 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 319 | 
| Pour l'adoption | 93 | 
| Contre | 226 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
Après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par Mmes G. Jourda et Malet, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2224-16 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale encourage le développement des déchetteries mobiles. »
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. Comme l'indiquait Mme Jacques, par cet amendement, je vous propose de reprendre l'une des préconisations que j'avais formulées, avec Mme Viviane Malet, en conclusion d'un rapport d'information sur la gestion des déchets en outre-mer. Nous y indiquions que, en la matière, la « cote d'alerte » était dépassée.
Le présent amendement vise à faciliter la mise en place de déchetteries mobiles afin de suppléer aux réseaux insuffisants de collecte des déchets et encombrants, notamment à La Réunion.
La communauté intercommunale Réunion Est (Cirest) obtient en effet les meilleurs résultats de l'île en matière d'apports en déchetterie, en partie grâce au système de déchetterie mobile mis en place : des bennes sont installées par roulement dans les quartiers pour récupérer les déchets d'équipements électriques ou des encombrants. Ces opérations sont précédées d'une forte communication dans les quartiers, dont chacun compte environ 500 foyers.
Une telle solution paraît particulièrement adaptée à des territoires en retard d'équipement. Elle favorise la transition vers une collecte en point d'apport volontaire plutôt qu'en porte-à-porte et offre un support efficace pour une communication positive et de proximité.
Le présent amendement a donc pour objet d'encourager la généralisation de ce dispositif innovant qui permet d'aller chercher les déchets au plus près des gisements.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Votre amendement vise à « encourager », pour reprendre le terme que vous avez employé, ma chère collègue. Rien n'empêche aujourd'hui les collectivités, notamment d'outre-mer, qui le font déjà, d'installer des déchetteries mobiles.
Cet article étant dénué de portée normative, il n'est pas utile. Il n'est en effet nullement besoin de graver le dispositif proposé dans le marbre de la loi pour continuer d'encourager les collectivités à installer des déchetteries mobiles.
L'avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Fournier, ministre délégué. Le Gouvernement estime que les collectivités sont en mesure de s'organiser et s'il les encourage, comme elles le font déjà, à installer des déchetteries mobiles, il ne paraît pas nécessaire d'inscrire le dispositif proposé dans la loi.
L'avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour explication de vote.
M. Stéphane Fouassin. C'est à Salazie, commune dont je suis élu, au sein de la Cirest, qu'a été installée la déchetterie mobile que vous évoquez, ma chère collègue. C'est donc en connaissance de cause que je puis affirmer qu'il n'est pas besoin de voter cet amendement pour mettre en place des déchetteries mobiles : nous le faisons déjà depuis plus de dix ans !
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Je vous invite à vous rendre à Mayotte, à La Réunion ou en Guyane, mes chers collègues : vous y constaterez que la situation n'est pas la même partout. J'estime donc nécessaire, et même vital que cet amendement soit adopté, et qu'en conséquence, l'article additionnel qu'il vise à introduire soit gravé dans le texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 14 :
| Nombre de votants | 342 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 335 | 
| Pour l'adoption | 110 | 
| Contre | 225 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 2, présenté par Mmes G. Jourda et Malet, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2224-16 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale peut décider la mise en place de dispositifs de gratification directe du tri pour encourager la collecte sélective dans les zones les plus isolées. »
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. La présente proposition est issue des observations que Mme Malet et moi-même avons formulées à l'issue de notre déplacement à Mayotte. Avant la catastrophe, un projet innovant, reposant sur la gratification, y avait en effet été mis en place.
Le constat est simple : le tri sélectif ne fonctionne pas, en particulier dans les quartiers informels, les points d'apport volontaires étant éloignés, insuffisants et très vite dégradés, voire, pour certains, très peu accessibles. Par ailleurs, la population ne s'est pas approprié le geste du tri. Enfin, la collecte en porte à porte est limitée par les difficultés d'accès, notamment par la rareté ou l'absence de route carrossable – les hélicoptères apportant des denrées dans certains lieux éloignés de Mayotte transportent d'ailleurs parfois des encombrants sur le chemin du retour.
Une collecte différente a donc été imaginée à titre expérimental, sur le fondement de deux principes : s'appuyer sur les commerces de proximité des quartiers, les doukas, épiceries de quartiers offrant une diversité de services ; et gratifier le tri. En dix mois, avec seulement huit points de collecte, onze tonnes de déchets plastiques ont été récupérées, à raison d'une collecte hebdomadaire des déchets déposés dans les doukas.
Les personnes apportant cinq kilogrammes de déchets ou plus se voient gratifiées de récompenses, en particulier des produits sanitaires – savon, couches, serviettes hygiéniques. Des cartes de fidélité sont également remises, quinze passages donnant lieu à une gratification.
Cette expérience réussie à Mayotte a mis en lumière l'intérêt de déployer des dispositifs analogues dans les zones où la collecte sélective est la moins développée et qui cumulent les handicaps.
Par ce dispositif, il s'agit donc non pas de se substituer à la collecte sélective classique par les collectivités, mais d'habituer les populations au geste de tri, mes chers collègues.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Paccaud, rapporteur. Par cet amendement « jumeau » du précédent, vous entendez de nouveau « encourager » une pratique, ma chère collègue. Vous avez du reste, dans votre explication, montré que ce que vous souhaitez encourager existe déjà sans la loi.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l'avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Fournier, ministre délégué. Le Gouvernement étant respectueux de la libre administration des collectivités, l'avis est défavorable, madame la sénatrice.
Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.
Mme Micheline Jacques. Mesurant les difficultés auxquelles sont confrontés les quartiers informels dans lesquels je me suis rendue, j'estime que ce dispositif innovant mérite d'être encouragé. J'invite donc mes collègues à voter cet amendement, ne serait-ce que pour le message qui serait envoyé par son adoption à nos compatriotes mahorais.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Je rappelle à notre assemblée que le prédécesseur de Mme Jacques à la délégation sénatoriale aux outre-mer, monsieur Magras, prônait la différenciation. L'insertion de l'article additionnel que je propose serait à ce titre particulièrement bien vue dans les territoires ultramarins, notamment dans les quartiers que nous appelons poliment informels, mais qui sont en réalité des bidonvilles à ciel ouvert, s'étendant sur des superficies que nul ne peut imaginer ici.
Contrairement à vous, monsieur le rapporteur, j'estime que, à l'instar de la présente proposition de loi, la loi doit être stimulante et encourageante, au plus près des préoccupations des personnes.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Il nous faut rappeler la nécessaire solidarité entre la métropole et les outre-mer, mes chers collègues. La présidente Micheline Jacques et nos collègues de la délégation aux outre-mer s'y emploient, notamment Viviane Malet, pour La Réunion. Nous avons voté la loi du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte et, plus récemment, nous avons adopté le projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, mais la tâche reste immense.
Par respect et par solidarité, je voterai donc l'amendement de notre collègue Gisèle Jourda.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 15 :
| Nombre de votants | 340 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 334 | 
| Pour l'adoption | 111 | 
| Contre | 223 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 3
L'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents pour la collecte et le traitement des déchets instituent un comité des usagers dont la composition et les missions sont précisées par décret. »
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'article 3, je précise que si cet article n'était pas adopté, je considérerais que le vote est le même pour l'article 4, qui deviendrait sans objet.
Il n'y aurait par ailleurs plus lieu de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, puisque tous les articles qui la composent auraient été successivement rejetés par le Sénat.
Il n'y aurait donc pas d'explications de vote sur l'ensemble.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Le présent article vise à instituer un comité des usagers. Contrairement à vous, j'estime que l'on ne peut pas balayer cette proposition d'un revers de main, monsieur le ministre. La véritable difficulté des maires ruraux est en effet qu'ils sont en première ligne.
L'une des raisons qui expliquent aussi parfois l'agressivité et la violence à leur égard est qu'il n'y a jamais d'espace intermédiaire pour gérer et temporiser ce que l'on peut qualifier de crise ou de colère, y compris à l'échelle de nos territoires ruraux. Nous l'avons d'ailleurs constaté en 2020 dans un certain nombre de départements : la question des ordures ménagères a balayé plusieurs exécutifs en place, jusque dans les plus petites communes, en raison de la manière dont les choses se sont déroulées. Je ne doute pas que l'année 2026 nous réservera encore quelques surprises en la matière.
L'institution de ce comité ne représente pas une charge supplémentaire ; il s'agit bien d'un dispositif qui vise à protéger, car nous souffrons cruellement dans notre pays d'un manque d'espaces intermédiaires. Et pour cause, le Président de la République n'en veut pas et s'est toujours assis sur leurs avis. Il n'y a donc pas de raison que nous les transposions dans nos territoires.
Nous défendons en tout cas cet article et nous l'avons volontairement rédigé de manière très souple, puisqu'il conviendra de préciser par décret tant la composition que les missions prévues. Nous souhaitions en effet retenir une formulation qui ne crée pas une charge pour nos territoires, mais, au contraire, les aide en étayant les décisions et les évolutions nécessaires pour répondre aux difficultés que nos concitoyens ont de plus en plus de mal à comprendre : on a de moins en moins de déchets, mais on paie de plus en plus cher ; à qui, finalement, profite ce financement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote sur l'article.
M. Vincent Louault. Dans les EPCI, il existe déjà une commission chargée de la gestion des ordures ménagères. C'est d'ailleurs l'une des seules où les gens tiennent à venir. Telle est la réalité que j'observe dans ma collectivité. Chaque communauté de communes est encore libre de faire ce qu'elle veut et de gérer sa commission environnement avec une sous-commission sur les ordures ménagères.
Quant à l'article 4, vous demandez une compensation par la dotation globale de fonctionnement (DGF) du surcoût de tout le dispositif. C'est mélanger les choux et les carottes ! J'espère que vous ne faites pas le tri sélectif de cette manière… (Mme Cécile Cukierman proteste.) Vous auriez pu demander plutôt une réduction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) que toutes les collectivités paient. Tout cela n'est pas très crédible.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote sur l'article.
Mme Marie-Claude Varaillas. Si j'ai bien compris, le Sénat s'apprête à rejeter cet article 3 et, avec lui, l'ensemble de la proposition de loi, qui était de toute façon dénaturée par la suppression des articles 1er et 2.
Je voudrais simplement remercier mes collègues du groupe RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste d'avoir voté en faveur de ce texte. À n'en pas douter, il reviendra dans cet hémicycle, car, comme je l'ai dit en commission, je crains que le problème des déchets ne joue le même rôle que la hausse du prix du carburant qui a déclenché le mouvement des « gilets jaunes ». Nous en reparlerons très certainement.
En tout cas, les élus de mon département savent que j'ai pris en compte leurs préoccupations. Je sais ce qu'ils vivent sur le terrain et ce que vit le président du syndicat mixte qui gère ce service. Nous sommes là pour entendre ce que nos concitoyens nous disent des problèmes de leur vie quotidienne, et celui des déchets en est un qui prend des proportions importantes. Je souhaite que ce débat serve à ce que, un jour, une proposition de loi prenne assez rapidement en compte ce qui ne l'a pas été aujourd'hui.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 16 :
| Nombre de votants | 342 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 335 | 
| Pour l'adoption | 109 | 
| Contre | 226 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 4 n'a plus d'objet.
Les articles de la proposition de loi ayant été supprimés par le Sénat, ou étant devenus sans objet, je constate qu'un vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire, puisqu'il n'y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
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Nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal
Discussion d'une proposition de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national, présentée par Mme Cécile Cukierman, MM. Guillaume Gontard, Patrick Kanner, Fabien Gay, Gérard Lahellec, Mme Marianne Margaté et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 626 [2024-2025], résultat de travaux n° 57, rapport n° 56).
Discussion générale
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Cécile Cukierman, auteure de la proposition de loi.
Mme Cécile Cukierman, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous présentons aujourd'hui part d'un constat simple, brutal, mais désormais incontestable : depuis vingt ans, ArcelorMittal a transformé notre acier national en un actif financier au service de ses actionnaires.
Cette proposition de loi est, je veux le dire, le fruit d'un travail collectif, qui est d'abord celui des salariés, de ces femmes et de ces hommes qui produisent encore l'acier dans notre pays et souhaitent préserver sa production sur notre territoire. Elle est ensuite le fruit d'un travail collectif avec les autres groupes de gauche, puisqu'elle a été cosignée par mes deux collègues présidents des groupes de gauche et par nombre de leurs collègues.
Notre acier, notre savoir-faire, nos emplois sont devenus des lignes comptables dans les bilans d'un groupe multinational. Ce qui était jadis une fierté industrielle française et européenne n'est plus qu'un produit spéculatif soumis à la seule logique du profit immédiat. Au fond, mes chers collègues, c'est bien là le cœur du problème. L'économie capitaliste, livrée à elle-même, ne cherche pas à produire pour répondre aux besoins des peuples ; elle produit pour rémunérer le capital.
Alors, posons la question simplement : quelle légitimité y a-t-il à perdre une production essentielle et un savoir-faire séculaire, simplement parce qu'un fonds d'investissement exige une rentabilité immédiate ? La réponse est claire : aucune.
Pour nous, l'économie n'a de sens que si elle sert le besoin collectif, le travail humain et l'intérêt général. C'est là toute la différence entre une économie livrée à la spéculation et une économie régulée par la puissance publique. Tel est le sens profond de cette proposition de loi : arracher les secteurs vitaux à la logique du profit pour les replacer dans celle de l'utilité collective.
La nationalisation n'est pas un gros mot. Elle est un acte de puissance publique. Elle est une décision politique, souveraine, pour reprendre la main sur notre destin industriel.
Depuis des années, nous assistons à un renoncement organisé à toute souveraineté économique. On nous a fait croire naïvement, ou devrais-je dire cyniquement, que le marché ferait tout mieux que l'État, que les actionnaires étrangers se soucieraient mieux de l'avenir de nos territoires que nos élus ou nos ingénieurs. Pendant ce temps, nos usines ferment, nos ouvriers sont licenciés, nos régions se vident et la France perd peu à peu le contrôle de son industrie.
J'entends souvent nos collègues de droite se réclamer de la souveraineté nationale. Mais enfin, mes chers collègues, on ne peut pas défendre la souveraineté en laissant les clés de notre acier à ArcelorMittal. On ne peut pas, d'un côté, brandir le drapeau tricolore et, de l'autre, s'en remettre aux décisions d'un conseil d'administration installé au Luxembourg. La souveraineté n'est pas un slogan ; c'est une pratique économique concrète. Elle commence ici, avec l'acier.
Parce que l'acier, ce n'est pas n'importe quel métal. C'est la base matérielle de notre puissance industrielle. Sans acier, il n'y a pas de construction, pas de transition énergétique et pas de défense nationale. Les turbines, les rails, les éoliennes, les ponts ou les infrastructures vertes, tout cela dépend de la filière sidérurgique. Comment donc répondre à la crise du logement ? Comment développer demain des infrastructures de transport ambitieuses pour relier les territoires entre eux ? Comment même assurer la politique d'armement si nous sommes dépendants au regard de l'acier ?
Quand nous parlons de l'acier, nous parlons aussi des femmes et des hommes qui, depuis des générations, le font vivre, souvent dans des conditions difficiles, mais – je veux le souligner – avec une fierté immense. Florange, Fos-sur-Mer, Dunkerque ou Saint-Chély-d'Apcher sont autant de lieux de savoir-faire, autant de symboles d'un pays qui a cru à son industrie et qui ne veut pas la voir disparaître.
Pourtant, ArcelorMittal ne cesse de trahir ses engagements. Malgré des profits colossaux et des aides publiques massives, le groupe ferme des sites, démantèle notre outil industriel et menace notre indépendance. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 23 milliards d'euros de valorisation, 62 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2024 et 13 milliards de dollars versés aux actionnaires depuis 2020.
Dans le même temps, 392 millions d'euros d'aides publiques ont été reçus rien qu'en 2023, bien évidemment sans aucune contrepartie sociale ni environnementale. ArcelorMittal a également bénéficié de quotas gratuits d'émissions de carbone dont l'excédent non utilisé est revendable, ce qui constitue une forme d'aide implicite de l'ordre de 960 millions d'euros.
Malgré cela, les investissements sont reportés, les emplois sont menacés et les usines également. Pourquoi ? Parce que la logique d'ArcelorMittal n'est pas celle de la production utile ; c'est celle – je l'ai déjà dit – du profit à court terme.
Alors oui, la nationalisation n'est plus une option, elle est devenue une nécessité. Une nécessité économique pour planifier la décarbonation de la filière. Une nécessité industrielle pour garantir nos approvisionnements stratégiques. Et une nécessité sociale pour protéger les travailleurs, les territoires et les savoir-faire français.
Je veux d'ailleurs saluer la présence en tribune de travailleurs de l'acier venus assister aujourd'hui à nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Ce que nous proposons, c'est de créer une société nationale de l'acier, placée sous contrôle public et démocratique, capable d'investir, d'innover et de planifier. Car, ne nous y trompons pas, sans État stratège, il n'y aurait pas eu EDF-GDF, Airbus, Ariane ou le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), autant de fleurons de notre pays, autant de fleurons qui ont servi au développement des femmes et des hommes dans tout notre pays. L'histoire industrielle française est indissociable de l'action publique.
On nous dit souvent que la nationalisation est trop coûteuse. C'est d'ailleurs, monsieur le rapporteur, l'un des arguments que vous allez, me semble-t-il, utiliser. Toutefois, qu'est-ce qui coûte le plus cher : investir pour sauver nos usines et nos emplois, ou bien payer des plans sociaux, réhabiliter des territoires désertés, les dépolluer, les réaménager, sans compter les nombreuses compétences perdues ?
Les fonds existent. Quelque 15 milliards d'euros sont prévus dans le plan européen pour l'acier et 6 milliards d'euros sont consacrés à la décarbonation de l'industrie en France. Mettons ces moyens au service du pays. Arrêtons de subventionner ceux qui détruisent notre industrie et investissons dans ceux qui la feront renaître.
On nous dit également que la nationalisation n'est pas conforme au droit européen. C'est faux. L'article 345 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne reconnaît le droit des États de choisir leur régime de la propriété. Ce que nous faisons, c'est affirmer un choix politique souverain, comme d'autres pays l'ont fait avant nous : un choix d'intérêt général au service de l'emploi, de la transition écologique et de la sécurité nationale.
Enfin, mes chers collègues, cette nationalisation n'est pas un retour en arrière. C'est au contraire un acte de souveraineté moderne. Un acte pour piloter la décarbonation de la filière acier, indispensable au regard des enjeux climatiques. Un acte pour planifier les investissements dans les hauts fourneaux électriques. Un acte pour garantir l'emploi et la formation sur tout le territoire. L'acier est la colonne vertébrale de notre puissance industrielle. Ce bien commun stratégique mérite d'être protégé.
Oui, notre proposition est ambitieuse. Elle est lucide, parce qu'il n'y aura pas de réindustrialisation sans reprise en main publique de cet outil. Il n'y aura pas de transition écologique sans souveraineté productive. Et il n'y aura pas de justice sociale sans rupture avec la loi du profit à court terme.
Tel est le sens de notre démarche. Telle est la promesse d'une France qui reprend la main.
Mes chers collègues, en votant cette proposition de loi, vous ne voterez pas seulement pour un texte ; vous voterez pour une vision, pour un projet, pour une France qui choisit de produire, de protéger et de planifier.
L'acier n'est pas un produit financier. C'est un bien commun, une force nationale et un levier d'avenir. Il est temps, il est même urgent de le traiter comme tel.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cette proposition de loi que nous vous demandons de voter. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Arnaud Bazin, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national, déposée sur le bureau du Sénat le 14 mai dernier par la présidente Cécile Cukierman.
Sans surprise, au regard de la position constante de la majorité sénatoriale sur ce sujet, la commission des finances a rejeté cette proposition de loi lors de son examen, mercredi dernier.
La commission des finances a rejeté cette initiative pour deux raisons structurantes que je vais développer. D'abord, la nationalisation serait extrêmement coûteuse pour les pouvoirs publics dans une période de crise des finances publiques. Ensuite et surtout, la nationalisation n'apporterait pas de solution durable à la crise du secteur de la production d'acier en Europe.
Je me propose de développer en trois points le raisonnement qu'a suivi la commission des finances.
En premier lieu, je veux insister sur le fait que la filière de production d'acier en Europe traverse depuis plusieurs années une crise structurelle qui dépasse largement le cas des sites de production d'ArcelorMittal en France. Pour ne citer que quelques illustrations, je rappelle que le secteur sidérurgique européen a vu la suppression de 100 000 emplois entre 2007 et 2024. Pour la seule année 2024, le nombre d'emplois supprimés s'élève à 18 000. J'ajoute que le groupe sidérurgique allemand ThyssenKrupp a annoncé, il y a un an, qu'il envisageait de supprimer 11 000 emplois à l'horizon 2030 dans ses filiales de production d'acier. Il serait par conséquent illusoire de nier le caractère global de cette crise en rejetant la faute sur un acteur unique, fût-il l'actionnariat du groupe ArcelorMittal.
Pour comprendre les causes structurelles de cette crise, il faut distinguer plusieurs facteurs qui se conjuguent pour dégrader l'équilibre économique de l'activité de production d'acier en Europe.
Le premier facteur est celui de la baisse de la demande d'acier en Europe. Il n'est en effet un secret pour personne que notre continent subit depuis plusieurs décennies, dans le cadre de la mondialisation des chaînes de valeur, un processus de désindustrialisation. Ce processus a comme effet indirect mais mécanique de réduire la demande en acier qui est largement portée par l'industrie automobile ainsi que par le secteur de la construction.
Le deuxième facteur est celui, plus déstabilisant encore, de l'existence sur le marché mondial actuel de l'acier d'une surcapacité massive de production. Pour dire les choses concrètement, les usines mondiales de production d'acier ont produit en 2024 un surplus de 602 millions de tonnes d'acier par rapport à la demande mondiale.
Le troisième facteur est lié à la réforme récente du marché du carbone européen. En effet, les grands sites sidérurgiques européens sont assujettis depuis 2005 à une obligation de détenir des quotas d'émissions équivalents à leurs rejets de gaz à effet de serre. Or, alors que ce marché prévoyait un mécanisme d'allocation gratuite de quotas d'émissions pour tenir compte des risques de fuite de carbone, la mise en place récente du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) a eu pour conséquence indirecte de déclencher une trajectoire de réduction des quotas d'émission gratuits alloués aux aciéristes à partir de l'exercice 2026.
Le quatrième facteur qui a un effet de perturbation indirecte sur la trajectoire de décarbonation de la filière sidérurgique est la hausse substantielle des coûts de l'énergie observée en Europe depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022. En effet, les processus décarbonés de production d'acier reposent non seulement sur l'électrification de certaines étapes de production, mais également sur l'usage de gaz naturel ou d'hydrogène comme énergie primaire. Par conséquent, les incertitudes actuelles sur le prix de l'électricité à long terme obstruent la visibilité des industriels sur leurs projets d'investissement. À titre d'illustration, ArcelorMittal estime que le prix de l'hydrogène vert devrait être divisé par deux pour que ce groupe puisse envisager de produire du minerai de fer préréduit décarboné à un prix compétitif.
En deuxième lieu, après vous avoir présenté ce contexte de crise structurelle du secteur de la production d'acier en Europe, j'aimerais vous expliquer pour quelles raisons la décision de nationaliser ArcelorMittal serait inefficace, fragiliserait les sites de production concernés et serait coûteuse pour les finances publiques.
Dans le contexte de crise européenne que je viens de décrire, les sites de production du groupe ArcelorMittal affrontent une dégradation de leur équilibre économique, en conséquence de laquelle la direction du groupe a annoncé, en avril dernier, un plan de restructuration ayant pour conséquence la suppression de 636 postes, soit 4 % des effectifs en France.
Je veux insister sur le fait que la nationalisation ne résoudrait aucun des problèmes qui alimentent la crise de la sidérurgie européenne. Cette nationalisation n'aurait aucun effet sur la baisse de la demande d'acier en Europe. Elle n'aurait aucun effet non plus sur l'existence d'une surcapacité mondiale d'acier de plus de 600 millions de tonnes par an.
Enfin, la nationalisation d'ArcelorMittal n'aurait pas plus d'effet sur les conséquences de la réduction des quotas gratuits d'émissions et de la hausse du prix de l'énergie en Europe.
Deuxièmement, je veux également insister sur le risque économique majeur auquel les sites français de production d'acier, au premier rang desquels Dunkerque et Fos-sur-Mer, seraient exposés en cas de détachement du groupe ArcelorMittal pour se trouver dans une entreprise isolée à capitaux publics. En effet, comme nous l'ont expliqué les responsables d'ArcelorMittal et comme l'ont confirmé les services du ministère de l'industrie, les sites français de production d'acier bénéficient très largement du carnet de commandes du groupe ArcelorMittal, qui est géré à l'échelle européenne.
Concrètement, cela signifie que l'acier produit à Fos-sur-Mer ou à Dunkerque est souvent exporté vers des clients du groupe ArcelorMittal situés hors du territoire français. Par conséquent, il existe un risque commercial majeur que des sites de production isolés, privés de l'apport de clientèle assuré par la gestion consolidée du groupe ArcelorMittal en Europe, ne se trouvent fragilisés et contraints de réduire encore le taux d'utilisation de leurs capacités.
J'ajoute sur ce point que l'option de la nationalisation ne fait pas l'unanimité parmi les représentants syndicaux du groupe ArcelorMittal que j'ai interrogés pour préparer l'examen de ce texte. Si la CGT soutient le projet de nationalisation, la CFE-CGC, qui est le deuxième syndicat le plus représentatif avec 25 % des voix aux élections professionnelles, s'est opposée à une nationalisation des sites français.
Troisièmement, j'aimerais évoquer le coût massif pour les finances publiques que représenterait une telle décision. Les auditions menées dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi ne m'ont pas permis d'obtenir un chiffrage robuste quant à la valorisation des sites industriels d'ArcelorMittal en France. Peut-être que M. le ministre délégué chargé de l'industrie pourra nous éclairer sur ce point dans un instant.
En tout état de cause, les sources existantes et les travaux menés par les organisations syndicales font état d'un prix d'achat dont l'ordre de grandeur avoisine 1 milliard d'euros. En ajoutant les investissements massifs de décarbonation nécessaires à la pérennité des sites, le coût global de l'opération doit être estimé à plusieurs milliards d'euros. Cette somme est évidemment incompatible avec le contexte actuel de consolidation impérieuse de nos comptes publics.
Enfin, je terminerai en soulignant qu'il existe des mesures alternatives à la nationalisation qui sont plus efficaces pour défendre la pérennité de la filière sidérurgique, dont il n'est pas question de nier le caractère stratégique.
À l'échelle nationale, je rappellerai qu'il existe une enveloppe pluriannuelle de 6 milliards d'euros pour soutenir les investissements des acteurs industriels privés dans la décarbonation des processus de production. Ces aides, qui ont un effet de levier important en entraînant des investissements privés, constituent un soutien vital pour assurer la transition de nos usines sidérurgiques, condition sine qua non de leur pérennité.
À l'échelle européenne, je tiens également à souligner les annonces particulièrement encourageantes qui ont été faites par la Commission européenne au début du mois d'octobre. En effet, dans le sillage de la publication en mars 2025 d'un plan d'action pour l'acier et les métaux, la Commission européenne a proposé, le 7 octobre dernier, la création d'un mécanisme de protection pérenne du marché de l'acier en Europe, en application duquel les importations d'acier au-delà d'un quota en franchise de droits seraient taxées à hauteur de 50 %. Sur ce point, je sais que le gouvernement français s'est fortement engagé pour convaincre la Commission européenne de déployer enfin ses instruments de protection. Je vous encourage, monsieur le ministre, à poursuivre ce combat pour que l'Europe se dote des instruments indispensables au maintien de sa souveraineté industrielle.
En conclusion, je veux remercier nos collègues du groupe communiste d'avoir attiré l'attention du Gouvernement et celle du Sénat sur cette crise de l'acier européen, qui est un enjeu majeur pour notre souveraineté et l'autonomie de nos industries. Pour autant, pour les diverses raisons que j'ai exposées, la nationalisation resterait sans effet sur cette crise structurelle et son effet principal serait d'immobiliser inutilement plusieurs milliards d'euros en faisant courir aux sites concernés un risque de fragilisation commerciale. Je propose au Sénat de procéder comme l'a fait la commission des finances en rejetant ce texte au profit des mesures alternatives de protection de notre industrie que je viens de développer. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l'industrie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord, moi aussi, remercier Mme Cukierman et ceux de vos collègues qui ont fait le choix de déposer cette proposition de loi. Je veux les remercier, car ce texte porte sur un sujet fondamental, qui sera également évoqué à l'Assemblée nationale, celui de notre avenir industriel, en particulier de la sidérurgie.
Je veux aussi remercier M. le rapporteur pour la qualité de son argumentation et pour avoir posé très clairement et rationnellement un certain nombre d'éléments sur un sujet qui a fait l'objet de débats parfois passionnés. C'est le cas – on le comprend – chaque fois que nous parlons de notre industrie et des hommes et des femmes qui la font vivre partout sur le territoire.
Cette « industrie des industries » qu'est la sidérurgie est celle dont on voit les œuvres partout : dans nos routes et nos rails, nos ponts et nos usines, nos villes et nos armées. Elle soutient nos infrastructures, elle irrigue toutes nos chaînes de valeur et, derrière elle, ce sont des usines, des hommes, des femmes et des territoires qui façonnent la France industrielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi part d'un constat que nous avons tous fait : celui des difficultés profondes que traverse l'industrie sidérurgique européenne et, plus gravement, comme l'a rappelé M. le rapporteur, la filière historique des hauts fourneaux.
Ces difficultés tiennent à plusieurs causes très bien identifiées.
D'abord, la demande européenne et mondiale en recul entraîne des surcapacités massives. Nous produisons aujourd'hui plus d'acier que nous n'en consommons, et les débouchés se contractent. Je songe notamment aux secteurs de la construction et de l'automobile, tous deux en crise et dont dépend la filière sidérurgique.
Ensuite, nous faisons face à une concurrence déloyale, avec des aciers asiatiques subventionnés qui arrivent sur notre continent à des prix artificiellement bas : le rapport des prix entre notre acier et le leur est de 1 à 3, et il est de 1 à 5 ou de 1 à 6 avec l'acier américain. Mais certains pays asiatiques qui ne pratiquent ni le dumping ni la subvention à l'extrême sont dans le même rapport de prix que nous. Cela montre bien qu'il existe une problématique spécifique de dumping avec certains pays asiatiques, à laquelle nous pouvons apporter des réponses – j'y reviendrai.
Enfin, le coût de production européen est tiré vers le haut par les prix de l'énergie, une fiscalité souvent trop lourde et le prix de la décarbonation. La décarbonation est inévitable à long terme, mais l'Europe a décidé de la mener la première, en faisant le choix lucide d'agir dès maintenant.
Ces réalités économiques suscitent de l'angoisse chez nos concitoyens, partout dans les territoires : la peur de la fermeture, la crainte du déclassement, l'incertitude qui plane sur l'avenir. Je connais cette détresse, car je suis moi-même élu d'un département qui, par le passé, a été confronté à des accidents industriels majeurs, tels que la fermeture de l'usine Kodak. Et c'est pourquoi ce débat a toute sa place dans cette assemblée.
Pour autant, la réponse apportée par le texte n'est pas la bonne. La nationalisation – n'en faisons pas une affaire d'idéologie – peut, dans certains cas, être une solution. Elle n'a d'ailleurs jamais été l'apanage d'un camp politique. La France y a ainsi eu recours à plusieurs reprises : ce fut le cas pour EDF, pour Atos, ou encore pour Alcatel Submarine Networks. La puissance publique a repris la main dans ces secteurs, non pour masquer une difficulté, mais pour protéger une infrastructure critique.
Or la situation d'ArcelorMittal n'entre pas dans ce cadre. Car, ici, nationaliser, ce n'est pas sauver, mais différer, traiter les symptômes sans s'attaquer aux causes. Pis encore, nationaliser ne ferait que poser de nouveaux défis à l'entreprise. Comme l'a très bien expliqué M. le rapporteur, en France, ArcelorMittal fonctionne comme un réseau intégré, avec des sites qui dépendent des fournisseurs et des clients du groupe partout dans le monde. Si l'on nationalise seulement la partie française, on brise ce réseau : les clients partent, les concurrents en profitent, la compétitivité s'effondre et l'on favorise les investissements étrangers.
Nationaliser ArcelorMittal reviendrait à placer l'entreprise sous perfusion publique, sans pour autant régler les problèmes qui minent la filière : la concurrence mondiale faussée, la faiblesse de la demande européenne et le déficit de compétitivité. Aucune de ces difficultés ne disparaîtra avec la nationalisation.
Les pertes, en revanche, deviendraient celles de l'État, et, donc, celles du contribuable. Une nationalisation reviendrait, pour le dire simplement, à essayer de gagner du temps pour perdre beaucoup d'argent.
Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, les exemples britannique et italien sont cités à juste titre. Encore faut-il aller jusqu'au bout du raisonnement : outre-Manche, British Steel coûte 700 000 livres de pertes par jour au contribuable britannique. En Italie, le cas d'Ilva illustre un autre écueil : après des années de blocages et d'incertitudes, l'État italien peine encore à trouver un repreneur capable de relancer durablement l'activité – car, si l'on nationalise, ce n'est que temporairement, dans l'attente d'une reprise. Je ne crois pas que ce soit le modèle que nous souhaitions adopter.
Notre devoir est de préserver la vitalité industrielle des sites, une vitalité qui passe par des projets industriels. Si notre priorité est bien de protéger les salariés, leurs emplois, leurs compétences, leurs trajectoires professionnelles, il faut apporter des solutions structurelles à des problèmes structurels.
En réalité, le cœur du sujet réside dans la compétitivité. Le Gouvernement en tient compte en proposant, dans le cadre du projet de loi de finances, une baisse de 1,3 milliard d'euros de cet impôt de production que l'on appelle la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). C'est 1,3 milliard d'euros que nos entreprises n'auront plus à dépenser en impôts, mais qu'elles pourront réinvestir.
Car la compétitivité, c'est aussi cela : investir pour innover, décarboner, former les équipes, faire évoluer les compétences. C'est d'ailleurs tout l'enjeu autour des investissements déjà effectués par ArcelorMittal dans ses sites français, ainsi que des investissements que le groupe a annoncés et que nous soutenons. Cela étant, la volonté d'ArcelorMittal d'investir 1,2 milliard d'euros pour la construction d'un four électrique à Dunkerque reste conditionnée à l'existence d'un marché européen véritablement protégé du dumping et à celle d'un mécanisme de taxation carbone aux frontières réellement appliqué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, laissez-moi dissiper un doute : la survie de la sidérurgie européenne se jouera d'abord à Bruxelles, et pas en France dans le cadre d'un décret de nationalisation, parce que le défi est avant tout européen. Tel est le sens du travail que nous menons pour faire vivre une véritable défense commerciale et une préférence européenne concrète.
Les deux lignes de force qui guident notre action sont un plan d'urgence pour l'acier européen et une taxe carbone aux frontières réellement efficace.
D'une part, la France bataille pour que l'Union européenne mette en place un plan d'urgence sur l'acier face au dumping asiatique. Ce plan, que nous avons obtenu, repose sur une clause de sauvegarde, un terme technique qui recouvre une réalité très simple, celle de quotas d'importation. Dit autrement, au-delà d'un certain seuil, des droits de douane de 50 % seront appliqués aux importations d'acier étranger.
Nous avons gagné sur le principe, mais le combat doit se poursuivre : la France se bat pour que ces mesures soient pleinement opérationnelles dès le 1er janvier 2026. Nous ne sommes pas seuls, puisqu'une dizaine de pays réunis dans l'Alliance européenne de l'industrie lourde soutiennent cette position. Nous sommes pleinement mobilisés sur ce dossier. Dès ma prise de fonction, je me suis d'ailleurs entretenu avec le vice-président de la Commission européenne, Stéphane Séjourné, et je serai à Bruxelles dans les prochains jours.
D'autre part, la France lutte pour une taxe carbone aux frontières qui fonctionne réellement, une taxe qui mette à égalité les sidérurgistes européens, qui paient le carbone, avec leurs concurrents étrangers, qui ne le paient pas… Là encore, nous avançons, mais nous devons rester combatifs pour que ce mécanisme ne puisse pas être contourné.
Nous avons arraché ces avancées, parce que nous croyons à une Europe industrielle, une Europe qui protège ses usines, ses emplois et ses savoir-faire. Et nous continuerons à nous battre pour que ces mesures soient adoptées rapidement par le Parlement européen comme par le Conseil.
Non, la nationalisation n'est pas la solution. Mais cela ne veut pas dire que nous nous interdisons d'agir : nous soutenons la décarbonation des procédés ; nous finançons les technologies nouvelles ; nous défendons la réciprocité commerciale ; et nous renforçons la compétitivité de notre industrie. Nous mobilisons donc tous les leviers pour que nos usines restent en France et que leurs salariés aient un avenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ArcelorMittal n'est pas à vendre. Surtout, l'indépendance ne se décrète pas par un rachat : elle résulte d'une stratégie industrielle. Je veux le dire simplement : sauver une entreprise, c'est lui donner un futur, et non la mettre sous perfusion. Et, ce futur, nous le construirons par la compétitivité, l'investissement, et grâce à la cohérence de notre action européenne.
Je salue la position de la commission des finances sur cette proposition de loi. Je la partage pleinement, et j'appelle le Sénat à la suivre. (M. le rapporteur et M. Marc Laménie applaudissent.)
3
Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques.
Mme Micheline Jacques. Lors des scrutins publics nos 14 et 15 portant sur la proposition de loi visant à garantir la qualité des services de gestion des déchets, Mme Viviane Malet souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l'analyse politique des scrutins concernés.
Mes chers collègues, je vais suspendre la séance ; elle sera reprise à quatorze heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix,
est reprise à quatorze heures quarante, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal
Suite de la discussion d'une proposition de loi
M. le président. Nous reprenons l'examen de la proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe ArcelorMittal, malgré des fonds propres colossaux et la perception d'aides publiques massives, a annoncé en avril dernier la suppression de centaines d'emplois en France, ainsi que le report de ses investissements dans la modernisation et la décarbonation de son outil industriel.
Face à une forme de cynisme de la part de ce groupe, face à la crise structurelle qui frappe la sidérurgie européenne, dans un contexte d'urgence climatique absolue, et face aux menaces directes qui pèsent sur nos emplois et notre souveraineté, la présente proposition de loi du groupe communiste, cosignée par l'ensemble des groupes de gauche et les écologistes, est d'une importance majeure et répond à une impérieuse nécessité.
La modernisation des outils de production, leur électrification notamment, est incontournable si nous voulons respecter nos engagements climatiques en matière de transition. Les trois sites français de production d'acier appartenant à ArcelorMittal, à Dunkerque, Fos-sur-Mer et Florange, représentaient, en 2019, 24 % des émissions de CO2 de l'industrie en France et 4,5 % des gaz à effet de serre émis sur le territoire national.
En 2023, dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone et en vue de décarboner les sites les plus émetteurs, le groupe ArcelorMittal a signé un contrat de transition écologique avec l'État français, avec pour premier objectif, d'ici 2030, de réduire de 35 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015, et pour second objectif d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.
La puissance publique a proposé de subventionner la décarbonation de l'outil de production à hauteur de 850 millions d'euros, soit environ la moitié des besoins d'investissement. Cette aide a été autorisée par la Commission européenne le 20 juillet 2023, mais le revirement d'ArcelorMittal a entraîné le report de ces investissements et remet, de fait, en cause notre stratégie climatique.
Ce qui garantira, demain, l'emploi industriel dans notre pays, c'est la transformation de l'outil de production – il faut le dire –, via notamment l'électrification des hauts-fourneaux. Il n'y aura pas de transition écologique sans emplois industriels ni d'industrie sans transition écologique.
La filière de l'acier est hautement stratégique. Nous ne pouvons accepter que son avenir en France et en Europe dépende uniquement de décisions erratiques, sans aucune logique de planification ni vision d'avenir. Oui, la sidérurgie est une composante majeure de notre souveraineté industrielle, essentielle entre autres à la défense, aux infrastructures critiques et à la transition énergétique.
Face à la menace qui pèse sur l'ensemble de la filière de l'acier européen, la Commission européenne a enfin amorcé un virage protectionniste en proposant de doubler les droits de douane sur l'acier de 25 % à 50 %, tout en diminuant de moitié les quotas d'acier étranger pouvant être importés sans surtaxe dans l'Union européenne. Il s'agit d'un début de réveil salutaire.
Oui, en effet, il y a urgence. La filière européenne est menacée par la surproduction mondiale, dopée par la concurrence déloyale chinoise : 150 000 emplois sont ainsi menacés en Europe.
La présente proposition de loi ne relève donc pas d'un choix idéologique : elle résulte d'une vision pragmatique qui s'articulera parfaitement avec le virage pris au niveau européen. Elle vise à préserver nos capacités industrielles et l'emploi, comme l'a fait le gouvernement britannique.
Le texte tend à garantir que les actifs d'ArcelorMittal en France – c'est-à-dire les sites de Dunkerque, de Fos-sur-Mer, et de Florange ainsi et que toute autre installation jugée essentielle – soient reconnus comme des biens d'intérêt général relevant de notre souveraineté industrielle.
Cette proposition de loi est un premier pas essentiel, qui doit en outre s'inscrire dans une démarche plus globale et multisectorielle. Nous devons protéger l'ensemble des entreprises stratégiques d'intérêt national ou européen.
Nous devons aussi mettre fin à la passivité de l'État face aux décisions unilatérales des multinationales. Nous devons reprendre en main notre destin et bâtir notre stratégie industrielle.
Pour sauvegarder les aciéries, pour leur permettre de réussir à passer le cap de la décarbonation, pour faire advenir une souveraineté industrielle réelle, loin des incantations et de la soumission au marché, pour favoriser la planification des emplois, des filières et des savoir-faire, vous l'aurez compris, nous voterons ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Mme Maryse Carrère applaudit.)
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avouons-le d'emblée, il est bien difficile pour n'importe quel habitant des Bouches-du-Rhône, et, donc, pour chacun des parlementaires de ce département, d'être insensible aux questions touchant à l'avenir d'ArcelorMittal.
Il en va de même de toutes les régions françaises qui ont subi les crises causées par le recul de nos capacités de production dans le domaine sidérurgique, ainsi que les cortèges de licenciements qui ont plongé nombre de familles dans la difficulté et ont contraint des villes à s'engager dans des conversions interminables et aléatoires.
Se désintéresser de ce sujet reviendrait à faire preuve de désinvolture quand on sait que la filière sidérurgique, à Fos-sur-Mer, représente 4 000 emplois. Une telle attitude serait d'autant plus condamnable que cette implantation industrielle, deuxième site sidérurgique français, est le fruit d'une histoire qui serait bien trop longue à retracer ici.
Le secteur sidérurgique fait aussi l'objet, pour les années à venir, d'importantes perspectives d'investissement liées à la décarbonation, car nous devons nous adapter aux conséquences du dérèglement climatique. Il est aussi au cœur de ce que l'on appelle notre souveraineté économique.
C'est pourquoi je partage les interrogations et inquiétudes qui ont conduit à l'élaboration du texte que nous examinons aujourd'hui. Elles sont légitimes et appellent une attention particulière.
Toutefois, je ne peux m'empêcher de vous faire part de ma perplexité. « Nationalisation » : pour des oreilles bercées par les douces rengaines du libéralisme, il s'agit d'un gros mot. Pour d'autres, en revanche, le terme est un totem scandé lors de chaque discussion où il est question de maîtrise de nos politiques industrielles.
Dans le cadre des échanges qui ont précédé le rejet de ce texte par la commission des finances, j'ai eu la désagréable impression de revivre un film, si je puis m'exprimer ainsi, qui a suscité bien des querelles lors du quinquennat de François Hollande. C'est fort regrettable, et je crains que nous ne donnions le spectacle d'élus ravivant ad nauseam la querelle des Anciens et des Modernes.
À l'heure où l'exécutif et le Parlement sont en quête de milliards pour lutter contre une dette qui fragilise notre pays, nous sommes en présence d'un cas d'école avec cette proposition de loi relative à la situation d'ArcelorMittal. Chacun affûte ses arguments : les auteurs du texte ont raison de tirer la sonnette d'alarme de l'emploi ; le rapporteur, lui, n'est pas en reste, puisqu'il rappelle que toute réponse doit être apportée au niveau européen si l'on veut protéger le secteur sidérurgique.
Hélas, je crains que cela ne soit insuffisant pour calmer l'inquiétude des sidérurgistes qui peuvent estimer que, derrière cet argument, se cache l'antienne du « Ce n'est pas nous, c'est Bruxelles ! »…
Je reste convaincue que les passes d'armes convenues autour du terme « nationalisation » nous font passer à côté d'un point essentiel : les 200 milliards d'euros d'aides publiques aux entreprises et les quelque 300 millions d'euros dont a bénéficié ArcelorMittal en 2023. Ces aides sont nécessaires. Soit ! Mais si le coût d'une nationalisation est pharaonique, celui des aides publiques versées aux entreprises, sans l'assurance de préserver durablement notre souveraineté, sans la garantie du maintien de l'emploi, le tout accompagné du chantage permanent exercé par celles-ci – je fais référence à l'article du journal Le Monde de ce matin –, l'est tout autant.
Il faut évaluer ces aides publiques, les réglementer et légiférer pour mieux les contrôler. Il convient de savoir à quels investissements elles contribuent, quels emplois elles permettent de créer ou de préserver, quelles stratégies elles encouragent. Il s'agirait là d'une démarche plus fructueuse. Il importe aussi de rappeler aux entreprises bénéficiaires, qui licencient abusivement en jouant de leur position, la célèbre saillie de Margaret Thatcher : « I want my money back ! »
Cela étant, je voterai pour ma part contre ce texte. Mes collègues du groupe du RDSE useront, eux, de leur liberté de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste tient à remercier les membres du groupe CRCE-K d'avoir inscrit cette proposition de loi dans leur espace réservé, un texte d'ailleurs cosigné par les membres d'autres groupes.
En effet, la question de l'industrialisation de la France est absolument majeure, et ce débat va nous donner l'occasion de réfléchir à l'avenir de notre industrie, plus particulièrement à l'avenir du secteur sidérurgique.
Mon groupe n'est pas opposé aux nationalisations. J'en veux pour preuve que nous avons approuvé la nationalisation intégrale d'EDF l'an passé. Certes, nous aurions préféré que les personnels puissent acquérir une part plus significative du capital de l'entreprise – disons-le clairement – pour tirer les fruits de son expansion, mais nous ne sommes pas par principe opposés à un tel processus. Cet engagement témoigne de notre attachement à un État fort, qui se préoccupe des véritables facteurs de croissance économique dans les territoires, c'est-à-dire, ici, de nos filières énergétiques, qui sont cruciales pour notre industrie.
Le groupe Union Centriste est particulièrement sensible au sort de la filière sidérurgique. On le sait en effet, en 1951, l'Europe s'est construite, pour le plus grand bien de tous, sur les bases de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). C'est à partir de cette organisation et de ses quelques pays fondateurs que s'est forgé l'esprit européen et que s'est développée l'Europe telle que nous la connaissons aujourd'hui. Cela montre bien l'importance de l'acier et explique notre intérêt pour cette question.
Comme l'a très bien expliqué le rapporteur, nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation paradoxale : d'un côté, la production mondiale d'acier est largement excédentaire, ce qui nous expose à un problème de compétitivité ; de l'autre, ArcelorMittal, acteur non négligeable de la filière sidérurgique, emploie 15 000 salariés en France sur une quarantaine de sites différents. On sait que la filière sidérurgique est indispensable pour l'industrialisation de notre pays : doit-on pour autant, face à toute nouvelle difficulté, envisager la nationalisation des entreprises fragilisées, c'est-à-dire proposer systématiquement que l'État en prenne seul la direction ?
Nous estimons qu'il faut réfléchir à deux fois avant de s'engager dans une telle voie. En effet, nous pourrions être amenés à engager des montants considérables, alors même que nous sommes dans l'obligation de réduire nos dépenses publiques.
Face à un déficit public colossal, nous n'avons pas d'autre choix que de réduire nos dépenses, contrairement à ce que soutiennent certains de nos collègues députés – on le voit bien en ce moment – qui veulent toujours taxer davantage. Nous estimons au contraire que le levier de l'impôt doit être mobilisé avec mesure, car la surtaxation conduit inévitablement à l'indécision des acteurs économiques, qui hésitent alors à investir et à s'engager en faveur du développement du pays. C'est pourtant indispensable : la croissance de la France passera notamment par la reconnaissance de la valeur travail – il faut se retrousser les manches pour faire de la France un pays prospère dans lequel chaque habitant puisse vivre heureux.
Avant d'envisager la nationalisation d'ArcelorMittal et, donc, d'investir massivement, malgré le risque que fait courir le recours systématique à la puissance publique, devenue une sorte de « panier sans fond » pour sauver les entreprises déficitaires, il nous faut bien réfléchir. (Mme Catherine Belrhiti approuve.) On s'expose, sinon, à un certain nombre de désillusions : je pense à la hausse des déficits et, donc, à la possible incapacité de l'État à mener, demain, des politiques publiques, un rôle auquel nous tenons bien évidemment tous. Soyons prudents à ce sujet !
Monsieur le ministre, les membres du groupe Union Centriste sont particulièrement sensibles à la question de la réindustrialisation de la France. Nous espérons, puisque vous avez été nommé il y a quelques jours, que vous pourrez mener une action déterminée en la matière. Nous en avons bien besoin ! La tâche ne sera pas facile, il faut bien le reconnaître.
Les entreprises doivent pouvoir gagner en compétitivité et, donc, être davantage performantes au niveau international. Cela implique, selon nous, de baisser les charges. Nous espérons donc que des propositions en ce sens seront formulées lors de l'examen du projet de loi de finances.
Quoi qu'il en soit, la majorité des membres du groupe Union Centriste ne soutiendront pas la nationalisation d'ArcelorMittal.
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi de nos collègues communistes visant à nationaliser les actifs français de l'entreprise ArcelorMittal.
Le texte prévoit tout simplement que l'État rachète les actifs français d'une entreprise sidérurgique mondiale. Une fois l'État devenu propriétaire, il deviendrait aussi sidérurgiste au travers d'une société publique que nos collègues proposent de baptiser « Société Nationale de l'Acier ».
Bien que l'idée paraisse surprenante, elle n'est pas nouvelle. Dans les années 1980, en France, les communistes ont poussé leurs alliés socialistes à cette même politique de nationalisation. À l'époque, l'industrie sidérurgique était en situation de surcapacité de production au niveau mondial, ce qui a provoqué une chute du cours de l'acier et l'arrêt de nombreux hauts-fourneaux.
Après que le secteur a été sous perfusion publique durant plusieurs années, François Mitterrand a décidé de le nationaliser en 1982. Treize années plus tard, lorsque l'entreprise Usinor-Sacilor est reprivatisée, l'État sidérurgiste n'a pas pu empêcher les transformations que la filière a connues à l'échelon mondial.
En quelques années, dans ce secteur, le nombre de salariés est passé de 95 000 à 38 000 en France, et la productivité a tout simplement doublé. La « casse sociale » que les socialistes voulaient éviter a malgré tout eu lieu. Sans compter que cette politique nous a coûté extrêmement cher : en vingt ans, 100 milliards de francs de subventions publiques ont été engloutis, dont 80 milliards de francs pour un accompagnement social en complet décalage avec les besoins de l'économie de l'époque. Des départs anticipés à 55 ans, voire à 50 ans, ont été rendus possibles ; l'État a payé des congés de formation de deux ans : il a ainsi diminué le temps de travail d'ouvriers qui étaient pourtant en âge de produire.
Voici ce qui nous attend, mes chers collègues, si nous essayons de reconduire une telle politique publique. D'abord, la nationalisation va nous coûter une somme exorbitante dont nous ne disposons pas. L'Institut La Boétie, le think tank des Insoumis, estime que cette nationalisation ne nous coûterait que 4 à 6 milliards d'euros : une bagatelle à l'époque où nous sommes ! Ensuite, il nous faudra investir massivement pour rénover l'appareil de production sidérurgique, pour faire en sorte qu'il pollue moins à l'avenir, en passant du charbon à l'électricité. Enfin, il nous faudra de toute façon payer la facture sociale que la rénovation de l'appareil productif engendrera. Si mes calculs sont bons, nous aurons en quelque sorte payé trois fois au lieu d'une…
L'examen de cette proposition de loi intervient dans un contexte tout à fait similaire à celui des années 1970 et 1980. La Chine produit des quantités pharaoniques d'acier très pollué, ce qui entraîne une surproduction mondiale.
Les mêmes causes entraînent les mêmes conséquences : le cours de l'acier plonge – il a presque été divisé par deux depuis octobre 2021 – et de nombreux hauts fourneaux sont éteints.
Nous sommes, finalement, dans une situation identique. Il nous faut, de plus, prendre en compte les impératifs climatiques, puisque la sidérurgie est l'industrie la plus polluante de France, bien que nous produisions un acier bien plus « vert » que celui de nos amis chinois.
Notre pays ne dispose ni d'importants gisements, ni d'une énergie à bas coût, et encore moins d'une main d'œuvre quasiment gratuite. Ces atouts, l'URSS en bénéficiait, mais elle a tout de même échoué. Le résultat du dirigisme économique soviétique, nous le connaissons : l'industrie sidérurgique a englouti des milliards de roubles au détriment des autres secteurs, comme l'alimentation. Cette industrie a pollué plus et produit moins que ses concurrentes, pour une qualité inférieure.
L'alternative que nous devons résoudre est simple : soit nous utilisons des milliards fictifs pour nous approprier par la force une entreprise qui n'est pas à vendre, soit nous utilisons cet argent à bon escient, au service de notre souveraineté industrielle.
L'industrie sidérurgique française a, comme le reste de l'industrie, besoin de protection contre les distorsions de concurrence, notamment chinoise. Il lui faut retrouver de la compétitivité grâce à une fiscalité équivalente à celle dont bénéficient ses concurrents mondiaux et nous devons l'accompagner dans le verdissement de sa production par des investissements publics très ciblés.
Tels sont les véritables enjeux qui s'imposent à nous et auxquels nous devons apporter une réponse.
Cette réponse est attendue par les salariés d'ArcelorMittal comme par ceux de l'entreprise Novasco dans le Nord, la Loire et la Moselle, dont la situation particulièrement préoccupante m'a été rapportée par ma collègue Marie-Claude Lermytte.
Les sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires s'opposeront à l'adoption de cette proposition de loi qui obéit, selon nous, à une logique d'un autre temps.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (M. Laurent Burgoa applaudit.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enjeu que représente ArcelorMittal est éminemment stratégique pour notre industrie ; notre collègue Arnaud Bazin, dont je salue la qualité du rapport, l'a rappelé.
L'industrie, et en particulier l'industrie lourde, connaît depuis plusieurs décennies des turbulences et des fermetures qui affectent durement nos territoires. C'est en connaissance de cause que je vous en parle, car je suis élue en Moselle, dans un bassin minier et sidérurgique autrefois prospère où les nombreuses fermetures de sites ont occasionné de graves souffrances pour les populations locales.
Je souhaite, du fait de mon ancrage territorial au cœur du bassin sidérurgique lorrain, vous parler en particulier du site ArcelorMittal Florange.
L'usine sidérurgique de Hayange-Florange est un immense complexe sidérurgique situé dans la vallée de la Fensch et pourvoyeur de près de 4 000 emplois.
Vous vous souvenez certainement de la visibilité médiatique dont ont bénéficié les hauts fourneaux de Florange lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2012. Lorsque le ministre Arnaud Montebourg avait mis sur la table le sujet de la nationalisation, le front syndical n'était pas uni à cet égard ; je me souviens notamment de la prise de position de la CFE-CGC du site, qui y était opposée. En mai dernier, le coordinateur de ce syndicat au sein d'ArcelorMittal a maintenu cette position, arguant que cette entreprise était par trop intégrée au marché européen et mondial.
La nationalisation ratée, en 1981, d'Usinor, l'ancêtre d'ArcelorMittal, a marqué les esprits.
Concernant cette proposition de loi, il faut regarder la réalité en face. Nous sommes confrontés à un déséquilibre du marché de l'acier en Europe, avec une baisse de la demande européenne couplée à une concurrence féroce des aciers importés. On observe, par ailleurs, une spécialisation dans les aciers automobiles haut de gamme, alors que le marché de l'automobile est fluctuant, ainsi qu'une concurrence de l'offre mondiale – l'acier chinois à bas coût, par exemple, bénéficie de la situation –, et un manque d'investissement dans l'outil industriel.
Passer d'un actionnariat privé à un actionnariat public n'aura aucun impact sur les grands équilibres commerciaux du monde. Comment espérer, en cette période économique et financière perturbée pour la France, que l'État puisse investir massivement ?
Les auteurs de cette proposition de nationalisation voudraient apporter « la » solution. Cependant, n'oublions pas qu'ArcelorMittal est une multinationale qui répond à des enjeux de profitabilité et de rentabilité sur un marché concurrentiel.
Quelques jours après l'annonce par la Commission européenne de son plan acier, ArcelorMittal annonçait la suppression de centaines d'emplois en France. Le 17 septembre dernier, le groupe se retirait d'un projet de construction d'une usine de production de chaux vive à Dunkerque, replongeant le site dans l'incertitude. Enfin, nous avons appris avant-hier que les syndicats étaient appelés à se prononcer, le 7 novembre prochain, sur un plan social visant à supprimer 636 postes.
D'un côté, l'entreprise doit faire face à des enjeux financiers ; de l'autre, il convient que les pouvoirs publics répondent aux enjeux humains et sociaux occasionnés par cette situation. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.)
Un État stratège, avec une vision pluriannuelle et organisée à l'échelle nationale, pourrait apporter une réponse. C'est par une vision globale et de long terme que nous maintiendrons la pérennité des sites. Bien que la décarbonation soit un horizon souhaitable, tâchons, par exemple, de ne pas sur-normer. Le groupe du Parti populaire européen (PPE), au Parlement européen, dénonce à juste titre depuis des années un poids normatif excessif pesant sur l'industrie européenne, ce qui la fragilise dans le cadre d'un marché global.
C'est aussi à l'échelle européenne que nous pouvons trouver des solutions.
La Commission européenne a proposé, au début du mois d'octobre, un mécanisme de réduction des quotas d'importation en franchise de douane, ainsi que le rehaussement à 50 % des droits hors quotas. C'est un bon début, même si cela aurait dû être fait plus tôt.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Fouassin.
M. Stéphane Fouassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis d'une proposition de loi ambitieuse sur le papier, mais périlleuse dans les faits : la nationalisation des actifs d'ArcelorMittal en France.
Ses auteurs veulent, disent-ils, garantir la souveraineté industrielle, sauver des emplois et accélérer la transition écologique. Qui pourrait être contre ces objectifs ? Mais encore faut-il choisir les bons outils. Or cette proposition de loi, malgré les intentions affichées, emprunte une voie qui n'est ni réaliste, ni efficace, ni responsable. Soyons lucides : elle est juridiquement fragile, économiquement intenable et politiquement contre-productive.
D'abord, sur le plan juridique : nationaliser n'est pas interdit par la Constitution, à condition que cela réponde à une nécessité publique impérieuse. Mais ici, quelle est l'urgence ?
ArcelorMittal est une entreprise solide qui emploie 15 000 personnes en France, autant qu'il y a cinq ans. Elle investit, parfois trop lentement sans doute, mais elle le fait. Sa situation n'est pas celle d'EDF en 2023, confrontée à une crise énergétique majeure. La « nécessité publique impérieuse » n'est donc pas démontrée. Et si l'on y ajoute une indemnisation incertaine, puisque l'on veut en déduire les aides publiques reçues, le risque de censure constitutionnelle est avéré.
Sur le plan économique, c'est encore plus clair : nationaliser les seuls sites français d'un groupe mondial reviendrait à créer un monstre économique non viable. ArcelorMittal fonctionne à l'échelle internationale : le minerai vient du Brésil et du Canada, la transformation se fait en France et au Luxembourg, la vente en Allemagne, en Italie ou ailleurs. Isoler la partie française reviendrait à couper le moteur du reste du véhicule.
En conséquence, cette nationalisation aurait pour effet d'affaiblir la rentabilité de cette entreprise, et l'État se retrouverait seul à financer des pertes structurelles et à porter le coût colossal de la décarbonation, soit entre 5 milliards et 8 milliards d'euros. Et pour quel résultat ? Un acier « vert » aujourd'hui invendable, faute de clients prêts à en payer le prix.
Ensuite, politiquement, cette proposition de loi envoie un très mauvais signal : quel investisseur étranger voudra encore s'implanter en France si, demain, on peut décider de nationaliser unilatéralement ses sites ? Cette logique de défiance relève non pas du patriotisme économique, mais du repli industriel, et elle ruinerait tous les efforts que nous faisons depuis des années pour rendre la France attractive et compétitive.
Mme Cécile Cukierman. On voit ça…
M. Stéphane Fouassin. Je veux aussi rappeler quelques points d'histoire.
Le Royaume-Uni a nationalisé sa sidérurgie dans les années 1960. Résultat : des milliards engloutis, une productivité en berne, des fermetures d'usines et des dizaines de milliers d'emplois perdus.
Chez nous, la nationalisation d'Usinor-Sacilor dans les années 1980 a certes permis d'éviter la faillite, mais elle a coûté très cher et s'est terminée par une privatisation en 1995, avant la création d'Arcelor.
Alors oui, ArcelorMittal doit faire plus pour ses salariés, pour ses sites, pour la décarbonation. Oui, les aides publiques pourraient être conditionnées à des engagements fermes. Mais la réponse au problème posé réside non pas dans l'étatisation pure et simple, mais dans le dialogue, la transparence, la régulation et l'investissement conjoint dans l'industrie de demain.
En somme, cette proposition de loi n'est pas une bonne solution : elle flatte l'émotion, mais ignore la réalité économique. Si elle était adoptée, elle fragiliserait notre crédibilité industrielle et notre sécurité juridique, tout en coûtant des milliards aux contribuables. C'est pourquoi le groupe RDPI votera contre ce texte.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous n'en doutions pas !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. (Mme Audrey Linkenheld applaudit.)
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, je tiens à remercier nos collègues du groupe CRCE-K d'avoir pris l'initiative de ce débat consacré à l'avenir de la filière sidérurgique française et, plus largement, à la question de notre souveraineté industrielle.
Parler d'acier, c'est parler de ce que nous sommes : une Europe forgée dans le feu des hauts fourneaux, une France bâtie sur le travail industriel et la fierté ouvrière. Rappelons-le, la Communauté européenne du charbon et de l'acier, fondée en 1951, fut le socle du projet européen. Elle liait la production d'acier et de charbon non seulement pour reconstruire nos économies, mais aussi pour garantir la paix.
Soixante-dix ans plus tard, la sidérurgie européenne traverse une crise importante. Entre 2014 et 2023, la production d'acier sur notre continent a chuté de 20 %, entraînant la perte de 8 % des emplois directs du secteur. L'Europe ne représente plus que 6,8 % de la production mondiale, contre plus de 9 % il y a dix ans, tandis que l'Asie concentre désormais près de 74 % des volumes produits.
Cette érosion tient à trois causes majeures : le ralentissement de la construction et de l'automobile, qui absorbent plus de la moitié de la demande d'acier européenne ; le coût de l'énergie, quatre fois plus élevé qu'aux États-Unis pour le gaz et deux fois plus qu'en Chine pour l'électricité ; et enfin la surcapacité mondiale, entretenue par la Chine qui produit plus de la moitié de l'acier mondial et pratique un dumping via des pays tiers.
C'est dans ce contexte qu'ArcelorMittal a annoncé la suppression de plus de 600 emplois en France, menaçant l'avenir de ses quarante sites. Et ce, après avoir réalisé 718 millions d'euros de bénéfices au cours du seul premier trimestre 2025, perçu 298 millions d'euros d'aides publiques, qui s'ajoutent aux 850 millions d'euros déjà versés par la France, et distribué 9 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires depuis 2020.
Comment accepter qu'un groupe ayant bénéficié de la solidarité nationale se comporte comme un investisseur opportuniste, sans égard pour l'emploi, les territoires ou les engagements pris ? Je pense aujourd'hui aux salariés de Dunkerque, Florange, Basse-Indre, Mardyck, Mouzon, Desvres et Montataire, aux familles, aux sous-traitants, à ces territoires entiers suspendus à des décisions prises à des milliers de kilomètres d'ici.
De nombreuses propositions sont aujourd'hui sur la table : nationalisation des sites stratégiques, mise sous gestion publique temporaire, prise de participation de l'État, ou encore conditionnement strict des aides publiques. Ces pistes, proposées par différentes forces politiques et par les organisations syndicales, méritent toutes d'être examinées sans tabou.
Mes chers collègues, nous considérons sur ces travées que le grand péché de notre époque est d'avoir cru que le marché pouvait tout structurer, en tout temps, en tout lieu et en toute matière. Nous ne sommes pas hostiles à l'économie de marché, mais nous affirmons que l'État doit faire respecter la parole donnée, garantir la continuité industrielle, redevenir un stratège, et non pas demeurer un spectateur.
Après la nationalisation des Chantiers de l'Atlantique et la reprise en main d'EDF, cette proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national nous invite à tirer les leçons de plusieurs décennies d'aveuglement industriel et de désarmement public. Elle nous offre, en réalité, l'occasion de rouvrir un débat de fond : celui du rôle de l'État dans la planification et la défense de nos intérêts stratégiques, parmi lesquels figure l'acier.
Face à des multinationales qui s'affranchissent de toute responsabilité territoriale, il faut des règles, des contreparties, des conditions. Les aides publiques doivent être conditionnées à des engagements clairs et opposables en matière d'investissement, d'emploi et de décarbonation.
Au-delà du cas ArcelorMittal, c'est la cohérence même de notre politique industrielle qu'il faut interroger. Depuis vingt ans, la France navigue d'un plan à l'autre – France Relance, France 2030 –, sans jamais définir de stratégie claire sur ce qu'elle veut produire, où, et comment.
Bien entendu, la réponse doit aussi être européenne. Après des années de naïveté, l'Union semble enfin décidée à défendre son industrie sidérurgique face à la concurrence déloyale. La clause de sauvegarde sur les importations va dans le bon sens, mais elle ne saurait suffire. L'Europe doit désormais s'armer d'une stratégie industrielle claire et ambitieuse.
Cela implique d'imposer une réciprocité normative : tout produit entrant sur le marché européen doit respecter les mêmes règles sociales, environnementales et sanitaires que celles imposées à nos entreprises. Cela implique aussi de réserver une part de la production locale dans les marchés publics européens, à l'image de l'Inflation Reduction Act (IRA) américain.
La désindustrialisation n'a pas seulement fragilisé notre économie. Elle a transformé nos territoires, fracturé nos sociétés, nourri le sentiment d'abandon et la défiance politique. Dans ces bassins où l'usine faisait lien social, la fermeture d'un site, c'est souvent la fermeture d'un avenir. C'est pourquoi la réindustrialisation n'est pas un objectif économique : c'est un impératif social et territorial.
Mes chers collègues, nous le savons tous ici, la discussion que nous entamons aujourd'hui ne tranchera pas le débat qui peut nous opposer, à gauche ou à droite de cet hémicycle. Pour autant, je considère que cette proposition de loi peut nous permettre de retrouver l'esprit qui, un temps, nous a rassemblés autour de choix stratégiques pour la souveraineté et l'indépendance de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sidérurgie mondiale est en crise : la production d'acier dépasse largement la demande, la croissance chinoise s'essouffle, mais Pékin continue de subventionner massivement ses aciéries et, aux États-Unis, les politiques protectionnistes de Trump ont fermé des débouchés entiers.
Pendant que d'autres planifient, protègent, la France semble avoir choisi la passivité. ArcelorMittal, géant privé aux profits colossaux, joue avec notre outil industriel comme on déplace des pions sur un échiquier.
Cette situation n'est pas nouvelle. Depuis des années, ArcelorMittal ferme, réduit, délocalise. Présidents et ministres se succèdent sur des sites menacés, oubliant que derrière les mots « restructuration », « plan social », « rationalisation », il y a des visages : ceux de Dunkerque, Florange, Gandrange, Hayange, Reims, Denain… La liste est loin d'être exhaustive. Des femmes et des hommes qui, depuis des décennies, forgent le métal de notre pays et que Mittal s'apprête, une fois encore, à reléguer dans le silence des friches au travers de 636 suppressions de postes en France, dont 400 dans la production.
Je rappelle qu'ArcelorMittal dispose de 17,6 milliards d'euros de fonds propres, qu'entre 2021 et 2024 ce groupe a dégagé 32,6 milliards de dollars de bénéfices et redistribué 13,2 milliards de dollars aux actionnaires. En France, en 2023, il a perçu 392 millions d'euros d'aides publiques, tout en continuant à exercer un véritable chantage à l'emploi.
Cette situation n'est pas une anomalie : c'est le produit d'un modèle dans lequel les aides publiques servent à enrichir les actionnaires sans aucune contrepartie sociale, industrielle ou environnementale. Le rapport du Sénat sur les aides publiques aux entreprises l'a démontré : 211 milliards d'euros sont distribués chaque année aux entreprises sans contrôle ni conditions.
Alors, que l'on ne vienne pas nous dire que « l'argent n'existe pas » ! Il existe, il circule, mais il nourrit la rente plutôt que la production, en laissant des déserts économiques et sociaux. Et ainsi, l'État finance la casse de notre outil productif et accepte que des secteurs aussi stratégiques que la sidérurgie soient soumis aux seuls impératifs financiers d'un groupe privé. Ce secteur est stratégique, comme en a conclu un rapport du Sénat en 2019, car l'acier est la fondation de notre économie – pensons à l'automobile, au nucléaire, à l'aéronautique !
Pis, lorsque les hauts fourneaux ferment, ce ne sont pas seulement notre souveraineté et la continuité des chaînes de valeur qui se brisent ; ce sont des vies, des familles, des identités territoriales. Qui sait quelle est la vie des jeunes de la vallée de la Fensch, maintenant que les hauts fourneaux y sont éteints ? Qui agit contre le déracinement ou le kilométrage à rallonge pour accéder à l'emploi, après avoir versé une larme en lisant les romans de Nicolas Mathieu ?
C'est pourquoi la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal situés sur le territoire national s'impose comme une réponse de bon sens aux défis industriels, sociaux et environnementaux que nous devons affronter collectivement.
La sidérurgie française est à un carrefour historique : soit elle disparaît progressivement, victime de la financiarisation et de la concurrence déloyale, avec des conséquences dramatiques pour nos emplois, l'environnement et notre souveraineté ; soit elle renaît, portée par une vision publique qui lie écologie, indépendance nationale et justice sociale.
En ce sens, la nationalisation des actifs stratégiques d'ArcelorMittal serait non pas un retour en arrière, mais une réponse moderne aux défis du XXIe siècle : décarboner sans désindustrialiser, produire sans précariser, innover sans dépendre. C'est une décision nécessaire, pour que la France demeure une nation industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Thomas Dossus applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur un texte d'une importance capitale pour notre industrie, pour notre territoire et pour des milliers de familles : la nationalisation d'ArcelorMittal.
À Denain, dans le Valenciennois, dans tout le bassin sidérurgique du Nord, l'histoire de l'acier est celle de nos vies, de nos luttes et de notre dignité. Nous savons ce que représente cette filière, ce que sa désindustrialisation a coûté à nos concitoyens : des usines fermées, des savoir-faire perdus, des villes entières frappées par le chômage et la précarité.
Depuis des années, aucun investissement sérieux n'a été consenti, alors même que nous parlons d'une entreprise essentielle à notre souveraineté industrielle, confrontée à des concurrents étrangers qui, eux, ne sont soumis à aucune contrainte environnementale ou sociale.
Alors oui, nationaliser peut apparaître, à première vue, comme un acte fort, un acte de souveraineté, un geste de reconquête industrielle. Mais un tel acte n'a de sens que si l'État s'y engage avec lucidité, avec stratégie, et surtout avec la volonté de rendre des comptes à la Nation. Or, dans sa rédaction actuelle, ce texte ne garantit rien de cela.
Il s'agit ici d'une nationalisation sans cap, sans direction claire, sans garantie pour nos ouvriers ni pour nos territoires. Une nationalisation qui pourrait, demain, n'être qu'un rachat à perte, une nouvelle aventure technocratique où l'État deviendrait actionnaire passif d'un géant sans boussole.
M. Ian Brossat. Donc on ne fait rien…
M. Joshua Hochart. C'est pourquoi le Rassemblement national ne peut soutenir ce texte.
Nous ne rejetons pas l'idée que l'État puisse reprendre la main sur des actifs stratégiques. Bien au contraire, nous avons toujours défendu une politique industrielle ambitieuse, prévoyant que la puissance publique joue pleinement son rôle protecteur. Mais cette reprise doit être guidée par une logique de souveraineté et d'efficacité, non par une logique idéologique ou opportuniste, comme nous avons souvent pu l'observer dans le passé.
M. Ian Brossat. Le porte-parole du Medef !
M. Joshua Hochart. Le Nord n'a que trop souffert des promesses non tenues. Nos territoires ne veulent plus de symboles, ils veulent des actes concrets. Notre industrie a besoin d'un État fort, pas d'un État figurant. Car, pour nous, la défense de l'acier français est non pas une posture, mais un devoir ! (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il y a une différence entre vos propos et vos tracts !
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à la nationalisation des actifs stratégiques d'arcelormittal situés sur le territoire national
Article 1er
Afin de garantir la souveraineté industrielle dans le secteur sidérurgique, reconnu comme essentiel à la défense, aux infrastructures critiques et à la transition énergétique, ainsi que la protection des emplois et des compétences, les sites industriels d'ArcelorMittal situés en France, identifiés comme stratégiques pour l'industrie sidérurgique et la transition énergétique, sont nationalisés.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, sur l'article.
Mme Mireille Jouve. Le groupe du RDSE souscrit pleinement à la nécessité d'apporter une réponse rapide et concrète aux salariés d'ArcelorMittal, aujourd'hui confrontés à un plan social. Cette proposition de loi déposée par nos collègues du groupe CRCE-K a le mérite d'alerter et de proposer une solution à l'échelle de la loi. Cependant, notre groupe estime que la nationalisation envisagée, bien qu'inspirée par une intention louable, serait particulièrement coûteuse pour les finances publiques, sans garantir la pérennité de l'entreprise à long terme.
Le véritable enjeu réside dans une concurrence internationale structurellement déséquilibrée, face à laquelle seule une réponse européenne serait efficace. Mais dans l'immédiat, deux urgences doivent être traitées et relèvent du pouvoir réglementaire : le maintien de l'emploi et la décarbonisation de la production.
Nous estimons qu'une prise de participation de l'État via l'Agence des participations de l'État (APE) ou Bpifrance constitue une piste efficace. Cette solution, plus modérée en termes de coûts, permet à l'État d'intervenir sur les décisions stratégiques, d'une part, pour s'opposer à des suppressions d'emploi, et, d'autre part, pour accompagner la transition énergétique des sites.
Dans une logique européenne, la France pourrait également impulser un rapprochement des activités Europe d'ArcelorMittal par une entrée concertée au capital avec d'autres États membres.
Le groupe du RDSE invite donc le Gouvernement à prendre toute sa part de responsabilité dans ce dossier, non pas au travers d'un geste symbolique, mais par une stratégie d'intervention économique claire, ciblée et cohérente au service de sa politique industrielle.
Enfin, je souhaite rappeler que les entreprises sidérurgiques européennes les plus performantes sont souvent celles dans lesquelles l'État ou les salariés participent activement aux décisions stratégiques. L'exemple de l'entreprise suédoise SSAB en est une illustration,…
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Mireille Jouve. … soit un modèle de gouvernance équilibré alliant compétitivité, transition écologique et responsabilité sociale. Je nous invite à méditer cet exemple.
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, sur l'article.
Mme Audrey Linkenheld. Je souhaite, moi aussi, intervenir sur cet article 1er qui concerne très précisément la nationalisation des actifs d'ArcelorMittal. Et je veux remercier, à mon tour, le groupe communiste, sa présidente ainsi que l'ensemble des sénatrices et des sénateurs qui sont présents pour l'examen de ce texte, en particulier celles et ceux dont le département accueille des sites directement touchés par l'annonce des suppressions de postes chez ArcelorMittal.
Comme j'avais eu l'occasion de le dire lorsque cette annonce est tombée, je pense plus particulièrement au site de Dunkerque, où plusieurs centaines de postes doivent être supprimés, à celui de Mardyck, à d'autres sites du Nord, et plus largement des Hauts-de-France.
Merci au groupe communiste d'avoir braqué à nouveau le projecteur sur ce sujet douloureux, à quelques jours à peine de l'ouverture d'un délai dans lequel les salariés et leurs organisations syndicales devront répondre à l'annonce de ce plan social.
Cette proposition de loi, et tout particulièrement son article 1er, a l'immense mérite de proposer des solutions à l'échelle nationale, ce qui relève de la mission du Parlement français.
Plusieurs solutions sont possibles. La nationalisation en est une et il est important que nous puissions en débattre, notamment pour relayer la parole des salariés.
Cela a été dit, nous faisons face à une concurrence importante, principalement asiatique et très souvent déloyale. Au-delà des questions nationales, il nous faudra aussi revenir sur la question européenne.
Des solutions ont été esquissées : des solutions commerciales – par exemple, des quotas d'importation – et des solutions de régulation au travers des marchés publics.
Je considère, pour ma part, que la question du capital pourrait également être posée à l'échelle européenne. En effet, l'emploi est un sujet non pas seulement français, mais aussi européen : des emplois seront détruits dans d'autres États membres. Peut-être faudrait-il, à l'avenir, réfléchir à une européanisation ?
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l'article.
M. Pascal Savoldelli. Ce n'est pas de chance, monsieur le ministre, le journal économique auquel vous avez accordé une interview et dans lequel la présente proposition de loi fait l'actualité indique que le nouveau baromètre des ouvertures et des fermetures des sites industriels en France, lequel est réalisé par les services de Bercy – donc ni par L'Humanité ni par le parti communiste ! – « confirme les ratés de la politique de réindustrialisation ». Je cite toujours : « Au premier semestre, le pays a vu presque deux fois plus de fermetures d'usines – 82 – que d'ouvertures – 44. »
Vous dites dans cette interview que vous allez mobiliser les préfets. En effet, tout le monde a bien compris ici qu'il s'agissait seulement, en l'occurrence, d'un problème de lourdeur administrative (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)… Ce n'est pas très sérieux, monsieur le ministre !
Je vous ai également entendu relater en partie ce qui s'est déroulé au sein de la Commission européenne. Dont acte. Il n'y a rien à dire, pas de commentaires à faire…
Vous avez simplement oublié de préciser avant – mais sans doute n'aviez-vous pas le temps ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.) – que cette situation était liée à celle du marché européen de l'acier : 18 000 emplois directs supprimés dans la sidérurgie en 2024 au sein de l'Union européenne, et 150 000 autres emplois menacés d'ici à 2030 !
Bien évidemment, il faut tenir compte de la concurrence chinoise et des droits de douane américains. Vous dites que la politique des droits de douane a fait augmenter de 20 % les cours de l'acier à l'échelle mondiale. Dont acte.
Vous ajoutez que la Commission propose de diminuer de moitié les quotas d'acier étranger pouvant être importé sans surtaxe, et de doubler, de 25 % à 50 %, les droits de douane sur l'acier.
Je souhaite donc vous poser la question suivante, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et vous, chers collègues de droite qui avez tous exposé votre désaccord sur notre proposition de loi sans formuler aucune proposition alternative,…
M. Ian Brossat. Exactement !
M. Pascal Savoldelli. … concernant ces mesures de la Commission européenne, que va dire la France ? Je vous demande une réponse !
Je vous le dis, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans relance de la production en France, et même si des mesures d'harmonisation sont prises face à une situation de concurrence exacerbée, ces mesures n'auront aucun effet ! Cela signifie que nous avons un problème de souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l'article.
M. Marc Laménie. Je remercie nos collègues du groupe CRCE-K d'avoir mis à l'ordre du jour un texte aussi important. Lors de la discussion générale, la présidente Cécile Cukierman a rappelé que 15 000 emplois étaient concernés en France, dans des sites importants, à Dunkerque, à Fos-sur-Mer, mais aussi à Saint-Chély-d'Apcher en Lozère, et à Mouzon, dans les Ardennes, où 150 emplois sont directement menacés.
Mme Silvana Silvani. Exactement !
M. Marc Laménie. Le sujet est d'importance pour l'aménagement du territoire : le transport de fret ferroviaire décline, malheureusement, mais il joue un rôle important pour la sidérurgie et la fonderie. Sur les sites de Saint-Chély-d'Apcher et de Mouzon, il constitue, en quelque sorte, le dernier client.
Monsieur le ministre, vous êtes saisi de nombreux dossiers relatifs aux Ardennes. Dans ce département, la fonderie de cuivre Tréfimétaux ne compte plus que 35 salariés, alors qu'on en comptait plus de 1 000 dans les années 1980.
De même, Usinor comptait plus de 2 000 emplois sur deux sites dans les Ardennes, dans les vallées de la Meuse et de la Chiers. Historiquement, en ce qui concerne la fonderie et l'estompage, les pertes d'emplois sont bien visibles. Les explications en ont été données, notamment la surcapacité mondiale.
En ce qui concerne plus spécifiquement ArcelorMittal, nous nous battons aussi. Aux côtés de Fabien Gay et Olivier Rietmann, j'ai participé à l'audition des grands patrons de l'entreprise lors de la commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants.
L'enjeu de cette proposition de loi est fondamental, et, en ce qui me concerne, je resterai fidèle à mes engagements et je ne voterai pas contre ce texte : je m'abstiendrai. Ces sujets stratégiques sont très importants, car il y va aussi des emplois et des familles.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 17 :
| Nombre de votants | 345 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 342 | 
| Pour l'adoption | 107 | 
| Contre | 235 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 2
Les sites de Dunkerque, de Fos-sur-Mer, de Florange ainsi que toutes autres installations détenues par ArcelorMittal en France, jugées essentielles pour la transition énergétique et la sauvegarde de l'emploi, sont considérées comme stratégiques pour l'industrie sidérurgique nationale et qualifiées d'intérêt général.
Les actifs concernés comprennent toutes les installations industrielles nécessaires à la production d'acier ainsi que les droits de propriété intellectuelle et brevets associés aux procédés industriels et technologiques, indispensables à la modernisation des sites.
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, sur l'article.
Mme Karine Daniel. Je remercie à mon tour les collègues du groupe CRCE-K de leur initiative, qui met en lumière les problématiques relatives à ArcelorMittal et les enjeux de l'acier.
Ce matériau est présent dans les emballages alimentaires, les éoliennes, les véhicules électriques, les infrastructures ferroviaires, soit l'ensemble des équipements décisifs pour répondre au défi de la transition écologique et de l'économie de demain. Ne l'oublions pas : défendre l'acier européen est un enjeu stratégique.
L'article 2 nous permet de ne pas abandonner nos territoires. Nous considérons qu'il faut reconnaître la dignité du travail des ouvriers qui travaillent dans ces filières. On ne peut sacrifier ces lignes de production stratégiques en France.
J'ai évidemment une pensée pour le site bicentenaire des Forges de Basse-Indre, en Loire-Atlantique, où sont produits des aciers destinés à l'industrie agroalimentaire, et qui, si l'article était adopté, ferait partie des installations qualifiées d'intérêt général. Près de 100 ouvriers de cette usine sont touchés par un plan social et reçoivent des lettres de licenciement : j'ai une pensée pour eux et pour leurs familles.
Il est temps de renouer avec une ambition industrielle forte pour la France. Les ouvriers des Forges de Basse-Indre, comme ceux des autres sites, méritent que nous leur accordions notre attention et, surtout, que nous trouvions des solutions.
Je partage les propos tenus tout à l'heure : au-delà de la nationalisation et des outils de capitalisation que nous devons trouver, il nous faut aussi être force de proposition sur les enjeux européens. N'ayons aucune naïveté : aujourd'hui, ArcelorMittal utilise la concurrence interne entre ses propres sites pour affaiblir les sites européens. C'est inacceptable, et nous devons lutter face à ces stratégies industrielles de manière globale.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 18 :
| Nombre de votants | 345 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 342 | 
| Pour l'adoption | 107 | 
| Contre | 235 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 3
L'État procède à l'expropriation des actifs d'ArcelorMittal situés en France en prenant possession des sites mentionnés à l'article 2.
La valorisation des sites d'ArcelorMittal en France est effectuée par une commission indépendante, dont la composition est précisée par décret en Conseil d'État.
L'indemnité due aux actionnaires est réduite du montant des aides publiques antérieurement perçues par ArcelorMittal.
Un organisme indépendant procède à l'identification et à l'évaluation de ces aides publiques. Ce recensement comprend notamment : les subventions directes versées par l'État ou les collectivités territoriales pour la modernisation des sites, les prêts à taux garantis par l'État, les exonérations fiscales et les autres avantages fiscaux accordés au groupe, les exonérations sociales, les fonds européens et les subventions reçus pour la transition énergétique, notamment à travers les programmes Horizon 2020 ou le Fonds pour la transition énergétique.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 19 :
| Nombre de votants | 345 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 342 | 
| Pour l'adoption | 107 | 
| Contre | 235 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
Organisation des travaux
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, pourriez-vous indiquer de combien de temps nous disposons encore dans le cadre de notre espace réservé ?
M. le président. La séance sera levée au plus tard à 16 heures 03, pour être tout à fait précis.
Article 4
L'État crée une entreprise publique, la Société Nationale de l'Acier, placée sous son contrôle direct, qui est responsable de l'exploitation des sites nationalisés. Cette société a notamment pour missions :
1° La modernisation des installations pour répondre aux objectifs de décarbonation ;
2° Le maintien de l'emploi et des compétences ;
3° La pérennité des sites.
La gouvernance de la Société Nationale de l'Acier est régie par les dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.
La Société Nationale de l'Acier remet chaque année au Parlement, avant le 30 juin, un rapport détaillé composé de trois volets : économique et financier, social et environnemental, et stratégique. Ce rapport présente notamment l'évolution des effectifs, les conditions de travail et la formation des salariés, la réduction des émissions de CO₂, les avancées en matière de décarbonation ainsi que les investissements réalisés. Ce rapport est transmis aux commissions chargées des affaires économiques et du développement durable de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. le président. Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l'article 4.
Si cet article n'était pas adopté, je considérerais que le vote est le même pour l'article 5, qui deviendrait sans objet.
Il n'y aurait par ailleurs plus lieu de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, puisque tous les articles qui la composent auraient été successivement rejetés par le Sénat. Il n'y aurait donc pas d'explication de vote sur l'ensemble.
Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote sur l'article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je viens d'une belle région industrielle, le Nord-Pas-de-Calais, où après la fermeture des mines, nous avons eu de belles industries. Pourtant, aujourd'hui, mon département, c'est Metaleurop, 800 salariés virés du jour au lendemain ; Synthexim en 2023, idem ; Meccano en 2023, idem ; Bridgestone, il y a maintenant quatre ans, idem.
Si nous avons déposé cette proposition de loi, c'est qu'elle a du sens. En effet, lorsque nous avions à l'époque proposé la nationalisation des sites qui ont fermé – j'étais moi-même intervenue en ce sens pour Synthexim et pour Meccano –, notre demande avait été refusée.
L'État n'a jamais accepté d'entrer au capital de ces entreprises ni de les nationaliser. Notre département a perdu des milliers d'emplois. On a promis aux salariés des reconversions, mais si l'on fait le bilan, des milliers de familles ont été laissées sur le carreau ; j'y insiste : on a laissé des milliers de familles sur le carreau !
Aujourd'hui, si on laisse faire, si on ne prend pas la mesure de ce qui arrive à ArcelorMittal et si on refuse de nationaliser cette entreprise, elle finira malheureusement dans le même état que celles que je viens de citer.
Nous avons donc une responsabilité particulière. Je vous ai entendu tout à l'heure, monsieur Hochart : ce que le Rassemblement national écrit dans ses tracts, ce que vous dites aux salariés ne correspond jamais aux paroles que vous tenez dans l'hémicycle.
M. le président. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Cathy Apourceau-Poly. En effet, si ici vous vous prononcez contre la nationalisation, votre discours sera différent de retour chez nous, dans le Nord-Pas-de-Calais.
M. Joshua Hochart. Je n'ai pas de leçon à recevoir de vous !
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, sur l'article.
M. Pierre Barros. Le dernier texte que nous examinons au sein de cette niche est particulièrement d'actualité, mais il renvoie aussi à des positions récurrentes dans l'histoire de la stratégie et de la politique industrielle menée en France depuis vingt ou trente ans.
Aujourd'hui, nous parlons d'ArcelorMittal ; pendant des années, nous avons parlé d'Alstom, qui était un fleuron industriel faisant la richesse et la fierté de la France. À la suite de l'entreprise Rateau, créée avant la guerre, elle a produit les turboalternateurs qui ont permis la production de l'énergie électrique par les centrales nucléaires et thermiques ou par les barrages hydrauliques.
Cette industrie s'est déployée avec une grande technicité, grâce à ses agents, à ses personnels, à ses techniciens et à ses ingénieurs. Toute cette histoire s'est arrêtée à la fin des années 1990 et au début des années 2000, voire il y a près de dix ans, quand un ministre devenu depuis Président de la République a bradé l'entreprise Alstom à General Electric.
Ces exemples le montrent donc bien : l'histoire récente de la politique industrielle de la France est celle d'un bradage ; c'est celle de l'abandon de l'ensemble des femmes et des hommes qui ont fait l'histoire comme l'honneur de notre pays et qui ont permis, à un moment donné, de produire de la force motrice et de la richesse.
Au fond, la politique menée depuis les années 1970-1980, qui a tout misé sur le secteur tertiaire tout en faisant de la Chine et de l'Inde le grand atelier du monde, a montré ses limites. Nous avons vu ce que cela a donné d'un point de vue environnemental ou en matière de dumping social.
Je suis d'accord avec ce qui a été évoqué par mes collègues, notamment Pascal Savoldelli : pour des questions de souveraineté, il faut que nous soyons présents sur ces champs d'activité, car nous avons besoin de produire localement pour les nombreuses raisons évoquées cet après-midi.
Malheureusement, l'histoire se répète encore une fois, avec ArcelorMittal. La situation n'est pas seulement dramatique : elle découle d'un vrai choix politique.
M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote sur l'article.
Mme Silvana Silvani. Monsieur le rapporteur, en évoquant le coût représenté par la nationalisation d'ArcelorMittal, vous avez mentionné une somme comprise entre un et plusieurs milliards d'euros. Je le reconnais, nous ne vous avons pas demandé de chiffrer notre proposition, mais pour être tout à fait honnête, une telle fourchette ne semble pas représenter un gouffre insurmontable.
Monsieur le ministre, il m'a semblé – je ne sais si je vous ai bien compris – que vous proposiez de fournir à cette entreprise une aide supplémentaire pour soutenir la compétitivité. Mais quand se rendra-t-on enfin compte que les aides financières ne suffisent pas à soutenir la compétitivité de nos entreprises, au vu de leur état ?
Lors de la discussion générale, une de nos collègues a dit qu'il faudra investir. Oui, bien sûr, mais c'est déjà le cas. À vous entendre, on aurait presque l'impression qu'il ne se passe rien, alors que l'on investit déjà !
Plus grave, à mon sens : ce qui nous oppose à ArcelorMittal n'est pas un cas isolé. Dans d'autres situations, des investisseurs nous mènent par le bout du nez. Des aides ont été fournies par l'État, qui a rempli sa part, mais l'investisseur, lui, n'a pas rempli la sienne – je n'insisterai pas davantage sur ce sujet.
Honnêtement, je m'interroge sur le projet de réindustrialisation actuel en France, et je n'en saisis pas les contours. En tout cas, ce qui est sûr, ainsi que mon collègue Savoldelli l'a rappelé, c'est que nous n'en voyons pas les résultats pour l'instant, en tout cas depuis 2017.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Nous le constatons avec grand regret, notre proposition de loi va être rejetée. Pourtant, comme je l'ai dit précédemment, nous ne pouvons pas d'un côté prétendre vouloir réindustrialiser notre pays pour assurer sa souveraineté industrielle et, de l'autre, nous désintéresser de la question de la maîtrise de l'acier.
Je vous le rappelle, pour que l'on prenne la mesure des coûts : un emploi industriel vaut quatre emplois. C'est dire combien, demain, dans nos territoires, la fermeture des hauts fourneaux aura des conséquences catastrophiques, y compris financières, pour la vie des gens et pour les territoires à réaménager.
Mes chers collègues, je n'offenserai personne en disant que nous devons mener une véritable réflexion pour répondre à l'inquiétude de plusieurs centaines de salariés.
Un certain nombre d'entre vous ont répondu qu'il ne fallait surtout pas nationaliser, qu'il ne fallait pas que l'État se mêle de la question. Mais la réalité, aujourd'hui, c'est que le marché n'a rien fait pour ces salariés. La réalité, c'est qu'une majorité des femmes et des hommes politiques de notre pays leur disent : « C'est triste, c'est malheureux, mais on ne peut rien faire pour vous. »
Je le dis avec beaucoup de sincérité, car c'est peut-être encore plus vrai aujourd'hui : si je fais de la politique, c'est parce que, avec l'ensemble de mon groupe, je crois en notre capacité à nous mobiliser collectivement et à agir pour changer la vie des gens. Renoncer à de tels combats, c'est finalement nourrir la résignation, l'individualisme, l'immobilisme, c'est-à-dire le terreau qui fait grandir l'extrême droite dans notre pays.
En déposant cette proposition de loi, au-delà de la question de la nationalisation, nous avons voulu mesurer avec quelle force l'action publique répond aux Françaises et aux Français. (Mme Evelyne Corbière Naminzo et M. Ian Brossat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Arnaud Bazin, rapporteur de la commission des finances. Mes chers collègues, j'ai tenté de démontrer que la nationalisation des sites d'ArcelorMittal en France n'est pas la solution. Pour autant, il ne s'agit pas du tout de dire que l'on ne peut ou que l'on ne doit rien faire, bien au contraire !
Un pays comme la France peut-il être un pays sans industrie ? La réponse est non. Peut-il y avoir une industrie sans acier ? La réponse est non.
M. Pascal Savoldelli. Et donc ?…
M. Arnaud Bazin, rapporteur. Nous devons tout simplement prendre en considération l'écosystème général européen et international, ainsi que la situation de concurrence totalement déloyale que nous imposent, entre autres, la Chine, mais aussi, demain, l'Inde. Il faut le savoir, les surcapacités de production ne diminueront pas, elles continueront d'augmenter.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et on fait quoi alors ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur. La solution est donc de garantir un prix de l'acier en Europe qui permette de produire sur notre continent. Pour cela, il faut des mesures de protection. Doubler les droits de douane envoie un premier bon signe. Il faut maintenant que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières soit très rapidement mis en œuvre.
Moyennant ces mesures, nous pourrons attendre d'ArcelorMittal que cette entreprise honore ses engagements – qu'elle a pour l'instant suspendus – en matière de décarbonation.
Mme Silvana Silvani. Pourquoi attendre ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur. Les investissements, colossaux, devraient être soutenus par le budget de l'État si l'entreprise était nationalisée, tandis qu'ils seront, en l'état actuel des choses, essentiellement apportés par des fonds privés.
Mme Cécile Cukierman. Il s'agit d'un milliard d'euros !
M. Arnaud Bazin, rapporteur. Aujourd'hui, nous savons donc ce qu'il faut faire. On peut regretter très fortement que l'Europe ait tardé à réagir, et il est plus que temps de le faire. Nous sommes en train d'obtenir gain de cause, mais nous devrons continuer d'être vigilants.
Mes chers collègues, vous avez déposé cette proposition de loi afin de susciter un débat. Très sincèrement, ce débat a été de qualité. Le dossier, évidemment, restera sous notre vigilance la plus complète.
M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, sur l'article.
M. Joshua Hochart. Quelques éléments de réponse à nos collègues communistes, qui ont cru bon de nous accuser de tenir un double discours.
Bien évidemment, une telle accusation est fausse. Vous dénoncez aujourd'hui les effets des textes que vous avez vous-mêmes soutenus.
M. Ian Brossat et Mme Cathy Apourceau-Poly. N'importe quoi !
M. Joshua Hochart. En 2014, il me semble que vous avez soutenu le gouvernement de M. Hollande lorsqu'il décida de la fermeture des hauts fourneaux de Florange.
M. Joshua Hochart. Vos amis socialistes sont par ailleurs très peu nombreux dans l'hémicycle.
M. Ian Brossat. Vous n'êtes pas bien nombreux non plus !
M. Joshua Hochart. Le marché européen de l'acier, vous le soutenez, puisque vous soutenez l'Union européenne.
Arrêtez donc de dénoncer les effets des textes que vous avez soutenus et de l'Union européenne que vous soutenez en permanence !
Mme Cécile Cukierman. C'est mieux quand il ne parle pas !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué. Avant le vote dont la présidente Cukierman a annoncé l'issue, je voulais insister sur la qualité de nos échanges de cet après-midi.
Sur toutes les travées, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez défendu l'idée, partagée dans notre nation, qu'il est nécessaire de soutenir l'industrie française et l'industrie européenne.
Je ne suis pas là pour dire – monsieur le sénateur Savoldelli, ne faisons pas dire aux Échos ce qu'ils ne disent pas – que la situation n'est pas difficile. Elle est extrêmement difficile, extrêmement complexe.
M. Pascal Savoldelli. C'est votre bilan !
M. Sébastien Martin, ministre délégué. Aujourd'hui, nous voyons bien toutes et tous qu'en Europe, ce n'est pas seulement le modèle économique qui est attaqué. Plus globalement, c'est le modèle européen lui-même qui est attaqué, avec des leviers non seulement économiques, mais aussi politiques et numériques.
Face à cela, la réponse doit-elle être la nationalisation ? Pour ma part, je crois que la première des réponses est une mobilisation très forte. (Mme Cathy Apourceau-Poly fait la moue.)
Elle doit associer la puissance publique nationale qu'est l'État, le monde économique, et – je suis devant la chambre des territoires, et c'est ma conviction profonde, car j'ai été pendant des années président d'une association nationale d'élus – bien évidemment les territoires eux-mêmes, qu'il s'agisse des régions, des intercommunalités, des communes. Bref, elle doit réunir toutes celles et tous ceux qui croient véritablement en l'industrie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous croyez tous à la nécessité de l'industrie. Le sujet n'est pas seulement économique : c'est aussi un sujet de cohésion nationale ; c'est aussi un sujet de parcours professionnels, parfois bien plus intéressants dans l'industrie que dans le secteur des services. Il s'agit aussi de savoir quel projet proposer à un territoire qui ne créerait plus de valeur, car l'industrie n'y serait plus présente.
Pour moi, la vraie réponse à toutes ces questions – plusieurs d'entre vous l'ont indiqué – est avant tout la sortie de la naïveté face à l'agression à laquelle nous sommes confrontés. Il n'y a pas d'autre terme : quand les produits envoyés en Europe sont subventionnés massivement, dans le seul objectif de créer un prix tellement imbattable que rien ne sert de lutter, cela s'appelle une agression. Et nous nous défendons.
Nous devons désormais aller plus fort et plus loin au niveau européen. Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, des droits de douane vont s'appliquer à partir de janvier 2026. En tout cas, la France fait tout pour que très peu d'amendements soient apportés au texte de la Commission, afin que celui-ci s'applique le plus rapidement possible. C'est là que se trouve la vraie réponse aux problématiques d'invasion de la sidérurgie asiatique en Europe.
Nous croyons en la nécessité de décarboner, mais encore faut-il que des mécanismes de protection aux frontières soient actifs pour s'assurer que les productions qui ne sont pas décarbonées soient pénalisées et paient, elles aussi, les coûts du carbone. C'est le MACF qui doit établir des sanctions non pas simplement par rapport à une usine, mais bien par rapport à un pays, sinon elles seront trop fortement contournées.
Un dernier point doit nous rassembler, quelles que soient les travées sur lesquels vous siégez, mesdames, messieurs les sénateurs : c'est le principe de la préférence européenne, que nous devons véritablement inscrire au niveau de la Commission européenne. (M. Joshua Hochart proteste.)
En effet, si nous n'instaurons pas la préférence européenne, qui requiert dans nos produits finis une part d'éléments européens d'au moins 60 % à 70 %, tous les mécanismes dont je viens de parler pourraient être tout simplement contournés.
Tels sont les combats que le Gouvernement va mener dans les mois qui viennent, avec, je l'espère, l'ensemble des parlementaires.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, sur l'article.
M. Thomas Dossus. J'ai trouvé le discours du ministre très œcuménique (Mme Cathy Apourceau-Poly rit.) : donnons-nous tous la main et, à la fin, avec la mobilisation de chacun, nous y arriverons…
M. Sébastien Martin, ministre délégué. Ce serait utile, oui !
M. Thomas Dossus. Toutefois, vous n'avez pas avancé la moindre solution d'action publique de la part de l'État français ni proposé aucune vision de la stratégie industrielle française, voire européenne. On reste un peu sur sa faim, monsieur le ministre, et je suis largement déçu.
J'approuve le réveil européen sur le protectionnisme, qui a enfin lieu. Si je puis dire, nous avons besoin de barrières et de frontières en la matière. Devant la bascule des grands empires vers l'archisubvention de leur économie, face à la concurrence déloyale permanente et à la surproduction, il est évident que l'Europe doit se réveiller.
Toutefois, nous avons aussi besoin en France d'une vision industrielle, qui insiste sur les filières, alors que, en la matière, nous n'avons pas vu grand-chose dans votre discours.
Je partage les propos tenus par nos collègues du groupe communiste : effectivement, la solution de la nationalisation n'est peut-être pas l'outil adapté, mais pour l'instant, c'est le seul qui ait été mis sur la table. Nous n'avons entendu personne en proposer un autre. Je remercie le groupe communiste d'avoir inscrit ce texte à notre ordre du jour. Nous avons besoin d'une mobilisation plus forte et, en tout cas, d'une vision stratégique pour l'industrie française.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 20 :
| Nombre de votants | 345 | 
| Nombre de suffrages exprimés | 342 | 
| Pour l'adoption | 107 | 
| Contre | 235 | 
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, l'article 5 n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu'un vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire.
En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 4 novembre 2025 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente :
Débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances ;
Débat sur le thème « L'avenir de la décentralisation » ;
Débat sur le thème « Quelles réponses apporter à la crise du logement ? ».
À vingt et une heures :
Débat sur le thème « Fiscalité du travail, fiscalité du capital : quels équilibres ? ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
JEAN-CYRIL MASSERON
 
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                             
                                                            