M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, je ne partage pas les analyses de la direction générale des collectivités locales (DGCL) : l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), que j’ai sollicitée sur la question, dispose de chiffres différents.
Par ailleurs, le fait d’avoir une voirie non bitumée est, par définition, propre aux territoires de montagne, puisque cela permet d’éviter les problèmes de gel et de dégel.
Aussi, je vous invite, notamment au nom de l’Association nationale des élus de la montagne (Anem), à vérifier les chiffres que j’avance et, évidemment, à rechercher des solutions moins pénalisantes pour les communes de montagne, qui connaissent des difficultés financières liées au climat, en particulier en hiver et au printemps.
arrêté de péril imminent
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, auteur de la question n° 771, transmise à Mme la ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. Bruno Rojouan. Les maires disposent d’un outil juridique pour faire face aux situations de danger liées à des bâtiments menaçant de tomber en ruine : l’arrêté de péril imminent.
Ce dispositif permet, d’une part, de mettre en demeure un propriétaire de réaliser les travaux d’office nécessaires de sécurisation, d’autre part, d’autoriser la commune à se substituer à lui en cas de carence pour protéger la sécurité publique.
La commune doit alors avancer les fonds, avec la possibilité de recouvrer les sommes auprès du propriétaire. Dans la pratique, le recouvrement effectif des sommes est souvent très long, incertain, voire impossible, lorsque les propriétaires sont insolvables, domiciliés à l’étranger ou introuvables, ou qu’il s’agit d’indivision ou de succession non réglée.
De plus, les aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ne financent pas les travaux d’office faisant suite à un arrêté de péril imminent, laissant ainsi les communes sans aucun soutien financier immédiat.
Quant à la procédure de recouvrement confiée au comptable public, elle se révèle souvent longue et peut durer plusieurs mois, voire des années.
Résultat, des communes se retrouvent contraintes, en vertu de leur obligation de protection de leurs administrés contre tous les risques, d’engager des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros, sans garantie de recouvrement. Ces sommes, d’un montant considérable pour les petites communes, sont alors mobilisées au détriment du budget communal.
Monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il de mieux sécuriser juridiquement et financièrement les maires dans l’exercice de leurs responsabilités en matière de péril imminent ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Michel Fournier, ministre délégué auprès de la ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous avez raison, les situations de péril imminent mettent souvent, littéralement, les maires au pied du mur : ils doivent protéger leurs habitants et, le cas échéant, lancer des travaux d’urgence souvent coûteux, tout en sachant qu’ils auront les pires difficultés à récupérer les sommes engagées.
L’État en est pleinement conscient. C’est la raison pour laquelle il agit, afin de sécuriser juridiquement et financièrement l’action des élus locaux.
Depuis l’ordonnance du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, le cadre a été simplifié et renforcé.
Premièrement, le comptable public peut être mobilisé pour assurer le recouvrement des créances.
Deuxièmement, les maires bénéficient désormais de garanties légales : d’une part, la solidarité entre vendeur et acquéreur d’un bien ayant fait l’objet de travaux d’office, d’autre part, la solidarité entre co-indivisaires, pour éviter qu’une succession bloquée n’empêche le recouvrement.
Troisièmement, l’hypothèque légale permet de garantir la créance de la commune en cas de défaillance du propriétaire.
En matière de financement, plusieurs outils existent. Le fonds d’aide pour le relogement d’urgence (Faru) peut être mobilisé non seulement pour l’hébergement temporaire des occupants évacués, mais aussi pour les travaux d’urgence et de sécurisation. Par ailleurs, dans les cas de mise en sécurité ordinaire, l’Anah peut intervenir à hauteur de 50 % maximum du coût des travaux prescrits.
Il nous faut néanmoins travailler avec les associations d’élus et les préfets pour renforcer l’accompagnement juridique des maires confrontés à de telles situations, en particulier dans les communes rurales où les moyens techniques sont limités.
En un mot, le maire n’est pas seul. L’État lui donne les leviers, les garanties et les soutiens financiers nécessaires pour agir sans craindre de mettre en péril les finances de sa commune. Malgré tout, le problème reste souvent entier.
avenir des piscines municipales vétustes
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, auteur de la question n° 708, transmise à Mme la ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. Fabien Genet. Nous terminons cette séance de questions orales par une question concernant le plus beau des départements, celui de la Saône-et-Loire. (Sourires.)
La première cause de mortalité accidentelle chez les moins de 25 ans demeure la noyade. C’est pourquoi l’apprentissage de la natation est essentiel et implique un renforcement du maillage des équipements nautiques dans notre pays.
Les piscines publiques sont des infrastructures indispensables à la vie de nos territoires en matière de pratique sportive, de santé publique ou de cohésion sociale.
Pourtant, nombre d’entre elles datent des plans 1 000 piscines des années 1970 et sont aujourd’hui vétustes, ce qui rend l’exploitation coûteuse. De nombreuses collectivités sont contraintes d’envisager sinon la fermeture de ces équipements de proximité, du moins la réduction de leurs horaires d’ouverture.
Un tel risque pèse plus fortement dans les territoires ruraux, alors même que l’accès à la piscine y est déjà beaucoup plus difficile et moins fréquent qu’en milieu urbain. En effet, 81 % seulement des personnes habitant en zone rurale sont proches d’un bassin, contre 95 % dans certains centres urbains.
Dans mon département de la Saône-et-Loire, plusieurs communes rencontrent des difficultés croissantes à maintenir leurs piscines en fonctionnement – c’est notamment le cas de ma ville de Digoin en Grand Charolais. Elles soulignent la nécessité urgente de rénover de tels équipements afin de réduire les charges de fonctionnement et de sécuriser leur avenir. Elles sont également confrontées à la difficulté de cofinancer les travaux.
Dans ce contexte, alors même que de nombreux élus locaux appellent à un soutien renforcé de l’État, le Gouvernement envisage-t-il la mise en place d’un plan de soutien aux équipements de natation en milieu rural, afin de garantir l’égalité d’accès à l’apprentissage de la natation, de renforcer la prévention des noyades et d’accompagner la rénovation énergétique des infrastructures ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Michel Fournier, ministre délégué auprès de la ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous appelez l’attention du Gouvernement sur la situation préoccupante des piscines municipales vétustes, dont beaucoup datent du plan 1 000 piscines des années 1970.
Comme vous l’avez rappelé, de tels équipements sont essentiels à la vie locale.
Depuis 2017, l’État s’est fortement mobilisé aux côtés des collectivités pour soutenir la création et la rénovation d’équipements sportifs, notamment aquatiques, notamment à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), et ce sur l’ensemble du territoire.
Cette mobilisation se poursuit et les piscines municipales peuvent bénéficier de plusieurs leviers de financement dans le cadre des dotations d’investissement de l’État : la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) pour la mise aux normes ou la rénovation des équipements publics, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), qui permet de financer des projets sportifs et touristiques, ou encore la dotation politique de la ville (DPV) pour les opérations améliorant les services publics de proximité dans les quartiers prioritaires.
En 2024, plus de quatre-vingts projets de piscines ont ainsi été soutenus pour un montant total d’environ 18 millions d’euros, quarante-neuf l’ayant été via la DETR.
Dans votre département par exemple, monsieur le sénateur, la communauté de communes du Brionnais Sud Bourgogne a bénéficié d’une subvention de 21 000 euros pour le renouvellement du chauffage solaire de la piscine de La Clayette.
Au-delà de ces financements classiques, l’État agit également au travers du plan 5 000 équipements – Génération 2024 géré par l’Agence nationale du sport (ANS). Ce plan, doté de près de 100 millions d’euros en 2025, vise la création ou la rénovation de 5 000 équipements sportifs supplémentaires entre 2024 et 2026, en ciblant prioritairement les territoires carencés, qu’ils soient urbains ou ruraux.
Une part importante des crédits, environ 25 %, est spécifiquement orientée vers la construction et la rénovation de piscines, afin de favoriser la transition énergétique, la sobriété foncière et, surtout, la réduction des coûts d’exploitation.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage pleinement votre constat. Aussi, l’État restera mobilisé pour accompagner les collectivités dans la modernisation de leur patrimoine sportif et garantir à tous l’accès à de tels équipements.
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour la réplique.
M. Fabien Genet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je note l’intérêt de l’État à soutenir dans la durée les infrastructures essentielles que sont les piscines.
Je note également avec plaisir que vous avez cité les différentes aides possibles, notamment la DSIL et la DETR. Je ne doute pas, dès lors, que vous vous tiendrez à nos côtés lors des intéressants débats budgétaires qui auront lieu ici même ces prochains jours, afin de défendre le maintien de ces deux fonds d’aide à l’équipement des territoires ruraux.
M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
2
Situation des finances publiques locales
Débat sur un rapport remis en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des finances, le débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances.
La parole est à M. Jean-François Husson, au nom de la commission qui a demandé ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite ouvrir ce débat sur les finances locales en rappelant avec force que, à rebours de l’allégation parfois entendue dans le débat public et répandue par plusieurs ministres des précédents gouvernements, les collectivités territoriales ne sont pas responsables de la situation calamiteuse des finances publiques de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
Mme Catherine Morin-Desailly. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En effet, les collectivités territoriales de la République sont apparues trop souvent comme les boucs émissaires de la crise des finances publiques, alors que la responsabilité de la dégradation de nos comptes publics repose presque entièrement sur les choix opérés par l’État ces dernières années.
Tout d’abord, il faut noter que le budget de l’État représente une part écrasante du déficit public. Jugez-en par vous-mêmes : en 2024, alors que le déficit public s’élevait à 5,8 % du PIB, 5,3 points étaient directement imputables à l’État !
Ensuite, il faut par exemple rappeler que, pour 40 euros de hausse de la dette publique depuis 2019, seulement 1,1 euro est imputable à la dette des collectivités. Et pour cause, celles-ci sont soumises à la règle d’or budgétaire.
Ainsi, la part des collectivités territoriales dans la dégradation des comptes publics est à relativiser. Certes, le solde des administrations publiques locales (Apul) a atteint -0,6 % du PIB en 2024, soit son plus bas niveau depuis 1985, mais cela ne représentait qu’un neuvième du déficit public total. Surtout, les prévisions du projet de loi de finances pour 2026 montrent que ce solde, déjà modeste, se résorberait en 2025, pour s’établir à -0,3 % en 2026.
Par ailleurs, si les dépenses des collectivités locales ont bien augmenté de manière dynamique en 2024 – 4,1 % de hausse en fonctionnement et 6,8 % de hausse en investissement d’après la Cour des comptes –, cette dynamique serait plus modeste en 2025, les derniers chiffres publiés par la direction générale des finances publiques (DGFiP) faisant, par exemple, état d’une progression de 1,9 % des dépenses réelles de fonctionnement (DRF) des collectivités en septembre 2025 par rapport à septembre 2024.
D’ailleurs, une part sensible de cette hausse est due aux dépenses sociales des départements, qui, vous en conviendrez, sont entièrement contraintes.
Quant aux dépenses d’investissement, elles sont clairement liées au cycle électoral du bloc communal et devraient sensiblement diminuer à l’approche des prochaines échéances électorales.
En contrepoint, la situation de l’État ne pourrait pas fournir contraste plus saisissant : l’image d’un Léviathan impuissant, soumis à une sévère cure d’amaigrissement pour avoir trop longtemps festoyé à crédit, fait peine à voir.
Cela pourrait prêter à sourire s’il n’était question des services publics, donc des services rendus aux Français, qui pâtissent de l’échec des politiques budgétaires et fiscales menées depuis 2017.
Nous avons heureusement un modèle à opposer à cet État omniprésent, mais incapable : celui d’un État pleinement décentralisé, qui réduirait son champ d’intervention et confierait davantage de responsabilités aux collectivités, celles-ci ayant prouvé ces dernières années leur capacité à faire et leur pouvoir d’agir. De ce point de vue, le projet décentralisateur du Premier ministre serait pertinent, s’il aboutissait.
Est-ce à dire que les collectivités territoriales doivent être exonérées de toute participation à l’effort collectif de redressement des comptes publics ? Je ne le crois pas.
Comme l’année dernière, cette contribution doit, en revanche, être proportionnée, ramenée à un niveau qui corresponde aux responsabilités de chacun et équitablement répartie entre les différentes catégories de collectivités territoriales.
Comme en 2025, la contribution des collectivités ne devra pas dépasser la somme de 2 milliards d’euros – nous le répétons, madame la ministre. Il s’agit d’ailleurs de l’équilibre que nous avons atteint l’année dernière, alors que le déficit atteignait des niveaux records et sensiblement plus élevés.
Depuis, les collectivités ont suffisamment démontré leur sens des responsabilités, rendant superflue et surtout injuste toute contribution supérieure à 2 milliards d’euros.
Le Sénat propose, pour y parvenir, de constituer un paquet de mesures, en puisant dans les outils existants, en particulier en diminuant les compensations figées de fiscalité « morte » liées à des réformes antédiluviennes.
L’année dernière, le Sénat a démontré son sens des responsabilités en se montrant moteur sur les dispositifs de contribution des collectivités. Je me tourne vers vous, madame la ministre : pourquoi ne pas poursuivre cette démarche d’un partenariat respectueux de chacun ?
Vous l’aurez compris, je ne conteste pas le principe d’une participation des collectivités au redressement des comptes publics. Je pense néanmoins qu’elle doit être proportionnée à la contribution des collectivités aux déficits et équitablement répartie entre elles.
Ce dernier point est d’autant plus crucial cette année que les collectivités locales ne constituent pas, loin de là, un ensemble homogène. La situation des départements doit en effet nous conduire à envisager un traitement particulier pour cette strate indispensable, mais considérablement affaiblie.
Selon l’Assemblée des départements de France (ADF), quatorze départements se trouvaient dans une situation critique en 2024 ; ils seraient une soixantaine aujourd’hui. Il est donc nécessaire d’envisager une contribution réduite pour les départements et de s’assurer que le montant de l’abondement du fonds de sauvegarde prévu dans le prochain budget est à la hauteur des besoins.
Madame la ministre, vous aurez compris que, comme à son habitude, le Sénat se montrera dans nos travaux un partenaire loyal, mais exigeant.
Deux objectifs doivent nous guider : aboutir à une juste contribution des collectivités à l’effort commun et protéger les plus fragiles d’entre elles. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Daniel Fargeot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
M. Olivier Paccaud. Dont la tenue montre bien qu’elle voit la vie en rose ! (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Je connaissais le Sénat sage, je ne le savais pas taquin… (Nouveaux sourires.)
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’organisation de ce débat sur la situation des finances locales : il me permet, en amont des prochains débats budgétaires, de rappeler la position du Gouvernement.
Je remercie également M. le rapporteur général d’affirmer que le Sénat sera, comme à son habitude, un partenaire loyal et exigeant.
Chacun le mesure, le niveau d’endettement de la France est considérable. Nous connaissons notre situation de départ : chaque heure qui passe, près de 12 millions d’euros s’ajoutent à la dette nationale. C’est un fait et je le dis ici très clairement, monsieur le rapporteur général, les collectivités territoriales n’en sont pas à l’origine.
De même, je réaffirme haut et fort qu’aucun membre de ce gouvernement n’a jamais accusé les collectivités d’être responsables de la situation dans laquelle nous sommes.
Les collectivités sont soumises à des contraintes budgétaires, à des normes et à des dépenses souvent incompressibles ; c’est notamment le cas des départements. Pourtant, elles continuent de supporter la majorité de l’investissement public, voire plus, dans le respect du principe de libre administration auquel nous sommes attachés et de l’exigence d’équilibre de leur budget de fonctionnement.
Toutefois, le constat de la dette nous oblige. Les services publics – l’action publique, en somme –, qu’ils soient assurés par l’État – la justice, la police, la sécurité – ou par les collectivités – écoles, voiries, etc. –, doivent être garantis à nos concitoyens. C’est la promesse d’avenir que nous partageons tous.
Pour préserver cette capacité d’action collective, il nous faut redresser nos comptes. C’est pourquoi, ainsi que l’a présenté le Premier ministre, le Gouvernement a choisi comme boussole le redressement des comptes publics.
L’objectif est de ramener le déficit public de 5,4 % du PIB en 2025 à 3 % d’ici à 2029. Telle est la condition pour que nous préservions, demain, notre capacité d’action dans les territoires comme à l’échelle nationale.
Redresser le bateau France est donc une responsabilité collective, où chacun est amené à prendre sa part : l’État, les entreprises, les ménages et les collectivités locales, qui représentent environ 20 % de la dépense publique et 8 % de la dette nationale, mais plus de la moitié de l’investissement public du pays.
En quarante ans, le rôle des collectivités s’est profondément élargi. Celles-ci ont su façonner un équilibre subtil entre autonomie locale et solidarité nationale. J’ai conscience que celui-ci s’est vu profondément bousculé ces dernières années par les crises successives. Pourtant, il a tenu, preuve de la solidité de notre modèle et de la résilience des élus locaux.
Malgré les tempêtes, les budgets des collectivités locales ont tenu bon, soutenus pour certains par la dynamique de la TVA, mais aussi, je le répète, grâce à la gestion rigoureuse des élus et à une solidarité nationale constante.
L’année 2024 a sans doute marqué un tournant. Le recul des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) a pesé très lourd sur les finances des départements, dont l’épargne brute s’est considérablement contractée.
De son côté, l’État a tenu ses engagements. La dotation globale de fonctionnement (DGF) a été stabilisée à hauteur d’un peu plus de 27 milliards d’euros et a progressé de 800 millions d’euros depuis 2023.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2026 qui vous est présenté ne contient aucun recul en matière de solidarité territoriale. Au contraire, il prévoit une augmentation de 150 millions d’euros de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de 140 millions d’euros de la dotation de solidarité urbaine (DSU).
Les enveloppes d’investissement, que nous aborderons probablement, sont maintenues à un haut niveau et tiennent compte du cycle électoral qu’évoquait M. le rapporteur général.
Enfin, la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales (DSCAR) est passée de 42 millions d’euros en 2023 à 110 millions d’euros en 2025.
Au total, les concours financiers de l’État aux collectivités représentent près de 55 milliards d’euros, essentiellement sous forme de dotations et de prélèvements sur recettes. Toutefois, si l’on prend en compte l’ensemble des transferts financiers de l’État – cela inclut la fiscalité transférée et les programmes d’accompagnement, quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), Villages d’avenir, Petites Villes de demain –, l’effort global atteint 104 milliards d’euros. C’est dire si l’État reste très engagé aux côtés des collectivités.
Les communes et les intercommunalités affichent des finances plutôt solides. Quant aux régions, elles ont retrouvé un certain équilibre après la crise sanitaire, portées par la reprise économique et les efforts de réindustrialisation.
Les départements, en revanche, connaissent des tensions très importantes du fait, je le répète, de la baisse des DMTO, qui représentent parfois un quart de leurs recettes, tandis que leurs dépenses sociales, qui sont imposées, continuent de croître, tirées par la démographie et par la conjoncture.
Résultat, l’épargne brute des départements s’érode – 6 % en moyenne – et une vingtaine de départements frôlent à ce jour la tutelle budgétaire.
Face à ces écarts, la péréquation reste un pilier du modèle de solidarité nationale.
La péréquation verticale représente actuellement 35 % de la dotation globale de fonctionnement (DGF), contre 15 % en 2007. La solidarité a plus que doublé en vingt ans. En 2026, cet effort sera encore renforcé de 290 millions d’euros pour les communes, de 90 millions d’euros pour les intercommunalités et de 10 millions d’euros pour les départements.
Quant à la péréquation horizontale, que chacun connaît ici, elle représente environ 2 % des recettes de fonctionnement de nos collectivités.
Je dirai quelques mots sur les fragilités de certains territoires, sujet qui, je le sais, tient à cœur au rapporteur général. Celui-ci a déposé une proposition de loi visant à garantir une solution d’assurance à l’ensemble des collectivités territoriales, afin de répondre aux difficultés qu’elles rencontrent pour s’assurer et faire face à la hausse de la sinistralité, au risque climatique ou encore aux émeutes, qui a été adoptée par le Sénat avant l’été.
Je rappelle que le montant de la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques sera rehaussé, conformément aux conclusions du rapport de la mission d’inspection que nous avons sollicitée en début d’année.
Un plan d’action sur l’assurabilité des collectivités territoriales a été lancé à l’issue du Roquelaure de l’assurabilité des territoires, organisé par mon prédécesseur François Rebsamen. Ce plan associe les maires, les assureurs et l’État. Il faut également mentionner les textes réglementaires qui ont suivi, la publication du guide pratique de la passation des marchés publics en matière d’assurance ou encore la mobilisation inédite des préfets.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur moi pour continuer à déployer ces mesures, dans un cadre budgétaire contraint que nul ne saurait nier.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! Nous comptons sur vous, madame la ministre !
Mme Françoise Gatel, ministre. Nous travaillerons ensemble, monsieur le rapporteur général !
Il me semblait en tout cas utile, à ce stade, en préambule de ce débat, d’indiquer que le Gouvernement a voulu élaborer un budget pour 2026 qui reconnaisse le rôle essentiel des collectivités. Telle est la copie que nous vous proposons.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il faut la corriger !
Mme Françoise Gatel, ministre. Comme le Premier ministre a eu l’occasion de le dire, vous débattrez, vous discuterez, il pourra même vous arriver de décider ! (Sourires.)
Parallèlement aux débats budgétaires en cours au Parlement, nous devons poursuivre deux types de travaux.
Je pense tout d’abord à l’effort de simplification que nous devons entreprendre pour faciliter l’action publique, mais aussi pour éviter des dépenses parfois superfétatoires. À cet égard, je soumettrai dans les jours qui viennent une proposition de méthode au Premier ministre.
Je pense ensuite à la décentralisation. Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur général, le Premier ministre a une ambition en la matière. Nous pouvons nous appuyer sur les excellents travaux – je le dis très franchement – qui ont été réalisés, notamment au Sénat, dont nous aurons l’occasion de débattre tout à l’heure.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela ne coûte pas cher !
Mme Françoise Gatel, ministre. C’est tout à fait vrai. La vérité n’a pas de prix, monsieur le rapporteur général ! (Sourires)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! (Nouveaux sourires.)