Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article L. 561-15-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 561-15-... ainsi rédigé :

« Art. L. 561-15-.... – Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2, notamment les greffiers des tribunaux de commerce, procèdent à une déclaration de soupçon dans les conditions définies à l'article L. 561-15 lorsqu'elles constatent, à l'occasion de l'immatriculation ou de la modification d'une personne morale, des éléments laissant présumer l'existence d'une entreprise éphémère.

« Les critères permettant de qualifier une société d'“éphémère”, ainsi que les modalités de leur appréciation, sont fixés par décret en Conseil d'État, pris après avis de la mission interministérielle de coordination anti-fraude. »

La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. La commission a proposé et fait voter la suppression de la définition des sociétés éphémères, au motif que définir ces dernières dans la loi constituait sans doute un cadre trop rigide. Or il nous semble absolument nécessaire de poser une définition des sociétés éphémères.

En effet, les travaux que nous avons menés dans le cadre de la commission d'enquête ont montré qu'un certain nombre d'acteurs ont besoin d'avoir des repères pour mieux agir. Mon collègue Raphaël Daubet l'a rappelé dans la discussion générale.

Notre proposition est simple. Il s'agit d'inscrire dans la loi le fait qu'il existe des sociétés éphémères et, en même temps, de laisser à l'administration toute la latitude et toute la souplesse nécessaires pour modifier les critères de leur définition au gré des formes qu'elles prendront en fonction de l'évolution de la criminalité.

Nous donnerons ainsi des repères – c'est le rôle de la loi – aux services de l'État, qui pourront agir avec précision, tout en garantissant de la souplesse puisque les critères de la définition seront établis par voie réglementaire. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les conditions de déclaration de soupçon à Tracfin en cas de suspicion de détection d'une société éphémère et à apporter une définition d'une telle société par décret.

J'ai rappelé dans le cadre de la discussion générale l'argumentaire qui a été développé en commission concernant ce sujet et il faut préserver l'efficacité du dispositif.

Si je souscris aux arguments et à la finalité que visent les auteurs de cet amendement, il ne me semble pas opportun que les textes législatifs ou réglementaires rendent accessibles au grand public les critères de ciblage des services de contrôle. Les représentants de Tracfin eux-mêmes, au cours de leur audition, ont indiqué le caractère contre-productif de l'affichage dans la loi des critères de détection des pratiques criminelles, et cela s'applique aussi au décret, qui limite la capacité de réaction des services. Je rappelle que la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf) a déjà conçu un guide des sociétés éphémères qui les définit.

De plus, je suis très réservé quant à la précision des situations qui doivent donner lieu à une déclaration de soupçon. En effet, l'article L. 561-15 du code monétaire et financier est déjà très complet et couvre le champ de détection des sociétés éphémères. De ce point de vue, j'estime que l'amendement est satisfait.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Il est défavorable pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J'ai bien noté vos propos, monsieur le rapporteur. Toutefois, pendant les auditions de la commission d'enquête, certains responsables que j'ai cités lors de la discussion générale nous ont dit exactement le contraire.

L'enjeu est surtout l'acculturation. Les critères sont toujours les mêmes et je ne crois pas que le fait de maintenir une certaine souplesse en renvoyant leur définition à un décret poserait problème.

J'ai beaucoup travaillé avec les sociétés de domiciliation. Lorsqu'on leur explique qu'elles peuvent être un maillon dans une chaîne de criminalité, en fournissant par exemple des locaux qui serviraient à la criminalité organisée, notamment à des sociétés éphémères, elles le comprennent.

Je vous rappelle tout de même que cela fait un certain nombre d'années que nous luttons contre la fraude à la TVA et que nous avons adopté la loi du 23 octobre 2018 – le président Éblé était président de la commission des finances, ce n'est pas nouveau ! Pourtant, le montant de cette fraude, qui fonctionne toujours selon le même système, stagne entre 20 milliards et 25 milliards d'euros.

Certains d'entre nous ont évoqué la nécessité de changer de paradigme. Ce que nous proposons ne nuira pas aux services – en tout cas, ce n'est pas là notre intention. Nous pourrons retravailler le dispositif, mais je soutiens fermement l'amendement de Grégory Blanc.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. David Amiel, ministre délégué. Je souscris aux propos du rapporteur, car les travaux que j'ai pu conduire ces derniers jours, sur la base de cette proposition de loi, avec les services de Tracfin – les mêmes que ceux que vous avez entendus en audition, messieurs les rapporteurs – confirment que le fait de figer la définition d'une entreprise éphémère risque, par défaut, de fragiliser les déclarations de soupçon dès lors que certains critères ne figureraient pas dans la loi.

Certes, votre amendement vise à renvoyer la définition des critères à un décret pris par le Gouvernement, mais cela ne répond pas, à mon sens, à cette objection. En effet, en figeant ces critères et en les rendant publics, on donne, en creux, le sentiment aux acteurs économiques que ce qui ne serait pas strictement dans le décret ne devrait pas donner lieu à déclaration de soupçon. Ces objections fortes, qui ont été relayées par de très nombreux experts, demeurent même dans le cas d'un décret en Conseil d'État.

Par ailleurs, votre amendement n'aurait pas pour effet d'introduire davantage de souplesse, dans la mesure où un décret en Conseil d'État ne peut pas être modifié tous les jours.

S'il faut considérer le caractère très évolutif de la situation, la meilleure manière de procéder serait que l'administration mène des actions de sensibilisation des professionnels, plutôt que mettre en œuvre ce type de dispositif qui risque de fragiliser le reste de l'édifice, pour les raisons que j'ai indiquées.

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. J'entends les arguments que vous m'opposez et dont la portée est réelle. Il n'empêche que, dans le cadre de la commission d'enquête, nous avons entendu un certain nombre d'acteurs, y compris de l'administration, lors d'auditions à huis clos, qui faisaient remarquer que l'objectif premier était d'obtenir chaque jour davantage de déclarations de soupçon. Pour cela, il faut que ceux qui sont amenés à les déposer puissent disposer d'une argumentation ou, en tout cas, d'une visibilité beaucoup plus solide.

Vous nous dites de faire attention à ne pas fragiliser l'action des services par une définition trop fermée, mais les moyens dont les services disposent sont figés – je vous renvoie au débat que nous avons eu dans la discussion générale. Aujourd'hui, pour agir contre le blanchiment, l'État manque de moyens pour intervenir plus en profondeur.

La première des actions pour renforcer la lutte contre le blanchiment, c'est la sensibilisation sur le terrain. Or pour sensibiliser sur le terrain, il faut que nous soyons capables de définir ce qui relève de la fraude et ce qui relève de l'action légale, commune, habituelle et normale.

Le blanchiment opère dans un champ où se confondent le licite et l'illicite, de sorte que nous devons clarifier les choses. Nathalie Goulet proposait de le faire dans la loi, mais on nous a opposé que c'était rigide. Cet amendement, que j'ai cosigné avec mon collègue Raphaël Daubet, tend donc, d'une part, à préciser que les sociétés éphémères existent et qu'elles posent problème et, d'autre part, à permettre au Gouvernement, avec l'agilité dont il sait naturellement faire preuve, de corriger les textes au fur et à mesure de l'évolution des formes de la criminalité.

Je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. J'apporterai une précision pour bien éclairer nos débats et le vote sur cet amendement. Au-delà de ce qu'a indiqué M. le ministre sur l'avis des différents services et des administrations, les greffiers des tribunaux de commerce se montraient initialement très allants sur cette définition ; pourtant, comme en témoignent leurs réponses écrites au questionnaire de la commission, ils ont fini par se montrer bien plus réservés, se mettant en retrait.

Leur position va dans le sens des arguments développés : d'une part, la souplesse est nécessaire, d'autre part, il convient d'être vigilant sur le risque d'une lecture en creux de la définition de société éphémère. En effet, une telle lecture rendrait caduc le texte, qu'il soit législatif ou réglementaire, ou tout du moins permettrait, comme l'a souligné Étienne Blanc, de s'y adapter en profitant en quelque sorte de notre manque d'anticipation.

J'y insiste : la commission comprend la finalité de l'amendement, mais, tout simplement, il lui semble que, du point de vue de l'opérationnalité et de l'efficacité, il serait inopérant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Les Républicains et, l'autre, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 21 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 175
Contre 167

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 1er est rétabli dans cette rédaction. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Article 2

I. – (Supprimé)

II (nouveau). – Le 2° de l'article L. 561-26 du code monétaire et financier est complété par les mots : « y compris, le cas échéant, les identités fictives et les prête-noms qu'elles utilisent ou sont susceptibles d'utiliser ».

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l'article.

M. Guy Benarroche. Il convient de renforcer le rôle des tribunaux de commerce. N'ayant pas totalement appréhendé cette partie du texte, je n'ai pas déposé d'amendement sur le sujet. Néanmoins, je tenais à prendre la parole sur l'article 2 afin que le Gouvernement prenne note de mes propos, dans la perspective des débats à venir sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Je tiens à remercier Nathalie Goulet de sa proposition de loi et de son travail. Ce texte permet de donner une suite intelligente aux conclusions de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic, à laquelle j'ai participé et dont Étienne Blanc a excellemment parlé.

Comme vous vous en doutez, je discute régulièrement avec les acteurs du monde judiciaire de mon département. Tous, sans exception, demandent à être mieux coordonnés pour faciliter la traque contre le blanchiment. Plusieurs articles de cette proposition de loi permettent une meilleure information sur cette problématique, par exemple celui qui avait pour objet les entreprises éphémères. Il me semble toutefois que, dans la rédaction actuelle du texte, le rôle des tribunaux de commerce et des tribunaux des activités économiques est insuffisamment pris en compte.

Par exemple, l'article 2, qui vise à créer un fichier national automatisé recensant « les identités fictives et les prête-noms » impliqués dans des affaires de blanchiment, implique que les magistrats et les agents de l'ordre judiciaire seraient destinataires, sur demande et sans frais, des données récoltées. Nous pourrions préciser que les tribunaux de commerce, qui sont des juridictions judiciaires spécialisées, sont bien inclus dans la liste.

De la même façon, à l'article 3, il faudrait ne pas priver la présidence du tribunal de commerce des informations sur l'origine des fonds et des déclarations de soupçon que feront les greffiers. En outre, avec l'article 8, le président du tribunal de commerce ne serait pas plus informé que le ministère public et l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi) de la radiation d'une société pour manquement à la déclaration sur les bénéficiaires effectifs.

Procéder à l'ensemble de ces corrections pourrait, me semble-t-il, favoriser la coordination des travaux, car le tribunal de commerce a un rôle important à jouer sur ce point. Je sais que le Gouvernement, comme nous tous dans cet hémicycle, est conscient de la nécessité d'adapter notre arsenal aux techniques de blanchiment.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Guy Benarroche. Je lui soumets donc cette réflexion et lui demande d'en tenir compte dans la rédaction du projet de loi qu'il présentera.

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

TITRE II

RENDRE SYSTÉMATIQUE LA VÉRIFICATION DE L'ORIGINE DES FONDS AVANT LA REPRISE D'UNE ENTREPRISE

Article 3

I. – (Supprimé)

II (nouveau). – Après l'article L. 561-10- 2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 561-10-3 A ainsi rédigé :

« Art. L. 561-10-3 A. – Lorsque le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme présenté par une cession amiable de fonds de commerce ou la cession de parts sociales ou d'actions entraînant le changement de contrôle d'une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce lui parait élevé, la personne mentionnée à l'article L. 561-2 du présent code chargée de la rédaction de l'acte de cession se renseigne auprès du cessionnaire sur l'origine des fonds utilisés pour l'acquisition. »

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Reynaud, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Au début

Insérer les mots :

Sans préjudice des dispositions de l'article L. 561-10- 2,

2° Remplacer les mots :

ou la cession

par le signe :

,

La parole est à M. Hervé Reynaud.

M. Hervé Reynaud. Cet amendement tend à clarifier la mesure de vigilance complémentaire : celle-ci sera autonome et son seuil de déclenchement plus faible.

Par cet amendement, je rappelle explicitement que cette nouvelle obligation de vérification de l'origine des fonds ne dispense en aucun cas les professionnels concernés, assermentés – ils n'agissent pas selon leur bon vouloir, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure –, des diligences prévues dans le code monétaire et financier.

De plus, pour éviter toute ambiguïté, il est précisé que seules les cessions amiables de parts sociales ou d'actions sont visées par ce dispositif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

TITRE III

OBLIGATION POUR LES SOCIÉTÉS COMMERCIALES DE DÉCLARER AUPRÈS DE L'ADMINISTRATION FISCALE L'ENSEMBLE DES COMPTES BANCAIRES QU'ELLES DÉTIENNENT À L'ÉTRANGER

Article 4

I. – L'article 1649 A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « n'ayant pas la forme commerciale » sont supprimés ;

2° (Supprimé)

II (nouveau). – À l'article L. 152-2 du code monétaire et financier, les mots : « n'ayant pas la forme commerciale » sont supprimés.

III (nouveau). – Les I et II entrent en vigueur un an après la publication de la présente loi – (Adopté.)

TITRE IV

DISPOSITIF DE VIGILANCE RENFORCÉE SUR LES COMPTES REBONDS ET SUR LE CONTRÔLE DES NÉOBANQUES

Article 5

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° L'article L. 561-6 est ainsi modifié :

a) (nouveau) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Les mots : « ces personnes » sont remplacés par les mots : « les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 » ;

c) (nouveau) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Les personnes qui permettent à leurs clients de procéder à des opérations par le biais d'interfaces automatisées déterminent, pour chacun des services mentionnés aux 1° à 6° du II de l'article L. 314-1, les opérations qui, eu égard à leur nature ou à leur montant, ne peuvent être exécutées sans avoir été préalablement examinées par un préposé. » ;

3° (nouveau) La huitième ligne du tableau du second alinéa du I de l'article L. 775-36 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 561-5

l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016

L. 561-6

la loi n° … du … pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment

» ;

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement a été déposé pour tenir compte des travaux complémentaires menés par la commission à la suite de l'examen initial de ce texte. Il vise à supprimer l'article, en raison des conditions d'application concrètes de ce dernier et pour assurer l'efficacité du système d'automatisation de la lutte contre la fraude.

Cet amendement vous est proposé en accord avec l'auteure du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé.

Article 6

(Supprimé)

Article 7

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° (nouveau) Après le deuxième alinéa du III de l'article L. 561-36- 1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle peut également, conformément à l'article L. 612-33- 4, exiger de toute personne mentionnée au I qu'elle fasse diligenter un audit par un prestataire indépendant dont l'Autorité valide le choix. » ;

3° (nouveau) Après l'article L. 612-33- 3, il est inséré un article L. 612-33- 4 ainsi rédigé :

« Art. 612-33- 4. – Dans le cadre des mesures de police administrative prévues aux articles de la présente section, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut exiger de toute personne relevant de sa compétence et soumise à son contrôle, conformément à l'article L. 612-2, qu'elle fasse diligenter un audit par un prestataire indépendant dont l'Autorité valide le choix. L'objet de l'audit et les délais dans lesquels il doit être réalisé sont indiqués par écrit à la personne concernée. Le coût de l'audit est supporté par la personne concernée. »

4° (nouveau) La quarante-quatrième ligne du tableau du second alinéa du I de l'article L. 775-36 est ainsi rédigée :

« 

L. 561-36-1

la loi n° … du … pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment

 » ;

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Sautarel, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

1° Supprimer les mots :

qu'elle fasse diligenter

2° Après le mot :

audit

insérer le mot :

réalisé

II. – Alinéa 6

1° Première phrase

a) Supprimer les mots :

qu'elle fasse diligenter

b) Après le mot :

audit

insérer le mot :

réalisé

2° Deuxième phrase

Remplacer les mots :

L'objet de l'audit et

par les mots :

L'objectif et le périmètre de l'audit ainsi que

et le mot :

indiqués

par le mot :

communiqués

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les risques liés à l'utilisation des actifs numériques et des services techniques destinés à dissimuler l'origine ou la destination des fonds, notamment les cryptomonnaies à anonymat renforcé et les portefeuilles numériques anonymisants. Ce rapport analyse la possibilité d'encadrer, de restreindre ou, le cas échéant, d'interdire leur utilisation.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement a pour objet que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les technologies numériques conçues pour dissimuler l'origine ou la destination de fonds, en particulier les cryptomonnaies à anonymat renforcé et les portefeuilles numériques anonymisants.

Cette demande s'appuie, d'une part, sur le rapport de la commission d'enquête sénatoriale aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, d'autre part, sur les principes d'application sectoriels publiés par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en 2024.

En premier lieu, il était rappelé dans le rapport du Sénat, en 2024, que les flux illicites en crypto-actifs étaient estimés entre 40 milliards et 60 milliards de dollars, soit jusqu'à 0,4 % des transactions mondiales. Il y était mis en évidence la diffusion rapide d'outils comme les mixeurs, aussi appelés tumblers, dont l'usage est désormais considéré en France comme un blanchiment présumé et dont la fonction même est de brouiller la traçabilité des flux financiers en crypto-actifs.

En second lieu, l'ACPR écrit clairement que « l'utilisation de ces actifs numériques, qui ont été spécifiquement conçus pour favoriser l'anonymat de leur détenteur, conduit à s'interroger sur l'objet de l'opération ».

Ces pratiques entravent la mise en œuvre effective des obligations de vigilance et de traçabilité prévues dans le code monétaire et financier. Nous faisons face à une zone d'ombre de la finance numérique. Ces instruments participent à une logique d'autorégulation privée où certains acteurs cherchent à soustraire la circulation du capital à tout cadre collectif de responsabilité et de contrôle. Il s'agit d'une question non pas seulement de technologie, mais de souveraineté : qui contrôle les flux et dans quel intérêt ?

C'est pourquoi mon groupe propose de documenter rigoureusement le sujet en évaluant les usages, les risques et la possibilité, le cas échéant, d'un encadrement ou d'une interdiction ciblée de ces dispositifs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Sautarel, rapporteur. Cet amendement a pour objet une demande de rapport sur les risques liés à l'utilisation d'actifs numériques et aux techniques d'anonymisation de ces derniers. Je partage pleinement la préoccupation de mon collègue, qui rejoint celle qu'a formulée tout à l'heure Étienne Blanc sur les risques posés par les crypto-actifs quant aux questions de blanchiment et de fraude.

Pour autant, la limitation des moyens des services actuellement dédiés à cet enjeu a aussi été soulignée, raison pour laquelle je demande l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. David Amiel, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vos propos rejoignent effectivement la question que m'a posée le sénateur Étienne Blanc lors de la discussion générale. Les crypto-actifs sont un enjeu central de la lutte contre le blanchiment du trafic de drogue, qui charrie des masses financières considérables, mais ce trafic n'est pas le seul concerné. De fait, le développement de ces actifs permet de dissimuler les transactions puis de réintroduire l'argent dans l'économie dite légale. Des exemples ont été donnés ; madame la sénatrice Goulet, vous avez fait référence aux transactions réalisées à Dubaï dans votre propos introductif.

En France, de premiers travaux ont été menés sur cette question dans le cadre de l'examen de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Une négociation a ensuite été menée à l'échelle européenne avant l'adoption du règlement du 31 mai 2024 relatif à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. Ce texte vise, en particulier, à interdire aux prestataires de services sur actifs numériques de détenir des comptes anonymes ou permettant l'anonymisation du titulaire d'un compte client. La loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic a d'ailleurs anticipé sur l'entrée en vigueur d'un certain nombre de ces dispositions.

Dès lors, je tiens à souligner l'importance du sujet, la nécessité de mettre en œuvre de manière pratique ces mesures et d'en assurer le suivi. Le ministre des finances aura l'occasion, le 7 novembre prochain, de revenir devant Tracfin pour préciser un certain nombre d'entre elles.

Au lieu d'un rapport qui sera remis dans six mois, travaillons ensemble dès maintenant sur cette question. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

M. le président. Monsieur Savoldelli, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?

M. Pascal Savoldelli. Mon amendement ne se réduit pas à une demande de rapport, d'autant que je connais les réticences que ces demandes peuvent susciter : ses signataires se placent aux côtés de l'État. Cette proposition s'inscrit dans le prolongement de la commission d'enquête et constitue la traduction des principes de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Il ne s'agit pas d'un amendement idéologique ! Il vise à nous mettre en situation d'exercer un contrôle sur les flux et sur les intérêts en jeu.

Aussi, afin que le Parlement joue son rôle, il serait bon que le Sénat comme l'Assemblée nationale disposent d'une évaluation du problème. Que l'État se dote de cet outil, car je ne pense pas que la question sera remise sur la table lors de l'examen du projet de loi de finances ou de textes sur d'autres sujets – il n'y aura pas matière à cela. Cette mesure est pertinente au nom de la vigilance et de la précaution.

Je maintiens cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Le Sénat déteste les demandes de rapport. C'est une tradition !

Dans le cadre des travaux sur cette proposition de loi et de ceux que j'ai menés ultérieurement, il a été démontré que 100 % des dossiers de criminalité impliquent la présence de crypto-actifs en tout ou partie. Pourtant, je mets au défi ne serait-ce que 5 % de mes collègues de nous expliquer le fonctionnement de la blockchain… Je vous ai même parlé lors de la discussion générale d'un ministère, et pas l'un des moindres, qui utilisait des logiciels incompatibles entre eux, preuve qu'une acculturation est absolument nécessaire.