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Reprise du mandat sénatorial d'un ancien membre du gouvernement
M. le président. En application des articles L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de M. Bruno Retailleau a repris le jeudi 13 novembre 2025 à zéro heure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En conséquence, le mandat sénatorial de Mme Brigitte Hybert a cessé le mercredi 12 novembre 2025, à minuit.
Je salue le retour de notre collègue.
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Lutte contre les fraudes sociales et fiscales
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
Dans la discussion des articles, nous sommes parvenus à l'amendement n° 129 rectifié quater tendant à insérer un article additionnel après l'article 5.
Après l'article 5 (suite)
M. le président. L'amendement n° 129 rectifié quater, présenté par Mmes Imbert et Lavarde, MM. Sol, Piednoir et Burgoa, Mme Deseyne, MM. Belin et Khalifé, Mmes Demas et Josende, MM. Anglars, J.P. Vogel, Meignen, Milon, Pointereau et D. Laurent, Mmes Micouleau et Bellamy, MM. Bacci et Bruyen, Mmes Estrosi Sassone, Lassarade, Belrhiti, Berthet et Malet et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article 88 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 est ainsi modifié :
1° Après le mot : « existence », la fin du cinquième alinéa du 4° est ainsi rédigée : « authentifié par une autorité locale habilitée désignée dans la liste établie annuellement par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ;” »
2° Après le même cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« “...° En fournissant un certificat d'existence visé par le service consulaire du pays de résidence du bénéficiaire.” »
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Le contrôle de l'existence des bénéficiaires d'une pension de vieillesse d'un régime de retraite obligatoire résidant en dehors du territoire national s'effectue chaque année dans des conditions fixées par les articles L. 161-24 et suivants et R. 161-19-14 et suivants du code de la sécurité sociale.
L'article 88 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 a acté le principe de l'utilisation de la biométrie comme moyen pour apporter la preuve de l'existence à partir du 1er janvier 2028.
Il restera cependant possible de recourir à des moyens dérogatoires, énumérés à l'article L. 161-24-1 du code de la sécurité sociale. Parmi eux figurent les échanges automatiques de données entre le régime de retraite et un service de l'état civil du pays de résidence, la fourniture d'un certificat d'existence visé par le service consulaire ou encore le recours à des organismes tiers chargés de mener des campagnes de contrôle renforcé pour le compte du groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite.
Le présent amendement vise à entériner l'existence d'un quatrième moyen et à l'ajouter à cette liste : il s'agit du recours à des autorités locales agréées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces autorités locales peuvent être des mairies, des commissariats ou des notaires inscrits sur une liste qui fait l'objet d'une actualisation annuelle.
Si la solution biométrique est en cours de généralisation, elle ne peut pas à ce stade s'imposer comme le seul moyen de contrôle. Le recours à ces autorités locales demeure donc essentiel et son absence poserait le risque d'un report de charge important sur les services consulaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement soulève une question intéressante, qui mérite débat.
Le Sénat a en effet adopté, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, un dispositif de preuve d'existence de vie pour les pensionnés vivant hors de France.
Nous comprenons donc l'intention de l'auteure de cet amendement, qui fait preuve de pragmatisme en préparant une solution alternative au cas où, à la date d'entrée en vigueur prévue du dispositif, en 2028, la solution biométrique ne serait pas prête.
Il nous semble toutefois préférable d'attendre de voir quelle sera l'avancée des développements du dispositif prévu, avant de revenir sur l'ambition initiale. Il ne nous paraît pas utile d'anticiper un éventuel échec, d'autant plus que le recours à des autorités locales agréées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères semble complexe à mettre en œuvre dans les faits.
C'est pourquoi, cette année – il sera toujours temps d'aviser le moment venu –, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Contrairement à la commission, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement relatif au contrôle de l'existence des bénéficiaires d'une pension de vieillesse d'un régime de retraite obligatoire résidant en dehors du territoire national.
Ce contrôle est effectué chaque année pour s'assurer de la délivrance à bon droit des pensions. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a instauré la biométrie comme moyen d'apporter la preuve de l'existence à partir du 1er janvier 2028.
Si la solution biométrique est en cours de généralisation, elle ne peut pas, à ce stade, s'imposer comme le seul moyen. Il est nécessaire de pouvoir recourir à d'autres mécanismes, tels que les échanges automatiques, le certificat d'existence ou le recours à des organismes tiers.
Cet amendement vise à ajouter un quatrième moyen à cette liste, à savoir le recours à des autorités locales agréées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces autorités locales peuvent être des mairies, des commissariats ou des notaires inscrits sur une liste qui fait l'objet d'une actualisation annuelle. Le recours à ces autorités locales est essentiel pour acter l'existence d'un pensionné et permet d'éviter un report de charges important sur les services consulaires.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. J'étais rapporteur sur ce sujet l'an dernier. J'avais déposé, en lien avec le Gouvernement, l'amendement relatif à la biométrie. Cela a été très compliqué, et voilà que vous revenez déjà sur cette mesure ? Franchement, je ne comprends pas…
Quand vous évoquez les mairies, les commissariats, les notaires, madame la ministre, vous les voyez avec un regard de Française. Mais ces institutions ne fonctionnent pas partout comme France.
Je vais vous raconter l'histoire des notaires roumains. Quand le président Nicolas Sarkozy avait proposé aux membres de la population rom de repartir en Roumanie, moyennant le versement d'une aide financière de plusieurs centaines d'euros – je ne me souviens plus de son montant exact –, certains partaient, allaient chez un notaire roumain, changeaient de nom et revenaient en France…
Nous envisageons l'administration à l'aune ce que nous connaissons en France, mais la réalité est parfois bien différente dans d'autres pays.
L'amendement que nous avons adopté l'an dernier permet justement à quelques organismes, quand il n'est pas possible de recourir à la biométrie, de pallier ce manque. Mais je pense qu'il n'est pas opportun d'en ajouter d'autres sur la liste.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. J'ai bien écouté les différents arguments. Ils sont légitimes.
Comme Mme Gruny, la commission est attachée à la carte biométrique. Par conséquent, nous maintenons notre avis défavorable, car il convient de ne pas renoncer dès à présent à sa mise en œuvre.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 242 rectifié, présenté par Mmes Silvani, Apourceau-Poly et Brulin, MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Cet amendement vise à supprimer les dispositions qui permettent aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et aux services chargés de l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) de partager des données personnelles dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale.
Nous nous opposons fermement à ces mesures, car ces structures ont été créées non pas pour contrôler, mais pour accompagner et évaluer les besoins médicaux des personnes les plus vulnérables. Les MDPH ne sont pas des organes d'enquête ou de contrôle ; ce sont des lieux d'écoute et de droit.
Par ailleurs, la Défenseure des droits a rappelé sans ambiguïté que la fraude dans le champ du handicap et de la dépendance était marginale. Son ampleur ne justifie pas l'élargissement des dispositifs de surveillance.
Selon la Cour des comptes, la fraude à l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et à l'APA représente moins de 0,3 % des montants versés. C'est une part infime, alors que le nombre des retards d'instruction explose.
Pis encore, les MDPH souffrent d'un manque chronique de moyens humains et financiers. Des dizaines de milliers de personnes attendent plus de dix mois pour obtenir la reconnaissance de leur handicap ou l'ouverture de leurs droits. Les agents sont épuisés, les dossiers s'accumulent. Au lieu de les aider, ce texte leur impose de nouvelles tâches de contrôle.
Alourdir encore la charge de travail des MDPH, en leur demandant de réaliser des contrôles d'un faible rendement, revient à pénaliser, au nom d'une logique purement comptable, des personnes déjà fragilisées.
Certes, la Cour des comptes constate que le coût de l'AAH a augmenté d'environ 400 millions d'euros par an entre 2007 et 2017, soit une hausse de plus de 70 % en dix ans. On compte plus d'un million d'allocataires aujourd'hui.
Cette hausse n'est cependant pas le signe d'un abus. Elle est le reflet d'une meilleure reconnaissance du handicap, notamment depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. L'augmentation du nombre d'allocataires est non pas un problème, mais un progrès.
La mesure proposée est donc inutile, coûteuse et dangereuse pour les personnes en situation de handicap et pour les bénéficiaires de l'APA. Les risques de stigmatisation, de non-recours au droit et de violation du secret médical sont bien réels.
C'est pourquoi nous vous demandons de supprimer les alinéas 2 et 3 de l'article 6, afin de préserver la mission des MDPH, le sens de la solidarité et la dignité des personnes handicapées.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié quater, présenté par Mme Lermytte, MM. Malhuret et Chasseing, Mme Bourcier, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Pellevat, Grand, Rochette, Capus, Médevielle, V. Louault, Laménie et Brault, Mmes Antoine, Jacquemet et Aeschlimann, M. Daubresse, Mme Muller-Bronn, M. Lemoyne, Mme Sollogoub, M. Menonville, Mme Romagny, M. J.B. Blanc, Mmes de Cidrac et Bellamy et MM. Chatillon, Fialaire, Khalifé, Levi et Houpert, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
de l'allocation prévue à l'article L. 232-1
par les mots :
des allocations prévues aux articles L. 132-1, L. 132-3, L. 231-1, L. 232-1, L. 241-1 et L. 245-1
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. L'article 6 autorise les agents des MDPH et les services départementaux chargés de l'attribution de l'APA à échanger des informations avec leurs partenaires dans le cadre de la lutte contre la fraude.
Toutefois, en l'état, le dispositif ne concerne que les échanges relatifs à l'APA. Or les départements assurent la gestion et le versement d'un ensemble beaucoup plus large de prestations sociales, telles que la prestation de compensation du handicap (PCH), les aides sociales à l'hébergement, les aides ménagères, les aides financières au portage de repas ou encore les aides exceptionnelles à domicile.
Limiter la communication et la coopération interservices à la seule APA revient à restreindre l'efficacité du dispositif.
Cet amendement vise donc à étendre le champ de l'article 6 à l'ensemble des prestations versées par les départements, et non plus uniquement à l'allocation personnalisée d'autonomie. Son adoption permettrait d'impliquer tous les services départementaux concernés, dans un esprit de cohérence, d'efficacité et de bonne gestion des fonds publics, tout en garantissant un meilleur accompagnement des usagers.
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je compléterai simplement les propos de ma collègue Silvana Silvani.
Les éléments examinés par les MDPH pour l'attribution des prestations qu'elles gèrent ne se prêtent pas à la recherche de la fraude. En effet, les MDPH se fondent principalement sur des éléments médico-sociaux, sans considération du respect des conditions administratives d'éligibilité à la prestation, lesquelles sont appréciées par l'organisme qui paie ou finance la prestation.
Par conséquent, ce contrôle ne relève pas du champ de compétence des MDPH, et il n'y a pas lieu d'élargir ce dernier.
En outre, avant d'envisager une telle évolution – nous en revenons à ce que nous disions tout à l'heure –, il conviendrait de prévoir une formation ad hoc des agents chargés de cette mission de lutte contre la fraude, qui devraient être dûment habilités à participer aux échanges d'informations.
En l'état, les dispositions de ces alinéas sont donc hors sujet ! Les MDPH n'ont pas vocation à lutter contre la fraude. Il est inutile de chercher à les faire entrer dans la valse des acteurs qui échangent des informations dans ce cadre. Qu'elles accomplissent déjà leur travail médico-social !
M. le président. L'amendement n° 288, présenté par M. Henno et Mme Puissat, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois autres amendements en discussion commune ?
M. Olivier Henno, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 242 rectifié et 120. Nous ne voyons vraiment pas pourquoi les prestations de la branche autonomie, et singulièrement celles qui relèvent du handicap, devraient échapper aux efforts déployés pour lutter contre la fraude.
Au risque de vous contredire, mes chères collègues, l'extension proposée à l'article 6 est plébiscitée par les directeurs de MDPH que nous avons consultés.
J'ajoute que, dans un rapport récent, l'inspection générale des finances a insisté sur la nécessaire « acculturation » à la lutte contre la fraude de ces structures.
En revanche, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 34 rectifié quater, qui vise à étendre à l'ensemble des prestations versées par les départements la possibilité d'échanges d'informations. C'est d'ailleurs ce que l'association des directeurs de MDPH appelait également de ses vœux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement rédactionnel n° 288 de la commission.
En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 242 rectifié et 120.
Je souhaite rappeler que nous avons engagé un travail approfondi sur les méthodes et les moyens, afin de réduire la charge de travail des MDPH et de rendre leur fonctionnement plus fluide et plus efficace.
Le PLFSS prévoit en outre qu'elles bénéficieront de renforts d'effectifs, notamment pour permettre la mise en œuvre d'entretiens physiques individuels d'accueil pour les primo-demandeurs.
Nous nous inscrivons dans une démarche d'amélioration des conditions de travail et des conditions d'examen des dossiers. Je partage l'avis de M. le rapporteur : il est nécessaire d'embarquer les MDPH dans la lutte contre la fraude sociale.
L'amendement n° 34 rectifié quater vise à intégrer l'ensemble des services chargés du versement des prestations d'aide sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées dans le dispositif de partage d'informations.
Toutefois, le texte actuel vise déjà l'essentiel des prestations pour lesquelles un tel partage présente un réel intérêt. C'est le cas, en particulier, de celles qui relèvent des MDPH. Sont ainsi d'ores et déjà incluses les prestations liées au handicap, notamment la prestation de compensation du handicap, l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). Les services départementaux chargés de la gestion de l'APA à domicile sont également concernés par le dispositif. Ces prestations concentrent la majorité des échanges d'informations et des enjeux de contrôle entre les MDPH, les départements et les organismes de sécurité sociale.
De même, la transmission des données fiscales nécessaires à l'octroi de l'aide sociale à l'hébergement est déjà prévue. La problématique principale est celle de la simplification de la transmission des données fiscales indispensables pour procéder à la récupération sur succession, qui intervient après l'admission à la prestation.
Quant à l'aide sociale à domicile, elle recouvre différentes prestations d'un faible montant, parfois résiduel. Intégrer un dispositif aussi fragmenté dans des circuits d'échanges d'informations nationaux risquerait donc d'engendrer des difficultés techniques et juridiques importantes.
C'est pourquoi je suis plus réservée que M. le rapporteur sur l'amendement n° 34 rectifié quater. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.
Mme Marion Canalès. Il faut rappeler le contexte. Chaque année, 10 milliards d'euros d'aides sociales ne sont pas réclamés par des personnes qui sont pourtant éligibles au versement de ces prestations.
Derrière l'article 6, on sent poindre, mais je me trompe peut-être, une volonté de réaliser des économies sur les prestations sociales, dans la mesure où, sous l'effet de la fraude aux cotisations sociales, entre 6 milliards et 7,8 milliards d'euros de cotisations n'entrent pas dans les caisses de l'État.
Monsieur le rapporteur, vous vous demandez pourquoi ces prestations devraient échapper à l'effort. En relisant l'étude d'impact qui accompagne ce projet de loi, je constate qu'il est indiqué qu'il n'existe pas « d'estimation du montant global de la fraude aux prestations sociales autonomie ». Cela signifie donc qu'en la matière, comme l'a dit Mme Poncet Monge, nous naviguons à vue !
Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) a néanmoins essayé d'évaluer ce montant : il serait potentiellement de 20 millions d'euros recouvrables – un montant qu'il faut comparer, je le rappelle, aux 6 à 7,8 milliards d'euros de cotisations sociales qui n'entrent pas dans les caisses de l'État…
Nous avons donc le sentiment que, par le biais de cet article 6, on vise les allocataires de prestations sociales. Cela ne devrait pourtant pas être le but de la manœuvre.
Finalement, nous avons l'impression que l'on chasse une mouche avec un bazooka, alors que la fraude à l'AAH est marginale. On recense 1 070 indus : il convient certes de travailler sur ce sujet, évidemment, mais cela ne constitue pas le cœur du réacteur, la raison d'être de ce texte. Ces alinéas nous semblent donc, à nous aussi, quelque peu hors champ !
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Ce n'est pas l'expression « chasser une mouche avec un bazooka » qui me venait à l'esprit, mais plutôt celle de « regarder la puce – et uniquement la puce – sur le dos de l'éléphant ». (Sourires.)
En effet, en écoutant certaines interventions, on a l'impression que le problème des MDPH, c'est la fraude. Or, dans le département de la Seine-Maritime, comme, je le suppose, dans tous les autres, le problème des MDPH est qu'elles n'arrivent pas à répondre en temps et en heure aux demandes qui leur sont adressées.
La durée réglementaire de traitement des dossiers par les MDPH doit être de 4 mois. Or je crois qu'il n'existe aucun département en France où ce délai soit respecté. En Seine-Maritime, en 2024, le délai était de 8,3 mois en moyenne : de plus de 7 mois – en fait presque 8 mois – pour les enfants, et de presque 8,5 mois pour les adultes. (Mme Pascale Gruny le confirme.) Voilà le problème des MDPH !
Vous essayez de détourner le regard de nos concitoyens vers des sujets comme la fraude, qui seraient la source de tous leurs maux et de tous les problèmes de la France aujourd'hui ; mais cela ne correspond pas à la réalité !
Cette démarche sous-tend tout ce texte. Il s'agit de détourner l'attention des méga-fraudes fiscales. Entendons-nous bien, je ne suis pas du tout opposée à la lutte contre la fraude. On ne doit pas frauder ! Voilà un principe que personne ne peut contester. Je trouve cependant que ce texte vise à détourner l'attention de nombreux sujets.
Enfin, vous ne donnez aucun moyen aux organismes pour assumer les missions qui leur sont confiées. Comment peut-on imaginer de confier aux MDPH, qui n'arrivent déjà pas à assumer leurs propres missions, la charge supplémentaire de lutter contre la fraude ? C'est méconnaître l'état dans lequel elles se trouvent, malgré tout le dévouement de leur personnel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Mon propos s'inscrira dans l'esprit de ce qui vient d'être dit.
Les MDPH ont une mission très précise. Leur charge de travail – étude des dossiers, etc. – est importante. Dans tous les départements, elles sont d'ailleurs en surcharge. C'est par exemple le cas dans le Finistère. Le président du conseil départemental nous dit que des progrès majeurs ont été réalisés et qu'il a réussi à réduire le délai de traitement des dossiers de 10 à 8 mois…
M. Michel Canévet. Plutôt 3 mois !
M. Jean-Luc Fichet. Non, j'ai des chiffres très précis : c'est 8 mois. Cela représente déjà un gain de 2 mois, mais nous sommes loin d'atteindre l'objectif qu'il avait fixé et qu'a évoqué M. Canévet, d'une durée de traitement de 3 mois.
Je pense que les contrôles prévus à cet article ne relèvent pas de la mission des MDPH.
Avouez-le, par ce texte, vous essayez de faire les fonds de tiroir. Mais c'est se comporter comme des « gagne-petit », alors qu'il existe tant de fraudes par ailleurs. Lorsque l'on en vient à dire que des adultes handicapés fraudent pour percevoir des prestations auxquelles ils n'ont pas droit, c'est le signe que l'on est au bout du bout !
Pour ma part, je soutiendrai totalement cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié ter, présenté par Mme Lermytte, MM. Malhuret et Chasseing, Mme Bourcier, M. Wattebled, Mme L. Darcos, MM. Pellevat, Chevalier, Grand, Rochette, Capus, Médevielle, V. Louault, Laménie et Brault, Mmes Antoine, Jacquemet et Aeschlimann, M. Daubresse, Mme Muller-Bronn, M. Lemoyne, Mme Sollogoub, M. Menonville, Mmes Saint-Pé, Romagny et Guidez, M. J.B. Blanc, Mmes de Cidrac et Bellamy et MM. Chatillon, Fialaire, Khalifé, Levi et Houpert, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article L. 114-10-2-1 du code de la sécurité sociale, après la référence : « article L. 114-10-1-1 » , sont insérés les mots : « ainsi que les prestations et allocations servies au titre des articles L. 132-1, L. 132-3, L. 231-1, L. 232-1, L. 241-1 et L. 245-1 du code l'action sociale et des familles ».
La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.
Mme Marie-Claude Lermytte. La rédaction actuelle de l'article L. 114-10-2-1 du code de la sécurité sociale impose que les allocations et prestations sociales soumises à une condition de résidence en France et servies par les organismes de sécurité sociale soient versées sur des comptes bancaires ouverts en France ou dans l'espace unique de paiement en euros, aussi appelé zone Sepa.
Or les départements assurent le versement de nombreuses allocations et prestations sociales, sans que celles-ci soient couvertes par cette disposition. Cette situation crée une différence de traitement injustifiée entre bénéficiaires selon la nature de la prestation ou l'autorité qui la verse.
Le présent amendement vise à étendre l'application de cette règle aux prestations servies par les départements, afin d'assurer une cohérence juridique entre les différents régimes de versement des aides sociales, de sécuriser les paiements publics et de renforcer la lutte contre la fraude liée aux versements sur des comptes bancaires étrangers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement répond effectivement à une incohérence du droit en vigueur. Son adoption devrait permettre de sécuriser le paiement des prestations versées par les départements.
L'avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Par nature, les prestations en question supposent une résidence effective sur le territoire, puisqu'il s'agit de prestations liées à une aide humaine.
Néanmoins, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée afin de sécuriser le dispositif.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 131 rectifié bis, présenté par Mme Demas, M. Delia, Mmes Aeschlimann, Imbert, Ventalon et Joseph, M. Séné, Mme Micouleau, MM. Burgoa et Sido, Mme Primas, M. Lefèvre, Mme Evren, MM. Brisson et Panunzi, Mmes Dumont, Belrhiti, Gosselin, Josende et Petrus et MM. Bruyen et Belin, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 6° de l'article L. 8271-1-2 du code du travail, les mots : « de l'aviation civile » sont remplacés par les mots : « et administratifs de l'aviation civile chargés de la lutte contre le travail illégal ».
La parole est à M. Jean-Marc Delia.
M. Jean-Marc Delia. Cet amendement vise à permettre aux fonctionnaires des corps administratifs chargés, au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), de la lutte contre le travail illégal, commissionnés à cet effet et assermentés, d'échanger librement, avec les autres administrations concernées, tous documents ou informations utiles à la constatation des infractions constitutives de travail illégal dans le secteur aérien.
Son adoption contribuerait à mobiliser tous les moyens à même de renforcer la synergie entre les différents acteurs de la lutte contre la fraude.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?


