Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Plutôt que de demander un rapport au Gouvernement, il vaut mieux que nous lui demandions un débat et, surtout, cette loi sur le travail qui nous avait été promise par Mme la Première ministre, Élisabeth Borne. Je crois que c’est là le sujet.
Par conséquent, je serai bien sûr défavorable à cette proposition, d’abord parce qu’il s’agit d’un rapport, mais aussi parce qu’il est essentiel d’avoir ce débat.
J’ai toujours dit que le gouvernement de l’époque avait manqué de pédagogie. Lorsque nous avons mené cette réforme des retraites en 2023, il y a eu beaucoup d’incompréhensions, ce que je peux tout à fait concevoir. Cependant, ce n’est pas dans un rapport que vous trouverez des réponses.
Je rappelle également que l’article 45 tend à réduire les inégalités en intégrant les trimestres bonifiés pour maternité et éducation de l’enfant parmi les trimestres comptabilisés dans le dispositif des carrières longues. C’est aussi une mesure que nous attendions, mais il faudra encore d’autres propositions et décisions pour garantir une véritable retraite pour les femmes.
Il est enfin proposé de réduire par voie réglementaire, pour les mères d’un enfant et plus, le nombre des meilleures années de revenus prises en compte pour le calcul de leur pension de retraite. Aujourd’hui, ce sont vingt-cinq années, qui devraient passer à vingt-quatre ou vingt-trois années selon le nombre d’enfants.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Votre demande est satisfaite, puisqu’un rapport du Comité de suivi des retraites (CSR) portant sur l’évaluation de la réforme des retraites de 2023 doit être remis avant le 1er octobre 2027.
Bien évidemment, à cette occasion, les paramètres financiers seront examinés, mais pas seulement. Un débat pourra alors intervenir – peut-être même avant –, mais je ne veux pas anticiper sur la suite de nos discussions.
L’idée de débattre des retraites, du travail et de l’emploi, comme l’a proposé Mme le rapporteur, c’est aussi l’objet de la conférence que j’ai évoquée précédemment. Le Parlement pourra également se saisir de ces sujets quand le moment s’y prêtera.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Avec cet amendement, nous entamons progressivement le débat sur les retraites. Sans vous faire offense, madame la rapporteure, vous êtes défavorable à cet amendement, non pas parce qu’il s’agit d’une demande de rapport, mais parce que vous êtes profondément favorable à la réforme des retraites telle qu’elle a été votée et au report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans.
Chacun sait ici qu’il nous est impossible, par simple voie d’amendement, de proposer l’abrogation de cette réforme. Nous avons déposé cet amendement, parce que, avec une certaine malice – je vais le dire ainsi –, les groupes de la majorité sénatoriale ont déposé un amendement de suppression de l’article 45 bis, mais pas pour les raisons qui ont conduit nos collègues députés communistes à voter contre cet article à l’Assemblée nationale. Par conséquent, nous avons besoin d’un peu de clarté dans nos débats et dans les votes qui vont suivre.
Je veux donc le redire ici au nom de l’ensemble de notre groupe : nous exigeons toujours l’abrogation de la réforme des retraites, parce que, comme l’a rappelé ma collègue Cathy Apourceau-Poly, la majorité des Français la souhaitent. L’arnaque, qui a commencé à poindre avec un conclave sous l’égide du gouvernement Bayrou, lequel a fait pschitt, et qui se poursuit avec des mesures annoncées, qui en fait n’en sont pas – nous allons en débattre tout à l’heure –, n’est pas à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Dès lors, bien évidemment, cet amendement pose la question suivante : sommes-nous favorables ou non à l’abrogation de la réforme des retraites ? Je sais, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, que vous ne l’êtes pas, et vous savez que nous le sommes. Ne tournons donc pas autour du pot sur la question du rapport ; ayons ce débat-là très franchement, comme Mme la rapporteure et M. le ministre l’ont proposé dans leurs réponses sur le fond. Tel est le choix qui se pose avec cet amendement. Ensuite, nous pourrons aborder avec sérénité, je n’en doute pas, mais aussi avec passion et conviction, le débat sur l’article 45 bis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. Je veux répondre rapidement à Mme la présidente Cukierman. Ma chère collègue, vous ne m’avez pas écouté attentivement : je n’ai pas dit que la réforme me convenait. En effet, j’estime qu’il manque tout un pan qui pourrait l’équilibrer et la faire accepter : la pénibilité, l’usure professionnelle, l’emploi des seniors, les femmes et l’emploi des jeunes. Nous avions tous ces thèmes à aborder et nous n’avons pas pu le faire, parce que c’était un texte financier.
Vous ne pouvez pas affirmer que j’étais favorable à 100 %. En revanche, il y a les comptes, les chiffres, la démographie, soit des éléments très factuels ; nous en reparlerons. Ce que je souhaite, c’est que la jeunesse, les jeunes actifs ne me disent plus qu’ils n’auront pas de retraite demain.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1844.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, de la commission des affaires sociales et, l’autre, du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ? …
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 58 :
| Nombre de votants | 345 |
| Nombre de suffrages exprimés | 345 |
| Pour l’adoption | 119 |
| Contre | 226 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 45 bis
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 161-17-2 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, l’année : « 1968 » est remplacée par l’année : « 1969 » ;
b) Le second alinéa est remplacé par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Cet âge est fixé à :
« 1° Soixante-deux ans et trois mois, pour les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1961 ;
« 2° Soixante-deux ans et six mois, pour les assurés nés en 1962 ;
« 3° Soixante-deux ans et neuf mois, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1963 et le 31 mars 1965 ;
« 4° Soixante-trois ans, pour les assurés nés entre le 1er avril et le 31 décembre 1965 ;
« 5° Soixante-trois ans et trois mois, pour les assurés nés en 1966 ;
« 6° Soixante-trois ans et six mois, pour les assurés nés en 1967 ;
« 7° Soixante-trois ans et neuf mois, pour les assurés nés en 1968.
« Pour les assurés nés avant le 1er septembre 1961, il est celui applicable dans la rédaction du présent article antérieure à la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2026. » ;
2° (nouveau) L’article L. 161-17-3 est ainsi modifié :
a) À la fin du 4°, les mots : « en 1963 » sont remplacés par les mots : « entre le 1er janvier 1963 et le 31 mars 1965 » ;
b) À la fin du 5°, les mots : « en 1964 » sont remplacés par les mots : « entre le 1er avril 1965 et le 31 décembre 1965 » ;
c) À la fin du 6°, l’année : « 1965 » est remplacée par l’année : « 1966 ».
II. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 13, les mots : « au 6° de » sont remplacés par le mot : « à » ;
2° Au 1° de l’article L. 14 bis, les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa de l’article ».
III. – Le XXIV de l’article 10 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est ainsi modifié :
1° Les 2° à 4° du A sont abrogés ;
2° (nouveau) Le b du 1° du B est remplacé par des b à e ainsi rédigés :
« b) Pour ceux nés entre le 1er septembre 1966 et le 31 décembre 1967, à 169 trimestres ;
« c) Pour ceux nés entre le 1er janvier 1968 et le 31 mars 1970, à 170 trimestres ;
« d) Pour ceux nés entre le 1er avril et le 31 décembre 1970, à 171 trimestres ;
« e) Pour ceux nés à compter du 1er janvier 1971, à 172 trimestres ; »
3° (nouveau) Le b du 2° du B est remplacé par des b à e ainsi rédigés :
« b) Pour ceux nés entre le 1er septembre 1971 et le 31 décembre 1972, à 169 trimestres ;
« c) Pour ceux nés entre le 1er janvier 1973 et le 31 mars 1975, à 170 trimestres ;
« d) Pour ceux nés entre le 1er avril et le 31 décembre 1975, à 171 trimestres ;
« e) Pour ceux nés à compter du 1er janvier 1976, à 172 trimestres. » ;
4° (nouveau) Le 2° du C est ainsi modifié :
a) Après le mot : « trimestre », la fin de la seconde phrase est ainsi rédigée : « au 1er janvier 2025 puis au 1er janvier 2027. » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À compter du 1er janvier 2028, cette durée est égale à la durée mentionnée au 6° de l’article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale. » ;
5° (nouveau) Les 1° et 2° du F sont ainsi rédigés :
« 1° Pour les fonctionnaires relevant du deuxième alinéa du 1° du I du même article L. 24, l’âge anticipé est fixé :
« a) À cinquante-sept ans pour ceux nés avant le 1er septembre 1966 ;
« b) À cinquante-sept ans et trois mois pour ceux nés entre le 1er septembre 1966 et le 31 décembre 1966 ;
« c) À cinquante-sept ans et six mois pour ceux nés en 1967 ;
« d) À cinquante-sept ans et neuf mois pour ceux nés entre le 1er janvier 1968 et le 31 mars 1970 ;
« e) À cinquante-huit ans pour ceux nés entre le 1er avril et le 31 décembre 1970 ;
« f) À cinquante-huit ans et trois mois pour ceux nés en 1971 ;
« g) À cinquante-huit ans et six mois pour ceux nés en 1972 ;
« h) À cinquante-huit ans et neuf mois pour ceux nés en 1973 ;
« i) À cinquante-neuf ans pour ceux nés à compter du 1er janvier 1974 ;
« 2° Pour les fonctionnaires relevant des troisième à dernier alinéas du même 1°, l’âge minoré est fixé :
« a) À cinquante-deux ans pour ceux nés avant le 1er septembre 1971 ;
« b) À cinquante-deux ans et trois mois pour ceux nés entre le 1er septembre 1971 et le 31 décembre 1971 inclus ;
« c) À cinquante-deux ans et six mois pour ceux nés en 1972 ;
« d) À cinquante-deux ans et neuf mois pour ceux nés entre le 1er janvier 1973 et le 31 mars 1975 ;
« e) À cinquante-trois ans pour ceux nés entre le 1er avril et le 31 décembre 1975 ;
« f) À cinquante-trois ans et trois mois pour ceux nés en 1976 ;
« g) À cinquante-trois ans et six mois pour ceux nés en 1977 ;
« h) À cinquante-trois ans et neuf mois pour ceux nés en 1978 ;
« i) À cinquante-quatre ans pour ceux nés à compter du 1er janvier 1979. » ;
6° (nouveau) Le G est ainsi rédigé :
« G. – Par dérogation aux 2° à 4° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l’âge avant lequel la liquidation ne peut intervenir est fixé :
« 1° À l’âge applicable avant l’entrée en vigueur du présent XXIV, pour ceux nés avant le 1er septembre 1971 ;
« 2° À cinquante-deux ans et trois mois pour ceux nés entre le 1er septembre 1971 et le 31 décembre 1971 inclus ;
« 3° À cinquante-deux ans et six mois pour ceux nés en 1972 ;
« 4° À cinquante-deux ans et neuf mois pour ceux nés entre le 1er janvier 1973 et le 31 mars 1975 ;
« 5° À cinquante-trois ans pour ceux nés entre le 1er avril et le 31 décembre 1975 ;
« 6° À cinquante-trois ans et trois mois pour ceux nés en 1976 ;
« 7° À cinquante-trois ans et six mois pour ceux nés en 1977 ;
« 8° À cinquante-trois ans et neuf mois pour ceux nés en 1978 ;
« 9° À cinquante-quatre ans pour ceux nés à compter du 1er janvier 1979. » ;
7° (nouveau) Le H est ainsi rédigé :
« H. – Par dérogation au III de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, l’âge d’ouverture du droit à pension pour les fonctionnaires mentionnés au même III est égal :
« 1° À soixante ans pour ceux nés avant le 1er septembre 1963 ;
« 2° À soixante ans et trois mois pour ceux nés entre le 1er septembre 1963 et le 31 décembre 1963 ;
« 3° À soixante ans et six mois pour ceux nés en 1964 ;
« 4° À soixante ans et neuf mois pour ceux nés entre le 1er janvier 1965 et le 31 mars 1967 ;
« 5° À soixante et un ans pour ceux nés entre le 1er avril et le 31 décembre 1967 ;
« 6° À soixante et un ans et trois mois pour ceux nés en 1968 ;
« 7° À soixante et un ans et six mois pour ceux nés en 1969 ;
« 8° À soixante et un ans et neuf mois pour ceux nés en 1970 ;
« 9° À soixante-deux ans pour ceux nés à compter du 1er janvier 1971. »
IV. – (Supprimé)
V. – Le 1° de l’article 5 de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon est ainsi modifié :
1° Le b est ainsi rédigé :
« b) L’article L. 161-17-2 est ainsi modifié :
« – au premier alinéa, l’année : “1969” est remplacée par l’année : “1971” ;
« – au 1°, les mots : “entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1961” sont remplacés par les mots : “entre le 1er janvier 1963 et le 30 septembre 1965” ;
« – au 2°, les mots : “en 1962” sont remplacés par les mots : “entre le 1er octobre et le 31 décembre 1965” ;
« – au 3°, les mots : “entre le 1er janvier 1963 et le 31 mars 1965” sont remplacés par les mots : “en 1966” ;
« – au 4°, les mots : “entre le 1er avril et le 31 décembre 1965” sont remplacés par les mots : “en 1967” ;
« – les années : “1966”, “1967” et “1968” sont remplacées respectivement par les années : “1968”, “1969” et “1970” ; »
2° (nouveau) Les sept derniers alinéas du c sont ainsi rédigés :
« 166 trimestres pour les assurés nés entre le 1er janvier 1963 et le 30 septembre 1965 ;
« 167 trimestres pour les assurés nés entre le 1er octobre et le 31 décembre 1965 ;
« 168 trimestres pour les assurés nés en 1966 ;
« 169 trimestres pour les assurés nés en 1967 ;
« 170 trimestres pour les assurés nés entre le 1er janvier 1968 et le 31 décembre 1970 ;
« 171 trimestres pour les assurés nés entre le 1er janvier 1971 et le 31 décembre 1973 ;
« 172 trimestres pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1974 ; ».
VI (nouveau). – Le premier alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte est ainsi modifié :
1° À la première phrase, l’année : « 1969 » est remplacée par l’année : « 1970 ;
2° À la fin de la seconde phrase, l’année : « 1968 » est remplacée par l’année : « 1969 » ;
3° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation à la seconde phrase du présent alinéa, cet âge est fixé à soixante-deux ans et six mois pour les assurés nés entre le 1er janvier 1963 et le 30 juin 1965 et à soixante-deux ans et neuf mois pour les assurés nés entre le 1er juillet 1965 et le 31 décembre 1965. »
VII (nouveau). – Le présent article s’applique aux pensions prenant effet à compter du 1er septembre 2026, à l’exception du V, qui s’applique aux pensions prenant effet à compter du 1er mars 2026.
VIII (nouveau). – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillé sur la situation actuelle des pensions de retraite à Mayotte, qui porte en particulier sur les modalités d’une accélération de la convergence vers le droit commun.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. La droite sénatoriale a visiblement décidé de rompre le très faible consensus qui est sorti de l’Assemblée nationale, à un moment où le pays est terriblement fracturé. C’est un choix.
Pourquoi tenons-nous autant à cette suspension de la réforme des retraites ? Parce que le pays n’a toujours pas accepté cette réforme. Les citoyens ne l’ont toujours pas acceptée. Elle n’a pas été votée à l’Assemblée nationale. Elle est arrivée ici, au Sénat, et nous savons ce qu’il en est advenu. Elle est appliquée, bien évidemment, mais elle est restée en travers de la gorge des salariés de ce pays, qui se sont massivement exprimés contre et qui n’ont absolument pas été entendus. Ils ont même été méprisés.
Oui, nous voulons en rediscuter. Nous voulons, monsieur le ministre, qu’il y ait un véritable débat au Parlement. Oui, nous voulons en rediscuter, parce que nous considérons que, dans ce pays, même en 2025, il y a encore un certain nombre de personnes, exerçant certaines professions, qui ne peuvent pas travailler au-delà de 62 ans. Nous en sommes absolument certains. Aussi, nous voulons qu’une future réforme des retraites prenne tout en compte, ce qui n’a pas été fait la dernière fois.
La dernière réforme des retraites, comme celle qui avait été amorcée en 2019, correspondait à un mantra idéologique. Il fallait une réforme des retraites pour faire plaisir à un certain nombre de Français.
À l’époque, on nous a inventé des déficits pour faire peur. J’ai même entendu des ministres, bien avant vous, monsieur le ministre, dire ici, au banc : « Si on ne fait rien, dans quelques mois, on ne pourra plus payer les retraites. » Or nous savons que le système, pour l’instant, se maintient. Nous savons aussi qu’il y a de nouvelles donnes et qu’il faudra y travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues de la droite sénatoriale, depuis une semaine, c’est la France des salariés, des retraités, des chômeurs, des pauvres et des malades que vous avez décidé de matraquer. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) C’est un matraquage méthodique, inique, cynique des quelques avancées qui avaient été obtenues à l’Assemblée nationale pour les Français.
Par idéologie, vous avez rétabli le gel des pensions de retraite et des prestations sociales. Par idéologie, vous avez rétabli la taxe sur les mutuelles. Par idéologie, vous êtes allés jusqu’à ajouter une mesure pour allonger la durée du travail. Et je n’oublie pas la suppression d’une recette de 2,7 milliards d’euros, qui était assurée et assise sur les produits de placements de nos concitoyens les plus aisés.
Par idéologie, vous vous apprêtez maintenant à rétablir la réforme des retraites de 2023. Vous assumez donc pleinement de voler des années de vie à 3,5 millions de Français (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées du groupe SER.), car c’est de cela qu’il s’agit : des années de repos méritées après une vie de travail. C’est injuste et inacceptable.
Au fond, mes chers collègues vous employez les mêmes mots qu’en 2023.
M. Laurent Burgoa. Ah oui !
M. Patrick Kanner. C’est un véritable retour vers le futur : les mêmes postures, les mêmes dénégations, le même choix de protéger le capital et la rente plutôt que les travailleurs. Cette même idéologie, vous y revenez toujours, et nous la combattons pied à pied.
Mes chers collègues, les Français ne vont pas bien, mais ils nous regardent. Ils vous regardent et, croyez-moi, ils sauront se souvenir de vos choix de société qui les sacrifient sur l’autel de l’austérité budgétaire. Nous voterons pour le maintien de la suspension de la réforme des retraites, par conviction et pour protéger celles et ceux qui travaillent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Barros applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le retour !
M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est clair que la suspension de la réforme des retraites est le tribut payé par le Gouvernement à la gauche pour durer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Jaloux !
M. Bruno Retailleau. Nous allons nous y opposer, parce que nous pensons que cette suspension est contraire aux intérêts des Français, et ce pour plusieurs raisons.
La première raison est d’ordre budgétaire. Il est totalement illusoire de s’imaginer un seul instant que nous pourrons, aujourd’hui et demain, maîtriser les déficits et la dépense publique quand on connaît précisément le poids des dépenses de retraite dans la dépense publique. Je veux simplement vous rappeler que le déficit, tel qu’il est aujourd’hui présenté, est totalement sous-estimé. Il est même masqué, puisqu’il faut y ajouter 44 milliards d’euros de subventions de l’État pour les agents publics, ainsi que 8 milliards d’euros pour les régimes spéciaux. (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – Mme le rapporteur le confirme.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Mensonges !
M. Bruno Retailleau. Par conséquent, ne rien faire, c’est se condamner au déficit éternel.
Deuxième raison : tous les Français, d’où qu’ils viennent, quelles que soient leurs attaches partisanes, sont attachés au régime par répartition. Le régime par répartition est un régime intergénérationnel reposant sur la démographie. Jadis, il y avait 4 cotisants pour 1 pensionné ; aujourd’hui, il y en a 1,6. Comment ferons-nous demain ? Le statu quo, là encore, fragilisera le régime par répartition et le fardeau de l’endettement se reportera sur les générations futures, qui devront payer leur retraite et la nôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Balzac avait un mot sublime à cet égard : « Une génération n’a pas le droit d’en amoindrir une autre ».
Enfin, troisième et dernière raison, il faut travailler plus en France si nous voulons renouer avec la prospérité. Les choses sont claires : sur une vie, il nous manque trois années de travail, trois années sans lesquelles on ne peut pas distribuer de niveau de vie, de pouvoir d’achat, ni alimenter nos services publics. Ce n’est pas, là encore, par le statu quo que nous parviendrons à redresser la France. C’est le problème de la gauche, qui a bonimenté les Français depuis des années avec les 35 heures et la retraite à 60 ans, sous le slogan : « Travaillez moins et vous vivrez mieux. » C’est un mensonge ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Corinne Bourcier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, sur l’article.
Mme Maryse Carrère. Nous arrivons à un point névralgique du texte avec cet article 45 bis : le fameux dispositif de suspension de la réforme des retraites, qui soulève des enjeux à la fois de fond et de forme.
Sur le fond, mon groupe était partagé au moment de l’adoption de la réforme, en 2023. Les membres du RDSE avaient cependant cela en commun que tous voulaient améliorer le sort des femmes et des salariés aux carrières longues ou hachées ; nous souhaitions aussi, bien sûr, une meilleure prise en compte de la pénibilité.
Par ailleurs, nous sommes également tous conscients du poids de la dette publique et nous ne souhaitons pas hypothéquer l’avenir des jeunes générations. À l’évidence, notre système de retraite, pensé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, doit être appréhendé à la lumière des enjeux budgétaires et démographiques contemporains.
Sur la forme, le groupe RDSE, dans sa majorité, regrette la position adoptée aujourd’hui par la majorité sénatoriale. Cet article 45 bis vise à réaliser ce qui est une condition essentielle si l’on veut avoir une chance d’éviter ce qui reste une possibilité, à savoir la censure du Gouvernement et une nouvelle crise politique. Il nous offre l’espoir d’un compromis. Nous verrons bien si celui-ci permettra, dans la durée, d’échapper à une nouvelle instabilité qui ne peut, au fil des jours, que servir les extrêmes, comme on le constate à la lecture des derniers sondages.
Il est aujourd’hui question d’apaisement politique et d’apaisement social. La France n’a pas besoin d’un énième choc institutionnel ; elle a besoin de sérénité, de dialogue et de temps pour rétablir la confiance.
La suspension de la réforme des retraites n’aura de sens que si nous mettons à profit ces deux années pour travailler à une réforme systémique, comme les membres du RDSE le réclament depuis très longtemps. Le moment viendra d’ouvrir ce débat de manière structurée, transparente et dépassionnée. Mon groupe souhaite que cela se fasse très rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)


