Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart, sur l’article.

M. Joshua Hochart. Nous discutons enfin de l’article le plus attendu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale – je le dis sans intention de relativiser l’importance du reste de son contenu.

La suspension de la réforme des retraites, même s’il convient d’en atténuer la portée, que les socialistes ont grandement amplifiée pour justifier leur refus de censurer le Gouvernement, n’en est pas moins un premier pas vers une mise en cause réelle de cette mesure phare du second mandat d’Emmanuel Macron. Cette réforme était annoncée ; la gauche a donc fait réélire M. Macron en parfaite connaissance de cause.

De toute évidence, la majorité sénatoriale votera aujourd’hui, sans surprise, pour la suppression de cet article. C’est une position que nous combattons, mais qui a au moins le mérite de la constance : constance dans l’erreur, mais constance tout de même.

Nous regrettons que cette réforme de 2023 ait été entreprise pour éviter d’avoir à dénoncer les totems habituels qui nourrissent la gabegie des finances publiques.

Nous, sénateurs du Rassemblement national, voterons contre ces amendements de suppression. En effet, nous nous souvenons de l’injustice de cette réforme des retraites ; nous nous souvenons de l’opposition unanime du pays et, en particulier, de la France qui travaille ; enfin, nous nous souvenons des souffrances qu’elle a engendrées – faut-il rappeler que la pénibilité est la grande absente de tous ces débats, alors qu’elle devrait être le principal critère conditionnant le moment du départ à la retraite ?

Sitôt cette petite victoire obtenue par la majorité, nous retournerons à la réalité d’un budget impossible, d’un gouvernement sans tête et d’un Parlement fragmenté. Face à l’accumulation des reniements et des mensonges, une seule réponse s’impose : vivement 2027 ! (M. Christopher Szczurek applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. Je voudrais replacer ce débat dans le cadre de la situation générale de la sécurité sociale et, plus largement, de nos finances publiques.

On comptait 9 millions de patients atteints d’une affection de longue durée (ALD) en 2012 ; ils sont 14 millions en 2025 et seront 18 millions en 2035. Rappelons que les trois quarts des dépenses de l’assurance maladie sont consacrés aux ALD. Dès lors, l’assurance maladie peut-elle venir au secours des retraites ? Non !

Qu’en est-il du budget de l’État ? Les chiffres sont clairs : un déficit annuel de quelque 170 milliards d’euros, une dette publique de 3 400 milliards d’euros et une charge des intérêts de celle-ci qui va atteindre 75 milliards d’euros en 2026 – contre 30 milliards d’euros en 2020. Alors, l’État peut-il venir au secours des retraites ? Non !

Certes, on pourrait vouloir augmenter les cotisations des salariés et des entreprises, cibler peut-être certaines holdings qui pratiquent l’optimisation fiscale, mais M. Jadot a reconnu lui-même tout à l’heure que, derrière nos entreprises, il n’y a pas que des milliardaires : nombre d’entre elles sont de petites entreprises fragiles. (M. Yannick Jadot acquiesce.) Il convient donc, non pas d’augmenter l’imposition des entreprises, ce qui ruinerait leur compétitivité, mais de poursuivre la politique de l’offre, qui a tout de même créé 2 millions d’emplois.

J’avais proposé une autre piste via un amendement d’appel : une heure, voire deux heures de travail en plus chaque semaine. C’est par ce biais que nous préserverons les acquis sociaux ; c’est donc à proprement parler du social-libéralisme.

Pour en revenir aux retraites, rappelons qu’il y avait 4 millions de retraités en 1984, soit un ratio de quatre travailleurs pour un retraité ; en 2025, avec 18 millions de retraités, le ratio n’est plus que de 1,6 actif pour un retraité ; en 2040, avec 25,1 millions de retraités, il sera seulement de 1,3 pour 1. Nous serons donc obligés, malheureusement, de maintenir l’âge de la retraite à 64 ans.

Peut-être faudra-t-il un compromis, comme vous nous y invitez : indéniablement, il convient d’améliorer les retraites des femmes, de prendre en compte les carrières longues et pénibles. Certes, mais cela ne pourra se faire en baissant l’âge légal en dessous de 64 ans.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, sur l’article.

Mme Anne Souyris. J’entends parler de boniment et d’irresponsabilité. Vous nous montrez du doigt, monsieur Retailleau, mais regardez donc la poutre que vous avez dans l’œil. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous, c’est un poteau !

Mme Anne Souyris. Notre sécurité sociale manque d’argent, parce que vous avez refusé les milliards d’euros de recettes équilibrées et solidaires que la gauche proposait de lui allouer.

Et voilà que vous nous demandez de supprimer la seule mesure décente de ce texte, une mesure minimale qui aurait permis de surseoir à l’application de la réforme des retraites. La seule victoire des millions de travailleurs qui avaient combattu cette réforme, une victoire partielle, temporaire, vous la refusez, comme si toute concession envers le monde du travail était insupportable.

Suspension, décalage, peau de chagrin en fin de vie… nous ne pourrons pas même avoir un débat sémantique sur cette disposition ni, a fortiori, un débat de fond.

Pourtant, en toute honnêteté, ce n’est qu’un simple décalage : il n’y a rien là qui remette en cause votre fameuse réforme, rien qui bouleverse l’équilibre du système, rien qui empêche le débat. Même cela, vous vous empressez d’en demander la suppression ! Vous n’acceptez pas même la possibilité d’une discussion qui ouvrirait une brèche, qui permettrait un réexamen a minima d’une réforme rejetée de tous. Voici le message : circulez, il n’y a rien à voir, rien à discuter !

M. Olivier Rietmann. 1 200 milliards d’euros de dettes supplémentaires depuis 2017 !

Mme Anne Souyris. Pour justifier ce recul, vous nous resservez l’argument budgétaire : cela coûterait trop cher.

Qui peut encore croire à cette fable quand, dans le même temps, vous refusez obstinément toutes les nouvelles recettes que nous proposons, absolument toutes ? Celles sur le capital,…

Mme Anne Souyris. … celles sur les industries qui détruisent notre santé,…

Mme Anne Souyris. … celles sur les niches antisociales qui profitent aux plus hauts revenus,…

Mme Anne Souyris. … chacune de nos propositions reçoit la même réponse : non ! Face à l’argent, face au capital, vous êtes toujours très prudents.

Mme la présidente. Merci, ma chère collègue !

Mme Anne Souyris. Mais face à la vie des travailleurs, vous êtes d’une brutalité comptable implacable. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, sur l’article.

M. Martin Lévrier. Je suis très heureux que nous soyons si nombreux dans l’hémicycle à ce moment crucial de notre débat. Cela prouve que nous nous sentons tous concernés par ce sujet essentiel.

La réforme de 2023 était-elle indispensable ? Je le crois : j’ai participé à son élaboration, je l’ai soutenue, je l’ai votée. Était-elle pour autant bien née ? Non, je ne le crois pas. A-t-elle été acceptée par les Français ? Quelle que soit la réponse, il est certain qu’elle a été incomprise.

Je me souviens de nos débats d’alors. Du côté droit de cet hémicycle, on suggérait volontiers qu’il faudrait une part de capitalisation dans nos retraites. De l’autre côté, j’entendais nombre de propositions visant à empêcher, à casser cette réforme, mais parmi tous les financements proposés, je n’ai pas souvenir que même un seul rentrât dans la logique d’un système par répartition. Toutes vos propositions, mes chers collègues de gauche, reposaient sur d’autres types de recettes ; mais cela, personne ne l’a dit aux Français.

Par conséquent, dès l’origine, le débat était biaisé. On ne discutait pas des moyens de sauver le régime par répartition, alors que c’était l’objet même de cette réforme. On faisait bien des propositions, mais on lançait surtout beaucoup d’accusations. Je le regrette, mais c’est ainsi que cela s’est passé.

Aujourd’hui, nous avons une chance d’échapper à cette logique, mais cela requiert que chacun d’entre nous sorte de son couloir. Il y a quatre-vingts ans, c’est ce qu’ont fait nos aïeux pour créer notre système de retraite : sinon, ils n’auraient pas œuvré ensemble à la construction de ce régime que je qualifierai de fraternel. Le moment que nous vivons, tous ensemble, à présent est donc essentiel, mais il implique que nous acceptions tous, une bonne fois pour toutes, de sortir de nos couloirs respectifs sur ce sujet.

Je vous le dis franchement, mes chers collègues : je ne sais pas quel sera mon vote sur cet article.

M. Francis Szpiner. C’est du macronisme !

M. Martin Lévrier. Non, pas du tout : c’est du courage, monsieur ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Ça devient dur de faire du « en même temps » !

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, sur l’article.

M. Ronan Dantec. La réforme des retraites de 2023 a eu un coût absolument considérable pour la société française. Elle nourrit deux fractures dont le pays ne se relève pas.

La première de ces fractures françaises est la fracture sociale, bien sûr. En effet, en faisant le choix de fonder la réforme sur le relèvement de l’âge légal de la retraite, on a très clairement demandé aux Français qui ont fait le moins d’études de payer pour ceux qui, ayant fait des études plus longues, sont les plus favorisés. C’est donc une réforme profondément injuste, et ressentie comme telle par les Français.

La deuxième fracture résulte du fait que ce texte a été imposé par la force à la société française, en dépit de mobilisations absolument inédites et d’études d’opinion qui montraient toutes à quel point notre société était opposée à cette réforme. Malgré tout cela, le gouvernement de l’époque et le Président de la République ont pris la responsabilité de la faire passer, à l’encontre de toute démocratie sociale.

Ces deux fractures, aujourd’hui encore, fragilisent très profondément la société française.

Or, malgré ce bilan politique désastreux, qui s’est traduit dans les urnes à la suite de la dissolution – remarquons à ce propos que, sans la mobilisation de la gauche en faveur du front républicain, vous auriez perdu encore plus de sièges ! –, vous persistez. En témoigne la phrase totem répétée par Bruno Retailleau : « Il ne faut pas transmettre aux générations futures le fardeau de la dette. »

C’est oublier, mon cher collègue, que par votre refus d’entendre les Français, en particulier les plus modestes, vous laissez aux générations futures un fardeau politique bien plus redoutable : la droite républicaine se résigne ou se prépare à n’être plus que le supplétif de forces obscures que la gauche, elle, a toujours combattues. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Francis Szpiner. Vous avez censuré Michel Barnier avec les voix du RN !

M. Ronan Dantec. Vous pouvez encore renoncer à cette posture, vous pouvez encore faire preuve de responsabilité, mais vous ne le ferez certainement pas en persistant à refuser tout compromis au Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je relève qu’un simple décalage de l’application de la réforme des retraites est insupportable à la majorité sénatoriale. (M. Marc-Philippe Daubresse le confirme.)

Vous-même, monsieur le ministre, ne pouvez nier ce que disent les Français et les partenaires sociaux qui vous sont si chers : il faut non seulement un décalage, mais surtout une abrogation de cette réforme. C’est souhaitable, c’est nécessaire et c’est finançable. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Bien sûr…

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est intolérable !

Mme Raymonde Poncet Monge. Quant à vous, monsieur Retailleau, vous ne nous aurez pas convaincus en sortant du tiroir la fake news sur le déficit caché des retraites, qui est contestée par le Conseil d’orientation des retraites lui-même – peut-être faudrait-il le dissoudre, alors –, ainsi que par la Cour des comptes – peut-être faudrait-il la dissoudre, elle aussi. Votre méthode relève tout simplement des « vérités alternatives » qui nous viennent des États-Unis, c’est-à-dire de l’utilisation du mensonge comme argument. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Je voudrais donc rappeler – il faut le dire et le redire, même si l’avoir fait a coûté son poste au président du COR – que le déficit du système de retraite est dû non à la dynamique des dépenses, mais à la baisse tendancielle des recettes.

M. Olivier Rietmann. C’est faux !

Mme Raymonde Poncet Monge. Aussi, si vous aviez accepté les solutions de recettes que nous proposions, les comptes sociaux auraient pu être rééquilibrés.

Pour rétablir l’équilibre des comptes sociaux, y compris ceux des retraites, il faut cesser de se concentrer sur la baisse des dépenses, car celle-ci ne fait que courir derrière la baisse des recettes. On diminue celles-ci, on pratique la politique des caisses vides, et ensuite on presse les dépenses de diminuer à leur tour ; on les revoit à la baisse, parce qu’il ne faut surtout pas de déficit.

Le seul argument valable des auteurs de ces amendements est qu’ils pointent l’injustice que constitue le fait de faire supporter le coût de cette mesure de décalage par les retraités. Sur ce point, mes chers collègues, nous sommes d’accord, et en désaccord sur tout le reste. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, nous sommes tous ici des gens responsables. Simplement, nous avons des désaccords politiques et, par conséquent, nous répondons de manière différente à un problème donné.

Nous débattons ce soir de la question du déficit de notre système de retraite. Mais quid des exonérations de cotisations sociales, qui grèvent les recettes de la sécurité sociale ? Quid des inégalités salariales, des personnes qui ont des petits salaires et dont les cotisations sont mécaniquement insuffisantes pour payer les retraites ? Quid de la relance de l’activité économique et de l’embauche, qui permettraient, elles aussi, de percevoir des cotisations supplémentaires ?

Il n’y a donc pas les responsables d’un côté et les irresponsables de l’autre : il y a différents projets de société, et nous soumettons le nôtre au débat.

À l’Assemblée nationale, je l’ai rappelé, nos collègues communistes ont voté contre cet article 45 bis, et ce pour deux raisons principales.

Premièrement, contrairement à ce qui a été annoncé, il ne s’agit pas d’une suspension de la réforme des retraites, mais d’un simple décalage, qui suscite d’ailleurs de nombreux cafouillages : on peine à expliquer qui en seraient les bénéficiaires réels, combien ils seraient et pour combien de temps.

Deuxièmement et surtout, il nous est apparu que, si le Parlement devait approuver cet article 45 bis, il acterait par son vote, pour la première fois, le recul à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Or, tout comme nous nous y étions opposés lors de l’examen de la réforme défendue par Mme Borne, nous y sommes toujours défavorables, parce qu’il existe d’autres solutions et que, majoritairement, les Français ne sont pas favorables à la retraite à 64 ans.

Cela étant posé, il n’y en a pas moins une certaine malice dans les amendements de suppression de cet article, et nous ne tomberons pas dans l’écueil que constituerait le mélange, dans un vote de suppression, de voix dont les significations seraient divergentes.

Dès lors, je vous le dis très tranquillement, nous nous abstiendrons sur ces amendements de suppression, non pas parce que nous soutenons l’article 45 bis, mais parce que nous ne sommes pas tout à fait d’accord, pour le dire gentiment, avec ceux qui proposent sa suppression.

M. Mathieu Darnaud. Il est bien isolé, le parti socialiste !

M. Laurent Duplomb. Ah, la gauche…

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, sur l’article.

M. Olivier Henno. Pour notre part, je le dis d’emblée et en toute clarté, nous voterons pour ces amendements de suppression de l’article. Ce débat appelle cependant plusieurs remarques de fond et de forme.

Milan Kundera relevait combien est rude le combat contre les démagogues ; je ne peux ce soir que constater combien il avait raison. J’ai noté plusieurs des expressions employées au cours du débat : « inique », « matraquage », « cynique », « impôt sur la vie », « obscurité », « Ancien Régime ». À ce propos, l’un de mes maîtres, Jean Lecanuet, qui a longtemps siégé dans cet hémicycle, disait volontiers : « La violence des mots masque la pauvreté de la pensée. » Je trouve que cette phrase convient fort bien au débat de ce jour. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également. – Mme Cécile Cukierman proteste.)

Ensuite, pour répondre à certains arguments de forme, la réforme des retraites de 2023 nous apparaît pleinement légitime. Certes, elle est passée grâce au 49.3, mais les réformes adoptées de cette manière doivent-elles toutes être remises en cause, mes chers collègues ? Ainsi, sous la présidence de François Hollande, la loi El Khomri a été adoptée par 49.3,…

Mme Cécile Cukierman. Ça tombe bien, nous avons voté contre !

M. Olivier Henno. … la loi Macron – M. Macron était alors ministre, tout comme M. Kanner d’ailleurs… (Rires et applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) – également. Or l’on ne vous a pas entendu à l’époque, mes chers collègues de gauche, vous élever contre l’illégitimité de ces textes. À nos yeux, cette réforme-ci est donc tout à fait légitime.

Après la forme, j’en viens au fond. Soyons raisonnables, rappelons les chiffres : quand la gauche a décidé de la retraite à 60 ans, l’espérance de vie était de 72 ans ; il fallait donc servir en moyenne douze années de pension. Aujourd’hui, quand on a 60 ans, on peut espérer vivre jusqu’à 82 ans, bientôt 83. (Exclamations sur des travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Mickaël Vallet. Ça dépend pour qui !

M. Olivier Henno. Peut-on raisonnablement verser plus de vingt années de pension ? Ce n’est pas sérieux pour les générations à venir.

Je formulerai une remarque en conclusion : voyez-vous, mes chers collègues socialistes, ce n’est pas en se montrant responsable que l’on prépare l’arrivée au pouvoir des populistes et des extrémistes ; c’est en faisant du populisme light. Restez un parti de gouvernement, s’il vous plaît ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

Mme Sophie Primas. Bien envoyé !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

M. Guillaume Gontard. Nous sommes en 2025, année du quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale et du régime général des retraites. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.) Il est important de le souligner, mes chers collègues : ce sont quatre-vingts années durant lesquelles nous avons fait fonctionner ce régime.

Or c’est le moment même que vous choisissez pour élaborer le pire budget que la sécurité sociale ait jamais connu. Nous l’avons constaté toute cette semaine, nous l’entendons encore dans vos interventions de cet après-midi : vous vous entêtez dans votre dogmatisme. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Gontard. Ambroise Croizat avait raison quand il déclarait : « Ne me parlez pas d’acquis sociaux, mais de conquis sociaux, car le patronat ne désarme jamais. » Non, la droite ne désarme jamais. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous affirmez vouloir sauver le système par répartition, mais, en réalité, vous êtes en train de le tuer. Vous l’avez tué toute cette semaine, à coups d’exonérations et de non-compensations ; vous le faites depuis des années.

Nous comprenons pourtant fort bien que l’origine du problème est à chercher dans la baisse des recettes. Je vous appelle donc une nouvelle fois à sortir de vos dogmatismes.

M. François Bonhomme. Parole d’expert !

M. Guillaume Gontard. Soyez responsables, mes chers collègues, car nous sommes dans une période où l’on a besoin de sens des responsabilités.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je ne vous le fais pas dire !

M. Guillaume Gontard. Nous souhaitons, nous aurions préféré une abrogation de la réforme des retraites. Cet article ne nous offre qu’une suspension, ou un décalage. Mais nous, nous savons faire des compromis, et les accepter.

Alors, mes chers collègues de la majorité, faites montre d’un tantinet de réalisme, ouvrez les yeux sur l’environnement politique. Il y a eu des élections législatives il n’y a pas si longtemps, me semble-t-il, lors desquelles les retraites ont été au cœur du débat. Chacun de vos candidats à la députation a défendu cette réforme. Et quel en a été le résultat ? Votre score moyen n’a pas dépassé 5,4 %.

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. – Et le vôtre ?

M. Guillaume Gontard. À un moment donné, il faut savoir écouter. Cette réforme des retraites n’a jamais été votée à l’Assemblée nationale.

M. Olivier Rietmann. Elle a été votée ici !

M. Guillaume Gontard. Une écrasante majorité des actifs, 90 % d’entre eux, y sont opposés. Écoutez donc, ne serait-ce qu’un instant, les citoyennes et les citoyens français. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Jadot, sur l’article.

M. Yannick Jadot. Au fond, l’objet de cet article est de soigner une blessure démocratique. Personne n’est satisfait de cette réforme des retraites ni de la façon dont elle a été menée ; même vous qui la souteniez, vous ne pouvez vous satisfaire de la manière dont tout cela s’est passé.

Quand on suscite une telle opposition dans l’opinion publique, en particulier de la part des salariés, quand on triture ainsi nos règles et nos institutions pour faire passer une réforme, on crée une blessure démocratique. Dès lors, notre responsabilité collective, dans le vote qui s’annonce, est moins de trancher que de soigner.

J’imagine, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, que vous défendrez, dans le cadre de la campagne présidentielle de 2027, le recul de l’âge de départ à la retraite jusqu’à 67 ans – cela fait déjà partie de vos propositions. Nous soutiendrons tout autre chose, en l’occurrence l’abrogation de cette réforme. Quoi qu’il en soit, avant que les électeurs ne tranchent ce débat, au vu de l’état du pays aujourd’hui, trouver un compromis, une solution d’apaisement serait tout de même une bonne nouvelle.

En effet, nous sommes tous conscients, d’un côté comme de l’autre, que pour une grande part de nos concitoyens, la démocratie est aujourd’hui comme mise en examen. Depuis trop longtemps, la démocratie que nous défendons légitimement, y compris contre l’extrême droite, ne les protège plus. Les dysfonctionnements de nos institutions et l’impuissance de nos politiques publiques font que beaucoup se sentent relégués et méprisés ; ils ont l’impression que la démocratie, en fait, ne s’occupe plus d’eux. Nous avons le devoir d’y remédier au travers des textes budgétaires qu’il nous revient de voter.

Or que faites-vous ? Vous avez entériné le gel des minima sociaux. Dans quelques jours, vous voterez la réduction du budget des associations ; ce sera la deuxième lame.

M. Yannick Jadot. Franchement, mes chers collègues, ne ratez pas cette occasion d’apaiser le pays et de soigner un tant soit peu cette blessure démocratique. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, sur l’article.

Mme Laurence Rossignol. Il y a quelques instants, notre collègue Bruno Retailleau, pour justifier la suppression de cet article qui suspend la réforme des retraites, invoquait comme premier argument le fait que cette disposition constituerait le prix du compromis passé entre le Gouvernement et les socialistes.

Mais enfin, mon cher collègue, quand bien même ce serait le cas – nous sommes capables de passer un compromis avec le Gouvernement, et celui-ci non seulement avec les socialistes, mais aussi avec tous ceux qui, comme Yannick Jadot vient de l’exposer en détail, sont soucieux de réparer une blessure démocratique –, il ne vous aura tout de même pas échappé que cette réforme suscitait l’hostilité des trois quarts des Français. Même si vous êtes convaincus d’avoir raison, vous ne pouvez éternellement éviter de vous poser la question des conséquences démocratiques d’un tel affrontement avec un si grand nombre de nos concitoyens.

Oui, j’estime que le temps est au compromis ; il importe aujourd’hui que des hommes et des femmes politiques responsables se montrent capables de passer des compromis. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Nous en avons besoin, tant sur le plan social que sur le plan politique.

En effet, notre pays est menacé de toutes parts. Vous le savez, car vous vous intéressez beaucoup aux menaces intérieures ; pour ma part, je m’intéresse beaucoup aux menaces extérieures.

M. Mathieu Darnaud. Nous aussi !

Mme Laurence Rossignol. Nous avons besoin d’un pays qui soit suffisamment fort et uni pour affronter ces menaces, à l’approche d’échéances politiques lourdes et graves.

Il est tout de même plus qu’étonnant, mes chers collègues, que vous nous reprochiez de passer des compromis. Vous n’avez pas moins de six ministres dans ce gouvernement. Nous, socialistes, n’en avons pas un seul, mais nous sommes au moins capables de passer des compromis dans l’intérêt du pays et des Français. Quant à vous, je ne sais trop quel est l’intérêt que vous défendez. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission.

M. Alain Milon, vice-président de la commission des affaires sociales. Je trouve ce débat particulièrement intéressant, mais je dois dire, monsieur le président Kanner, que j’ignorais que vous eussiez une spécialité médicale en psychiatrie et en gériatrie. (Protestations sur les travées du groupe SER.) En effet, vous nous reprochez d’empêcher les gens de vieillir mal, en les forçant à travailler. Mais enfin, ce n’est pas du tout ainsi que les choses se passent. Le travail contribue en bonne partie à la bonne santé, quoi que l’on dise. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)