M. Mickaël Vallet. C'est le cas de le dire !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Ce volet était certes très important, mais les autres sujets n'ont pu être traités, par exemple tout ce qui touche au travail ou à la pénibilité. Lorsque l'on exerce un métier pénible pendant trente, trente-cinq ou quarante ans, comment envisager la poursuite de sa carrière ? Il faut répondre à ces enjeux.

L'un des objectifs de la conférence sur le travail et les retraites est de discuter en profondeur du travail, des conditions de travail, de l'organisation du travail, du vécu au travail, de la rémunération au travail, du rapport au management. Il est primordial de traiter ces problématiques si nous voulons que, dans notre pays, les salariés abordent la dernière partie de leur carrière en bon état physique et mental. Les réponses sur lesquelles nous nous accorderons permettront certainement aux travailleurs d'appréhender plus facilement une poursuite de leur carrière au-delà des limites d'âge fixées aujourd'hui.

En ce qui me concerne, j'ai confiance dans le dialogue social. Si l'on y intègre cette question du travail, en particulier de la pénibilité, le débat a une chance réelle de reprendre et de déboucher sur un accord qui, au fond, réglerait le problème. Si les partenaires sociaux parviennent à un accord, ce dernier devrait pouvoir trouver sa traduction dans la loi – disant cela, je ne préjuge pas des débats qui auront lieu au Parlement.

En cas d'échec, le débat démocratique prendra le relais. On voit bien d'ailleurs que certains partis proposent déjà de nouveaux systèmes de retraite.

Ce temps sera aussi un temps utile. Le sénateur Yannick Jadot a évoqué la prochaine élection présidentielle : tant mieux si les sujets sociaux sont au cœur de la campagne qui s'annonce. On parle des retraites, mais il faudra peut-être aussi parler du financement de la sécurité sociale, dont on voit qu'il est à bout de souffle.

Il s'agit là de sujets fondamentaux pour les Français. Je préfère que ce soient ces enjeux qui soient au cœur du débat politique, plutôt que d'autres, car cela concerne toutes les Françaises et tous les Français, quelle que soit leur génération. Au fond, si c'est le cas, nous n'aurons pas travaillé pour rien : ce matériau ordonné, structuré, au sujet duquel tout le monde accepte de s'écouter sans tabou, permettra de choisir entre des options qui auront fait l'objet de l'évaluation la plus objective possible. Tout cela sera porté au débat et sera tranché de façon démocratique, si les partenaires sociaux n'ont pas su le faire avant. C'est par le débat démocratique que sera décidée l'évolution de la réforme. Évidemment, tout cela a de la valeur.

Par ailleurs, le redressement des comptes de la sécurité sociale fait partie des objectifs du Gouvernement et constitue l'une de ses principales préoccupations. D'un point de vue macroéconomique, la copie du Gouvernement permettait de parvenir à un déficit de 17,5 milliards d'euros. Selon quelles recettes et quelles dépenses ? C'est tout l'objet du débat parlementaire.

La suspension de la réforme des retraites concerne en premier lieu la branche vieillesse. Les finances de celle-ci dérapent cependant moins que celles de la branche maladie, qui, sans mauvais jeu de mots, reste la branche la plus malade. Ce sont les comptes de l'assurance maladie qui sont en effet les plus déficitaires, et ce en raison de la conjonction de deux facteurs déterminants : le vieillissement de la population et le coût croissant des maladies en fin de vie. Cela étant, l'évolution de la démographie a aussi une incidence sur la branche vieillesse, ainsi que sur les retraites.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai écoutés avec attention. J'ai bien vu que la pression était montée d'un cran. Ne vous trompez pas d'enjeu : il s'agit non pas d'être pour ou contre la réforme des retraites, mais pour ou contre sa suspension. (Exclamations sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je reste factuel : l'article 45 bis a trait à la suspension de la réforme des retraites, il n'a pas pour objet la réforme en tant que telle.

Vous l'aurez compris, le Gouvernement est favorable à la suspension de la réforme des retraites ; c'est d'ailleurs pourquoi il a intégré cet article dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Vous ne serez donc pas surpris qu'il émette un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Je souhaite revenir sur les propos qu'a tenus M. Retailleau : les Français doivent travailler plus. Or, en allongeant la durée du travail, mon cher collègue, vous allongez en fait la vie au travail de ceux qui travaillent déjà beaucoup et qui n'ont pas le choix de s'arrêter avant.

Par ailleurs, le déficit caché est une fable irresponsable. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Dans le temps qui m'est imparti, et compte tenu de la technicité du débat, je ne pourrai pas développer mes arguments, mais faut-il vraiment intégrer les retraites des fonctionnaires dans le déficit ? Et dans ces conditions, qui est censé les payer ? Nous aurons l'occasion d'en reparler…

J'ai entendu différents éléments de langage, qui reviennent de plus en plus fréquemment du côté droit de l'hémicycle : il a été question des 35 heures, de la retraite à 60 ans… À cet égard, j'évoquerai des temps encore plus anciens que ceux que mon collègue Kerrouche a rappelés : je vous invite à vous souvenir de l'époque où vos lointains prédécesseurs fustigeaient la fin du travail des enfants qui allait ruiner les entreprises ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.) C'est pourtant ainsi que cela a commencé, non ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous passez de Lamartine à Zola !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C'est insupportable !

Mme Monique Lubin. Je conclurai en saluant la sagesse des propos du vice-président Milon, qui nous a signalé qu'il faudrait débattre d'un certain nombre de sujets que nous n'avons pas encore abordés. Par conséquent, calmons-nous et recommençons à discuter tranquillement.

Mme Monique Lubin. Mes chers collègues, pour apaiser nos débats et ramener un peu de concorde, je vous invite à ne pas voter ces amendements…

M. Olivier Rietmann. On va se gêner !

Mme Monique Lubin. … qui visent à mettre à bas ce à quoi nous sommes parvenus, à savoir appuyer sur le bouton « stop » – et ce n'est pas de la poudre de perlimpinpin, madame le rapporteur. Comme l'a dit M. Duplomb, je souhaite bon courage à ceux qui réappuieront sur le bouton « start » ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je n'avais pas prévu d'intervenir… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, je vais vous donner un bon conseil pour la suite des débats : si vous ne voulez pas que je prenne la parole, c'est simple, arrêtez de dire des mensonges !

Non, mes chers collègues, on ne travaille pas 170 heures de moins que dans les autres pays d'Europe : on travaille, par emploi, exactement le même nombre d'heures.

M. Marc-Philippe Daubresse. N'importe quoi !

Mme Raymonde Poncet Monge. Bien sûr que si ! On travaille même quelquefois un peu plus. Le problème n'est donc pas là.

Arrêtez également de vous référer à un rapport démographique purement physique (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) : le ratio entre actifs et retraités. Nous sommes en train de parler de financement : il faut donc d'abord évoquer la productivité. Le financement est une donnée monétaire, elle n'a rien à voir avec les personnes ! (Mêmes mouvements.)

Et puisque vous avez abordé la question du ratio entre cotisants et retraités – je sais qu'il y a beaucoup de médecins dans cet hémicycle, alors, je préviens de possibles malaises, voire d'éventuels infarctus –, je précise que ce ratio dépend aussi des flux migratoires. Quand on les tarit, ce que n'ont pas fait l'Italie et l'Espagne, on dégrade forcément les comptes de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.

M. Alexandre Ouizille. Depuis quelques jours, je m'interroge sur ce que fait la majorité sénatoriale. Dans ce débat, elle a bizarrement choisi de ne servir à rien.

Elle aurait pu décider de participer à la construction d'un compromis républicain dans ces temps difficiles. Non, elle a rétabli le budget LR traditionnel qu'elle nous sert année après année dans cet hémicycle. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle n'a cherché aucun point de contact avec personne.

Je pense avoir compris pourquoi elle agissait ainsi.

M. Alexandre Ouizille. Mes chers collègues, je pense que vous éprouvez un profond sentiment de fragilité. Et pour cause ! À quelques rues d'ici, à l'Assemblée nationale, qu'ont fait vos collègues Les Républicains il y a quelques semaines ? Ils ont voté le dégel que vous venez de rétablir.

M. Alexandre Ouizille. Qu'ont-ils fait en 2023 ? Pour partie, ils ont voté contre cette absurde réforme des retraites. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. C'est la liberté ! Pas l'embrigadement !

M. Alexandre Ouizille. Dans cet hémicycle, nous sommes votre mauvaise conscience démocratique et sociale. Aujourd'hui, vous ne servez à rien pour le pays. Pour notre part, nous cherchons des moyens pour parvenir à un budget. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur Retailleau, vous faites comme si le compromis était la part maudite de la politique. Pourtant, la situation actuelle impose de trouver des solutions.

Mme Sophie Primas. Allez à l'Assemblée nationale, monsieur ! Vous n'avez rien à faire au Sénat !

M. Alexandre Ouizille. C'est évidemment dommage parce que Les Républicains sont en train de s'abîmer. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.

M. Martin Lévrier. Mes chers collègues, vous essayez de refaire le débat sur la réforme des retraites. Je suis désolé de vous dire que ce n'est pas le sujet. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

M. Martin Lévrier. Je répète ce que j'ai dit tout à l'heure : j'ai défendu cette retraite bec et ongles, mais je reconnais qu'elle est mal née. Le vice-président Milon en a exposé les raisons bien mieux que je ne saurais le faire.

À un moment donné, il nous faudra d'une façon ou d'une autre reprendre cette réforme. C'est la seule vraie question et c'est la plus intéressante.

Le monde va mal, la France ne va pas bien. C'est le sujet qui nous intéresse ce soir et qui nous engage sur le long terme malgré tout. Nous, Sénat, la chambre des compromis,…

M. Marc-Philippe Daubresse. Pas des compromissions !

M. Martin Lévrier. … nous devons sortir de cette panade.

Nous en avons aujourd'hui la possibilité. Pour moi, ce débat est transpartisan : ce n'est pas un débat de partis politiques contre partis politiques. Je suis navré de voir les uns et les autres se lancer des anathèmes.

Il nous faut voter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Si nous n'y parvenons pas, ce sera beaucoup plus grave que ce petit débat sur une réforme des retraites que nous remettrons de toute façon en cause. (Marques d'exaspération sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, je vous demande instamment de réfléchir à ce problème, de ne pas voter pour ou contre pour de mauvaises raisons, et de vous interroger sur ce à quoi sert un compromis. Il y en a eu énormément avec la droite, j'en suis très heureux et très fier. Il y en a maintenant au moins un avec la gauche. Est-ce si dramatique de faire des compromis ?

M. Martin Lévrier. Tout à l'heure, on m'a dit que je faisais du macronisme. Pour ma part, sortir de son couloir pour trouver des solutions, j'appelle cela du panache ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Marie-Pierre de La Gontrie, Laurence Harribey et Véronique Guillotin applaudissent également. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.

Mme Ghislaine Senée. Non seulement vous mentez – et il est important qu'on le dise aux Français –, mais surtout vous faites montre de l'inaction la plus totale. En fait, vous dites que vous n'auriez pas le choix. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C'est à se demander pourquoi vous siégez dans cet hémicycle, puisque vous ne faites que subir.

Quand vous décidez une exonération de 80 milliards d'euros de cotisations sociales pour les entreprises, vous faites pourtant un choix politique : c'est vous qui décidez de vider les caisses.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n'est pas la suspension, c'est « sus aux pensions » ! (Sourires.)

Mme Ghislaine Senée. Quand vous refusez toutes les taxes comportementales qui auraient pu renflouer les caisses de l'État, là encore, vous faites le choix de creuser le déficit.

Quand vous refusez la justice fiscale, quand vous refusez la taxe Zucman qui consiste à taxer les plus riches (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.), là aussi, vous décidez de taper sur les personnes les plus fragiles.

Tout cela, ce sont des choix politiques. Arrêtez de dire que vous n'avez pas le choix ! Cela fait des décennies que vous faites le choix de favoriser les plus riches et, surtout, de mettre à mal notre système social, notre système de sécurité sociale, notre système de retraite. C'est donc un choix.

Vous continuez de mentir désespérément aux Français. C'est pour cela que nous voterons contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Certains s'émeuvent de la violence des mots, quand d'autres revendiquent de ne plus écouter les Français. Nous, nous entendons leur cri et la violence de ce qu'ils vivent au quotidien.

À l'acte II d'Olympie, tragédie de Voltaire écrite il y a plus de 260 ans, Olympie et sa mère se révèlent leur véritable identité. Un grand prêtre dit à la mère d'Olympie :

« Une retraite heureuse amène au fond des cœurs

« L'oubli des ennemis et l'oubli des malheurs. »

Avec ce nouvel acte de cette réforme injuste et brutale des retraites, c'est de cet horizon que vous voulez résolument priver les Français. À l'image de ce qu'il advient à l'acte II de cette tragédie, la droite sénatoriale tombe les masques devant nos concitoyens.

Vous prétendez exercer vos responsabilités. En réalité, vous prenez votre crayon pour écrire une tragédie politique au détriment de notre pays.

M. Marc-Philippe Daubresse. Et vous, vous faites une pantalonnade !

M. Simon Uzenat. Vous ne rejetez pas le compromis, vous l'abhorrez, vous le méprisez.

Vous dites vouloir prendre soin de nos concitoyens. En réalité, vous écrivez une tragédie pour les Français les plus modestes,…

Mme Sophie Primas. Ça va ! On parle de trois mois !

M. Simon Uzenat. … tout particulièrement celles et ceux des territoires ruraux qui ont déjà une espérance de vie inférieure à la moyenne nationale et nos millions de concitoyens qui exercent des métiers pénibles, qui voient leur vie aujourd'hui durement éprouvée. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Rietmann. Ça devient fatigant !

M. Simon Uzenat. C'est à ceux-là que vous envoyez un message d'une violence sociale sans nom, en refusant d'autres sources de financement et en leur déclarant que la retraite heureuse, si jamais un jour ils y ont droit, ne sera pas bien longue.

Finalement, comme dans la mythologie grecque, la droite sénatoriale souhaite imposer aux concitoyens les plus modestes un prix toujours plus élevé pour atteindre la rive d'une retraite méritée. Nos compatriotes méritent plus que jamais que nous leur proposions un autre destin. C'est ce que nous avons fait avec ce compromis à l'Assemblée nationale et c'est ce que nous continuerons résolument à faire ici. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.

M. Yan Chantrel. Beaucoup a été dit sur les travées de la droite, beaucoup de contrevérités, qui illustrent beaucoup de méconnaissance. (Mme Sophie Primas s'esclaffe.)

J'ai ainsi entendu dire que, dans certains pays, l'âge de départ à la retraite était fixé à 67 ans. Comparaison n'est pas toujours raison. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous ne le savez peut-être pas, mais, à système équivalent, dans notre pays, quand un actif n'a pas toutes ses annuités pour bénéficier d'une pension à taux plein, c'est également à 67 ans qu'il peut partir à la retraite. Un grand nombre de nos compatriotes sont déjà concernés, mais cela ira s'accroissant, car les jeunes entrent de plus en plus tard sur le marché du travail et ont des carrières hachées. Voilà une première contrevérité, preuve de votre méconnaissance.

Vous parlez de l'espérance de vie. De quelle espérance de vie parle-t-on pour ceux qui ont exercé les métiers les plus pénibles – les caissières, les femmes de ménage de vos bureaux (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), les salariés dans les industries ? Pour la plupart d'entre eux, elle n'est même pas de 67 ans !

C'est pour cela que cette réforme est aussi impopulaire dans le pays. Elle a été rejetée massivement, elle n'a même pas été votée par l'Assemblée nationale. Vous vous obstinez dans cette violence sociale contre ceux qui ont le moins. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Et nous, nous avons des propositions, car il n'existe jamais une seule politique possible. Affirmer le contraire est faux : il y a toujours plusieurs voies qui s'offrent. Il faut simplement assumer ses choix.

Les vôtres consistent à protéger la rente, cette rente qui s'est accumulée dans notre pays et à laquelle vous refusez de toucher. Nous l'avons constaté tout au long de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : vous avez tapé sur les plus démunis – gel des prestations sociales, gel des retraites… Les salariés aussi, quels que soient leurs revenus, y compris les plus bas, sont tapés au portefeuille !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Mais oui, bien sûr !

M. Yan Chantrel. En revanche, la rente, qui a explosé, vous la protégez ; vous protégez vos amis, alors que c'est précisément là qu'il faudrait aller chercher l'argent pour sauver notre système de retraite. C'est là qu'il se trouve ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.

M. Emmanuel Capus. Je croyais, tout à l'heure, que la gauche et le Rassemblement national étaient enfermés sur une île, une île éloignée. En écoutant Mme Lubin, je comprends qu'en réalité ils sont enfermés non pas sur une île, mais dans le passé.

Notre collègue Lubin est revenue sur les premières lois sociales de 1840.

Mme Monique Lubin. Et alors ?

M. Emmanuel Capus. Je ne sais pas si vous avez saisi la référence : elle est revenue au rapport du bon docteur Louis René Villermé, qui a écrit, en 1840, le Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie. En 1840 ! Vous en êtes encore à cette vision du travail totalement dépassée, mes amis ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Marc-Philippe Daubresse. C'est Germinal !

M. Emmanuel Capus. Le docteur Chasseing nous le rappelle : nous vivons beaucoup plus longtemps et en bien meilleure santé. Il faut donc, comme dans tous les pays du monde, en prendre acte et allonger la durée de travail en conséquence.

Il ne s'agit pas d'un acte de renoncement, monsieur Lévrier. On peut toujours renoncer, on peut toujours suspendre, mais cela n'est jamais arrivé : c'est ce que j'ai voulu dire tout à l'heure. Aucun gouvernement n'a renoncé à la réforme de ses prédécesseurs. Je prends date, mes chers collègues : si la gauche arrive au pouvoir, si le Rassemblement national arrive au pouvoir, aucun d'entre eux ne reviendra sur la réforme que nous avons défendue, et ce pour la très simple raison que ce n'est pas possible ! Dire le contraire est un mensonge. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Il est une deuxième raison, encore plus simple : on ne sacrifie pas les générations futures sur l'autel des générations actuelles. Ce serait irresponsable, ce serait une injustice sociale – pour reprendre les termes grandiloquents que vous avez utilisés – et ce serait enfin, madame Rossignol, immoral. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Je ne souhaitais pas intervenir de nouveau (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), mais comme notre collègue Capus s'adresse aux autres avec toujours autant de condescendance,…

Mme Sophie Primas. Et M. Ouizille, qu'a-t-il fait tout à l'heure ?

M. Éric Kerrouche. … je vais simplement lui donner une petite explication de méthode.

Vous avez répété sans cesse que les choses allaient mieux. Nous devrions, selon vous, partir plus tard à la retraite puisque, en moyenne, nous vivons plus longtemps.

Permettez-moi une mise au point : la moyenne est un indicateur statistique qui écrase les valeurs.

M. Olivier Rietmann. Quand ça vous arrange !

M. Éric Kerrouche. Pour le dire simplement, cela signifie qu'il existe des différences fondamentales entre les individus. La moyenne pour les hommes, la moyenne pour les femmes, la moyenne selon les catégories sociales sont complètement différentes.

Faire croire que tout le monde se situe à la même moyenne, prétendre que cela relève du bon sens, c'est oublier les différences sociales, c'est oublier et masquer combien cette réforme est injuste.

La prochaine fois, je vous invite donc à entrer dans le détail et à ne pas vous contenter de considérations générales et infondées, qui prennent l'apparence d'un bon sens… complètement faux ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Emmanuel Capus. Il faudra le dire à vos amis socialistes espagnols !

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Permettez-moi de formuler deux remarques : l'une sur cette question de la quantité de travail dont on a parlé tout à l'heure ; l'autre sur la stabilité et le chaos.

Pour ce qui concerne la quantité de travail, le vice-président Milon s'est très bien exprimé : pourquoi 1 million de Français ont-ils été rattrapés par le Smic en l'espace de deux ans ?

Pourquoi le niveau de vie d'un Français était-il absolument équivalent à celui d'un Allemand voilà vingt-cinq ans, alors qu'aujourd'hui l'écart est de 7 000 euros par an au profit de l'Allemand ?

Pourquoi pratiquement un quart des Français voient-ils, chaque 16 du mois, leurs comptes passer dans le rouge ?

Parce que nous avons un problème de travail. Les Français ne sont pas des feignants ; simplement, aujourd'hui, le travail ne paie pas suffisamment. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. Akli Mellouli. C'est un problème de salaire !

M. Bruno Retailleau. Il ne paie pas suffisamment, parce qu'une toute petite minorité de ceux qui travaillent supportent une majorité de charges. Demain, si nous voulons redresser le pays, le relever, retrouver davantage de prospérité, il faudra travailler plus, mais avec un travail mieux rémunéré, grâce à une convergence accrue entre le brut et le net. Nous ferons des propositions en ce sens. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.)

Enfin, monsieur le ministre, un mot sur le chaos et la stabilité.

La stabilité ne peut pas être recherchée à n'importe quel prix ; elle ne peut pas relever du « quoi qu'il en coûte ». Suspendre une réforme qui ne posait plus de problème dans le pays, comme l'a très bien rappelé Mme la rapporteure, est un signal terrible. À l'avenir, en 2027, nous savons parfaitement qu'il faudra assumer des réformes exigeantes, des réformes courageuses. Avec cette suspension, vous indiquez à chacun qu'une réforme, demain, même votée, pourra toujours être remise en cause. Il n'y a pas pire instabilité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 128 rectifié nonies, 155 rectifié ter, 716 et 1512 rectifié ter.

J'ai été saisie de quatre demandes de scrutin public émanant, la première, de la commission des affaires sociales, la deuxième, du groupe Les Républicains, la troisième, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, et la quatrième du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 59 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 298
Pour l'adoption 190
Contre 108

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 45 bis est supprimé. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je prends acte du vote bien évidemment souverain du Sénat.

Il faudra peut-être poursuivre la réflexion, car notre affaire est loin d'être terminée. Il se trouve qu'ici, au Sénat, se trouvent des groupes politiques avec lesquels, je l'espère, nous bâtirons la fameuse convergence dont nous avons besoin. Si nous n'y arrivons pas, je ne sais pas si ce sera le chaos, monsieur Retailleau, mais il se passera des choses bizarres et curieuses. Je ne pense pas que cette situation fasse du bien au pays.

Mme Frédérique Puissat. Nous n'en sommes pas responsables !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Personne n'est responsable de rien, mais je voulais tout de même faire passer un message, lancer un appel au recul et à la réflexion. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Francis Szpiner. Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je ne suis pas sûr que la réaction spontanée soit la meilleure des conseillères. Il faut prendre le temps de réfléchir aux étapes suivantes. D'abord, il est indispensable d'aller au bout de ce PLFSS. À défaut, le budget de la sécurité sociale connaîtra l'année prochaine un déficit de 29 milliards d'euros. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Max Brisson. C'est votre problème !

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La démocratie est toujours possible. Cette réforme existe, mais il me semble que certains partis ont déjà pris position pour la faire évoluer. On n'est donc jamais complètement sûr qu'une réforme reste stable. Oui, la stabilité a du bon, monsieur Retailleau.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix,

est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Xavier Iacovelli.)