PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 45 bis.

Article 45 bis
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 46

Après l'article 45 bis

M. le président. L'amendement n° 1761, présenté par Mmes Bélim et Conconne, M. Lurel, Mme Le Houerou, M. Kanner, Mmes Canalès et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Poumirol, Rossignol et Artigalas, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Darras, Mme Espagnac, MM. Féraud et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme Linkenheld, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 45 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 4° du II de l'article L. 114-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... Analysant la situation comparée des Français de la France hexagonale et des Français des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, en tenant compte des différences de montants de pension, de la durée d'assurance respective, de l'impact des écarts de niveaux du salaire minimum de croissance et des années de cotisations des travailleurs indépendants en particulier les artisans et commerçants sur les écarts de pensions. »

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Nous savons qu'il existe des écarts de pension injustes entre l'Hexagone et les outre-mer. Ils résultent d'une accumulation historique d'inégalités structurelles qui ont pesé, et qui pèsent encore, sur la carrière de milliers de travailleurs ultramarins.

Pendant des décennies, dans nos territoires d'outre-mer, le montant du Smic n'a pas été aligné sur le montant national – parfois jusqu'en 1996. Les prestations familiales n'ont été appliquées pleinement qu'à partir des années 1970, et seulement pour certaines catégories de salariés. Pendant longtemps, nos familles ont donc cotisé dans des conditions moins favorables que dans l'Hexagone. Quant aux artisans et commerçants ultramarins, ils ont dû faire face à un régime dérogatoire en matière de cotisations, parfois pénalisant, et ce jusqu'aux années 2000.

Ces réalités, nous ne les inventons pas. Elles sont documentées, vérifiées et toujours ressenties aujourd'hui par ceux qui prennent leur retraite avec des pensions injustement réduites, malgré une vie entière de travail.

Il faut le dire clairement : le système de retraite français n'a jamais traité à égalité les travailleurs ultramarins et les autres. Cette accumulation d'injustices a créé une situation intolérable : les pensions sont plus faibles alors que les carrières sont pourtant identiques.

Cet amendement ne tend pas à instaurer un privilège. Il vise à ce que la République regarde enfin la réalité en face et à ce que le Comité de suivi des retraites analyse, distingue et reconnaisse les écarts de situation entre l'Hexagone et l'outre-mer pour ouvrir la voie à la correction de ces inégalités historiques.

Notre amendement vise simplement à ce que ce même comité analyse enfin, de manière spécifique, les inégalités ultramarines en matière de pension. C'est un enjeu de transparence, de vérité et de justice.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny. rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Le Comité de suivi des retraites informe annuellement le Gouvernement et le Parlement par un avis portant sur la trajectoire du système de retraite sur les inégalités de pension entre les femmes et les hommes ou encore sur l'évolution du pouvoir d'achat des retraités.

Cet amendement tend à étendre l'objet de cet avis aux différences de montant de pension, de cotisation, de durée d'assurance et de niveau de salaire minimum entre l'Hexagone et les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.

Comme l'an dernier, la commission est défavorable à un tel amendement. Le territoire de la République est indivisible et il ne revient pas au Comité de suivi des retraites d'étudier spécifiquement les disparités entre certaines régions. En revanche, il reste toujours possible de solliciter des missions de contrôle sur ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je tiens tout d'abord à rappeler que les règles d'acquisition des droits à la retraite et les règles de calcul des retraites sont similaires entre l'Hexagone et les territoires ultramarins.

Les situations entre collectivités d'outre-mer, y compris au sein d'une même collectivité, sont très diverses. La faiblesse des pensions qui s'observe dans certains territoires, par exemple à La Réunion, mais qui est en voie de réduction, s'explique par des durées de cotisation nettement moins longues et par l'occupation d'emplois moins rémunérateurs.

Toutefois, des mécanismes correctifs et de solidarité atténuent d'ores et déjà les conséquences de cette situation.

Pour l'ensemble de ces raisons, je demande le retrait de cet amendement, qui me semble assez largement satisfait ; à défaut, j'y serai défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour explication de vote.

Mme Audrey Bélim. Encore une fois, il ne s'agit pas là d'un caprice.

Les réalités que nous connaissons sont d'une tout autre nature. J'ose rappeler qu'il y a discrimination lorsque l'on s'échine et que l'on s'oblige à appliquer les mêmes règles à des situations qui, précisément, ne relèvent pas des mêmes réalités. Or les nôtres sont singulières et n'ont été mises à la mesure qu'en 2000, voilà vingt-cinq ans seulement.

Il s'agit non pas d'une demande de crédits supplémentaires ou d'exonération, mais de la rédaction d'un rapport, afin d'apporter, demain, les corrections nécessaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1761.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de huit amendements identiques.

L'amendement n° 158 rectifié bis est présenté par Mmes Micouleau, Richer et Bonfanti-Dossat, MM. Cadec, Cambon, Chaize et Chatillon, Mmes Di Folco et Dumont, MM. Genet et Houpert, Mme Lassarade et MM. Panunzi, Piednoir, Reynaud et Séné.

L'amendement n° 380 rectifié est présenté par Mme Jacquemet, M. J.M. Arnaud, Mme Romagny, M. Fargeot, Mmes Saint-Pé et Guidez, MM. Pillefer et Dhersin, Mmes Billon et Vermeillet et M. Cambier.

L'amendement n° 426 rectifié quater est présenté par M. Roux, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Daubet, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, M. Masset et Mmes Pantel et Girardin.

L'amendement n° 448 rectifié quinquies est présenté par Mmes Antoine et Canayer, M. Courtial, Mme L. Darcos, MM. Haye, H. Leroy, Levi, Menonville et Mizzon et Mmes Muller-Bronn, Nédélec, Perrot, Sollogoub et Vérien.

L'amendement n° 528 rectifié bis est présenté par Mmes Belrhiti, Bellamy et Evren, M. Khalifé et Mmes Joseph et Petrus.

L'amendement n° 1068 est présenté par Mmes Senée, Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L'amendement n° 1113 rectifié quinquies est présenté par Mmes Florennes et Devésa, MM. Duffourg et Henno, Mmes Housseau et Gacquerre, M. Parigi, Mme Bourguignon, M. Delcros, Mme Patru et M. Capo-Canellas.

L'amendement n° 1779 rectifié bis est présenté par MM. Bonneau et Kern.

Ces huit amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 45 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles de calcul déterminant le montant de cette compensation sont réexaminées au moins une fois tous les cinq ans et selon des modalités fixées par décret. Les conclusions de ce réexamen sont transmises au Parlement. »

La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour présenter l'amendement n° 158 rectifié bis.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Cet amendement de repli de Mme Micouleau tend à introduire un réexamen quinquennal de la formule de calcul de la compensation financière des cotisations à la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales).

Les conclusions de ce réexamen seront communiquées au Parlement en vue de traduire, le cas échéant, les évolutions à apporter par la voie législative.

M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour présenter l'amendement n° 380 rectifié.

Mme Annick Jacquemet. Il est défendu !

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l'amendement n° 426 rectifié quater.

M. Michel Masset. Il a été excellemment défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter l'amendement n° 448 rectifié quinquies.

Mme Nadia Sollogoub. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour présenter l'amendement n° 528 rectifié bis.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1068.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il s'agit d'un amendement de Mme Ghislaine Senée.

Le Sénat a débattu ce week-end de l'opportunité d'augmenter massivement, pendant plusieurs années, les cotisations des employeurs pour sauver la CNRACL. C'est la voie empruntée par le Gouvernement, qui a prévu une hausse de trois points par an jusqu'en 2028.

Mais chacun le voit bien : avec cette solution, on est à côté de la plaque. On fait peser sur les collectivités une charge insoutenable, sans traiter deux problèmes de fond : d'abord, un mode de calcul de la compensation démographique profondément biaisé ; ensuite, un écart de cotisations entre titulaires et contractuels qui fragilise le statut et assèche les caisses de la CNRACL.

Cet amendement vise à traiter le premier de ces problèmes, car le cœur du déséquilibre se situe bien dans la formule même de la compensation démographique, qui pénalise la Caisse depuis des années.

Les conclusions qui figurent dans le rapport des inspections générales de l'administration, des affaires sociales et des finances de 2024 sont sans ambiguïté : le calcul actuel est faussé, car il exclut les retraités avant 65 ans et ignore les durées réelles d'affiliation, alors même que les polypensionnés sont de plus en plus nombreux. Tant que ces lacunes ne seront pas corrigées, aucune hausse de cotisation n'assurera un redressement durable.

C'est pourquoi cet amendement, qui a recueilli le soutien des associations d'élus, tend à instaurer un réexamen quinquennal de la formule de calcul de la compensation généralisée vieillesse, avec transmission systématique des conclusions au Parlement, afin d'adapter, si nécessaire, la loi.

Je sais que notre Haute Assemblée n'est pas toujours enthousiaste à l'idée de multiplier les rapports, mais ceux-ci constituent parfois le seul levier dont nous disposons pour corriger des mécanismes opaques et traiter des difficultés structurelles.

Un rapport quinquennal serait pleinement justifié et nous donnerait les moyens d'avancer et de garantir un régime de retraite des fonctionnaires à la fois équitable et soutenable.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour présenter l'amendement n° 1113 rectifié quinquies.

Mme Isabelle Florennes. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1779 rectifié bis n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur ces sept amendements identiques ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Ces amendements ont pour objet d'inscrire dans la loi le réexamen quinquennal des règles déterminant la compensation démographique dont bénéficie la CNRACL.

Mme la rapporteure générale et moi-même avons à cet égard entendu des représentants de l'Igas (inspection générale des affaires sociales) et de l'IGF (inspection générale des finances), qui ont été missionnées par le Premier ministre afin de rendre un rapport sur l'équilibre budgétaire de la CNRACL. Il nous a été indiqué que cette caisse devrait bénéficier de la compensation démographique en 2027 et que le fait de retarder cette échéance, en modifiant dès à présent les règles applicables, pourrait lui être préjudiciable. Autrement dit, une telle modification aurait pour effet de différer le rééquilibrage des comptes de la CNRACL.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La compensation généralisée vieillesse est un dispositif de solidarité entre les régimes de retraite visant à corriger les déséquilibres démographiques apparus au milieu des années 1970 du fait des mutations économiques et de la convergence des affiliés vers le régime général. Une modification des paramètres de calcul de ladite compensation en faveur de la CNRACL aboutirait, en l'état, à des effets de bord trop importants sur d'autres régimes, en particulier sur le régime général.

Par ailleurs, au regard de la dégradation du ratio démographique de cette même caisse, les dernières prévisions anticipent l'extinction de la contribution de ce régime à partir de 2027 ou 2028, date à laquelle il bénéficierait lui-même du mécanisme de compensation entre les régimes de retraite.

Aussi, je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j'y serai défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 158 rectifié bis, 380 rectifié, 426 rectifié quater, 448 rectifié quinquies, 528 rectifié bis, 1068 et 1113 rectifié quinquies.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 969 rectifié, présenté par Mme Jacquemet, MM. Bleunven et Duffourg, Mme Romagny, M. Fargeot, Mmes Saint-Pé et Guidez, MM. Menonville, Pillefer et Dhersin, Mmes Billon et Vermeillet et MM. Cambier et Folliot, est ainsi libellé :

Après l'article 45 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 161-18-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-18-... ainsi rédigé :

« Art. L 161-18-.... – Lorsque le retraité réside à l'étranger, sa pension ne lui est versée qu'à la condition qu'il se présente, chaque année, en personne, devant les autorités consulaires françaises ou devant toute personne morale ou physique agréée par elles, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Si cette condition n'est pas remplie, le versement est immédiatement interrompu. »

La parole est à Mme Annick Jacquemet.

Mme Annick Jacquemet. Selon la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), près de 1,2 million de retraités français résident à l'étranger, soit 8,2 % d'entre eux. Rapportées au volume total des bénéficiaires et des prestations versées, l'ensemble des prestations susceptibles d'être exposées à un risque spécifique de fraude représentent ainsi près de 10 milliards d'euros.

Comme le souligne la Cour des comptes, les risques de fraude aux prestations vieillesse concernent particulièrement les pensions versées à des personnes retraitées vivant à l'étranger, en raison de la possible dissimulation des décès ou de leur déclaration tardive.

Dans le cadre d'un programme spécial lancé en 2022 à Alger par le Gouvernement afin de vérifier l'existence des retraités presque centenaires, près de 30 % des 1 000 personnes âgées de plus de 98 ans qui avaient été convoquées ne se sont pas présentées, ce qui a entraîné la suspension du versement de leurs pensions.

Une telle situation montre combien il est essentiel de renforcer les mesures de contrôle à l'égard des retraités résidant hors de France.

Cet amendement tend donc à prévoir que chaque bénéficiaire doit se présenter annuellement devant les autorités consulaires françaises ou les personnes physiques ou morales qu'elles ont agréées.

M. le président. L'amendement n° 1248, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :

Après l'article 45 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 161-24 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « existence » , sont insérés les mots : « auprès des services de l'ambassade de France ou d'un consulat français présents sur le territoire du pays de résidence, qui en réfèrent » ;

b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités d'application du premier alinéa sont précisées par décret, et doivent assurer la réalisation d'un contrôle physique de l'existence du bénéficiaire. »

2° Au début de l'article L. 161-24-1, sont ajoutés les mots : « Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 161-24, ».

3° À la fin de l'article L. 161-24-2, les mots : « ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai fixé par décret » sont remplacés par les mots : « est effective dès l'expiration d'un délai d'un mois après la date à laquelle cette justification était attendue ».

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Bien que la branche vieillesse de notre système de protection sociale soit moins fortement affectée par la fraude, elle n'en est pas pour autant épargnée.

Alors que les Français se sont vu imposer un recul de leur âge de départ à la retraite – dont nous avons longuement débattu tout à l'heure –, de telles fraudes sont d'autant plus inacceptables.

Cet amendement tend donc à modifier le code de la sécurité sociale, afin que les démarches que le bénéficiaire d'une pension de vieillesse résidant hors de France est tenu d'effectuer pour prouver qu'il est toujours en vie soient accomplies auprès des services de l'ambassade ou d'un consulat de France établi dans le pays de résidence.

En outre, nous proposons de modifier ledit code, afin que la suspension du versement de la pension intervienne à l'expiration d'un délai d'un mois en cas de non-respect de cette obligation.

M. le président. L'amendement n° 1249, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :

Après l'article 45 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre 1er du titre VI du livre I du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le paragraphe 6 de la sous-section 4 de la section 1 est complété par deux articles ainsi rédigés :

« Art. L. 161-24-4. – Les organismes de retraite obligatoire peuvent procéder à un contrôle physique de l'existence des bénéficiaires de pensions de retraite résidant dans un pays ne faisant pas l'objet d'échanges informatisés de données d'état civil avec la France.

« Ces contrôles portent en priorité sur les assurés âgés de plus de 85 ans et ceux dont les situations présentent un risque particulier de versement indu.

« Ce contrôle exige la présence physique de l'assuré devant un agent des organismes de retraite, un agent consulaire français ou un partenaire local dûment habilité.

« La liste des pays faisant l'objet d'échanges informatisés de données d'état civil et les modalités de contrôle sont fixées par décret. »

« Art. L. 161-24-5. – En cas de non-présentation de l'assuré à un contrôle d'existence prévu à l'article L. 161-24-4 dans un délai de trois mois suivant la convocation, les organismes de retraite obligatoire peuvent suspendre le versement de la pension de retraite.

« La suspension est maintenue jusqu'à ce que l'assuré se présente à un nouveau contrôle physique établissant son existence effective.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article, notamment les conditions de la convocation et les cas de force majeure justifiant un report du contrôle. »

II. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 septembre 2026, un rapport sur l'état d'avancement des négociations en vue de la conclusion d'accords d'échanges de données informatisés d'état civil avec les pays à fort enjeu financier, notamment l'Algérie, le Maroc et la Tunisie.

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. En mai 2025, le dernier rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale a mis en évidence de graves dysfonctionnements dans le contrôle des preuves d'existence des retraités résidant hors de France.

Les indus sur les pensions versées à l'étranger s'élevaient à 43 millions d'euros en 2021, soit 28 % des indus de la branche vieillesse, alors même que ces pensions ne représentent que 2,7 % des prestations versées.

Les contrôles physiques menés en Algérie ont mis en exergue une situation alarmante : 27 % des assurés convoqués âgés de plus de 90 ans ne se sont jamais présentés ; sur 588 décès constatés lors d'une opération de contrôle systématique, la moitié était antérieure à la date de convocation de l'assuré, soit l'équivalent d'un préjudice de 1 million d'euros pour la Cnav pour cette seule opération.

La Cour évalue le risque de paiements indus entre 40 millions et 80 millions d'euros pour l'Algérie et à 12 millions d'euros pour le Maroc.

L'extrapolation des non-conformités constatées sur les certificats d'existence conduit à une estimation globale du risque de versements indus de 200 millions d'euros, dont 130 millions d'euros pour le régime général et 70 millions d'euros pour l'Agirc-Arrco.

Pourtant, les contrôles physiques d'existence ne couvrent actuellement qu'une infime partie des assurés : moins de 3 % des retraités résidant au Maroc et à peine plus de 1 % de ceux vivant en Algérie ont fait l'objet de tels contrôles.

Cet amendement tend à mettre en œuvre la recommandation n° 25 du rapport de la Cour des comptes, qui vise à renforcer les contrôles anti-fraude « dans les pays sans échanges de données informatisés sur les décès, en privilégiant la présence physique de la personne contrôlée ».

La mesure prévoit également qu'aucune remise en paiement ne puisse intervenir en cas de non-présentation sans qu'un nouveau contrôle physique ait été réalisé, comblant ainsi une lacune majeure du dispositif actuel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Pascale Gruny, rapporteur. Les retraités qui perçoivent des pensions relevant d'un régime français et qui vivent à l'étranger sont tenus de fournir annuellement une preuve de vie ; à défaut, le versement de leur pension est suspendu.

L'an dernier, nous avons assoupli les modalités de cette preuve en permettant le recours à la biométrie via des applications sur smartphone, tout en restreignant la liste des autorités habilitées à rapporter une telle preuve pour privilégier les relais diplomatiques et, ainsi, éviter les risques de corruption.

Les amendements nos 969 rectifié et 1248 tendent à imposer aux assurés résidant à l'étranger de se présenter une fois par an au consulat. L'amendement n° 1248 vise également à prévoir la suspension du versement de la pension dans un délai d'un mois.

L'amendement n° 1249 a quant à lui pour objet de permettre aux organismes de retraite de procéder à des contrôles physiques.

La commission est défavorable à l'ensemble de ces amendements, car nombre de nos compatriotes concernés sont très âgés et ne peuvent se déplacer aisément. En outre, il est particulièrement complexe pour les caisses de retraite d'organiser des contrôles à l'étranger.

L'an dernier, j'ai consacré beaucoup de temps à tenter de concilier l'exigence de disposer d'une preuve de vie et ces contraintes, et c'est précisément la raison pour laquelle nous avons mis en place la biométrie, ce qui n'a d'ailleurs pas été simple. Car vous avez évoqué le Maroc et l'Algérie, monsieur Hochart, mais nous avons aussi des compatriotes qui résident en Amazonie ; il n'est pas facile de les y joindre ni de les y voir.

Nous avons réellement cherché à garantir qu'il ne soit pas versé de pensions à des personnes qui ne sont plus en vie, tout en tenant compte de ces situations. En l'occurrence, l'adoption de ces amendements risquerait d'imposer des règles supplémentaires venant complexifier le dispositif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Je partage en grande partie les arguments de Mme la rapporteure.

Les dispositifs de biométrie sont désormais en place, ou sur le point de l'être, ce qui constitue l'un des moyens les plus fiables pour contrôler l'existence des pensionnés résidant à l'étranger.

Que les choses soient très claires : nous partageons pleinement votre volonté de lutter contre la fraude. D'ailleurs, vous avez examiné récemment un projet de loi sur ce thème ; la navette est en cours. Qu'il n'y ait pas de malentendu : nous partageons le même objectif.

Pour ce qui est des outils, le recours à la biométrie nous paraît constituer une bonne réponse. Je citerai un chiffre qui m'a impressionné : nos consulats auraient sans doute beaucoup de difficultés à recevoir les 1,4 million de Français vivant à l'étranger… Une telle contrainte représenterait une charge considérable pour eux.

Pour des raisons pratiques, la biométrie est donc la bonne option. La présence physique est, quant à elle, très difficile à organiser, en particulier dans certaines zones.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Le sujet est important, personne ne le conteste, mais j'invite nos collègues à se référer aux débats que nous avons eus l'année dernière.

En toute franchise, Mme la rapporteure a accompli un travail exemplaire, qui a permis de véritablement renforcer les contrôles. Je voterai donc contre l'adoption de ces amendements, non pas parce que l'enjeu manquerait d'importance, mais parce qu'il a déjà été traité en profondeur l'an dernier : nous sommes allés au bout du dispositif.

Je souhaitais, à cet égard, remercier encore Mme la rapporteure pour le travail accompli. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je précise que mon intervention concerne l'amendement n° 969 rectifié de Mme Jacquemet, et cet amendement seulement.

Année après année, les amendements se suivent et se ressemblent qui portent sur la supposée fraude des retraités étrangers. Déjà, en 2025, la droite de l'Assemblée nationale était parvenue à faire adopter un amendement similaire à celui que nous examinons. Il n'avait pas survécu à la navette parlementaire, et pour cause : fort peu utile et peu opérationnel, il était de nature essentiellement idéologique.

En 2024, la Cnav, quelque peu pressée par vous, a lancé une enquête sur plus de trois mille dossiers à l'étranger. Seulement deux cents ont été identifiés comme suspects et, in fine, à peine seize cas de fraude ont été mis au jour pour 70 000 euros de manque à gagner, ce qu'il convient évidemment de condamner. Selon la Cnav, l'explication est simple : les retraités résidant à l'étranger perçoivent en moyenne une pension de 300 euros par mois au titre du régime général, et leur effectif est en diminution.

Au-delà de la faiblesse des gains espérés, la disposition proposée aura surtout un coût qui risque d'en neutraliser tous les bénéfices financiers, puisqu'elle suppose de multiplier les moyens humains des consulats.

De l'aveu même de Pascal Brindeau, qui, j'y insiste, a été député UDI et rapporteur de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, le risque d'embouteillage causé par une mesure semblable à celle que vous proposez est avéré.

Par ailleurs, une expérimentation de la Cnav est déjà en cours dans certains pays comme l'Algérie et le Maroc. Ainsi, la Caisse nationale d'assurance vieillesse a noué un partenariat avec une banque algérienne et la Caisse marocaine de retraite pour lutter contre la fraude aux prestations vieillesse.

Bref, s'il faut effectivement lutter contre la fraude, est-il pour autant nécessaire d'augmenter les dépenses des consulats, alors que des mesures sont en cours de mise en œuvre ?