L'amendement n° 1033 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L'amendement n° 1223 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 1033.

Mme Raymonde Poncet Monge. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (LFSS) comportait une disposition permettant aux organismes de gestion du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) d'entériner une logique d'« aller vers » en contactant directement les personnes concernées. Or, selon la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath), à ce jour, le décret d'application n'a toujours pas été publié – les sapeurs-pompiers ne sont pas les seuls à avoir été oubliés, mes chers collègues –, ce qui prive des milliers de victimes d'un accès rapide à l'indemnisation de droit.

Il est pris acte dans l'exposé des motifs du présent article de la non-publication de ce décret : « S'agissant du Fiva, dont les dépenses ont fortement progressé depuis 2023, il est anticipé en 2026 la poursuite du ralentissement de la progression du nombre de demandes d'indemnisation liées à des demandes spontanées (- 4 %), qui serait toutefois compensé par la mise en œuvre des démarches de lutte contre le non-recours que le Fiva pourra déployer après publication du décret d'application de l'article 89 de la LFSS pour 2024. La combinaison de ces deux effets conduirait à une hausse de la demande globale de 4,7 %. [...] Il est proposé de fixer la dotation de la branche AT-MP à 387 millions d'euros pour 2026. »

Ainsi, alors même qu'il est reconnu dans cet exposé des motifs que la publication du décret entraînerait une hausse des demandes et des dépenses, le présent article fixe une dotation bien en deçà de ce qui serait nécessaire.

Le présent amendement d'appel vise à demander la publication, dans les plus brefs délais, du décret d'application de l'article 89 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et un ajustement de la dotation du Fiva à la hauteur des besoins.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l'amendement n° 1223.

Mme Céline Brulin. Il s'agit là encore d'un amendement d'appel.

Nous souhaitons exprimer notre incompréhension et notre désapprobation face à la diminution, cette année encore, des crédits du Fiva, lesquels passeront de 465 millions d'euros en 2025 à 387 millions d'euros pour 2026.

L'amiante continue de rendre malade, notamment à cause du mésothélium, voire de tuer. C'est particulièrement vrai dans mon département, où vivent des salariés qui ont travaillé dans la construction navale, la métallurgie, ou qui sont calorifugeurs dans les zones pétrochimiques.

Chacun le sait ici, les maladies liées à l'amiante peuvent se déclarer de quinze à quarante ans après l'exposition. Ces malades ont encore besoin d'être soutenus. Baisser les crédits de ce fonds est donc une mesure à la fois cynique et inacceptable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Ces amendements d'appel visent à supprimer la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) au Fiva. Ce n'est bien sûr pas souhaitable, car cela ferait obstacle à l'indemnisation des victimes de l'amiante, puisque la branche AT-MP est le financeur quasi exclusif du fonds.

Je profite de cette occasion pour rappeler, madame la ministre, que l'État doit impérativement multiplier les efforts en faveur du Fiva, comme le Sénat le demande depuis plus de trois ans. Il n'est pas normal, a fortiori alors que la branche AT-MP est en déficit, que l'État accorde moins de 2 % des financements publics à ce fonds.

Rappelons que la branche AT-MP n'a pas à indemniser les fonctionnaires ou les victimes environnementales, qui représentent au total 20 % des bénéficiaires du Fiva.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le Fiva est en effet très important, et le Gouvernement s'est engagé à ce qu'il bénéficie des crédits nécessaires ; ceux-ci ont d'ailleurs été augmentés en 2025. Pour autant, les prévisions en matière de demandes d'indemnisation pour 2026 ont conduit à une enveloppe en baisse.

Le décret que vous avez évoqué, madame la sénatrice Poncet Monge, permettra d'« aller vers » les personnes à risque, de les identifier et de prévenir le non-recours. Il est actuellement en cours d'examen par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et devrait être publié début 2026.

Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1033 et 1223.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 1224, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Avec cet amendement, nous tenons à souligner l'aberration relative à la compensation de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Alors que la commission chargée de l'évaluation de la sous‑déclaration des AT-MP a évalué que le montant de cette sous-déclaration se situait, en 2024, dans une fourchette comprise entre 2 milliards d'euros et 3,8 milliards d'euros, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 limite, comme l'an dernier, le montant du versement annuel de la branche AT-MP au titre de cette sous-déclaration au profit de la branche maladie à 1,6 milliard d'euros.

Le présent article illustre particulièrement bien la construction politique du déficit de la sécurité sociale, au détriment de la prise en charge des assurés sociaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Même si elle se montre critique face à l'ampleur du transfert à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP – je me suis souvent exprimée en ce sens –, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement d'appel.

L'existence d'un transfert au titre de la sous-déclaration est légitime sur le fond, ce phénomène étant bien étayé. Il convient toutefois de faire en sorte que ce transfert ne se traduise pas pour la branche par une charge insurmontable, qui obérerait ses capacités d'agir en faveur de la prévention et de la réparation des risques professionnels.

À cet égard, sa tendance à la hausse quasi exponentielle a de quoi interroger, eu égard au manque de fiabilité des données sur lesquelles se fonde le transfert.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. La commission chargée de l'évaluation de la sous‑déclaration des AT-MP, qui s'est réunie au cours du premier semestre de 2024, s'appuie sur des études épidémiologiques récentes permettant d'estimer la prévalence ou l'incidence des pathologies d'origine professionnelle. Rappelons qu'elle est composée d'experts scientifiques indépendants et présidée par un magistrat de la Cour des comptes.

En se fondant sur des données scientifiques actualisées, cette commission a conclu que le montant de la sous-déclaration des AT-MP se situait dans une fourchette comprise entre 2 milliards d'euros et 3,8 milliards d'euros.

Aussi, le montant du versement annuel de la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration au profit de la branche maladie, établi à 1,6 milliard d'euros, identique à celui de 2025, est cohérent avec la trajectoire d'augmentation définie dans le rapport de ladite commission ; pour autant, l'équilibre financier de la branche AT-MP n'est pas fragilisé.

Ce montant reflète le choix fait par le Gouvernement de converger vers la borne inférieure de l'estimation de la commission, qui était à 2 milliards d'euros pour 2027, afin de prendre en compte l'actualisation des évaluations faites par ladite commission.

La suppression de ce transfert ne paraît donc pas opportune et irait à l'encontre des études disponibles.

Avis défavorable

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Il nous faut attendre quasiment la fin de l'examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, à minuit vingt-cinq, pour parler des accidents du travail et des maladies professionnelles, un sujet qui nous a préoccupés tout au long de nos débats.

Chaque année est opéré un versement de la branche AT-MP vers la branche maladie, maternité, invalidité et décès pour tenir compte des dépenses supportées au titre des accidents du travail non pris en charge.

Vous nous dites, monsieur le ministre, qu'un rapport sur le sujet est remis tous les trois ans – le dernier date de 2024 –, et que le montant de la sous-déclaration des AT-MP se situe dans une fourchette comprise entre 2 milliards d'euros et 3,8 milliards d'euros.

Pendant douze ans, la branche AT-MP a été excédentaire. Pour la première fois, elle va faire face à un déficit.

Pourquoi ne s'est-on pas fondé, lors des périodes où la branche était excédentaire, sur une estimation, même basse, de la sous-déclaration ? Jamais la fourchette haute n'a été prise en compte pour évaluer le montant des transferts ; nous parlons tout de même d'un report de charges sur la branche maladie...

Par ailleurs, nous avons proposé, au cours des débats sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, de soumettre à des surcotisations les entreprises dont le taux de sinistralité est très élevé, ou qui n'imposent pas à leurs sous-traitants de diminuer le nombre des accidents du travail des salariés. Le sujet est lié !

Alors qu'un nouveau plan Santé au travail (PST) 2026-2030 va nous être présenté, il faudrait finir par prendre en compte la qualité de vie au travail, mais aussi la sur-sinistralité dans certains secteurs ! Même si des efforts ont été faits, nous devons les accroître dans le domaine de la santé au travail.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je remercie M. le ministre d'avoir rappelé la scientificité de l'estimation faite par la commission chargée de l'évaluation de la sous‑déclaration des AT-MP. Nous ne pouvons plus accepter d'entendre que ces chiffres ne sont pas connus. On sait qu'il y a une fourchette, assez large, du fait des diverses hypothèses de prise en charge.

Or, si rien n'est fait, cette fourchette aura tendance à s'élargir encore. Je rappelle que certaines pathologies, liées aux risques psychosociaux, ne sont pas intégrées dans l'estimation de la sous‑déclaration des AT-MP. Pour qu'elles soient prises en considération, il suffirait de demander aux salariés si les tâches qu'ils effectuent correspondent à leurs convictions éthiques, notamment environnementales, ou si leur travail respecte les règles de l'art, etc. Cela se mesure !

Merci aussi d'avoir rappelé que cette estimation ne saurait être considérée comme une vérité relative, ce qui serait une position anti-scientifique.

Enfin, pourquoi ne pas converger vers le milieu de la fourchette ? La branche AT-MP, qui est en déficit – nous en reparlerons –, sous-estime ce qu'elle devrait reverser à la branche maladie, qui est encore plus en difficulté.

En outre, je le rappelle, certains travailleurs se voient privés de leurs droits au titre de la reconnaissance d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle à cause de cette sous-déclaration.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1224.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 50.

(L'article 50 est adopté.)

(À suivre)