M. Yannick Jadot. Exactement !

Mme Stéphanie Rist, ministre. Je pose simplement la question ; ce n’est pas un tabou…

Un avis de la Haute Autorité de santé (HAS) serait utile pour trancher le débat scientifique sur les cures thermales ; or nous n’en disposons pas.

L’inscription des 200 millions d’euros d’économies nous permet de débattre démocratiquement de ce sujet ; à défaut, les amendements que nous allons examiner n’auraient pas été recevables.

Je le dis depuis le début de notre discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur ce point comme sur celui des franchises, lesquels font l’objet de deux mesures réglementaires dont le montant est exprimé en chiffres dans l’Ondam : nous verrons au cours de la navette parlementaire, après la première puis la nouvelle lecture, à combien s’élèvera in fine le déficit global de la sécurité sociale.

Sera-t-il de 20 milliards d’euros, conformément à l’objectif que nous nous sommes fixé ? S’il pouvait se situer en deçà, ce serait mieux. Un déficit à hauteur de 20 milliards pour 2026, ce n’est pas rien… Si nous parvenons, à la fin de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, à rendre une copie qui comporte suffisamment de mesures d’économies, alors je n’aurai pas besoin de prendre le décret relatif aux cures thermales, pas plus que celui relatif aux franchises.

J’y insiste, je ne signerai pas de décret sur les cures thermales tant que nos échanges ne seront pas terminés. Nous devons débattre.

J’entends bien tous les parlementaires qui, à l’Assemblée nationale et au Sénat, disent ne pas vouloir de cette mesure. Pour autant, je le répète, ce sujet n’est pas tabou.

Je rappelle que nous proposons non pas de dérembourser totalement les cures, comme cela avait été prévu par le passé, mais de diminuer le taux de remboursement par l’assurance maladie, ce qui n’empêche pas un remboursement par les organismes complémentaires. En cas de déremboursement total, lesdits organismes n’auraient pas la possibilité de prendre en charge ces dépenses des patients.

Le décret est donc prêt, mais s’il paraît, ce ne sera pas avant la fin de nos débats.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, vous venez de nous confirmer que l’Ondam était une construction : on part des dépenses de l’année dernière, on regarde combien il y a d’argent pour cette année, et on essaie de faire rentrer des rectangles dans des carrés, en forçant pour y arriver. Il s’agit donc d’un exercice purement comptable…

Nous aurions aimé, pour notre part, examiner un projet structurel sur cinq ans, voire sept, huit ou dix ans, afin d’avoir une vision à long terme de ce que doit être l’offre de soins et, aussi, de retrouver l’équilibre budgétaire.

Car, nous aussi, nous souhaitons que les comptes soient équilibrés, parce que la sécurité sociale est une conquête formidable et qu’il faut la défendre. Nous savons également que, pour parvenir à cet équilibre, il nous faut faire des économies en réfléchissant aux questions de pertinence des soins et d’efficience ; nous en sommes tous conscients, du moins, il me semble.

Pour autant, on ne résoudra pas le problème de l’Ondam avec des petites recettes de cuisine. Il s’agit d’un problème de fond.

Quel projet veut-on mettre en place pour préserver la santé de nos concitoyens ? Nos collègues écologistes ont insisté sur la nécessité de disposer, pour le XXIe siècle, d’un véritable projet de prévention, qui tienne compte de l’ensemble des facteurs et permette d’avoir une autre vision de la santé. À défaut, seul demeurerait le sentiment que l’on cherche à tuer la sécurité sociale… Les assureurs privés sont aux aguets, prêts à prendre le relais.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la ministre, la réponse que vous venez de donner sur les mesures nouvelles qui seraient prévues par le texte accroît l’insincérité de ce budget.

D’ailleurs, je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas de mesures nouvelles dans ce texte – ou alors, je me suis mal exprimée – ; j’ai indiqué que ce projet de budget, hors mesures nouvelles, tendait mécaniquement à augmenter de près de 4 %. Cela fait consensus.

Vous m’avez répondu que des mesures nouvelles étaient bien prévues.

Je rappelle que, dans les précédents projets de loi de financement de la sécurité sociale, les mesures nouvelles étaient toujours financées par les mesures d’efficience des dépenses relatives aux achats, à la mutualisation, au virage ambulatoire, etc. Or les dispositions nouvelles que vous annoncez pour 2026 ne sont pas financées puisque, en l’occurrence, les mesures d’efficience sont surévaluées… En réalité, ces dernières mesures financent l’évolution de l’Ondam de 4 % à 1,6 %, laquelle constitue une diminution factice.

S’il est bien vrai que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale contient autant de mesures nouvelles que vous le dites, le niveau de l’Ondam devrait être encore plus élevé.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour explication de vote.

Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la ministre, en février dernier, ma collègue Corinne Féret et moi-même étions rapporteures de la proposition de loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique – dite maladie de Charcot – et d’autres maladies évolutives graves, déposée par Gilbert Bouchet, Philippe Mouiller et plusieurs de leurs collègues.

Je vous avais interpellée il y a quelques semaines pour savoir où en étaient les arrêtés d’application de cette loi ; il s’agit en effet d’arrêtés, et non de décrets, comme vous me l’avez confirmé. Qu’en est-il ?

Je souhaite rappeler, en outre, que le Sénat avait voté à l’unanimité pour que les malades atteints de cette maladie bénéficient d’une prise en charge spécifique. Il s’agit d’une urgence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. J’ai eu le plaisir d’organiser, au cours des deux dernières années, les journées parlementaires du thermalisme, lesquelles ne s’étaient plus tenues depuis très longtemps.

Madame la ministre, nous ne demandons pas de financer, avec les 230 millions d’euros que vous prévoyez d’économiser, toute une activité économique, mais de faire en sorte que les soins dispensés lors des cures thermales soient remboursés.

La réalité de ce service médical rendu (SMR) a été attestée au travers d’une soixantaine d’études cliniques. Aussi le curiste est-il considéré, dans nombre de stations thermales, non pas comme un touriste qui viendrait s’amuser pendant trois semaines, mais comme un patient. Ces semaines de cure ne sont pas des vacances à la charge du contribuable. Il est dommage de devoir préciser cela aujourd’hui…

Vous nous avez dit par ailleurs, dans la nuit de samedi à dimanche dernier, que la France était le dernier pays à rembourser les cures thermales. C’est totalement faux ! (Mme Anne-Sophie Romagny et M. Olivier Rietmann simpatientent.) Plusieurs pays – notamment l’Italie et l’Autriche – font de même. En Allemagne, 250 stations thermales sont fréquentées par 5 millions de curistes, dont les soins sont remboursés.

Il est inutile d’énoncer des contrevérités pour justifier une décision que l’on souhaite prendre.

Une tribune visant à dénoncer le déremboursement des cures thermales a été signée par plus de 110 000 personnes, parmi lesquelles figurent des maires et des responsables de station thermale, qui sont vent debout contre cette décision. S’y exprime non pas seulement un sentiment d’inquiétude, mais bien une colère.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, même si l’heure est tardive, nous avons un beau débat de fond (M. Olivier Rietmann sagace.), qui permet de revenir à l’essentiel.

Nous pouvons dire, à la suite de nombre de nos collègues, que le système est à bout de souffle. Vous n’en portez certes pas la responsabilité, puisque vous n’êtes ministre que depuis peu de temps.

Ce pilotage par la dépense, de façon comptable, de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, est arrivé à son terme. Nous devons travailler à l’élaboration d’une autre solution – c’est le message que les divers orateurs vous ont adressé.

Le système actuel maltraite tout le monde.

Il maltraite d’abord les professionnels de santé, qui n’ont pas les moyens d’agir. En effet, lorsque l’on dit que les dépenses ont dépassé les objectifs, on laisse à penser qu’ils n’ont pas bien travaillé, alors que c’est tout l’inverse : ils font face à d’importants besoins de santé auxquels ils essaient de répondre.

Il maltraite aussi les équipes de direction qui, pour une très grande partie d’entre elles, font le maximum alors qu’elles sont déjà à l’os.

Avec mon collègue Dany Wattebled, rapporteur de la commission d’enquête sur les coûts et les modalités effectifs de la commande publique, que je préside, nous avons rencontré des responsables de groupement hospitalier de territoire (GHT) et d’établissement hospitalier : ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas faire plus. Ils en sont réduits à décaler le paiement des fournisseurs pour payer les salaires.

Nous devons changer de système, madame la ministre, travailler sur des objectifs nationaux de santé publique et nous fixer un cap. Il s’agit de se mettre d’accord sur une trajectoire, puis de définir les moyens adéquats.

Chacun devra faire des efforts, bien évidemment. Mais si nous sommes d’accord sur les objectifs, alors les sacrifices à consentir, notamment en renonçant à des exonérations et en recherchant des recettes supplémentaires, seront justifiés.

Dans cet hémicycle, comme dans le pays, il y a un consensus sur les objectifs à atteindre, et ce travail devra être conduit sur le moyen et le long terme. Il nous semblait important de rappeler ces défis. (M. Mickaël Vallet applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 718 et 1788.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 49 est supprimé, et l’amendement n° 1790, les amendements identiques nos 19 rectifié, 1122 rectifié bis et 1386 rectifié bis, ainsi que les amendements nos 1758, 1235, 1789, 1222 et 1791 n’ont plus d’objet.

Article 49
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 51

Article 50

I. – Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est fixé à 387 millions d’euros au titre de l’année 2026.

II. – Le montant de la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au financement du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante est fixé à 374 millions d’euros au titre de l’année 2026.

III. – Le montant du versement mentionné à l’article L. 176-1 du code de la sécurité sociale est fixé à 1,6 milliard d’euros au titre de l’année 2026.

IV. – Les montants mentionnés à l’article L. 242-5 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 751-13-1 du code rural et de la pêche maritime couvrant les dépenses supplémentaires engendrées par les départs en retraite à l’âge fixé en application de l’article L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale et les dépenses supplémentaires engendrées par le dispositif mentionné à l’article L. 4163-1 du code du travail sont fixés, pour l’année 2026, respectivement à 223 millions d’euros et à 13,79 millions d’euros.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1033 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L’amendement n° 1223 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 1033.

Mme Raymonde Poncet Monge. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (LFSS) comportait une disposition permettant aux organismes de gestion du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) d’entériner une logique d’« aller vers » en contactant directement les personnes concernées. Or, selon la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath), à ce jour, le décret d’application n’a toujours pas été publié – les sapeurs-pompiers ne sont pas les seuls à avoir été oubliés, mes chers collègues –, ce qui prive des milliers de victimes d’un accès rapide à l’indemnisation de droit.

Il est pris acte dans l’exposé des motifs du présent article de la non-publication de ce décret : « S’agissant du Fiva, dont les dépenses ont fortement progressé depuis 2023, il est anticipé en 2026 la poursuite du ralentissement de la progression du nombre de demandes d’indemnisation liées à des demandes spontanées (- 4 %), qui serait toutefois compensé par la mise en œuvre des démarches de lutte contre le non-recours que le Fiva pourra déployer après publication du décret d’application de l’article 89 de la LFSS pour 2024. La combinaison de ces deux effets conduirait à une hausse de la demande globale de 4,7 %. […] Il est proposé de fixer la dotation de la branche AT-MP à 387 millions d’euros pour 2026. »

Ainsi, alors même qu’il est reconnu dans cet exposé des motifs que la publication du décret entraînerait une hausse des demandes et des dépenses, le présent article fixe une dotation bien en deçà de ce qui serait nécessaire.

Le présent amendement d’appel vise à demander la publication, dans les plus brefs délais, du décret d’application de l’article 89 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et un ajustement de la dotation du Fiva à la hauteur des besoins.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 1223.

Mme Céline Brulin. Il s’agit là encore d’un amendement d’appel.

Nous souhaitons exprimer notre incompréhension et notre désapprobation face à la diminution, cette année encore, des crédits du Fiva, lesquels passeront de 465 millions d’euros en 2025 à 387 millions d’euros pour 2026.

L’amiante continue de rendre malade, notamment à cause du mésothélium, voire de tuer. C’est particulièrement vrai dans mon département, où vivent des salariés qui ont travaillé dans la construction navale, la métallurgie, ou qui sont calorifugeurs dans les zones pétrochimiques.

Chacun le sait ici, les maladies liées à l’amiante peuvent se déclarer de quinze à quarante ans après l’exposition. Ces malades ont encore besoin d’être soutenus. Baisser les crédits de ce fonds est donc une mesure à la fois cynique et inacceptable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Ces amendements d’appel visent à supprimer la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) au Fiva. Ce n’est bien sûr pas souhaitable, car cela ferait obstacle à l’indemnisation des victimes de l’amiante, puisque la branche AT-MP est le financeur quasi exclusif du fonds.

Je profite de cette occasion pour rappeler, madame la ministre, que l’État doit impérativement multiplier les efforts en faveur du Fiva, comme le Sénat le demande depuis plus de trois ans. Il n’est pas normal, a fortiori alors que la branche AT-MP est en déficit, que l’État accorde moins de 2 % des financements publics à ce fonds.

Rappelons que la branche AT-MP n’a pas à indemniser les fonctionnaires ou les victimes environnementales, qui représentent au total 20 % des bénéficiaires du Fiva.

La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Stéphanie Rist, ministre. Le Fiva est en effet très important, et le Gouvernement s’est engagé à ce qu’il bénéficie des crédits nécessaires ; ceux-ci ont d’ailleurs été augmentés en 2025. Pour autant, les prévisions en matière de demandes d’indemnisation pour 2026 ont conduit à une enveloppe en baisse.

Le décret que vous avez évoqué, madame la sénatrice Poncet Monge, permettra d’« aller vers » les personnes à risque, de les identifier et de prévenir le non-recours. Il est actuellement en cours d’examen par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et devrait être publié début 2026.

Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1033 et 1223.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 1224, présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Avec cet amendement, nous tenons à souligner l’aberration relative à la compensation de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles.

Alors que la commission chargée de l’évaluation de la sous-déclaration des AT-MP a évalué que le montant de cette sous-déclaration se situait, en 2024, dans une fourchette comprise entre 2 milliards d’euros et 3,8 milliards d’euros, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 limite, comme l’an dernier, le montant du versement annuel de la branche AT-MP au titre de cette sous-déclaration au profit de la branche maladie à 1,6 milliard d’euros.

Le présent article illustre particulièrement bien la construction politique du déficit de la sécurité sociale, au détriment de la prise en charge des assurés sociaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Pierre Richer, rapporteure. Même si elle se montre critique face à l’ampleur du transfert à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP – je me suis souvent exprimée en ce sens –, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement d’appel.

L’existence d’un transfert au titre de la sous-déclaration est légitime sur le fond, ce phénomène étant bien étayé. Il convient toutefois de faire en sorte que ce transfert ne se traduise pas pour la branche par une charge insurmontable, qui obérerait ses capacités d’agir en faveur de la prévention et de la réparation des risques professionnels.

À cet égard, sa tendance à la hausse quasi exponentielle a de quoi interroger, eu égard au manque de fiabilité des données sur lesquelles se fonde le transfert.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. La commission chargée de l’évaluation de la sous-déclaration des AT-MP, qui s’est réunie au cours du premier semestre de 2024, s’appuie sur des études épidémiologiques récentes permettant d’estimer la prévalence ou l’incidence des pathologies d’origine professionnelle. Rappelons qu’elle est composée d’experts scientifiques indépendants et présidée par un magistrat de la Cour des comptes.

En se fondant sur des données scientifiques actualisées, cette commission a conclu que le montant de la sous-déclaration des AT-MP se situait dans une fourchette comprise entre 2 milliards d’euros et 3,8 milliards d’euros.

Aussi, le montant du versement annuel de la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration au profit de la branche maladie, établi à 1,6 milliard d’euros, identique à celui de 2025, est cohérent avec la trajectoire d’augmentation définie dans le rapport de ladite commission ; pour autant, l’équilibre financier de la branche AT-MP n’est pas fragilisé.

Ce montant reflète le choix fait par le Gouvernement de converger vers la borne inférieure de l’estimation de la commission, qui était à 2 milliards d’euros pour 2027, afin de prendre en compte l’actualisation des évaluations faites par ladite commission.

La suppression de ce transfert ne paraît donc pas opportune et irait à l’encontre des études disponibles.

Avis défavorable

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Il nous faut attendre quasiment la fin de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, à minuit vingt-cinq, pour parler des accidents du travail et des maladies professionnelles, un sujet qui nous a préoccupés tout au long de nos débats.

Chaque année est opéré un versement de la branche AT-MP vers la branche maladie, maternité, invalidité et décès pour tenir compte des dépenses supportées au titre des accidents du travail non pris en charge.

Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’un rapport sur le sujet est remis tous les trois ans – le dernier date de 2024 –, et que le montant de la sous-déclaration des AT-MP se situe dans une fourchette comprise entre 2 milliards d’euros et 3,8 milliards d’euros.

Pendant douze ans, la branche AT-MP a été excédentaire. Pour la première fois, elle va faire face à un déficit.

Pourquoi ne s’est-on pas fondé, lors des périodes où la branche était excédentaire, sur une estimation, même basse, de la sous-déclaration ? Jamais la fourchette haute n’a été prise en compte pour évaluer le montant des transferts ; nous parlons tout de même d’un report de charges sur la branche maladie…

Par ailleurs, nous avons proposé, au cours des débats sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, de soumettre à des surcotisations les entreprises dont le taux de sinistralité est très élevé, ou qui n’imposent pas à leurs sous-traitants de diminuer le nombre des accidents du travail des salariés. Le sujet est lié.

Alors qu’un nouveau plan Santé au travail (PST) 2026-2030 va nous être présenté, il faudrait finir par prendre en compte la qualité de vie au travail, mais aussi la sur-sinistralité dans certains secteurs. Même si des efforts ont été faits, nous devons les accroître dans le domaine de la santé au travail.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je remercie M. le ministre d’avoir rappelé la scientificité de l’estimation faite par la commission chargée de l’évaluation de la sous-déclaration des AT-MP. Nous ne pouvons plus accepter d’entendre que ces chiffres ne sont pas connus. On sait qu’il y a une fourchette, assez large, du fait des diverses hypothèses de prise en charge.

Or, si rien n’est fait, cette fourchette aura tendance à s’élargir encore. Je rappelle que certaines pathologies, liées aux risques psychosociaux, ne sont pas intégrées dans l’estimation de la sous-déclaration des AT-MP. Pour qu’elles soient prises en considération, il suffirait de demander aux salariés si les tâches qu’ils effectuent correspondent à leurs convictions éthiques, notamment environnementales, ou si leur travail respecte les règles de l’art, etc. Cela se mesure.

Merci aussi d’avoir rappelé que cette estimation ne saurait être considérée comme une vérité relative, ce qui serait une position anti-scientifique.

Enfin, pourquoi ne pas converger vers le milieu de la fourchette ? La branche AT-MP, qui est en déficit – nous en reparlerons –, sous-estime ce qu’elle devrait reverser à la branche maladie, qui est encore plus en difficulté.

En outre, je le rappelle, certains travailleurs se voient privés de leurs droits au titre de la reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle à cause de cette sous-déclaration.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1224.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 50.

(Larticle 50 est adopté.)

Article 50
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026
Article 52

Article 51

Pour l’année 2026, l’objectif de dépenses de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles est fixé à 18,0 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1037 est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.

L’amendement n° 1225 est présenté par Mmes Brulin, Apourceau-Poly, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 1037.

Mme Raymonde Poncet Monge. Il convient de s’interroger sur la raison des difficultés rencontrées par la branche AT-MP.

Selon l’annexe du PLFSS, cette branche sera déficitaire pour la première fois en 2026, de près d’un milliard d’euros, « du fait notamment de la baisse des taux de cotisation prévus par la réforme des retraites en contrepartie de la hausse de celles de la branche vieillesse pour 0,7 milliard d’euros ». Certes, ce n’est pas la seule cause du déficit, mais c’est une cause centrale.

Le déficit de cette branche assurantielle est un danger pour l’ensemble des droits des travailleurs victimes d’AT-MP et pour la poursuite d’une politique de prévention en la matière.

Ainsi, la trajectoire financière de la branche ne permet plus, selon nous, de maintenir les dispositions prises lors de la réforme de 2023, sauf à creuser encore le déficit et à conduire la branche dans une impasse problématique, au détriment du maintien des droits des travailleurs et alors que la mise en œuvre de l’accord national interprofessionnel (ANI) entraîne les dépenses à la hausse.

Cette trajectoire déficitaire met également en péril la capacité à compenser les sous-déclarations d’AT-MP à la branche maladie.

Il est donc urgent que la branche AT-MP retourne à l’équilibre et que l’on revienne, par conséquent, sur les dispositions de la réforme de 2023 qui ont contribué à l’apparition de ce déficit. Faire peser la hausse des cotisations vieillesse sur une autre branche était une décision qui, je l’ai déjà dit, n’avait aucun sens.

J’y insiste, il faut revenir sur ces dispositions, d’autant que l’argument selon lequel la branche AT-MP était excédentaire ne tient plus face aux déficits à venir.

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 1225.