Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce sujet est très complexe.
D'abord, nous avons estimé que la disposition adoptée à l'Assemblée nationale représentait un surcroît de recettes pour l'État de 500 millions d'euros.
Mme Christine Lavarde. Oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Or, comme on ne crée pas 500 millions d'euros de revenus supplémentaires pour les pères, cela représente 500 millions d'euros de pension alimentaire en moins. En effet, le taux moyen d'imposition des bénéficiaires de la pension alimentaire étant beaucoup plus faible – je suis la première à m'en offusquer – que celui des personnes qui les versent, si l'on fiscalise celui qui donne plutôt que celui qui reçoit, l'État gagne 500 millions, une somme qui bénéficie actuellement aux ménages qui les perçoivent.
Cela me gêne, parce que nous luttons – et je pense que nous avons ce combat en commun – pour assurer des moyens suffisants aux parents seuls, souvent des femmes, qui élèvent des enfants. Cette disposition, inspirée par des principes légitimes et compréhensibles, conduirait, dans le système fiscal qui est le nôtre aujourd'hui, à diminuer de facto de 500 millions d'euros les pensions alimentaires versées.
Ensuite, si ces amendements, destinés à corriger cet effet de bord, étaient adoptés, il faudrait revoir les barèmes des juges.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Oui…
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Sans un ajustement majeur des barèmes utilisés dans les juridictions, les pensions alimentaires versées diminueront de 500 millions d'euros. Ce n'est pas exactement le cas de votre amendement, madame Brossel, mais je souhaitais préciser le contexte en préambule, afin que chacun sache de quoi l'on parle.
Votre amendement est différent ; il y est question de quotient familial, de modalités d'attribution de la pension alimentaire. Il pose de nombreuses difficultés, que je ne vais pas détailler une par une, sans quoi on y passerait trop de temps – on pourra y revenir si vous le souhaitez –, mais il y en a une qui est importante, c'est la question de l'âge des enfants. Cet argument vaut d'ailleurs aussi pour l'amendement n° I-1256 de M. Savoldelli.
Si le dispositif que tend à prévoir votre amendement était appliqué à des parents d'enfants majeurs, il en résulterait une double imposition : pour simplifier, on fiscaliserait le père et la mère. Tel qu'est rédigé votre amendement, c'est bien cela qui se passerait ; c'est un problème majeur.
Nous pouvons nous pencher et travailler ensemble sur cette question – ce serait une réforme de grande ampleur –, mais, je le répète, sans révision du barème des juges, l'adoption de ces amendements entraînerait une diminution de facto des pensions alimentaires perçues et utilisables par celles, souvent des femmes, qui élèvent les enfants seules.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme Nadège Havet. Je retire mon amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° I-1660 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Eh bien, je prends la balle au bond, madame la ministre !
Dès qu'un ministre nous propose une rencontre pour discuter des familles monoparentales, mes collègues Béatrice Gosselin, Dominique Vérien, la présidente de la délégation au droit des femmes, et moi-même saisissons l'occasion. Nous serons donc ravies de venir vous voir pour avancer sur ce sujet.
Mme Colombe Brossel. Même le 3 si vous voulez…
Monsieur le rapporteur général, nous ne nous connaissons pas très bien, mais je me ferai un plaisir de vous envoyer le rapport d'information que Béatrice Gosselin et moi-même avons rédigé pour la délégation, pour que nous examinions le sujet ensemble.
D'abord, il n'y a pas un seul barème, les amis, il y en a deux et c'est l'un des sujets qui posent problème : celui de la CAF (caisse d'allocations familiales) et celui du ministère de la justice ; ils sont radicalement différents et même contradictoires. Dans la vie quotidienne des mères solo, cela pose de véritables problèmes. Passez donc le message à vos collègues, madame la ministre ; il est temps de retravailler ces barèmes.
Je le répète, les conclusions du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge ne sont pas exactement celles que vous avez exposées, monsieur le rapporteur général.
Surtout, le plus choquant, venant d'une ministre qui défend une orientation politique et économique libérale, c'est le paradoxe auquel on aboutit avec vos arguments : il est plus intéressant pour une mère solo de percevoir l'ASF, versée par la solidarité nationale, que la pension alimentaire qui lui est due, quand le parent non gardien assume ses responsabilités.
Pardon de vous le dire, madame la ministre, mais c'est assez choquant ; la solidarité nationale doit certes exister en cas de défaillance du parent non gardien, mais, la règle, c'est que le parent non gardien doit assumer. En ne mettant pas en œuvre la défiscalisation des pensions alimentaires, on contraint la solidarité nationale à assumer. La solidarité nationale doit assumer quand le parent non gardien est défaillant, mais non parce qu'on n'arrive pas à faire évoluer le code général des impôts. (M. Victorin Lurel applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Tout d'abord, je précise un point : nous pensions que l'un des amendements en discussion commune était mieux rédigé et nous envisagions de retirer le nôtre à son profit ; cela fait plusieurs fois que ce sujet revient dans l'hémicycle.
Ensuite, il va falloir qu'on précise, tôt ou tard, ce que veut dire « effet de bord ».
M. Thierry Cozic. Oui !
M. Pascal Savoldelli. En finance, il y a l'effet de levier, nous le connaissons tous ici, c'est le fait d'utiliser l'endettement pour augmenter le rendement de son investissement dans une entreprise. Tout le monde sait ce qu'est l'effet de levier. L'effet de bord, j'ai du mal à saisir ce que c'est, mais peut-être par manque de culture, de savoir.
Par ailleurs, il y a, depuis un bon moment, un malentendu sur le sujet qui nous occupe : certains considèrent que la pension alimentaire est un revenu et non un transfert de la solidarité nationale au bénéfice de l'enfant. Nous avons là un problème. Vous considérez la pension alimentaire comme un revenu imposable pour la mère, ce qui revient à transformer le droit de l'enfant en assiette d'une recette fiscale. Ce n'est pas qu'un débat fiscal, il s'agit d'un choix de société. C'est cela qui a motivé le dépôt de ces amendements en discussion commune.
Monsieur le rapporteur général, vous nous faites souvent, dans ce genre de débats sur l'impôt sur le revenu, des reproches sur le thème : « Vous, les communistes, vous défendez des dispositifs qui favorisent les femmes aisées ! » Franchement ! Ce n'est pas le sujet ! La différence entre femmes aisées et femmes plus pauvres est traitée au travers de la fiscalité, de la progressivité de l'impôt sur le revenu ; c'est un autre débat.
Enfin, je tiens à dire qu'une mère qui ne reçoit pas de pension ne bénéficie d'aucun avantage fiscal.
Nous allons débattre pendant des heures et des jours d'exonérations fiscales, de niches fiscales.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
M. Pascal Savoldelli. Nous aurons sur ce sujet des accords ou des désaccords, mais une femme seule, je le répète, n'a pas, elle, d'avantage fiscal. Tel est le sens de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Ce débat n'est pas nouveau, ni à l'Assemblée nationale, où il a même donné lieu à un vote, ni ici.
J'ai une question sur notre processus de travail. J'ai bien compris la méthodologie du Premier ministre, qui nous dit « Nous proposons, vous débattez, vous votez. » Par conséquent, quelle est la proposition du Gouvernement sur ce sujet de société, qui touche des centaines de milliers de familles ? Nous aurions aimé avoir un amendement du Gouvernement sur ce sujet, à la suite du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale.
Nous sommes chaque fois obligés de reporter, sur votre demande, notre décision – je précise d'emblée que nous souhaitons que ces amendements soient mis aux voix, nous ne les retirerons pas –, mais il y a là une faille politique. Ce problème, qui est une question de société, aurait pu être tranché par un amendement du Gouvernement, sur lequel nous aurions pu trouver un point d'accord.
Je m'étonne de ce trou dans la raquette sur un sujet aussi important pour nombre de nos concitoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Nous voterons contre ces amendements, non pas parce que nous serions pour un rééquilibrage quelconque de la fiscalité à l'intérieur des foyers qui se séparent, mais parce que l'adoption de ces amendements aurait pour conséquence, par un « petit » effet de bord, comme l'a indiqué Mme la ministre, d'augmenter les recettes de l'État de 500 millions d'euros !
Mme Colombe Brossel et M. Thierry Cozic. Non !
Mme Christine Lavarde. Vous qui ne cessez d'invoquer la justice fiscale, expliquez-moi où est la justice ici !
Comme l'indiquait la ministre, quand le juge aux affaires familiales détermine le niveau d'une pension alimentaire, il tient compte des revenus de chacun des deux parents. Il aurait donc fallu, à tout le moins, que les dispositifs que vous proposez portent sur le futur ; en l'état, ils auront un effet rétroactif sur toutes les décisions des juges aux affaires familiales prises par le passé.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je ne reviens pas sur le fond du débat, je pense que vous avez compris la position du Gouvernement.
Néanmoins, monsieur Kanner, sur un sujet de cette importance, le Gouvernement considère que, si l'on veut changer les règles, alors il faut le faire au travers d'une véritable réforme, d'un texte spécifique, qui englobe tous les enjeux : le recouvrement des pensions, la fiscalité et même – M. Martin Lévrier l'a abordé au travers de son amendement – ce que l'on inclut ou non dans le revenu fiscal de référence. Une telle réforme – j'ai bien entendu vos propos, madame Brossel – intégrerait également un travail sur les barèmes, certains d'entre eux ne prenant pas toujours en compte des situations légitimes.
Pour le dire clairement, il ne me semble pas opportun de faire une telle réforme au détour d'un amendement tendant à insérer un article additionnel dans le PLF, car elle dépasserait largement le périmètre des comptes publics.
Je ne peux m'engager pour mes collègues ni pour le Premier ministre, mais cette réforme globale pourrait être intéressante et faire – pourquoi pas – l'objet d'un texte du Gouvernement. En tout état de cause, le problème ne sera pas réglé par voie d'amendement.
Monsieur Savoldelli, qu'est-ce qu'un effet de bord ? Prenons un exemple. On veut aider les femmes qui élèvent seules des enfants et dont nous connaissons les difficultés au travers d'une disposition fiscale. Effet de bord de cette disposition : 500 millions d'euros de pensions alimentaires en moins. Il ne me semble pas que ce soit l'objectif des auteurs de cet amendement.
Voilà ce que j'appelle un effet de bord ; c'est un effet en cascade, un effet en chaîne, en effet collatéral, qui advient lorsqu'une proposition, même si elle part d'une bonne intention, a des conséquences involontaires. Elle peut même aller jusqu'à produire un effet contraire à celui qui était escompté.
Je serai donc toujours, au cours de nos débats, la plus claire possible sur les effets en cascade des amendements. Il faut que vous puissiez être éclairés sur toutes les conséquences qui pourraient en découler.
Voilà ce que je souhaitais ajouter dans ce débat certes important, qui touche un grand nombre d'enfants, mais qui ne peut pas être réglé par cette proposition, laquelle, j'y insiste, aurait des effets de bord dans le cadre actuel.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je pense que notre vote sur ces amendements différera, monsieur Kanner, mais il y a un point sur lequel nous sommes d'accord : du fait des conséquences durables de la dissolution – cette décision malheureuse –, quand les budgets arrivent au Sénat, il y a finalement peu de matière.
On peut donc ressentir, au cours de ce débat comme dans d'autres, une forme de frustration, quel que soit le sujet ; nous parlons là de fiscalité et de famille, cela sera vrai aussi sur la sécurité, la défense ou encore l'agriculture.
Nous devons chaque fois combler le manque d'informations, de projets, de décisions du Gouvernement, afin de permettre au Parlement d'avoir un débat de fond, par exemple sur une réorientation de la politique familiale. Je l'ai toujours dit, la fiscalité, dans quelque domaine que ce soit, n'est pas le support adéquat d'une grande politique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Briquet. Madame la ministre, s'il nous semble en effet totalement injuste de fiscaliser les pensions perçues, nous ne proposons nullement, au travers de notre amendement n° I-645, de fiscaliser la pension du côté du verseur.
Je ne comprends donc pas votre réponse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. J'irai dans le même sens.
Une certaine incompréhension a pu naître de la discussion commune sur ces amendements ; le nôtre ne va pas du tout dans le même sens que les autres. En effet, nous ne proposons une fiscalisation ni de la mère ni du père. Tout ce débat est donc incompréhensible.
Je suis d'accord avec Mme la ministre sur les conséquences qui découleraient de l'imposition du père : les mères percevraient une pension inférieure. Donc, attention !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. En effet, cet amendement diffère des deux précédents. (Voilà ! sur les travées du groupe SER.) Je ne voulais pas ralentir excessivement nos débats, mais il faut que je sois précise.
Votre amendement, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe SER, me pose un autre problème. Je vais me permettre de le dire un peu crûment, en prenant toutes les précautions qui s'imposent, mais l'adoption de cet amendement créerait un gain fiscal en cas de divorce. (Sensation.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Bien vu !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce serait pour le moins bizarre, car il y aurait alors une masse de revenus qui ne serait imposée ni d'un côté ni de l'autre. Vous l'aurez bien compris, je prends toutes les précautions langagières possibles, car le sujet est délicat, mais une telle disposition reviendrait ni plus ni moins à favoriser la fraude, puisqu'il faut bien appeler les choses par leur nom.
M. Patrick Kanner. Vous voyez le mal partout !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je le dis avec beaucoup de prudence, mais un tel dispositif doit être encadré.
C'est pourquoi je préférerais, monsieur Kanner, que l'on ait plutôt une réflexion d'ensemble sur le sujet. La proposition de votre groupe est intéressante. Elle relève un peu de la même logique que l'octroi d'une part fiscale à la personne qui a l'enfant en garde alternée ou en garde totale, qui permet une forme d'exonération de facto.
Au fond, il serait plus pertinent de proposer d'augmenter le quotient familial dans les situations que vous ciblez ; ce quotient serait bonifié quand on est seul. C'est complexe, mais peut-être cela recouvre-t-il une réalité.
En tout état de cause, vous proposez en l'espèce de transférer des masses de revenus qui ne seraient assujetties à aucun impôt. Malheureusement, notre pays est prompt à inventer des niches qui deviennent rapidement des sources de fraude. Cela n'est pas votre intention, mais c'est une réalité.
Bref, il faut y réfléchir de manière beaucoup plus globale. Par conséquent, oui, si nous avons un budget, je suis prête à vous recevoir dès le 3 janvier prochain – ou plutôt le 5, qui est un lundi –, afin d'envisager ces travaux d'envergure.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-2625 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-2587 rectifié, présenté par M. Canévet, Mme Havet, MM. Folliot, Dhersin, Courtial, Longeot, Delcros, Bleunven et L. Hervé et Mmes Saint-Pé et Guidez, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. L'instauration du dispositif de la rupture conventionnelle du contrat de travail a été très positive, mais, quand on discute avec de nombreux chefs d'entreprise, on s'aperçoit qu'il donne lieu à certains abus. J'invite donc le Gouvernement à lancer une réflexion sur ce sujet, car il faut absolument éviter les effets d'aubaine. Les situations qui nous sont rapportées ne sont pas toutes acceptables ; je pense notamment au fait de recourir à ce dispositif pour toucher les indemnités de chômage.
J'en viens à l'objet de mon amendement, qui est tout autre, puisqu'il s'agit de fiscaliser l'indemnité de rupture conventionnelle, ce qui paraît logique.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. D'abord, à ce jour, l'exonération d'impôt sur le revenu que vous visez n'est ni inconditionnelle ni illimitée.
Ensuite, en supprimant cette exonération, on supprimerait aussi le caractère incitatif de la rupture conventionnelle pour chacune des parties, le salarié comme l'employeur. Or cet outil a été mis en place pour offrir une certaine souplesse.
Enfin, l'adoption de votre amendement entraînerait une différence de traitement, puisque, nous l'avons déjà dit, les indemnités de licenciement sont exonérées d'impôt sur le revenu, mais dans certaines limites.
En tout état de cause, ce sujet relève, à mon sens, de la discussion entre les partenaires sociaux, dans le cadre d'un conclave ou non…
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. C'est un sujet très pertinent, monsieur le sénateur, sur lequel un certain nombre de propositions ont d'ailleurs été faites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En effet, nous avons constaté que près de 25 % des dépenses de l'assurance chômage sont liées aujourd'hui aux ruptures conventionnelles. C'est sans doute un bon mécanisme, mais nous devons nous assurer qu'il garde une logique assurantielle et ne devienne pas une habitude dans le traitement des deniers de la solidarité nationale. Il y a une part de solidarité, mais aussi une part d'assurance dans notre système ; il faut que nous gardions la logique assurantielle.
Les partenaires sociaux travaillent actuellement sur l'enjeu de la rupture conventionnelle. Le Gouvernement a reçu un certain nombre de rapports, dont certains préconisent d'abaisser le plafond de l'exonération d'impôt sur le revenu qui existe actuellement. Cela me paraît intéressant.
Votre amendement est un amendement d'appel, monsieur le sénateur. Le sujet ne me paraît pas mûr. Je ne pense pas, en tout état de cause, qu'il soit pertinent de supprimer toute exonération. Nous devons bien articuler en la matière le PLF et le PLFSS.
Ce dispositif peut être amené à évoluer au cours de prochaines semaines, mais, à ce stade, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Michel Canévet. Je retire mon amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° I-2587 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-2123, présenté par MM. Gay, Barros, Savoldelli et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au c du 2° du I de l'article 81 A du code général des impôts, les mots : « au registre international français » sont remplacés par les mots : « sous pavillon français ».
II. – Le I s'applique à compter du 1er janvier 2026.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Cet amendement vise à corriger une incohérence profonde de notre fiscalité maritime.
Aujourd'hui, l'exonération prévue à l'article 80 A du code général des impôts, destinée aux marins naviguant plus de 183 jours par an hors de leur foyer fiscal, est réservée aux seuls navires inscrits au registre international français. Or un navire immatriculé en France et armé pour les voyages internationaux peut être placé sous trois registres : le premier registre, le registre international français (RIF) ou le registre de Wallis-et-Futuna. Sur les navires immatriculés sous ces différents registres, les marins accomplissent exactement les mêmes missions de service et de transport international.
L'objet de cet amendement est d'étendre aux 500 marins des navires de croisière inscrits au registre de Wallis-et-Futuna et aux 150 marins relevant de la recherche océanographique inscrits au premier registre les droits octroyés aujourd'hui aux seuls navires de service offshore, de transport de marchandises et de matières premières.
Tous naviguent au même rythme, dans les mêmes conditions, avec les mêmes brevets maritimes, sous le même pavillon français, et, pourtant, seuls ceux qui sont embarqués sur les navires du RIF bénéficient de l'exonération fiscale prévue à l'article 81 A du code général des impôts. C'est une source d'inégalité entre marins français.
Dans ce contexte, nous proposons une solution simple et juste : remplacer la référence restrictive au RIF par les termes : « sous pavillon français ». Cela permettra d'aligner le régime fiscal de tous les marins français naviguant à l'international, quelles que soient les modalités administratives de leur registre.
Cet amendement ne tend pas à instaurer un privilège ; il rétablit au contraire l'égalité de traitement entre marins, la cohérence du droit et la compétitivité du pavillon français face à une concurrence internationale très forte.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. À bas les privilèges ! (Sourires.)
La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. J'allais dire : « Même avis », monsieur le rapporteur général ! (Nouveaux sourires.)
Il existe aujourd'hui un régime dérogatoire, qu'il ne me semble pas utile, en tout cas pas facile, d'étendre, puisque nous ne disposons d'aucune évaluation chiffrée des conséquences de l'extension de ce régime à l'ensemble du pavillon français.
Par ailleurs, le registre international français concerne des navires très exposés à la concurrence internationale. En outre, les marins embarqués sur des navires immatriculés au RIF ont un régime de travail qui les éloigne du territoire pendant de longues périodes, ce qui n'est pas le cas des marins des autres registres. Songeons aux compagnies de ferry, par exemple, dont les marins sont rarement plus de quarante-huit heures loin de chez eux.
Je ne vois pas bien pourquoi les marins des compagnies de ferry devraient être soumis à ce régime dérogatoire ; ce n'est pas du tout le même monde et l'exonération existante n'a pas été conçue pour ce cadre. Le système me paraît aujourd'hui bien stabilisé.
En revanche, pour être honnête, il y a un sujet autour du registre de Wallis-et-Futuna. C'est d'ailleurs l'objet des amendements suivants. Aussi, je vous propose de concentrer notre débat sur la simple extension de notre régime plus favorable à ce registre.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est à présent l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En commission, nous avons décidé d'émettre un avis favorable sur les amendements suivants, qui ont un objet plus restreint. Cet avis aidera les uns et les autres à déterminer leur vote.
Sur cet amendement, l'avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, de votre clin d'œil sur les privilèges.
M. Olivier Rietmann. Nous sommes tous d'accord, ici !
M. Pascal Savoldelli. Je vous invite à réutiliser cette formule à d'autres moments de nos débats sur ce texte…
Nous ne doutons pas de la sincérité de votre réponse, madame la ministre. Nous allons donc retirer notre amendement, mais nous serons vigilants sur les effets de bord ou en cascade des amendements suivants.
Je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-2123 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-160 rectifié est présenté par Mme Jacques, M. Darnaud, Mmes Lavarde et Aeschlimann, MM. Anglars, Bacci et Bazin, Mmes Bellamy, Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Bruyen, Buffet, Burgoa, Cadec et Cambon, Mmes Canayer et Chain-Larché, MM. Chaize, Chatillon et Chevrollier, Mme Ciuntu, MM. Daubresse, de Legge, de Nicolaÿ et Delia, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Dumas, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, M. Gueret, Mmes Imbert, Josende et Joseph, M. Klinger, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Le Rudulier et H. Leroy, Mmes Lopez et Malet, MM. Mandelli et Margueritte, Mmes P. Martin et M. Mercier, M. Michallet, Mme Micouleau, MM. Milon et Mouiller, Mmes Mouton et Muller-Bronn, M. Naturel, Mme Nédélec, MM. Panunzi, Paul, Paumier, Pernot, Perrin et Piednoir, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin et Reynaud, Mme Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Séné, Sido, Sol, Somon et Szpiner, Mmes Valente Le Hir et Ventalon et MM. C. Vial et J.P. Vogel.
L'amendement n° I-2122 est présenté par MM. Gay, Barros, Savoldelli et Lahellec, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le c du 2° du I de l'article 81 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« d) Navigation à bord de navires armés au commerce et immatriculés au registre de Mata'Utu, ».
II. – Le I s'applique à compter du 1er janvier 2026.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Micheline Jacques, pour présenter l'amendement n° I-160 rectifié.
Mme Micheline Jacques. Cet amendement vise à rétablir l'égalité fiscale entre les marins français embarqués sur des navires immatriculés au registre de Mata'Utu, à Wallis-et-Futuna, et ceux dont le navire est inscrit au registre international français (RIF).
Alors que les marins du RIF bénéficient d'une exonération d'impôt sur le revenu, les marins de Mata'Utu en sont exclus, créant une inégalité devant l'impôt contraire au principe d'égalité inscrit à l'article 81 A du code général des impôts.
Le registre de Mata'Utu, régi par un ensemble de textes nationaux, constitue un pavillon français reconnu pour sa sécurité, sa conformité aux normes internationales Solas (Safety of Life at Sea) et STCW (International Convention on Standards of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers) et sa compétitivité dans le secteur de la croisière.
Depuis l'ordonnance de 2016, le droit applicable aux gens de mer à Wallis-et-Futuna s'aligne largement sur la Convention du travail maritime, garantissant des conditions sociales conformes aux standards internationaux tout en préservant la compétitivité des compagnies françaises, notamment la Compagnie du Ponant et Le Club Med.
Le Gouvernement s'était d'ailleurs engagé, lors du comité interministériel de la mer (CIMer) en 2018, à faire du registre de Mata'Utu le registre de référence pour la croisière française. Toutefois, l'absence d'exonération fiscale pour les marins crée aujourd'hui une distorsion de concurrence et constitue un frein au recrutement.
Cet amendement tend donc à étendre aux marins embarqués sur des navires immatriculés à Mata'Utu le régime d'exonération d'impôt sur le revenu qui est applicable aux marins du RIF, afin de garantir l'égalité de traitement, la sécurité juridique et la compétitivité du pavillon français.