M. Grégory Blanc. Mes chers collègues, nous avons tous lu le rapport que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) a publié en octobre 2024. Les raisons pour lesquelles le quotient conjugal renforce les inégalités y sont décrites avec précision.
Nous proposons, par cet amendement, de recentrer le quotient conjugal sur les foyers pour lesquels il est justifié socialement, tout en corrigeant les dérives actuelles mises en lumière par le CPO.
Pour rappel, près de 40 % des gains totaux liés à la conjugalisation et à la familialisation de l'impôt profitent aux 15 % des ménages les plus aisés. La conjugalisation seule représente environ 40 % de l'effet total, soit un coût fiscal proche de 11 milliards d'euros.
Cet amendement vise à exclure du bénéfice du quotient familial les foyers dont le revenu fiscal de référence dépasse 120 000 euros. Cette disposition permettrait de neutraliser l'avantage injustement capté par les deux déciles supérieurs, de réduire le coût budgétaire d'un dispositif devenu régressif et de renforcer l'équité horizontale dans les couples.
En effet, comme Mme Margaté l'a indiqué, la fiscalité peut aujourd'hui être un frein à la séparation lorsqu'il existe d'importantes différences de revenus dans le couple.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai dans la foulée l'amendement n° I-1355.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l'amendement n° I-1355, présenté par MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, et qui est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du 5 de l'article 6 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'avantage fiscal résultant du quotient conjugal est plafonné à 7 000 euros par foyer fiscal. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Grégory Blanc. Cet amendement pourrait, me semble-t-il, recueillir un large assentiment de notre assemblée. Il vise à plafonner l'avantage fiscal lié au quotient conjugal à 7 000 euros.
L'avantage fiscal subsisterait, mais il serait plafonné. J'y insiste : le manque à gagner pour les caisses de l'État s'élève à 11 milliards d'euros. Il faut remédier à ce problème.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mme la ministre indiquait en aparté à ses conseillers que le problème est dû à la concentration des revenus.
Le quotient conjugal répond à un certain nombre de problèmes. Vous proposez de modifier son mode de calcul, or je ne suis pas sûr que votre amendement garantisse une amélioration.
Vous proposez en effet d'exclure totalement du bénéfice du quotient conjugal les couples pacsés ou mariés dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 120 000 euros. Cela créerait un effet de seuil potentiellement dangereux.
Prenons l'exemple d'un couple dont l'un des membres gagne 10 000 euros par mois et dont l'autre est sans emploi : le fait pour le second de prendre un emploi faiblement rémunéré n'aurait absolument aucun intérêt financier. Je ne suis pas sûr que cela soit ce que vous souhaitez ; peut-être devriez-vous, mon cher collègue, davantage travailler votre amendement. Pour l'heure, s'il était adopté, il ne produirait pas les effets que vous en attendez.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Grégory Blanc. Quid de l'amendement n° I-1355 ?
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. L'impôt sur le revenu est très concentré. En effet, 10 % des foyers acquittent 75 % de l'impôt sur le revenu ; 3 % d'entre eux en paient 13 %. Les chiffres que vous indiquez, monsieur le sénateur, ne sont que le miroir d'une telle concentration : des milliards d'euros sont payés par un très petit nombre de personnes. (M. Daniel Fargeot acquiesce.)
Il faut aussi prendre en compte la dynamique : les deux tiers de la hausse du rendement de l'impôt sur le revenu sont acquittés par 10 % des ménages. Les impôts sont donc réellement très concentrés, mais les revenus eux-mêmes le sont.
J'ajoute que la courbe de progressivité des taux d'imposition n'est pas linéaire, les taux étant de 11 %, 30 %, 41 %, 45 %, avant la CEHR. Certains voudraient faire des tranches à 10 %, 15 %, 20 %, 25 %, 30 % et 35 %. Ce n'est pas notre régime aujourd'hui.
Par ailleurs, le quotient conjugal est déjà plafonné à environ 23 000 euros.
Votre amendement, monsieur le sénateur, présente un écueil majeur : s'il était adopté, il créerait un effet de seuil énorme. Il séparerait les contribuables en deux catégories. Le Conseil constitutionnel censurerait une telle mesure.
Par ailleurs, des questions pratiques se posent. Proposez-vous que l'on ne calcule plus les parts ? Qu'en serait-il de la familialisation ? Mettriez-vous le quotient conjugal à zéro au-dessus de 120 000 euros ?
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces deux amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Je veux bien retirer l'amendement n° I-1354, qui était un amendement d'appel. Il visait simplement à rappeler que le CPO – ce ne sont pas des révolutionnaires ! – a souligné que le quotient conjugal entraîne des distorsions majeures et que la manière dont l'impôt est construit engendre de terribles inégalités.
En revanche, je maintiens l'amendement n° I-1355. J'aimerais connaître plus précisément votre avis sur cet amendement, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, qui vise à mettre en œuvre une préconisation du CPO. L'idée n'est pas de moi, je ne me suis pas réveillé un matin en me disant qu'il fallait plafonner l'avantage fiscal lié au quotient conjugal à 7 000 euros !
Il me semble que nous devrions être capables, dans le cadre de notre discussion budgétaire, de corriger certains effets d'aubaine. Il y a aujourd'hui des choses qui ne vont pas dans la loi. C'est le fruit de l'histoire, mais le CPO nous invite à les corriger.
J'aimerais donc un avis argumenté et étayé sur l'amendement n° I-1355.
Mme la présidente. L'amendement n° I-1354 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-1355.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-1255, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L'article 80 quater est abrogé ;
2° Le II de l'article 199 octodecies est ainsi rétabli :
« II. – Les sommes d'argent mentionnées à l'article 275 du code civil lorsqu'elles sont versées sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle la convention de divorce par consentement mutuel mentionnée à l'article 229-1 du même code a acquis force exécutoire ou le jugement de divorce est passé en force de chose jugée ne constituent pas des revenus imposables pour leur bénéficiaire. » ;
3° Au premier alinéa de l'article 1133 ter, les mots : « et qui ne sont pas soumis aux dispositions de l'article 80 quater du présent code » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Toutes les études convergent : lorsqu'un couple se sépare, les trajectoires économiques de ses membres divergent.
Le niveau de vie des femmes diminue en moyenne de 22 % après une séparation, celui des hommes de 3 % seulement. Cette différence n'est pas une exception, elle ne résulte pas d'un accident, elle est la conséquence directe de décennies de temps partiels subis, d'interruptions de carrière et de travail domestique gratuit, autrement dit d'un système qui repose encore sur l'exploitation du travail des femmes.
La prestation compensatoire a été conçue pour corriger cet écart, mais le droit fiscal en neutralise une partie en raison du calendrier de son versement. En effet, si la prestation est versée rapidement, la bénéficiaire n'est pas imposée, mais si, pour des raisons très concrètes, à cause d'un manque de trésorerie ou des revenus trop faibles de l'ex-conjoint, le versement est étalé, en général sur huit ans, ce même capital devient alors imposable pour la femme.
Or la nature de la prestation ne change pas. Ce qui change, c'est que l'ex-conjointe, déjà en situation de fragilité économique, est soudainement imposée.
Le dispositif actuel pénalise celles qui ont le plus besoin de protection, qui sont aussi celles qui attendent des versements souvent tardifs. Il créé une situation absurde, la fiscalité aggravant précisément l'inégalité qu'elle est censée corriger.
Notre amendement vise donc simplement à restaurer une cohérence. Une prestation compensatoire reste une prestation compensatoire, quel que soit son mode de versement ; le traitement fiscal doit donc être identique, tout simplement.
C'est une mesure de justice, de cohérence et une mesure féministe. C'est aussi une mesure de classe, car les femmes les plus concernées sont celles qui ont travaillé toute leur vie en exerçant des métiers pénibles pour des salaires modestes. Elles ne doivent pas voir leur prestation compensatoire amputée par l'impôt.
Je vous invite donc à soutenir cet amendement, chers collègues.
Mme la présidente. L'amendement n° I-2065 rectifié, présenté par M. Canévet, Mme Havet et MM. Folliot, Dhersin, Courtial, Longeot, Delcros et Bleunven, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 80 quater du code général des impôts est abrogé.
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Michel Canévet.
M. Michel Canévet. Cet amendement a été brillamment présenté par notre collègue, dont je partage l'analyse.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements visent à rééquilibrer le régime fiscal applicable aux prestations compensatoires, dans l'objectif de protéger les parents divorcés ou séparés, en particulier ceux qui sont en situation de précarité.
Le dispositif proposé manque toutefois sa cible, puisque les foyers fiscaux les plus modestes ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu. Il me paraît donc fortement improbable que le dispositif proposé puisse bénéficier aux personnes en situation de précarité.
Par ailleurs, si l'ex-conjoint bénéficiaire de la prestation compensatoire a également la charge des enfants, il peut bénéficier du quotient familial et de la demi-part fiscale pour parent isolé.
Si l'amendement vise à défiscaliser la prestation compensatoire pour sa bénéficiaire, il ne tend pas à prévoir, en miroir, de fiscalisation de cette somme pour l'ex-conjoint débiteur. On aboutirait donc à une double exonération de cette somme, qui ne peut être acceptée.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le débat sur ce sujet revient chaque année. Nous devons être conscients des enjeux de redistribution et des effets de bord, éventuellement pervers, de tels amendements. Au demeurant, je comprends très bien l'intention de leurs auteurs.
Aujourd'hui, la personne qui perçoit la prestation compensatoire est imposée parce que la somme est déduite du revenu de son débiteur. Sinon, cette somme ne serait pas du tout imposée, ce qui n'est pas souhaitable. Il faut en être conscient, alors que nous venons d'avoir un long débat sur l'imposition minimale.
Quand la prestation est versée de manière périodique et récurrente, elle est effectivement assimilée à une pension alimentaire, car elle en prend la forme.
Madame la sénatrice, je comprends votre argument, mais je rappelle que le juge aux affaires familiales prend évidemment en compte l'enjeu fiscal et la capacité contributive de chacun. Il dispose de tableaux pour prendre en compte ces éléments fiscaux dans le calcul du montant de la prestation. Le régime de la prestation compensatoire, prestation dont il est possible d'étaler le versement sur huit ans, est aujourd'hui stabilité.
Nous allons examiner dans quelques minutes une série d'amendements sur le traitement fiscal des pensions alimentaires. J'évoquerai là encore les possibles effets de bord de ces amendements. Ce n'est pas parce qu'une idée peut sembler bonne qu'il ne faut pas y réfléchir à deux fois.
Le Gouvernement demande donc le retrait de ces deux amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Ce sujet, qui est une question de justice, est en réalité double. Nous débattrons dans un instant de son autre volet : les pensions alimentaires. Il est profondément injuste que celles et ceux qui perçoivent une prestation compensatoire ou une pension alimentaire et celles et ceux qui la versent ne soient pas traités sur un pied d'égalité.
De même, il n'est pas juste que la fiscalité des prestations compensatoires ne soit pas la même selon les modalités de versement.
Permettez-moi un propos léger, une plaisanterie, madame la ministre : je suis très impatience de découvrir les effets de bord de nos amendements. Il est vrai que nous découvrons ce sujet et qu'il est temps de l'étudier...
Selon M le rapporteur général, le dispositif proposé manque sa cible, car les personnes les plus précaires ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu. Or l'ensemble des études, notamment celles du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, montrent que la plus grande inégalité frappe non pas les familles les plus précaires, car elles bénéficient d'un filet de sécurité dans notre pays, s'agissant notamment des prestations compensatoires et des pensions alimentaires, mais les femmes qui gagnent entre 1,1 Smic et 1,3 Smic.
Ce sont elles qui sont doublement, voire triplement pénalisées par l'injustice intrinsèque que vient de pointer à l'instant notre collègue Margaté et que nous relèverons à notre tour, les unes et les autres, dans quelques instants concernant les pensions alimentaires.
Recentrons donc le débat. Les sujets que nous abordons sont parfaitement documentés, mais les réponses qui nous ont été faites manquent un peu la cible de ces amendements, que nous soutenons.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Compte tenu des explications très claires de Mme la ministre et de M. le rapporteur général, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-2065 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-1255.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-2625 rectifié, présenté par Mme M. Vogel, M. Dossus, Mme Senée, MM. G. Blanc, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Souyris, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début de l'article 80 septies, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les pensions alimentaires reçues pour l'entretien d'un enfant mineur ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu. » ;
2° Après le deuxième alinéa du 2° du II de l'article 156, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le contribuable ne peut opérer de déduction pour les sommes versées pour ses descendants au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation. »
3° L'article 194 est ainsi modifié :
a) Après le c du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le contribuable versant une pension alimentaire au titre de l'entretien et l'éducation d'un enfant qui n'est pas réputé à sa charge, se voit attribuer 0,25 part pour chacun des deux premiers et 0,5 part à compter du troisième. » ;
2° La dernière phrase du II est supprimée.
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Ma collègue Mélanie Vogel a fait le constat que, alors que les trois quarts des décisions de justice confient la garde exclusive des enfants aux mères, que 97 % des pensions alimentaires versées par l'un des parents à l'autre, pour participer aux frais liés à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, le sont par les pères, les femmes sont, comme souvent, fortement désavantagées par le cadre qui régit les pensions.
Les femmes sont notamment affectées par le double standard fiscal – déduction pour les uns, imposition pour les autres – alors qu'elles sont déjà les grandes perdantes en cas de séparation. En effet, 75 % des femmes perçoivent des revenus inférieurs à ceux de leur conjoint. Les inégalités sont renforcées lors des séparations : en moyenne, le niveau de vie des femmes chute de 20 %, celui des hommes de 3 % seulement.
Par ailleurs, le montant des pensions, qui s'élève en moyenne à 190 euros par mois en France, ne couvre jamais le coût réel de l'éducation d'un enfant, estimé pour sa part à 625 euros.
Le régime applicable impose aux deux parents une double déclaration : les pensions sont déductibles du revenu du débiteur, sous conditions de ressources, évidemment, mais imposables pour le créancier, qui est pourtant souvent en situation de précarité, comme les femmes isolées avec enfants. La pension alimentaire est donc considérée comme un revenu imposable pour les mères qui la perçoivent et peut en outre peser dans le calcul des prestations sociales.
La fiscalité qui pèse sur les pensions alimentaires est donc un cadeau que l'État fait aux hommes des classes moyennes supérieures. Elle renforce davantage encore l'inégalité entre les pères et leurs ex-conjointes.
Un amendement au dispositif similaire a été adopté à l'Assemblée nationale en première lecture, mais il a suscité un certain nombre de critiques. Nous proposons donc des modifications. Notre amendement vise ainsi à prévoir, d'une part, la défiscalisation de la pension perçue afin de réattribuer la charge fiscale au débiteur, d'autre part, l'attribution d'une part supplémentaire dans le quotient familial au parent redevable de la pension.
Mme la présidente. L'amendement n° I-1256, présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au début de l'article 80 septies du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les pensions alimentaires reçues au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant mineur ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu. ».
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. La pension alimentaire est un outil censé garantir le droit de l'enfant à être entretenu par ses deux parents. En réalité, elle révèle aujourd'hui une fracture profonde, sociale et genrée.
Le montant des pensions alimentaires reste très faible en France. Il est en moyenne presque quatre fois inférieur au coût réel d'un enfant, mesuré par les travaux de recherche.
Dans la très grande majorité des cas, les mères prennent en charge la différence. Elles le font souvent seules, alors que leur budget est déjà fragile, les familles monoparentales figurant parmi les ménages les plus exposés à la pauvreté.
Dans ce contexte, notre système fiscal produit une absurdité : alors que le parent qui verse la pension, souvent un homme, ne la déclare pas comme un revenu, ce qui est légitime, la mère qui la perçoit doit, elle, l'intégrer dans son revenu imposable. Autrement dit, une contribution destinée à couvrir les besoins de l'enfant finit par augmenter l'impôt de celle qui en a déjà la charge quotidienne.
Nous demandons donc une chose simple : que les pensions alimentaires reçues pour les enfants cessent d'être fiscalisées.
Certains le diront, une telle mesure a un coût, évalué à 400 millions d'euros. Toutefois, ces estimations ne tiennent pas compte du fait que de nombreuses mères seules ne sont déjà pas imposables, puisqu'elles vivent déjà sous le seuil de pauvreté. En réalité, l'effort budgétaire serait donc moindre. Et même si ce coût était exact, serait-il trop élevé alors qu'il s'agit de soutenir les familles les plus précaires, d'améliorer les conditions de vie de centaines de milliers d'enfants et de réduire une injustice qui frappe les femmes ?
Mme la présidente. L'amendement n° I-1660 rectifié, présenté par M. Iacovelli, Mme Havet, MM. Buis, Mohamed Soilihi, Lévrier, Rambaud et Khalifé, Mme Aeschlimann et MM. Patient et Théophile, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début de l'article 80 septies, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les pensions alimentaires reçues pour l'entretien d'un enfant mineur ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu dans la limite de 4 000 euros par enfant, plafonnée à 12 000 euros par an. »
2° Après le deuxième alinéa du 2° du II de l'article 156, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le contribuable ne peut opérer de déduction que pour les sommes versées pour ses descendants mineurs au-delà du seuil fixé à l'article 80 septies lorsqu'ils ne sont pas pris en compte pour la détermination de son quotient familial. »
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement de mon collègue Xavier Iacovelli vise à défiscaliser la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants pour le parent qui la reçoit, dans la limite d'un plafond fixé à 4 000 euros par enfant et à 12 000 euros par an, et à intégrer la part de la pension alimentaire dans le calcul du quotient familial du parent débiteur.
Mme la présidente. L'amendement n° I-645, présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Brossel et Canalès, MM. Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Devinaz, Fagnen, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Marie, Mme Matray, MM. Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au début de l'article 80 septies du code général des impôts, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les pensions alimentaires reçues pour l'entretien d'un enfant mineur ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu dans la limite de 4 000 euros par enfant plafonnée à 12 000 euros par an. »
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Je vais enfoncer le clou. La question qui se pose est la suivante : la pension alimentaire est-elle un revenu ? La réponse est non : la pension alimentaire vise à contribuer à l'éducation et à l'entretien des enfants. Dès lors, la situation actuelle est profondément injuste.
Au cours de sa mission d'information sur les familles monoparentales, la délégation aux droits des femmes a auditionné de nombreuses personnes. Toutes nous ont fait part de leur sentiment, que nous avons relayé dans notre rapport : il est profondément injuste que la pension alimentaire puisse être déduite du revenu imposable du parent non gardien et qu'elle vienne augmenter celui du parent gardien.
En effet, de qui parle-t-on ici ? Dans 83 % des cas, de mères solo ! Or, en tant que telles, elles cumulent déjà certaines inégalités – professionnelles, sociales et de genre – qui les conduisent sur le chemin de la précarisation. Il faut donc absolument combattre cette injustice.
Surtout, il ne s'agit pas que d'une seule injustice, car cette mesure aura un effet démultiplicateur.
D'une part, quand le parent non gardien – le père, dans 83 % des cas – est, pour quelque raison que ce soit, défaillant et ne peut verser de pension alimentaire, c'est la solidarité nationale, via l'allocation de soutien familial (ASF), qui prend le relais. Or, contrairement à la pension alimentaire que touchent les femmes, qui se sont battues pour percevoir ce à quoi elles ont droit, l'ASF ne s'ajoute pas au revenu imposable de la bénéficiaire.
D'autre part, parce qu'elle est prise en compte dans le revenu imposable, la pension alimentaire affecte le calcul d'un certain nombre de prestations sociales. Le voilà l'effet démultiplicateur !
J'ajoute que nous avons mis en place, dans un certain nombre de collectivités, des tarifications fondées sur le revenu pour la cantine, les centres de loisirs, etc. Mais quand les mères perçoivent enfin ce à quoi elles ont droit, quand elles ont assez de sous pour remplir leur frigo,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame Brossel.
Mme Colombe Brossel. … eh bien, elles doivent payer plus cher un certain nombre de prestations et perdent en outre le bénéfice de certaines aides sociales.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. En premier lieu, ces amendements ne me semblent pas toucher leur cible. J'ai précédemment évoqué le niveau de revenu des ménages. Les foyers fiscaux les plus modestes ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu. En 2022, seuls 20 % des ménages qui percevaient une pension alimentaire étaient redevables de cet impôt.
En deuxième lieu, les parents isolés bénéficient d'aides ou d'avantages fiscaux, comme le quotient familial et la demi-part fiscale supplémentaire.
En troisième lieu, la fiscalisation des pensions alimentaires entraînerait pour leurs débiteurs un surcroît d'impôt significatif, ce qui aurait pour conséquence d'amoindrir les capacités contributives que le juge prend en compte pour déterminer le niveau de la pension alimentaire, d'où des pensions moins élevées. Je ne pense pas que ce soit votre objectif.
J'ajoute, pour ce qui concerne l'amendement n° I-2625, que l'attribution au parent débiteur d'un quart de part fiscale supplémentaire pour compenser la fiscalisation des sommes versées est contradictoire et coûteuse.
J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements.