Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour présenter l'amendement n° I-644.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement identique, dont le premier signataire est Patrick Kanner, vise à préserver le mécénat. Il existe en effet un risque que la réduction d'impôt à laquelle le mécénat ouvre droit ne devienne inefficace et ne soit pénalisante.
Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier, pour présenter l'amendement n° I-1338 rectifié ter.
M. Martin Lévrier. Il a été très bien défendu par mes collègues.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J'opposerai deux arguments à ces amendements.
Le premier argument est technique : l'assiette de la CDHR est minorée par l'intégration du bénéfice de nombreuses niches fiscales. Si je ne suis pas philosophiquement favorable à la complexité qui découle de ce mode de calcul, les niches qui sont déductibles de la CDHR sont essentiellement des dépenses fiscales relatives à l'activité professionnelle et aux entrepreneurs individuels.
L'application à ces derniers de la CDHR aurait pour effet de neutraliser l'effet de ces avantages fiscaux, également applicables à l'impôt sur les sociétés et, par conséquent, de créer une différence de traitement entre les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés. Ce n'est pas le cas de la réduction d'impôt pour les dons.
Le deuxième argument est plus politique : nous aurons après l'article 3 un débat sur la juste imposition au cours duquel nous aurons l'occasion d'apprécier la création ou l'aggravation d'un certain nombre d'impositions sur le patrimoine.
J'émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je rappelle que la réduction d'impôt sur les dons est plafonnée à 20 % du revenu fiscal de référence.
Nous sommes très heureux de compter dans notre pays des ménages aisés qui contribuent à des actions d'utilité publique dans de nombreux domaines, mais convenez qu'il ne serait pas cohérent d'inclure dans le mécanisme visant à faire en sorte que chacun acquitte un impôt moyen effectif de 20 % du revenu fiscal de référence une réduction fiscale au titre de dons pouvant atteindre 20 % de ce revenu.
Le projet de loi de finances prévoit de doubler le plafond de déductibilité de la niche Coluche, pour le soutien à des associations d'aide aux personnes en grande difficulté, et de la porter à 75 %. La niche fiscale dite réduction d'impôt « dons » connaît une croissance de près de 6 % par an. C'est une bonne nouvelle : cela signifie que les gens s'engagent dans la vie sociale, associative, collective et les grands projets.
M. Albéric de Montgolfier. Les ménages pallient les défaillances de l'État !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Comme l'a dit le rapporteur général, il faut garder une cohérence avec le mécanisme de CDHR qui vous est proposé.
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Je suis souvent d'accord avec Dominique de Legge et Jean-Baptiste Lemoyne, mais, dans le cas présent, je suis aussi d'accord avec Patrick Kanner. C'est dommage qu'il ne soit pas présent ce matin ; il aurait été content de voir que je vais dans son sens aujourd'hui.
Il est tout de même aberrant d'inclure les dons dans les revenus. Comment peut-on imaginer de telles choses ? Si l'on donne, on donne ! Le don, j'y insiste, ne peut pas être inclus dans le revenu.
Comme l'indique très justement Patrick Kanner dans l'objet de son amendement, il serait dommage de décourager les dons aux associations. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-560 rectifié ter, I-644 et I-1338 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° I-1353, présenté par MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... – Pour l'application du présent article, les contribuables dont le domicile fiscal est situé hors de France sont également soumis à la contribution lorsque le montant de leurs revenus de source française excède 250 000 € pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et 500 000 € pour les contribuables soumis à imposition commune.
Pour ces contribuables non-résidents, les revenus mentionnés au 1° du III s'entendent des seuls revenus de source française et les impositions mentionnées au 2° du même III sont limitées aux impositions dues à raison de ces revenus.
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Cet amendement relève de la même logique, de la même philosophie, que celui qu'a présenté tout à l'heure Bernard Delcros, lequel est devenu sans objet à la suite de l'adoption de l'amendement n° I-2522 rectifié bis.
Comme l'a expliqué notre collègue, des non-résidents qui réalisent des plus-values ou qui perçoivent des revenus en France ne sont pas redevables de la CDHR. Il faut absolument rééquilibrer le dispositif, sinon, un non-résident français qui vivrait à Bruxelles, en Belgique, qui aurait une entreprise en France et réaliserait des plus-values immobilières ou des plus-values sur ses opérations économiques ne serait pas assujetti à la CDHR.
Il est donc impératif de rétablir la justice fiscale et de valoriser ceux qui font le choix de notre pays, le choix d'y habiter, d'y travailler et d'y payer leurs impôts.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour un rappel au règlement.
M. Thomas Dossus. Mon rappel au règlement, qui se fonde sur l'article 44, alinéas 6 et 7, du règlement du Sénat, porte sur l'examen en priorité, demandé par le Gouvernement, des articles 11, 12, 18, 19 et 26, ainsi que des amendements portant articles additionnels après ces articles.
Nous nous sommes aperçus que si certains de ces amendements sont bien appelés en priorité, d'autres sont restés à leur place initiale dans le dérouleur.
Je comprends que l'ordre de discussion a un lien avec la présence ou non de certains ministres au banc, mais, pour la clarté de nos débats et pour que ceux de nos collègues qui ont déposé des amendements sur les articles concernés soient bien informés, pourriez-vous nous dire quels sujets seront abordés en priorité et pour quelles raisons ? Quelle règle a présidé à ce choix ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la demande de priorité avait pour objectif de permettre au ministre Roland Lescure, par respect pour votre assemblée, d'être présent au Sénat pour l'examen des articles 4, 11 et 12, c'est-à-dire des dispositions relatives à la fiscalité des entreprises.
L'examen des amendements portant articles additionnels, notamment après l'article 12, posait difficulté. Les amendements qui portent sur la fiscalité des entreprises ont été joints à la série appelée en priorité. En revanche, les amendements qui ont trait à la fiscalité du logement et à certains sujets de fiscalité locale, conservent leur place initiale.
Nous essayons de faire en sorte que les ministres compétents puissent être présents au moment de l'examen des sujets relevant de leur portefeuille, tout en gérant des impératifs de calendrier en raison de la reprise de la discussion de certains textes à l'Assemblée nationale – mais c'est notre problème !
Mme la présidente. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° I-1262, présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 4 bis du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Pour une durée de dix ans, et sous réserve des conventions fiscales signées par la France, les personnes de nationalité française ayant résidé au moins trois ans en France sur les dix années ayant précédé leur changement de résidence fiscale vers un État pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France en matière d'imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine. Les personnes soumises aux obligations du présent alinéa bénéficient d'un crédit d'impôt égal à l'impôt sur ces mêmes revenus qu'elles ont déjà acquitté dans leur pays de résidence. »
La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Notre amendement tend à maintenir pendant dix ans la résidence fiscale en France lorsque le contribuable s'établit dans un territoire où la fiscalité est inférieure de moitié à la nôtre.
Il s'agit non pas de créer une imposition fondée sur la nationalité – nous y sommes évidemment opposés –, mais de prévoir une clause anti-abus, limitée et proportionnée, visant des départs strictement motivés par l'optimisation patrimoniale.
L'argument qui nous est souvent opposé – il s'agit d'expatriés qui travaillent à l'étranger – ne tient pas : ces contribuables perçoivent des revenus de source étrangère et ne sont donc pas concernés. Nous visons les délocalisations fiscales de très hauts patrimoines, peu nombreuses, mais dont l'impact budgétaire est considérable.
Le contexte a changé depuis 2016. L'échange automatique d'informations rend désormais possible une taxation effective des revenus transférés à l'étranger. Surtout, ce mécanisme n'a rien d'innovant. La Suède l'applique déjà et met en œuvre une règle conforme au droit européen. Elle maintient ainsi ses contribuables dans le champ de l'impôt pendant dix ans après leur départ.
Dès lors, la question est simple, mes chers collègues : souhaitons-nous laisser subsister une brèche permettant aux détenteurs de certains capitaux de se délocaliser fiscalement sans se délocaliser économiquement ? Ou assumons-nous de protéger l'assiette fiscale commune contre ces stratégies d'évitement ?
Notre amendement vise non pas à bouleverser la résidence fiscale, mais à la sécuriser.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le sénateur, je formulerai deux remarques.
La première est d'ordre philosophique : vous risquez, comme vous l'avez d'ailleurs évoqué, d'introduire un critère de nationalité dans la détermination de l'impôt, alors que notre système fiscal repose sur un critère de résidence.
La seconde est d'ordre technique. Votre dispositif est inopérant, et ce pour trois raisons.
D'abord, votre amendement s'appliquerait sous réserve des conventions fiscales internationales, qui couvrent 130 pays.
Ensuite, le critère que vous proposez pour définir un pays à fiscalité limitée, à savoir un État où la fiscalité est inférieure de plus de 50 % à celle de la France, est difficile à appliquer. Bonne chance pour suivre année par année le dispositif et l'évaluer !
Enfin, l'adoption de cet amendement aurait pour effet de pénaliser les binationaux.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Vous abordez un très bon sujet international, à savoir les conventions fiscales. La France et le Brésil, soutenus par l'Allemagne et l'Espagne, ont inscrit ce sujet à l'agenda du G20 et de l'OCDE en 2024.
Le problème est le suivant : comment instaurer un impôt minimum mondial sur les particuliers, à l'instar de l'impôt minimal sur les multinationales, mis en place après une négociation très longue, mais – on le sait – conclusive ?
C'est donc, je le répète, un très bon sujet. En tant que représentante française à l'OCDE pendant deux ans, j'ai promu des idées assez proches de la vôtre, monsieur le sénateur, mais le dispositif doit être intégré dans les conventions fiscales. À défaut, comme l'a dit M. le rapporteur général, si la France agit seule, sa décision sera contestée. En outre, d'un point de vue opérationnel et pratique, nous n'obtiendrons pas les mêmes résultats qu'avec les multinationales.
La France est donc d'accord avec vous, mais nous défendons ce dispositif dans la bonne instance qui, malheureusement, est non pas le Sénat, mais l'OCDE.
Mme la présidente. L'amendement n° I-2419, présenté par M. Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Ros, Lurel, Omar Oili, Bourgi et Temal, Mme Matray, M. Devinaz, Mme Narassiguin, M. Mérillou, Mme Bélim, MM. Uzenat, Stanzione, Ziane et Tissot et Mme Brossel, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de la section III du chapitre premier du titre premier de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts est complété par un article 1407... ainsi rédigé :
« Art. 1407.... – À compter du 1er janvier de l'année qui suit l'année de son départ à l'étranger, un Français résidant en dehors de l'Union européenne, propriétaire ou disposant de la jouissance d'une ou de plusieurs résidences secondaires sur le territoire national, peut déclarer une de ces résidences comme résidence d'attache auprès du service des impôts du lieu de situation du bien immobilier concerné selon des modalités et des conditions fixées par décret. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Cet amendement, dont les premiers signataires sont Yan Chantrel et Hélène Conway-Mouret, a pour objectif de créer un cadre fiscal de résidence principale pour la résidence détenue en France par des contribuables vivant en dehors de l'Union européenne.
En effet, la possibilité d'avoir un bien sur le territoire national permettrait de maintenir un lien fort avec celui-ci. Dans un contexte où nos compatriotes établis hors de France ont de plus en plus le sentiment de ne pas être des Français à part entière, une politique visant à encourager le maintien d'un lien pérenne avec le territoire national serait un signal fort. Nos compatriotes sont en effet souvent obligés de renoncer à une résidence en France, faute de moyens suffisants.
S'il était adopté, cet amendement permettrait aux parlementaires, à l'administration et au Gouvernement de poursuivre les discussions entamées ces trois dernières années pour décider du contour de ce nouveau cadre fiscal, qu'il nous reste à construire.
Nous défendons cette proposition afin d'établir une plus grande justice sociale entre Français.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ma chère collègue, votre amendement me semble assez largement satisfait, puisque le code général des impôts prévoit depuis 2014, à l'article 1414 A, une exonération de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, notamment sur le logement qui constituait la résidence principale en France avant l'expatriation.
Au surplus, je ne vois pas la nécessité de ce nouvel avantage fiscal.
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Madame la sénatrice, votre proposition est intéressante, mais très difficile à mettre en œuvre juridiquement.
J'ajoute aux arguments avancés par le rapporteur général que l'adoption de cet amendement poserait une difficulté au regard du droit européen, qui ne permet pas de discriminer selon la nationalité, et des pratiques fiscales au sein de l'Union.
En outre, la loi de finances pour 2024 comporte déjà une disposition qui permet, l'année suivant le retour en France après un séjour à l'étranger, de ne pas être redevable de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Il s'agit de reconnaître le lien que vous évoquez.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° I-306 rectifié quater, présenté par MM. Lévrier, Buis, Mohamed Soilihi, Rambaud, Longeot, Patient et Théophile, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1417 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... – L'ensemble des prestations et allocations sociales, qu'elles soient imposables ou non, sont ajoutées au revenu fiscal de référence de chaque bénéficiaire aux fins de calcul de l'éligibilité et du montant des aides personnelles au logement et de toute prestation sociale conditionnée à des ressources. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article, notamment la liste exhaustive des aides devant être prises en compte et l'articulation avec les dispositifs existants. »
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Permettez-moi, mes chers collègues, de commencer en évoquant un exemple : Mme Dupont a travaillé toute sa vie, mais pas toujours à temps plein, et perçoit une pension de retraite de1 035 euros par mois. Même si elle ne paie pas d'impôts, elle dispose d'un revenu fiscal de référence.
Dans le même temps, M. Durand, qui, lui, n'a jamais travaillé, touche lui aussi 1 035 euros, au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).
À ma grande surprise, M. Durand a droit certaines allocations sociales, auxquelles Mme Dupond, elle, ne peut pas prétendre, car elle dispose d'un revenu fiscal de référence. C'est surprenant.
Le présent amendement vise tout simplement à prendre en compte toutes les aides sociales, qu'elles soient imposables ou non, dans le calcul du revenu fiscal de référence, par souci d'équité. Certaines prestations sociales sont prises en compte dans ce revenu, d'autres non : il serait plus simple que toutes le soient.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Lévrier, votre proposition suppose en réalité une réforme de plus grande ampleur. Je ne suis pas sûr qu'elle puisse être mise en œuvre par voie d'amendement.
En revanche, il faut évidemment traiter le problème que vous soulevez. Cela relève de la responsabilité du Gouvernement. Mme la ministre pourra sûrement vous répondre plus en détail.
La commission demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je souhaite faire du problème que vous soulevez l'une des priorités de mon action à partir du 2 janvier 2026, si toutefois nous parvenons à adopter un budget et si je reste en fonction.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Soyez optimiste ! (Sourires.)
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je souhaite engager une réforme sur ce sujet, ainsi qu'une réforme de la taxe sur les salaires. Nous pourrons les lancer dans des délais raisonnables.
Monsieur Lévrier, vous soulevez un problème majeur : aujourd'hui, au fond, le revenu fiscal de référence n'est plus réellement une référence. On dénombre près de 200 exceptions, certains types de revenus, de prestations et de compensations n'étant pas pris en compte dans le calcul du revenu fiscal de référence.
Le problème, c'est que tous les barèmes sociaux, eux, sont calculés en prenant en compte le revenu fiscal de référence, qui n'en est pas un en réalité.
Nous avons donc devant nous trois grands chantiers. Le premier est en grande partie informatique : il s'agit d'intégrer tous les revenus dans le revenu fiscal de référence. Le deuxième, lui, est politique : il faut recalculer les barèmes, notamment ceux qui donnent accès aux prestations sociales. Le troisième chantier a été annoncé par le Premier ministre : la réforme de l'allocation sociale unique. Le projet de loi annoncé vise aussi à répondre à une partie de ces questions.
J'aimerais lancer ce chantier en 2026, dès que nous aurons un budget, en y associant tous les parlementaires qui le souhaitent. Ce chantier, très intéressant, à a voir avec la lisibilité de la fiscalité et le consentement à l'impôt. Il permettra à chacun de mieux comprendre comment s'imbriquent les systèmes sociaux et fiscaux.
Monsieur le sénateur, je vous demande donc de retirer votre amendement, mais je prends l'engagement ferme de prendre en compte le problème que vous soulevez dans nos réflexions sur le revenu fiscal de référence, les barèmes sociaux et l'allocation sociale unique. C'est nécessaire pour notre régime fiscal.
Mme la présidente. Monsieur Lévrier, l'amendement n° I-306 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Martin Lévrier. Mes chers collègues, sachez que je n'avais initialement aucune envie de retirer cet amendement et que je n'ai pas reçu d'appel du Gouvernement, contrairement aux bruits qui courent. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
J'ai déposé cet amendement après que le président d'un office de HLM m'a parlé de ce problème, que j'ai trouvé complétement dingue.
Madame la ministre, je suis très heureux de votre réponse et je vous fais confiance : je retire donc mon amendement.
M. Olivier Paccaud. Quel talent !
M. Albéric de Montgolfier. C'est un vrai sujet !
Mme la présidente. L'amendement n° I-306 rectifié quater est retiré.
L'amendement n° I-1269, présenté par MM. Barros, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L'article 6 est ainsi modifié :
a) Le 1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes mariées et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité peuvent choisir, sur option, d'être soumis à une imposition distincte de leurs revenus. » ;
b) Le 4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Lorsqu'ils en ont choisi l'option. » ;
c) Au premier alinéa du 5, après le mot : « sont », sont insérés les mots : « , sauf option contraire du contribuable, » ;
d) À la première phrase du 8, après le mot : « solidarité », sont insérés les mots : « soumis à l'imposition commune » ;
2° À la première phrase du quatrième alinéa du I de l'article 194, après la référence : « 4 » , sont insérés les mots : « ou du deuxième alinéa du 5 ».
II. – Un décret fixe les modalités d'application du présent article.
II. – La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à Mme Marianne Margaté.
Mme Marianne Margaté. Cet amendement a pour objet l'imposition commune des couples mariés ou pacsés.
La règle de base en France est celle de la fusion fiscale : deux personnes deviennent un foyer et se voient appliquer un quotient familial et un taux d'imposition. Elle est issue d'une tradition ancienne, fondée sur une vision très particulière de l'institution maritale : le barème est conçu pour s'appliquer à un chef de famille et à une personne à charge.
Nous proposons une option d'imposition distincte, et non une obligation, afin que chacune et chacun ait le droit de choisir. Au fond, notre proposition est la version fiscale de ce qui a enfin été accepté en droit civil : il s'agit de faire en sorte que chaque personne dans un couple existe pleinement, qu'une femme ne soit pas fiscalement définie par les revenus de son conjoint.
Si une telle proposition pouvait contribuer, même modestement, à réduire les inégalités de genre, à diminuer la dépendance économique dans les couples et à donner à chaque personne la maîtrise de son revenu, nous aurions déjà réalisé une belle avancée.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La législation a évolué depuis peu sur le sujet de la déconjugalisation de l'imposition, ce qui a amélioré la situation.
En outre, s'il était adopté, votre amendement aurait des effets de bord sur lesquels nous manquons de maîtrise. La commission y est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La question, très ancienne, de savoir si l'imposition doit être individuelle ou par foyer en France a été tranchée dans le code civil : les conjoints doivent se porter assistance. Dès lors qu'un pacte civil de solidarité (Pacs) ou un mariage est conclu, l'imposition se fait sur l'ensemble du foyer.
Aujourd'hui, par défaut – et c'est une nouveauté –, le taux de prélèvement à la source est individualisé. Ainsi, si la femme perçoit un revenu mensuel très inférieur à celui de son mari…
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Ou l'inverse !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. …, elle peut être moins imposée que celui-ci, voire ne pas l'être du tout, alors que, précédemment, le taux par défaut était le taux moyen du couple. Il s'agit d'une réelle avancée.
Toutefois, l'impôt reste calculé sur les revenus de l'ensemble du foyer, qui sont donc familialisés ou conjugalisés. Pour choisir entre un taux individuel et un taux commun, il faut faire une petite manipulation au début de sa déclaration des revenus.
Madame la sénatrice, individualiser d'emblée les taux d'imposition coûterait à l'État près de 1,5 milliard d'euros. La déconjugalisation, rendue possible il y a quelques années, n'est que partielle aujourd'hui.
J'entends l'argument féministe en faveur de la déconjugalisation totale de l'impôt. Malheureusement, si votre amendement était adopté aujourd'hui, le Conseil constitutionnel considérerait probablement que la mesure est contraire à la Constitution. Il faut néanmoins poursuivre la réflexion sur ce sujet.
Madame la sénatrice, je suis à votre disposition pour chiffrer ce qu'un tel changement de régime coûterait à l'État. Le résultat, peut-être contre-intuitif, sera intéressant.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° I-1354, présenté par MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du 5 de l'article 6 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice du quotient conjugal ne s'applique pas lorsque le revenu fiscal de référence cumulé des personnes mariées ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité excède 120 000 euros. »
La parole est à M. Grégory Blanc.


